[HRP]Ça me va ^^[/HRP]
L’apothicaire avait visiblement réussi, signe que ce commis devait être plus qu’un simple commis, ou messager. Néanmoins, son rôle n’était pas de poser des questions, et, tandis que le patient s’asseyait dans un coin, reprenant ses esprits, l’apothicaire notait avec une plume sur son manuscrit les résultats de cette consultation imprévue, les lotions utilisées, tout en y ajoutant, fort naturellement, le coût de la main d’œuvre. Tandis qu’il notait, le vieux médecin fut dérangé dans ses calculs par les explications du jeune individu.
«
Je ne saurais me montrer suffisament reconnaissant pour toute cette attention que vous m'apportez mon bon monsieur et je me montrerais généreux quant à la satisfaction de vos honoraires. -
Si vous vous sentez l’âme si généreuse, répliqua sèchement l’apothicaire,
je tâcherais de me montrer généreux dans la facturation de mes honoraires. »
Il retourna sur ses papiers, espérant n’être plus dérangé, mais était visiblement tombé sur un bavard L’apothicaire aimait soigner les Commandeurs, car ils ne disaient rien, ne lui parlant jamais. Pourquoi iraient-ils s’abaisser à parler avec des gens comme lui ? L’apothicaire regarda brièvement le jeune homme en fronçant les sourcils derrière ses lunettes, tandis que ce dernier poursuivait.
«
Pardonnez ma vilaine curiosité, mais j'ai cru comprendre du peu que j'ai pu entendre, avant d'être embarqué, que la ravissante jeune femme qui se trouvait ici à l'instant était celle à qui je devais la grâce du dirigeant de votre convoi. Je ne pourrais me pardonner si je ne pouvais pas savoir à qui je me dois de présenter mes plus sincères remerciements. »
Ce ton pompeux, princier… Sûrement quelqu’un qui avait côtoyé les gens de la haute noblesse. Soit un page, soit le gigolo d‘une quelconque dame mal foutue avec son mari… Pour toute réponse, il grommela, avant de mettre la plume dans son encrier, et de donner une réponde un peu plus consistante.
«
Vous devez la vie à Madame Alice Korvegan, Princesse de Sylvandell. Même si, vu la vitesse à laquelle vous caquetez comme une vieille pie, je pense qu’on aurait pu vous laisser là-bas. Ça ne m’aurait pas privé de ma sieste. »
Bourru, l’apothicaire était à l’image de Sylvandell. Alice, elle, était assez éloignée de ce chariot, et ne les entendait pas, préférant voir le fortin qui se rapprochait, avec la promesse des dragons, derrière l’un des immenses ponts permettant de surplomber le fleuve en sa partie la plus rapide. Le fleuve était déchaîné en contrebas, et bâtir ce majestueux pont, qui menait directement à un col, n’avait pas été une mince affaire. L’apothicaire, lui, approchait de la fin de son compte-rendu, quand le jeune homme recommença encore à parler, donnant la conviction à l’apothicaire qu’ils avaient récupéré un damoiseau, le genre à caqueter des heures et des heures. Ah, la jeunesse !
*
’Mériterait qu’on lui coupe la langue, et qu’on la lui fasse bouffer, oui…* estima l’apothicaire.
«
Je dois bien avouer ma foi que ce puissant guerrier, le Commandeur je crois, m'a de plus impressionné alors qu'il décima l'ennemi. »
Tournant la tête, l’apothicaire entreprit de répondre, quand il y eut une grosse explosion. Il sursauta, se redressa, sans comprendre ce qui se passait, et sortit de la caravane. Deux cavaliers à l’arrière gisaient sur le sol, des flèches et carreaux dans le corps, et il vit une troupe d’hommes s’approcher. A l’avant du convoi, Alice contemplait, interloquée, le pont détruit, comprenant mieux pourquoi leur rescapé avait parlé d’«
explosifs ». Le pont en lui-même, sa structure, était intact. Des bombes avaient été palées le long du haut d’un des immenses piliers de pierre, et l’explosion avait soufflé le haut du pilier, ainsi qu’une petite partie, comprenant plusieurs mètres, de la surface du pont, tuant les trois éclaireurs se trouvant dessus au moment où la bombe avait explosé. A quelques centimètres près, Alice serait également tombée. La déflagration l’avait renversé sur le sol, et, quand elle s’était relevée, elle voyait un trou brisé devant elle, avec de multiples lézardes, et avait bien cru tomber, avant que la solide main de son père ne l’agrippe au col, et ne la jette à l’arrière. Relevant la tête, elle avait cru voir, le long de la surface rapide de l’eau, trois têtes voler rapidement au loin, avant de disparaître.
«
Qu’est-ce qui se passe ? s’exclama-t-elle.
-
Z’ont osé, ces salauds… Mon pont !! fulminait Tywill.
-
Laissez-moi m’occuper de ces vauriens… commença le Commandeur, s’attirant un regard de noir de la part de Tywill.
-
’Vais leur faire bouffer leurs prop’ couilles ! » trancha-t-il.
Le visage ivre de fureur, Tywill se redressa, et entra dans sa caravane, récupérant un objet, et en sortit. Alice le suivit prudemment, et reconnut, à deux armes, l’arme qu’affectionnait Tywill. Sylvandell comprenait bien des armes terrifiantes, inspirées des dragons, et confectionnés par des forgerons talentueux, embellis par des alchimistes et autres mages qui donnaient des instructions spécifiques aux forgerons pour y forger des runes magiques, utilisant ensuite des potions pour leur donner des pouvoirs. En l’espèce, Tywill portait une arme à deux mains, un immense marteau de guerre, qu’on appelait généralement le «
Marteau du Dragon ».
Il alla à l’arrière du convoi, suivie par Alice, le Commandeur, et d’autres gardes. Ils avaient traversé le fortin, mais constatèrent que la maigre garnison qui s’y trouvait s’était retournée contre eux… Il était plus probable que quelqu’un avait réussi à s’y infiltrer, à tuer la faible garnison, et à la remplacer par une autre. Tywill s’avança en avant, et un homme marcha vers lui, dans une armure de combat un peu plus perfectionnée que les autres armures des fantassins légers de Nexus.
«
Au nom de Nexus, de Son Autorité légitime, de Sa Céleste puissance, moi, Capitaine Delnarion, ait été chargé d’exécuter la sentence prononcée par Nexus, qui vous condamne à mort par contumace ! »
Sans répondre, Tywill se contenta de tourner sa tête l’un de ses pages, qui lui amenait son heaume. Tywill l’enfila, et marcha vers eux.
«
Je vous demande de vous rendre, et vous assure que votre exécution sera rapide et indolore, et que vos hommes seront sains et saufs ! »
Encore une fois, Tywill l’ignora complètement, se contentant de marcher. Sous son heaume avec une longue plume rouge, Delnarion sembla réfléchir brièvement, déglutissant légèrement. Alice, elle, était triste pour les hommes que ces individus avaient tué, tout en se demandant comment ils s’y étaient pris pour réussir à poser une bombe. Elle sentit soudain une énorme main se poser sur son épaule, et tourna la tête.
«
Hodor, lui dit une voix reconnaissante.
-
Hodor !! » s’exclama Alice en lui prenant la main.
De sa position, elle était à hauteur du pantalon d’Hodor, et sa joue frôla une espèce de tâche sur son pantalon, à hauteur de son sexe… Ce qui la fit rougir, en comprenant à quel loisir Hodor s’était adonné dans sa caravane. Difficile d’être surprise, après tout ; c’était elle qui, à Tekhos, avait, sans vraiment le vouloir, révélé à Hodor qu’il n’était pas un eunuque, et avait des pulsions sexuelles.
«
Veille sur moi ! intima-t-elle.
-
Hodor », confirma-t-il.
Le Capitaine ennemi, Delnarion, plongea son regard dans ceux de son Père, ne voyant rien qu’une fente noirâtre, bouillonnant de haine, alors que le bout du marteau se mit à flamboyer de flammes bleuâtres. Delnarion entreprit de se reculer, faisant signe à plusieurs arbalétriers de lui tirer dessus. Trois arbalétriers armèrent leurs arbalètes, et mirent en joue le Roi de Sylvandell. Delnarion leva sa main, prête à l’abattre.
«
Dernière sommation, Roi de Sylvandell ! Ne nous forcez pas à tuer un vieux débris ! »
Le Roi semblait fulminer sur place, et Alice eut pitié d’eux. Delnarion pesta, et abaissa sa main. Alors que les arbalétriers allaient tirer, des ESPers accompagnant l’escouade de Delnarion agirent, et les carreaux se nimbèrent de flammes magiques en sortant, filant à toute allure vers l’armure de Tywin… Et se fracassèrent dessus. Les carreaux rebondirent, se brisèrent contre l’impénétrable armure de Tywill, qui poussa alors un rugissement de rage, et, sans crier gare, balança son marteau en avant, faisant preuve d’une force cylopéenne. Le marteau passa au-dessus des hommes de Delnarion, s’écrasant sur la cour, et, après un bref moment de circonspection de la part des ennemis, Tywill s’élança, courant à toute allure, tel un taureau enragé, vers ses proies. La charge de Tywill dans toute sa splendeur. Terrorisés, les trois arbalétriers tentèrent vainement de s’en aller. L’un fut piétiné par les jambes du Roi, et on entendit de sinistres craquements, tandis que les deux autres furent bousculés par les bras imposants du Lord Commandeur, et firent une chute prodigieuse dans l’eau, basculant dans le vide.
Les deux ESPers qui avaient amélioré les carreaux des arbalétriers tentèrent de répondre. L’un envoya une boule de feu, qui explosa au contact de l’armure dans des myriades de flammes hypnotiques, mais disparurent rapidement, tandis que le second envoya, depuis ses doigts, des arcs électriques relativement impuissants. Ils furent fauchés comme des quilles, et les griffes de dragon jaillissant des mains de Tywill les égorgèrent proprement dans des myriades de sang. L’armure que portait Tywill était la plus résistante des armures, et comprenait à différents endroits des pointes acérées. Seuls les aciers trempés les plus efficaces pouvaient la percer. Tywill manqua Delnarion, qui choisit, pour survivre, de s’accrocher au parapet, sautant de l’autre côté, évitant la charge du mastodonte, qui brisa les jambes d’un soldat, avant de bondir sur son marteau, le récupérant proprement.
Immédiatement, Tywill pivota vers un fantassin armé d’un bouclier et d’une épée, et le frappa avec son marteau. L’arme immense heurta violemment le bouclier, l’enfonçant, mais le coup était si violent que le bouclier rentra en arrière, renversant le chevalier. Le marteau décrivit une boucle en l’air avant de s’abattre à nouveau, s’écrasant sur la tête du guerrier. Le Roi pivota sur place, et vit un soldat armé d’une pique viser sa carotide. Il attrapa la manche en bois de la pique avec sa main gantée, et eut juste à exercer une petite pression pour briser le bois, avant de frapper l’homme avec son genou, ce dernier comprenant deux belles griffes qui s’enfoncèrent aisément dans la cote de mailles, faisant couler les viscères du soldat, qui tomba à genoux. Invaincu, Tywill se tourna vers d’autres ennemis, mais aperçut deux magiciens près d’un tas de pierre, récitant des mélopées. Il s’avança vers eux, mais la formule litanique était finie. Le tas de pierre se mit à trembler, et prit vie, révélant l’existence d’un magistral golem de pierre, qui se dressa avec rage, grondant de colère.
Tywill regarda le golem, qui réussissait le mince exploit d’être encore plus grand et massif que lui, puis le frappa au visage avec son marteau, frappant de toutes ses forces. Le golem en chancela, passa sa main sur son visage, plusieurs morceaux de granit ayant éclaté, mais reporta son attention sur Tywill.
*
Celui-là, estima Alice,
vous ne le vaincrez pas aussi facilement que les autres, Père…*
La Princesse entendit soudain un cheval hennir à côté d’elle, et vit un cavalier jaillir au galop. Le Commandeur, probablement lassé d’être un spectateur, portant dans l’une de ses mains une épée dont la lame était constituée de séries de griffes vers le haut. Il sauta de son cheval, fit une roulade sur le sol, et décapita proprement la tête d’un soldat occupé à regarder Tywill, avant de se ruer dans la bataille. Alice, elle, jeta un coup d’œil vers Hodor.
«
Reste-là, toi… -
Hodor », acquiesça-t-il.