Angegreen réfléchissait, et semblait assez nerveux. Ceci fit légèrement sourire Mélinda. Même pour un redoutable démon, affronter une bande de filles en chaleur était un exercice périlleux. Ils sortirent du métro, rejoignant assez rapidement une voiture stationnée, où Mélinda s’assit à la place du mort, confiant à Angegreen un collier avec une caméra. Mélinda ouvrit un ordinateur portable, et lança un logiciel en double-cliquant sur une icône du Bureau. Une barre de chargement apparut, se remplissant progressivement, et un menu apparut, montrant, à gauche, l’image de la caméra, et, à droite, une série de réglages. On pouvait lire différents titres présentant les rubriques : « SON », « VIDÉO », ou encore « ÉTAT DU SIGNAL ». L’image était convenable, et la voiture finit par s’arrêter près d’une belle maison.
« Nous y sommes, lança la femme qui conduisait, portant des lunettes noires.
- Génial ! s’exclama la vampire. Ouvre le coffre, Angegreen, et change-toi. Je te confierai ensuite une oreillette. »
Il y avait dans le coffre un costume élégant. Il était hors de question qu’il se présente devant Jun en ayant un simple pantalon en cuir. Mélinda regarda la maison. Une belle voiture venait de s’arrêter, laissant sortir une autre fille, son mec, son beau-père, ou son chauffeur, repartant rapidement dans un crissement de pneus sur le gravier. Elle tenait un pack de bière, et rentra sans se donner la peine de sonner, signe que la fête avait déjà bien commencé. Il y eut un coup de klaxon de la part du chauffeur, faisant sortir la tête de la femme. Elle dit quelque chose avec un grand sourire, souffla un baiser, écarta légèrement son chandail, révélant ainsi son sein. Ce geste donna lieu à un second coup de klaxon, et la voiture démarra. Sûrement son petit copain. La vampire ne dit rien, conservant l’ordinateur portable sur ses genoux, et attrapa une espèce de micro, ressemblant à une espèce d’agent secret hors norme. Angegreen ne tarda pas à apparaître devant sa fenêtre, changé, sapé comme un prince.
« Vas-y, et illustre-toi », lâcha Mélinda avec un grand sourire.
Suivant les instructions de la vampire, le brave démon s’éloigna, marchant vers la maison. C’était une belle demeure, avec un jardin et une piscine à l’arrière. Rien à voir avec le vaste manoir de Mélinda, mais rien à voir non plus avec une maison de bonnes. Le prix du foncier étant assez élevé dans cette partie de la ville, c’était une honorable acquisition. Angegreen sonna à la porte, qui ne tarda pas à s’ouvrir.
« Aaaaaaaaahhhhh !!!! » s’exclama une fille maquillée à outrance en voyant l’homme, avant de sautiller sur place comme une espèce de kangourou à ressort.
Une musique forte résonnait dans le salon. Ce n’était pas du metal, mais c’était indéniablement du rock occidental. Mélinda ne disait rien, et l’une des filles fit signe à l’homme d’entrer, refermant la porte. Ce manque de précaution était consternant. Il y avait un petit vestibule avec un couloir menant au jardin, et, sur la gauche, le salon. Des cadavres de paquets de chips, de bouteilles de Coca, gisaient par terre. Au moins, elles n’avaient pas sorti la dope ou l’alcool. Des petites filles bien sages qui s’invitaient un strip-teaseur avec la carte de crédit du père.
« Jun est sur le canapé », lâcha Mélinda.
Difficile de se méprendre. Jun était une belle femme, qui avait choisi de conserver son uniforme scolaire. En même temps, il fallait dire qu’il lui allait plutôt bien.
« Salut, toi ! Je suis Jun, mon mignon. T’es à croquer ! »
Ça gloussait, ça riait, ça piaffait. Mélinda avait l’impression d’avoir des dines bonnes à égorger. Elles mataient l’homme. Jun semblait attendre quelque chose, concernant un sourire espiègle. Elle était la seule à boire de l’alcool, et, avec ce petit air autoritaire dans les yeux, et ce sourire, Mélinda l’imaginait bien forcer ses petits copains à lui lécher les pieds. Elles étaient la fière incarnation de la femme décomplexée, qui manipulait sans difficulté les mecs en jouant avec leurs hormones. L’illustration d’une jeunesse décérébrée ayant perdu tout valeur, tout sens de la famille, tout sens de respect. Ils étaient plus à plaindre qu’à gifler. Mélinda ne lui faisait que leur infliger des corrections.
« Tends ta carte et présente-toi ! » ordonna-t-elle au démon, le trouvant un peu lent à réagir, et un peu trop rigide.
Cet abruti allait tout faire foirer ! Mélinda était à deux doigts de l’insulter, de se sortir ce balai qu’il semblait avoir dans le cul pour agir en digne démon.