Fierté, Pouvoir, Éveil [Maîtresse] (Terminé)

Il fait sombre, si sombre... Cette odeur qui me dérange depuis tout à l'heure est l'odeur habituelle des bas-fonds : sang, l'odeur la plus habituelle, accompagnée de l'odeur dérangeante et piquante du sperme et de la sueur. Mais aujourd'hui, une quatrième odeur se rajoute au reste : décomposition. C'est donc le col de mon uniforme remonté au maximum, de façon à avoir le tissu sur le nez, que j'avance vers ma destination du jour : un coin où on ne me surveillera pas. Je le sens, depuis que j'ai été témoigner à Tekhos je suis suivi.

Je fais une pause pour regarder discrètement derrière moi. Rien, si ce n'est du sang qui s'échappe d'une gouttière. Je ris à l'idée que quelqu'un se soit fait tuer sur un toit, qui pourrait être assez con pour se battre sur un toit ? Peu importe. Je dois continuer ma route le plus vite possible. Non pas pour éviter de me faire tuer, mais pour ne pas vomir à cause de l'odeur. Au bout d'une ruelle, je vois un combat entre deux terranides, un renard et un chat, qui tentent de se cacher au même endroit. Bande d'idiots. Tranquillement, je sors mon revolver et je vise entre les deux. Malheureusement, le renard tente de griffer le chat quand je tire, et se prend une balle plasma relativement silencieuse dans le bras. Son cri, lui, est moins silencieux. Par mesure d'equité, je tire dans le poignet du chat aussi. Puis je m'approche, lentement.

-Du calme, bande de crétins. Il y a assez de place pour deux ici.
-Oui mais...
-C'est cette femme...
-Quelle femme ?
-Ben justement... la voilà !!
-Coureeeeeeeeeez !!

Les deux terranides s'enfuient à toutes jambes pour échapper à la silhouette qui s'est dessinée au bout de la ruelle. Il s'agit d'une femme, aux cheveux noirs si j'en crois l'obscurité, et un masque bizarre. Rien de bien inspirant, encore une sorcière... Ce qui m'étonne, c'est l'absence de chapeau pointu. Les sorcières adorent ce cliché. Dans toute ma subtilité, je m'adresse à la nouvelle venue. Je ne sais pas pourquoi... L'envie de discuter, la fierté qui me commande et me dit de lui faire face ? Peu importe.

-Félicitations, une vraie terreur. Trêve de sarcasmes, qui es-tu ?

La scène aurait pu être intégrée sans problème dans un mauvais film d'horreur, on était vraiment dans une caricature réelle du pire du cinéma. Une jeune neko et deux autres terranides profitant des derniers rayons du soleil à la terrasse d'un vieux bar miteux. Tout vieux bar à son vieux barman qui s'amuse à faire peur à ses clients, en leur racontant les dernières légendes urbaines, par exemple. Et depuis peu, il y avait une rumeur selon laquelle une créature noire avait déjà dévoré plusieurs passants dans les bas fonds. Personne ne savait vraiment d'où elle venait ou ce qu'elle voulait, elle terrorisait juste le voisinage, sans raison apparente. Bien sûr les trois jeunes gens n'avaient pas cru un seul instant à l'histoire du vieux barman, même si le mode opératoire était assez gerbant. D'après le vieil homme la créature violait ses victimes avant de les déchiqueter, morceau par morceau. Puis lorsqu'elle s'était bien défoulée sur le corps de sa victime elle ouvrait sa grande gueule pour l'avaler.

Alors que la nuit tombait, les trois adolescents se préparaient à rentrer, les nuits étaient dangereuses dans ce quartier mal famé et ils ne voulaient pas être pris au milieu d'un règlement de compte ou d'autre chose. Mais c'est le genre de choses qu'on ne choisit pas, surtout lorsque à quelques pâtés de maisons un prédateur sort chasser et que vous êtes sa proie. Le groupe croisa une femme à moitié nue, juste couverte par des espèces de tentacules noires. Mais ce qui glaça le sang des trois jeunes proies, ce fut son regard, un regard calme, froid et déterminé, leurs instincts de terranides les mirent en garde mais, bien trop tard. La femme se précipita sur eux et l'un des tentacules noir s'enroula autour de la gorge de la petite neko, tandis que les autres déchirèrent ses vêtements avant de la pénétrer sauvagement. Les deux autres s'enfuirent, complétement paniqués, ils ne pouvaient qu'entendre leur amie crier, des cris horribles et de pire en pire jusqu'à un silence qu'ils interprétèrent à raison comme la mort de la neko.

C'est ainsi que la créature fit son apparition devant Veridi, elle voulait encore chasser, la chasse était si amusante dans ce monde. Voir ses victimes courir et crier, tant de plaisirs qui étaient impossibles à imaginer pour elle il y a quelques mois. Les avant-bras et la gorge de sa forme de sorcière étaient recouverts de sang frais et son regard était toujours aussi froid et menaçant. Néanmoins elle s'arrêta.

"Félicitations, une vraie terreur. Trêve de sarcasmes, qui es-tu ?"

La mâchoire de la créature se déforma dans un craquement sinistre, devenant disproportionnée par rapport à son visage et celle-ci arbora un sourire carnassier qui lui donnait des allures de bête sauvage prête à attaquer. Se retrouver face à une personne aussi calme l'énervait, elle voulait le voir courir et pleurer comme un bébé, elle voulait voir son visage se décomposer devant elle. Elle s'approcha lentement, puis tourna autour du jeune homme en lançant des grognements d'excitation, elle voulait le voir céder à la peur. Ensuite elle le violera et le dévorera, comme toutes ses victimes précédentes. De toute façon elle se sentait invincible, impossible qu'un gosse dans son genre puisse lui résister.

La sorcière s'est fait pousser une mâchoire, dans le genre grosse mâchoire dégoulinante de bave, un peu comme un gros toutou enragé. Elle s'approche ensuite lentement, ses tentacules à l'affût. Je raffermis mon emprise sur le revolver, au cas où j'en aurais besoin. Au final, non. Elle continue de me tourner autour, en essayant de paraître menaçante. Pour quelqu'un qui a vu la gueule d'une hydre à moins d'un mètre dès sa naissance, cette mâchoire à de quoi faire pleurer... de rire. Je retiens un petit rire, en le maquillant en une quinte de toux un peu sèche. Au prochain tour, elle verra un petit sourire moqueur. Non, sérieusement. C'est de ça dont les terranides avaient peur ? Je suis un Dieu ! Enfin, un ex-Dieu. Il n'empêche en rien que par rapport aux Enfers, ce mélange entre un poulpe et un chien enragé est ridicule. Le seul chien qui m'ait jamais fait peur est Cerbère, le chien de mon grand-père.

-Pas de nom ? Dans ce cas je vais te nommer Machin.

Dans un grand élan de moquerie, je ramasse un bâton, une petite branche d'environ 30 centimètres, je l'agite sous son nez et le lance au loin en accompagnant le geste de ma voix moqueuse. Il est temps qu'elle voie que je ne suis ni intéressé, ni même effrayé par la métamorphose.

-Allez Machin, va chercher !

Je n'ai pas changé, décidément. Toujours aussi enclin à la moquerie, même après l'affaire GD-2.

Le ton moqueur de ce petit crétin était insupportable pour la créature, elle ne pensais plus qu'à une chose : quelle était la façon la plus horrible pour le faire taire ? Lorsque Veridi la nomma "Machin" elle s'arrêta brusquement de lui tourner autour et repris son apparence normale en voyant que c'était inefficace. Elle resta derrière lui et grommela quelque chose tandis qu'il ramassait un bâton et le lançait.

"Allez Machin, va chercher !"

Brusquement les tentacules noires se jetèrent sur l'ex-dieu pour le plaquer contre le mur le plus proche. Puis deux autres tentacules s'enfoncèrent dans le mur juste à côté de sa tête, une dernière menace censée effrayer sa proie. La fausse sorcière se mit à hurler :

"Ta gueule ... Ta gueule ! Ta gueule, ta gueule, ta gueule ! TA GUEULE !!! Je vais te violer jusqu'à ce que tu sois heureux d'être un bon sac à foutre ! Et ensuite je prendrais mon pied à te bouffer les tripes pendant que tu me suceras, pauvre minable !!! A la fin tu me suppliera de t'achever et je te laisserai pourrir et crever comme le dernier des chiens ! Ensuite je me servirai de tes papiers pour trouver ta famille, ta maison et je les tuerai tous de la même façon !"

Le regard de la sorcière n'était plus calme et froid du tout, c'était un regard remplit de haine, de colère. Elle ne supportait pas qu'on la contrarie, même un petit peu. L'un de ces tentacule appuya contre le pantalon de l'ex-dieu, juste au niveau de son anus et la créature se mis à rire en disant :

"Qu'est ce que tu en pense ? Ça rentre dans ton cul, ça gonfle, ça arrive au fond, ça creuse encore et d'un seul coup ... BAM ! CRAC ! Tu t'imagine crever avec le trou de balle de la taille d'un putain de poteau électrique ? Oh attend ... Et si je t'empalai sur un poteau et que je te regardais te vider comme ça ? Et ensuite je te planterai les câbles dans les couilles et PAF CHÂTAIGNE !!!"

La sorcière riait comme une démente, en fait non, pas "comme", elle était complétement démente et en plein délire. Elle ne se doutait pas encore que c'était elle qui devrait avoir peur et pas l'inverse.

Et c'est ainsi que je me sentis voler, puis me faire plaquer violemment contre un mur. Je me laissais faire. Après tout, l'affaire GD-2 m'a fait perdre le contrôle de ma propre fonction, mais ma force divine est encore là. Machin commence à s'exciter ? C'est à moi de la calmer, de force. D'ailleurs, ce tentacule qui me touche le cul est grandement dérangeant. En prenant tout mon temps, je posai le canon du revolver sur le tentacule et pressai la détente. Tir plasma à bout portant. Une voix parla directement dans mon oreille droite.

-Cible identifiée. Ces tentacules sont des tentacules de slime.

Merci, Sherlock, je n'avais pas remarqué. Tandis que le tentacule est poussé en arrière et que la détonation répand des morceaux de slime sur le mur, je commence à parler sérieusement. N'est pas fier qui veut.

-Ecoute bien, Machin. Je suis Veridi, Dieu de la Malédiction, fils de Thanatos et d'Eris.

J'appuie sur le chien du revolver, pour faire sortir la lame plasma en mode baïonnette, et je prends toujours mon temps. Mon sourire a quitté mon visage, et a laissé place à une expression des plus neutres. Avec la lame, je coupe le tentacule à gauche de ma tête.

-J'ai grandi aux Enfers, entouré de bestioles toutes plus dangereuses les unes que les autres. Tu es ridicule à coté des trois-quarts - non, à coté de tous ces monstres, sans exception.

Pour le dernier tentacule, je le prends dans ma main gauche et le serre jusqu'à explosion. Avoir du sang divin signifie être au-dessus des vivants. Je me dégage de l'emprise des tentacules aisément, et je marche vers la chose en face de moi. Un truc tombe de mon oeil, mais ce n'est pas une larme. C'est... une lentille de contact ? Autant la remettre rapidement... Et continuer de raisonner ce monstre. En faire un vrai monstre, et pas une pâle copie.

-Et tu persistes à exister devant moi ? Pique donc ta petite crise, ca me fera un récit quand j'atteindrai enfin l'Olympe, pour distraire ma famille. Tu sais, la famille divine que tu voulais tuer... Tu es si naïve... Machin.

Tout cela a pour but de l'énerver, qu'elle me montre de quoi elle est vraiment capable. Si elle est capable de quoi que ce soit d'ailleurs.

Un coup de feu retentit, puis le cri de la sorcière le couvrit très largement :

"AAAAAAAAAAAAAH !!! ÇA FAIT MAL BORDEL !!!"

Elle venait de prendre une balle dans l'un de ses tentacules et malgré le fait que ça ne la blesse pas vraiment, ce genre de chose faisait mal, très mal. Et brusquement la créature arrêta de crier, sitôt qu'elle eut entendu le mot "Dieu". Lorsque l'autre tentacule fut coupé elle grimaça mais, sans vraiment hurler, comme si quelque chose la préoccupait plus que ses propres membres. Le dernier tentacule fut explosé à main nue et la sorcière eut presque un sourire d'admiration devant la puissance d'un Dieu. Elle avait écouté attentivement tout ce qu'il avait dit et son esprit tordu avait immédiatement trouvé comment profiter de cette occasion. Entrons dans sa tête un instant :

*Un Dieu ici ? Fils de Thanatos et Eris, je suppose que cette Eris est sa mère. Il dis qu'il a grandit autour de créatures puissantes aux enfers, il doit y avoir des femelles dans le lot. Je sais qu'il n'a pas encore vu ma forme de souris donc je pourrais le suivre discrètement, dévorer deux ou trois monstres puissants des enfers, puis dévorer sa mère et acquérir la même puissance. Cette foutue sorcière devait bien avoir un sort pour se sortir des situations de ce type. Ah ! Je sais !*

La créature était redevenue calme et plus réfléchie, elle avait compris qu'elle ne gagnerait pas pour l'instant et qu'il était plus sage de le suivre discrètement jusqu'à l'endroit qui l’intéressait. Sans prendre la peine de répondre à son adversaire, elle pointa la paume de sa main vers lui et une petite boule grise apparut. La boule fut envoyée vers le Dieu et lui explosa à la figure, libérant ainsi un écran de fumée qui l'empêchait de voir ce qu'il se passait. L'écran de fumée avait aussi une autre particularité, accessoire mais, amusante : transformer les vêtements masculins en vêtements féminins.

Ainsi Veridi se retrouvera affublé d'une jupe, de talons hauts, d'un haut de bikini et d'un sac en cuir, sans oublier le maquillage. Pendant ce temps la créature s'était transformée en souris et s'était cachée de façon à pouvoir garder un œil sur le jeune homme. La filature pouvait commencer, à supposer que sa diversion ait marché.

J'ai juste eu le temps de voir la boule grise arriver. Je crois que j'ai un peu paniqué.

-Repli !

Je me suis poussé rapidement, courant vers une autre ruelle, et me retournant pour tirer sur la boule. Dans une belle explosion grise, j'ai vu un passant se faire travestir. Le plus amusant dans l'histoire, c'est que le passant me ressemble, de loin. Enfin, le ou la passante ? C'est difficile à dire. Peu importe. Pourquoi Machin avait-elle fait ça ? Pourquoi tenter de me travestir d'un coup ? Et où a-t-elle disparu ? Le passant en lui-même se mit à hurler et à courir. Bémol au plan que j'avais prévu... Le passant est loin d'avoir la même voix que moi. Je vais suivre le passant, discrètement. Passant de ruelle en ruelle, et de coin de rue en coin de rue, pour le voir rentrer dans une maison. Nous sommes maintenant dans une ruelle un peu plus fréquentée, et...

-Il ne faut pas qu'il se rapproche plus, il va nous voir !

Encore cette voix dans mon oreille droite. Je vais me rapprocher, pour voir ce qui se passe. Et, comme je m'en doutais, une Tekhanne est devant moi, dans son uniforme moulant. Elle semble surprise de me voir, lâchant un petit cri que j'étouffe bien vite avec ma main. La suite de la discussion se fait en chuchotant, et dans un coin sombre. J'ai l'impression qu'on m'épie, et pourtant la Tekhanne qui m'épiait est juste devant moi.

-Qu'est-ce que vous foutez là ?
-Et vous ?!
-Pourquoi me surveillez-vous ?

Ici, la Tekhanne émet un raclement de gorge qui promet un long discours, barbant mais explicatif. J'écoute donc le speech qu'elle me fait, les yeux fermés, le menton dans la main et le sourire de madame je-sais-tout.

-Sujet n° 144, vous avez été classé en dangerosité C depuis l'incident GD-2. Nous avons donc pris des mesures, consistant à vous surveiller dans n'importe quel contexte. C'est pourquoi...
-Vous avez vu ce que j'ai fait ?
-Oui. Mais vous étiez en état de légitime défense, il n'y a donc rien d'illégitime dans vos ac...
-Je parle de la lentille. Je n'ai jamais porté de lentilles de ma vie.

Tout de suite, elle émet un cri de surprise et se tait bien vite. Elle prend la même expression que j'avais lorsque j'ai tout raconté à Machin, pour lâcher deux mots.

-Secret défense.
-Il s'agit de moi.
-Je ne peux rien vous dire.
-Et si je les retire ?
-NON !!

Enfin une réaction intéressante. La Tekhanne est dans tous ses états depuis que je l'ai débusquée, c'est amusant. Je vais jouer avec elle, le temps que ses gentils traceurs retrouvent Machin. Je fais semblant de mettre mes doigts sur mes yeux, afin de retirer les lentilles, mais elle intercepte ma main avant. Elle serre mon avant-bras avec une force impressionnante pour une humaine. Enfin, ça ne fait pas vraiment mal, mais...

-Bien, je vais tout vous dire. Mais avant tout, nous devons émettre un rapport afin de vous classer en dangerosité S une fois que vous saurez tout. Seuls les Dieux à part entière sont classés en dangerosité S, et quelques rapports de tueurs de Dieux, qui se comptent sur les doigts d'une main, sont classés en dangerosité X !
-Je ne suis plus vraiment un Dieu à part entière.
-Sans ces lentilles, si.
-Je ne me contrôle plus, et c'est un miracle que les malédictions se soient arrêtées depuis peu.

Elle reste silencieuse, pendant un bon bout de temps. Décidément, j'ai l'impression qu'on m'observe. Je ne sais pas pourquoi... Puis je comprends enfin son air navré. Cet air de celle qui veut le dire, mais qui ne peut pas. Je sens qu'elle va rester silencieuse si je lui expose ma théorie.

-Ces lentilles sont là pour supprimer l'envoi de malédictions ?
-...
-Je le savais. Quel est votre nom, soldat ?
-Je... heu... Lisa Violet...
-Veridi da Silva, comme je pense que vous le savez. Lisa, est-ce que je peux effectuer des communications à distance, comme vous pouvez le faire avec moi ?
-Oui. Un micro a été implanté dans votre palais.
-Quand ?
-... Secret défense.
-Vos secrets m'emmerdent. Je retourne chercher Machin, j'en avais pas fini avec. Adio, Lisa.

Je m'en retourne donc vers la fin de la ruelle, tandis que je laisse la Tekhanne en état de choc. Elle était en mission de surveillance et d'espionnage, et non seulement je l'ai trouvée mais en plus, je lui ai soutiré des informations. Elle va sans doute perdre son job. Bof, je pourrais m'en foutre un peu moins, mais c'est pas sûr. En passant dans la ruelle, je sens un truc anormal sous mon pied, et qui couine. En relevant le pied, je vois... Une souris ? Bon... Je la ramasse et la mets sur mon épaule.

-Et toi, souris, sais-tu où est Machin ?

Je commence à parler aux animaux... Je suis vraiment trop décontracté...

Après ma transformation j'ai directement sauté sur le toit le plus proche pour épier mon ticket d'entrée sur l'Olympe. C'est que les réflexes du Dieu étaient plutôt bons, voire complétement abusés. Se replier alors que je venais à peine de lancer mon sort, sortir son flingue, faire un tir parfait à mi-distance et le tout en étant complétement pris par surprise, ça ! C'était déjà sacrément balaise ! Mais débusquer une espionne Tekhanne dans la foulée, ça, c'était du jamais vu !

S'en suivi une discussion que je n'ai pas pu suivre vu qu'ils parlaient à voix basse. Donc je me suis rapprochée et je n'ai pu entendre que la fin, à savoir :

"-Un micro a été implanté dans votre palais.
-Quand ?
-... Secret défense.
-Vos secrets m'emmerdent. Je retourne chercher Machin, j'en avais pas fini avec. Adio, Lisa."

Résumons, j'ai pris le risque de me faire repérer et je me suis fais chier à traverser deux rues pour : Entendre qu'on lui avait enfoncé un téléphone dans son orifice buccal sans son consentement, découvrir que la Tekhanne en question s’appelait Lisa et avait tout de la cruche procédurière sortie tout droit d'un mauvais James Bond. À ceci j'ai répondu par une pensée que je trouve très explicite : *MEEEEERDEUH !!!*.

Enfin bref, il était temps de recommencer à suivre mÔsieur le dieu tout puissant, je me suis donc dépêchée de courir au bout du toit où je me suis retrouvée face au vide et obligée de sauter. Vous vous rappelez de ce genre de moment ? Celui où tu es convaincu que tu es sur le point de faire une énorme connerie ? Ce genre de sentiment prémonitoire : "Je le sent pas, putain je le sent pas !". C'est bon ? Tout le monde l'a ? Et bah là, c'était exactement la même, le saut de toit en toit je le sentais pas du tout, j'ai tenté, je suis tombé, on m'a marché dessus ... Pour rendre la chose encore plus débile c'est la personne que j'étais censée suivre qui m'a écrasée et il a été encore plus loin : Histoire de mettre une cerise sur ce gâteau, il m'a explosée la queue avec ses gros doigts en tirant dessus et ... Bande de pervers !

Néanmoins toutes ces souffrances ne furent pas vaines puisque je me suis retrouvée sur l'épaule de mÔsieur sans vraiment comprendre comment. Du coup je n'aurais pas besoin de le suivre et je n'avais plus qu'à me reposer en attendant qu'il ne trouve pas la créature qui était sur ses épaules. J'espérai simplement qu'il n'ai pas la mauvaise idée d'essayer de me dresser pour faire un numéro de cirque. Et je rajoute que j'ai faillit m’étouffer de rire lorsqu'il m'a dit : "Et toi, souris, sais-tu où est Machin ?". J'avais presque envie de gueuler : "Ton épaule Ducon ! Ton épaule ! E-P-A-U-L-E, épaule !" mais, je pouvais pas donc j'ai rien dis et je lui ait tiré la langue quand il avait le dos tourné.

Ah, si seulement j'avais les yeux de mon père ! Ses yeux, eux, au moins, affichent le nom et la durée de vie d'une personne. Le nom m'aurait aiguillé, au moins ! Ah non, c'est vrai. Je ne connais pas son nom non plus. Me revoilà à rechercher Machin dans les bas-fonds. Bizarrement, après avoir croisé un mutant pareil, je ne sens même plus l'odeur de sang, ni même celle de décomposition. Ca fait du bien de pouvoir respirer à l'air libre ! D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi, mais les griffes de la souris sur mon épaule pincent drôlement ma peau, comme si elle enrageait. Bof. Autant continuer à errer, après tout... Je n'ai pas de destination en particulier.

J'irais bien revoir ma famille, papy Zeus, tonton Hermès, tonton Apollon, papy Hadès - ah non, je peux pas, il est aux Enfers... bref tout le monde quoi ! Le problème, c'est la question que j'ai posé au premier inconnu qui est passé. Il s'est avéré être le terranide sur lequel j'ai fait feu tout à l'heure. Je crois qu'il ma pris pour un extraterrestre quand je lui ai demandé ce que je voulais savoir.

-Hey, dis-moi ? C'est où l'Olympe ?
-L'Olympe ?
-Ouais.
-On parle bien du mont Olympe, que l'on voit depuis tout Terra ?
-Sans doute...
-Il est relativement difficile d'accès ! Seuls les Dieux et certains privilégiés peuvent y entrer, les autres... Eh bien, on ne les a jamais revus.

Je suis un Dieu, l'Olympe est donc cette grosse montagne et pas un palais comme je l'imaginais, bref je peux retourner voir ma famille ! Mais pas tout de suite, j'attendrai. Il faut d'abord que je retrouve Machin... Où peut bien être cette foutue sorcière ? Je refais le chemin que j'ai fait, à l'envers, adressant un petit coucou à l'espionne Tekhanne, qui m'ignora totalement pour cause de dépression, et retournai à l'endroit où elle a lancé son sort.

-Hey, Machin ! Montre-toi, maintenant, c'est plus drôle, ce jeu du chat et de la souris !

Le mot souris... Fut-ce le déclic ? En tout cas, je remarquai que la souris n'était plus sur mon épaule. Mais où ? Où, bordel ? Où avait bien pu fuir cette sour... Machin !! Cette souris était Machin depuis le début ! Je me suis laissé avoir comme un bleu !!

-Lisa Violet. Si je retire mes lentilles alors que cette chose m'attaque, suis-je en état de légitime défense ?
-Affirmatif.

Alors je les retirerai si elle m'attaque. Et elle sera maudite, par le Dieu de la Malédiction lui-même. C'est un grand honneur, de ne plus jamais pouvoir faire quelque chose correctement à cause d'un type qui paraît faire 19 ans, non ?

Ce que ne savait pas Veridi, c'est que le pouvoir de son père ne lui aurait été d'aucune utilité vu que la créature n'avait pas de nom. Créature, Maîtresse, Monstre, Chose, Slime, Sorcière, c'était ça ses noms et encore. Pendant que ma monture me cherchait désespérément, je me faisais les griffes et les dents sur son épaule, histoire de passer le temps et d'aiguiser tout ça, on sait jamais. En fait j'avais déjà oublié notre petit différent, la seule chose qui m’importait à l'heure actuelle c'était d'avoir ma place sur l'Olympe. J'y voyais la meilleure opportunité d'évoluer rapidement et de gagner des pouvoirs intéressants.

Mais malgré ma faible forme actuelle, il y a une chose étonnante avec ces petits rongeurs, c'est leur capacité à pré-sentir le danger. Ainsi dès que Veridi a prononcé le mot souris j'ai senti qu'il allait me soupçonner et j'ai été me réfugier chez la Tekhanne, histoire d'être à l'abri avec crucruche. Et j'ai été particulièrement contente de prendre cette décision, car quelques secondes plus tard mon cher destrier avait une conversation très intéressante avec l'espionne. D'après ce que j'avais compris, notre petit Dieu ne pouvait pas utiliser ses pouvoirs comme bon lui semblait, dans le cas contraire crucruche ferait son rapport et paf le Dieu. Je me suis donc mise juste sous le nez de la Tekhanne qui ignorait totalement qui j'étais et cette sombre abrutie a immédiatement mordue à l'hameçon :

"Au fait, je viens de retrouver votre souris."

mÔsieur tout puissant allait surement se pointer dans la minute, ce qui me laissait un peu de temps pour gagner le cœur de crucruche et une alliée précieuse. J'ai commencé à jouer avec elle, à faire tout ce qu'elle voulait comme une gentille petite souris bien dressée, à frotter ma tête sur le revers de sa main. Et comme attendu crucruche craqua et se répandit dans une grande démonstration de sentiments tous plus gerbants les uns que les autres. Si en plus d'être conne elle avait été inutile je l'aurai tuée pour moins que ça.

Quoi qu'il en soit, nounouille (bah oui faut bien varier un peu) m'avait adoptée, ça Veridi ne devait pas l'avoir prévu et j'avais hâte de voir la tronche qu'il fera quand il s'apercevra qu'il devra dorénavant supporter ma présence sans râler. D'un autre côté je me disais aussi qu'il faudrait arriver vite sur l'Olympe, parce que ça promettait d'être mortellement chiant.

Où était-elle passée ? Foutue sorcière, Toujours à m'échapper d'une manière ou d'une autre. Je n'ai pas vu de forme humaine depuis un certain temps. Est-elle encore en forme de souris ? Ça faciliterait les choses, remarque... Quoique. Cette forme humaine au loin... ! Ah non. C'est un jeune aux cheveux blancs et avec des marques rouges sous les yeux. Je note qu'il a le même genre de revolver que moi. Bah, autant passer mon chemin. Une voix m'interpelle. Lisa Violet.

-Au fait, je viens de retrouver votre souris.

Machin ?! Il est temps de se rendre sur place, et vite. Je croise bien vite un type dans une ruelle, qui essaie de m'attaquer au couteau. Sûrement un de ces jeunes en manque d'adrénaline... Peu importe. Je prends appui sur un mur, puis je saute. Saut de l'ange. Je retombe donc en plongeant sur lui, et je tire trois coups de feu. Deux épaules, une oreille et une main droite. Joli trophée. Si j'avais eu le temps d'aller prendre un module de capture d'image, j'aurais fait l'aller-retour juste pour immortaliser le moment. Mais non, pas le temps. Je prends élan sur le corps du type, et je monte sur le toit d'en face d'un grand bond. Balcon par balcon, je n'allais pas monter dix mètres en un bond, je suis puissant mais quand même ! De toit en toit, je retrouve la Tekhanne, dans la ruelle. Je recharge le revolver, et j'effectue ma grande descente. J'atterris aux pieds de la Tekhanne, qui me regarde avec un mélange d'admiration et de terreur. Encore une fois, j'ai failli écraser Machin. D'ailleurs, mon revolver se pointe sur la souris qui me regarde de haut, de plus bas. Aussitôt, la Tekhanne bondit, outrée.

-Da Silva, que faites-vous ?!
-Je chasse la souris.
-Mais vous ne pouvez pas ! Elle est trop mignonne !
-Il est interdit de chasser la souris ?
-Non, mais...
-Alors j'ai le droit de la descendre.

La Tekhanne reste silencieuse, fermant les yeux pour ne pas voir le "massacre". Moi, je reste immobile, attendant le moindre mouvement de Machin. D'ailleurs, ma voix moqueuse résonne une nouvelle fois dans Nexus.

-Echec et mat, Machin.

Décidément ce petit homme était bien digne de son titre de Dieu, son entrée en scène avait été complétement exagérée, comme dans les mauvais films qui misent tout sur les effets spéciaux. Je dois dire que j'étais partagée entre le sentiment désagréable de constater qu'il me surpassait complétement et l’excitation d'obtenir bientôt ce pouvoir pour moi. J'étais obligée de reconnaitre que ma race était faible, même en combinant la force de milliards de mes semblables je n'arrivais toujours pas à la cheville des plus puissantes créatures de ce monde-ci. Mais fort heureusement, je n'avais pas hérité que de leur forces, j'avais aussi leur intelligence, leur savoir, leurs aptitudes et surtout, une soif de pouvoir sans limite. Et c'est bien parce que je ne suis plus une bête sauvage que je me suis avouée vaincue, je sentais bien qu'il était inutile de me battre contre lui, surtout qu'il avait de bonnes raisons de ne pas m'attaquer.

Je regardais le flingue braqué sur moi sans m'inquiéter, certes les armes à projectiles des humains étaient redoutables contre les êtres de ce monde mais, il fallait plus que ça pour me blesser. Ce qui me dérangeait vraiment, c'est qu'il était impossible qu'il n'ait que ses flingues, un Dieu digne de ce nom se devait d'avoir des pouvoirs spéciaux et je n'avais aucune idée de leur nature. La tekhanne s'étonna de voir la souris adopter un comportement typiquement humain, celle-ci haussait les épaules en soupirant et l'espionne compris vite pourquoi. J'ai repris ma forme de sorcière, il était inutile de continuer à jouer la comédie, de toute façon il ne m'attaquera pas sans une bonne raison de le faire. Du coup j'ai décidé de jouer franc jeu avec lui, lui disant simplement :

"Omniscient mon cul, t'en a mis du temps à comprendre ... Bref ! Emmène moi sur l'Olympe ! J'ai à faire là bas !"

Au ton qu'elle avait employé ça ne ressemblait pas à une demande mais plus à un ordre. Veridi continuera-t-il à jouer son jeu pour passer le temps ou refusera-t-il qu'on lui parle comme à un serviteur ? En tout cas la créature voulait tenter le coup, pour voir et puis surtout parce que c'était dans sa nature. De toute façon il était clair que ce Dieu lui portait un certain intérêt, sinon il n'aurait jamais rebroussé chemin pour la chercher. Elle avait prévu de jouer de cette corde-ci pour en faire ce qu'elle voulait, après tout comment un puissant Dieu pouvait il craindre une créature comme elle ? Tant qu'il ne savait pas à propos de ses pouvoirs d'assimilation tout ira bien.

Le rire. Le rire franc, celui du type qui a entendu la meilleure blague de sa vie. C'est bien ça, c'est ce à quoi je pense. Machin me demande - non, m'ordonne - de l'emmener sur l'Olympe. Je m'approche, toujours en riant, et la regarde droit dans les yeux.

-Moi, t'emmener sur l'Olympe ? Pas question. Tu sais quoi, tu peux y aller seule, et je regarderai le spectacle de mon peuple qui ne fera de toi qu'une bouchée. Peut-être même littéralement, si tu prends ta forme de souris.

De toute manière, la seule chose qui me retenait avec Machin, c'était ma fierté qui refusait de lâcher l'affaire. Machin est tellement faible, ça ne vaut même plus le coup. Quoique, il me reste une dernière chose à faire. Je retire ma lentille gauche, et je ferme aussitôt l'oeil gauche. Voyons voir sa réaction, si je la préviens.

-Tu ne me forceras pas non plus à aller là-bas. Je suis Veridi, Dieu de la Malédiction. Si j'ouvre l'oeil, maintenant, tu seras maudite. Tu ne transporteras en toi que malheur, et tu mourras probablement de cette malédiction. Qui sait, un météore qui s'éclatera sur ton crâne ? Un sort puissant en guise de balle perdue ? La foudre qui te tuera en tombant sur toi ? Si ce n'est ça, ni rien d'autre, peut-être que tu mourras en t'étouffant avec ta salive. Ou encore un Dieu aux cheveux rouges qui t'empalera sur un poteau téléphonique, et dès qu'un coup de fil arrivera... Paf, châtaigne. Oh, j'oubliais. Même si tu n'en meurs pas, la malédiction te portera poisse à vie.

La référence à ses menaces est une dernière humiliation. Si elle y réagit et qu'elle tente d'attaquer, j'ouvre l'oeil. Ma menace sur la foudre vient d'être renforcée par un coup de tonnerre relativement bruyant, suivi de peu par un éclair. La foudre est tombée à moins d'un kilomètre de nous. Maintenant je vais reculer, mais sans lâcher Machin des yeux. Je suis déjà préparé à un sort quelconque. Je peux esquiver, sans problème.




-HRP- Désolé, un peu court.

Maîtresse avait bien compris qu'elle ne gagnerait pas contre Veridi mais, elle avait au moins espérée qu'elle pourrait se servir de lui pour arriver à ses fins. Malheureusement l'ex-Dieu ne l'entendait pas de cette façon, il se montrait d'ailleurs plus agressif que lors de leur première rencontre, beaucoup plus agressif, prêt à gaspiller ses pouvoirs sur une créature aussi faible qu'elle. Elle considérait cette victoire comme suffisante, elle aurait au moins poussé un Dieu à dévoiler ses pouvoirs et menacer de les utiliser. Elle se contenta de regarder le Dieu avec un regard indifférent et froid, avant de lui dire très calmement :

"Détends toi, Ô grand Dieu tout puissant, je ne vais pas t'attaquer. Je ne voudrais pas te donner un bon prétexte d'utiliser tes pouvoirs et surtout j'ai bien trop à faire pour m'encombrer d'une malédiction ... Si tu ne veux pas me mener à l'Olympe je ne vais pas insister, j'ai autre chose à faire que de te courir après. J'arriverais à mes fins de toute façon, ce sera juste plus long par mes propres moyens, quoi que moins long que d'attendre que tu te décides à m'emmener là haut."

J'ai fais volte-face, tournant le dos à Veridi pour enjamber le rebord du toit et sans lui laisser le temps de répondre je lui ai dis en riant :

"Comme si j'avais besoin des services d'un Dieu de seconde zone castré par une vulgaire Tekhanne !"

Puis j'ai sauté en bas pour disparaitre un peu plus loin dans une ruelle, il fallait maintenant que je me trouve des esclaves et une déesse consentante. J'avais bien compris que les Dieux étaient trop puissants pour moi mais, si j'arrivai à en convaincre une seule de se soumettre à moi je n'aurai plus qu'à la souiller et dévorer son double. Dans le pire des cas je n'aurai qu'à faire preuve d'imagination.