Tout système un tant soit peu civilisé se devait de comprendre une institution judiciaire efficace et solide. Sylvandell n’y faisait pas exception, et disposait de prisons et de tribunaux, ainsi que d’un système judiciaire qui était assez particulier, mélangeant la justice ashnardienne et la justice sylvandienne. Comme dans chaque système judiciaire, il se composait de plusieurs niveaux. Tout en bas, soit au niveau de chaque baronnie, ainsi que de la ville-basse de Sylvandell, on trouvait un tribunal, dont la composition des juges mélangeait des dignitaires sylvandiens uniquement. Il y avait néanmoins possibilité de faire appel des jugements auprès, soit de la Cour royale de Sylvandell, dans la ville haute, soit auprès de la Cour impériale d’Ashnard. Selon certaines infractions, on pouvait toutefois directement devant passer devant la Cour royale de Sylvandell. De manière exceptionnelle, il existait aussi une troisième instance, la Haute Cour royale, qui ne se réunissait généralement que pour des cas de trahison. Toute l’organisation judiciaire était codifiée dans un livre poussiéreux qu’on trouvait dans toutes les bibliothèques des baronnies, le « Code de l’organisation judiciaire de Sylvandell », avec les autres textes de lois. Parmi les multitudes de dispositions de ces textes, on trouvait notamment toute une section sur l’administration pénitentiaire. Une disposition ancestrale de cette section prévoyait la possibilité pour le Roi et sa famille, soit son héritier, de visiter « à tout moment » les prisons. D’autres dispositions faisaient du Roi de Sylvandell et du Prince les juges ultimes, disposant à cet effet d’un pouvoir de grâce instantané pour une certaine catégorie de délinquants.
Aujourd’hui, Alice avait décidé, eu égard à ce que la loi permettait, de visiter la prison centrale de Sylvandell, celle qui se trouvait dans la ville basse, et dans laquelle on convoyait la totalité des criminels de Sylvandell, ainsi que les délinquants de la basse-ville. Il y avait bien entendu des établissements pénitentiaires dans les baronnies, mais on n’y acceptait que des délinquants. La prison de Sylvandell était une immense prison taillée dans la roche, dans les profondeurs de la montagne. On y accédait par la caserne militaire de la ville basse, à travers une porte en bois close menant dans des couloirs et des escaliers exigus et sombres. La lumière provenait de torches dans des grottes qui avaient généralement été travaillés par l’homme. Une bonne partie des prisons étaient, comme l’indiquait l’expression, « à ciel ouvert », ce qui revenait à dire qu’on avait vue sur le vide. On y mettait généralement les délinquants, et c’est cette section qu’Alice visitait en premier. C’est comme s’il manquait un mur à ces cellules, donnant sur Sylvandell, avec des parois extrêmement raides. A moins d’être une araignée, il était impossible de les escalader, et la chute était mortelle.
Il ne fallut à Alice que quelques secondes pour détester les prisons. De nombreux courants d’air se répandaient dans les interminables couloirs, répandant des espèces de gémissements le long des parois.
« Suivez-nous, Princesse, lança l’un des gardes, un immense homme chauve et massif.
- C’est sinistre ici, tu ne trouves pas ?
- Hodor ! confirma le demi-géant qui accompagnait Alice se tenant dans son dos, ses épaules massives frôlant parfois contre les parois.
- C’est une prison, Majesté. Ce n’est pas le genre de lieu qui est ouvert au tourisme.
- Il paraît que ces galeries permettent de mener à la ville haute de Sylvandell… lâcha Alice. C’est ce que j’ai entendu dire une fois…
- A vrai dire, il y a tout un réseau souterrain à partir d’ici, mais toutes les entrées ont été condamnées… Croyez-moi, Princesse, je plains le malheureux détenu qui cherchait à s’échapper par là. Il doit sûrement y avoir des entrées annexes, mais les profondeurs sont remplies de monstres… »
Le garde se retint d’ajouter qu’il arrivait parfois que certains monstres, notamment des graveirs, attaquent des grottes la nuit, et dévorent certains prisonniers. Ça ne faisait pas très bon à dire, lors d’une inspection. Alice s’approcha d’une petite cellule sur la droite, avec des barreaux rouillés. C’était vraiment une cellule minuscule, avec un homme retenu par les bras et les pieds à des sangles en acier. Il avait l’air d’avoir été battu, et saignait à plusieurs endroits.
« Qui… Qui est-ce ?
- Un voleur », maugréa le bourreau.
Le voleur ouvrit soudain les yeux.
« Princesse ! Princesse ! Ceci est une erreur judiciaire, je…
- Ta gueule ! » répliqua le bourreau.
Il appuya sur un levier, et des sangles se tirèrent d’en haut et d’en bas, comme pour écarteler le voleur, qui se tortilla en hurlant. Alice sursauta, et ordonna au bourreau d’arrêter ce spectacle. Ce dernier obéit, et Alice, perturbée, poursuivit son inspection. Ils approchèrent finalement des prisons avec un mur ouvert. Des barreaux permettaient de voir, mais un vent glacial se répandait. Certains prisonniers étaient parfois enchaînés, notamment un curieux individu, qui était attaché par les pieds et les jambes. C’était… Un Inu. Alice s’arrêta en le regardant, fronçant légèrement les sourcils, s’humectant les lèvres.
« Qu’est-ce qu’il a fait ? »
L’homme aspira de l’air pour répondre, mais Hodor poussa alors un éternuement à réveiller les morts, un cri terrible qui fit sursauter Alice.
« Hodor !
- Hodor ! Un peu de discrétion, que diable ! »
Le bourreau tenta à nouveau de répondre, mais on entendit soudain des cris de fureur à proximité. Probablement un prisonnier. Soupirant, le bourreau dut s’absenter, et Alice en profita pour regarder le mystérieux Inu.
« Comment tu as pu te retrouver ici, toi ? Tu n’as pourtant pas l’air bien dangereux… »
Pour cette sortie, Alice portait une petite cape avec des bottes et un pantalon blanc, ainsi qu’un manteau. Elle avait également des gants, et un petit bonnet sur la tête, le tout pour la protéger du froid qui régnait ici.