Il faisait froid. Pour Cahir, c’était quelque chose. Il avait grandi au cœur de l’Empire, où les températures, sans égaler celles des archipels paradisiaques au sud, le long de la Côté d’Or, étaient toutefois bien supérieures à ce qu’il affronter ici. De nouveaux flocons se mirent à tomber dans cette augure forêt, et l’homme avançait, attentif au moindre mouvement, sentant peu à peu la lumière du jour décroître. Ici plus qu’ailleurs, les journées étaient assez courtes, et les nuits polaires. Cahir se mit à redoubler l’allure, cherchant une grotte, peinant peu à peu à discerner les traces de sang. Cahir portait quelques provisions pour la nuit. Rien de bien exceptionnel, mais il aurait de toute façon besoin d’une grotte, ou d’un coin chaud pour se reposer.
Au bout de plusieurs minutes, Cahir finit par apercevoir des flammes dansant au loin. Sûrement pas un incendie, plutôt un feu de camp. L’apatride hésita. La dernière fois qu’il s’était tourné vers un feu de camp, on avait essayé de le détrousser pendant la nuit et de l’égorger. Il n’y avait que dans les contes de fées que les aventuriers itinérants étaient agréables et sympathiques, et prêts à partager gratuitement leur nourriture. La générosité, ça s’arrêtait dans le domaine de la littérature, mais, à choisir entre se perdre dans la forêt, et aller se reposer près d’un feu, Cahir n’hésita pas longtemps. Dans le pire des scénarios, il lui suffirait juste de repousser les impudents qui se trouvaient là, et éventuellement de voler leurs biens. Ce n’était pas très honorable, mais la survie imposait parfois de prendre des écarts avec les règles qu’on se fixait.
*J’agis de toute façon pour le bien de cette région.*
L’ancien chevalier se mit ainsi en marche, évitant les quelques branches, tentant d’être aussi discret que possible. Avec ses bottes en acier, il faisait cependant preuve d’une discrétion similaire à un éléphant. Il parvint devant le feu de camp, et ne vit qu’une femme, arrivant devant elle. Cahir jaillit dans la lumière des flammes, une main posée sur la pomme de son épée, prêt à la dégainer si la nécessité s’en faisait ressentir. Ses yeux commencèrent par voir les pieds de la femme, ses jambes, son ventre, sa poitrine, son cou… Et, alors que ses lèvres s’apprêtaient à formuler de brèves salutations, il fut surpris en voyant les jeux jaunâtres de la femme.
« Oh ! » s’exclama-t-il, faisant machinalement un pas en arrière.
S’étant plutôt attendu à tomber sur un chasseur, ou sur des bandits, mais pas vraiment à une démone, l’inspiration partit rapidement, avant qu’il ne reprenne. A Ashnard, on avait l’habitude de côtoyer les vampires, les démons, et les autres créatures de ce genre.
« Bonsoir, se reprit-il rapidement. Je ne vous souhaite aucun mal, Ma… Madame. A dire vrai, je souhaiterais profiter de la chaleur de votre feu de camp, si vous n’y voyez pas d’inconvénients. »
Elle était plutôt belle, mais, dans le cas contraire, Cahir n’aurait pas vraiment d’autres choix que de s’imposer. Il faisait plutôt froid, dans le coin !