Il n'y avait que deux jours que Maïa avait quitté les nymphes pour s'aventurer parmi les hommes, et déjà, elle réalisait l'étendue de son ignorance - et son manque de préparation. Elle n'avait pas vraiment su à quoi s'attendre, et elle avait été consciente qu'elle devrait faire des efforts pour s'adapter et se faire à la vie dans ce monde, mais elle n'avait pas réalisé à quel point ce serait difficile. Tout d'abord, il y avait ce qu'ils appelaient "l'argent". C'était une drôle de chose, donc les nymphes plus âgées avaient essayé de lui parler, mais sans rien pouvoir vraiment lui apprendre. Seulement que les humains aimaient le collectionner, l'échanger, et qu'ils y tenaient énormément. Au point de pouvoir brutaliser ou tuer pour lui. Depuis qu'elle avait atteint cette... "ville", il lui semblait que c'était le mot, Maïa en avait appris beaucoup plus.
Pour commencer, il y avait différentes sortes d'argent, et certaines avaient plus de valeur que d'autres. Elle avait été ravie de ramasser une petite pièce grise par terre, se disant qu'elle pouvait commencer sa toute première collection d'argent ! Mais quand elle l'avait tendue à un... "marchand", c'était bien ainsi qu'on appelait les gens qui échangeaient des choses contre de l'argent ? Il l'avait regardée avec surprise puis colère, et elle avait dû s'enfuir de peur qu'il ne lui fasse du mal. Plus tard, elle avait rencontré une femme qui l'avait regardée avec compassion, et lui avait patiemment expliqué la différence entre les types de pièces. Elle lui avait aussi dit qu'on ne collectionnait pas l'argent en le ramassant sur le sol, et qu'il lui faudrait travailler pour en obtenir. Puis la femme l'avait prise par le bras et l'avait amenée à cette... "taverne", Maïa avait appris que ça s'appelait.
Maïa avait écouté la vieille dame dire au propriétaire quelque chose qu'elle n'avait pas vraiment compris, à propos de ses jambes, et elle avait eu l'air de proférer des menaces. Puis elle avait regardé Maïa de nouveau, poussé un soupir, et était partie la laissant là. L'aubergiste l'avait regardée des pieds à la tête d'une façon qui avait rendu Maïa assez mal à l'aise, puis avait secoué la tête en marmonnant : "C'est bien parce que je lui dois une faveur", puis il avait montré à Maïa sa chambre.
C'était une très petite chambre, et la première nuit Maïa n'avait pas pu dormir, ne supportant pas de se sentir enfermée aussi étroitement. Aux premières lueurs du jour, le propriétaire de la taverne l'avait tirée du lit, lui avait tendu une robe de coton bleue et blanche et lui avait expliqué le métier de serveuse.
Maïa n'en n'était qu'à son deuxième jour, mais il lui semblait qu'elle se débrouillait plutôt bien pour les circonstances. Le patron la trouvait maladroite et trop lente, mais elle savait qu'elle s'était déjà améliorée dans le peu de temps qu'elle avait été là. Découvrir un petit ruisseau à une demi-heure de marche, au-delà de la bordure de la ville, avait beaucoup aidé aussi. Une fois dans l'eau, Maïa avait failli s'enfuir pour rejoindre son peuple, mais elle s'était forcée à rester. Elle s'était juré de découvrir le monde. Elle n'allait pas se laisser décourager par les premières difficultés.
C'était donc son deuxième soir, et elle remplissait de son mieux ses fonctions, sous l'oeil maussade du propriétaire de l'auberge. Les hommes qui étaient présents étaient des habitués, ils avaient été servis depuis longtemps et étaient maintenant occupés à discuter entre eux. Le travail de Maïa se résumait à les refournir en boissons de temps en temps. Leurs regards la mettaient mal à l'aise comme ceux du propriétaire le premier soir, mais le patron leur avait dit quelque chose qui leur avait déplu, et ils la regardaient maintenant moins souvent. En somme, en fait, elle s'ennuyait un peu.
C'est à ce moment-là que la porte s'ouvrit, et quelqu'un fit irruption dans la pièce. Un nouveau client ! Jeune, celui-là, par rapport aux autres, et nettement plus propre, chose que Maïa appréciait particulièrement. Elle détestait particulièrement la saleté qui semblait régner chez les humains. Mais celui-ci, il ressemblait tout à fait au genre d'humain dont elle avait rêvé quand elle avait décidé d'aller vivre dans le monde des hommes. Il portait un morceau de tissu autour de son cou qu'il enleva hâtivement, avant d'aller s'asseoir à une table. Maïa jeta un coup d'oeil en direction du propriétaire pour s'assurer que c'était bien la bonne chose à faire, puis s'avança vers la table du nouveau venu, s'appliquant pour avoir une démarche aussi humaine que possible. Cela lui était encore difficile, après tant d'années passées dans l'eau, mais elle ne se débrouillait pas trop mal en somme.
- Bonsoir, monsieur, dit-elle avec son meilleur sourire.
Elle hésitait toujours un peu à sourire. Elle avait remarqué que les regards gênants venaient plus souvent quand elle souriait ainsi, mais le patron lui avait dit qu'une serveuse devait toujours sourire.
- Que puis-je vous servir ? À manger, à boire ? Nous avons les meilleurs fournisseurs de Nexus !
C'était probablement faux, mais c'était ce qu'on lui avait dit de dire. Elle se pencha un peu en avant, souriant toujours, comme le patron le lui avait expliqué, et attendit la réponse du jeune homme.