«
Hooodoooorr !! » s’exclama la voix enjouée du colosse, malgré les multiples branches d’arbres qu’il se recevait sur la figure.
Alice se retourna vers lui. Hodor semblait particulièrement enjoué, et elle pouvait, à vrai dire, aisément le comprendre. L’immense colosse avait passé son enfance en forêt, et, même si c’était une forêt bien différente de celle-ci, avoir l’occasion de s’y promener devait lui rappeler son enfance, quelque chose de bien différent de la ville de Sylvandell, avec ses collines escarpées, ses pentes difficiles, ses nuits glaciales, ses étés parfois brûlants, quand le soleil tapait fort. Pourtant, Alice et Hodor n’étaient guère éloignées de la ville, et étaient toujours dans le royaume, mais au pied des montagnes, le long des multiples baronnies qui étaient sous la protection de la Commanderie et du royaume.
Contrairement à la ville de Sylvandell, les baronnies comprenaient surtout des forêts, des plaines, et des champs agricoles. On y trouvait de paisibles hameaux, de petits villages pittoresques, et quelques forteresses, ainsi que de multiples cavaliers. Chaque baronnie avait sa propre armée, après tout, même si aucune ne parvenait à égaler celle de Sylvandell. Alice avait aujourd’hui tenu se à promener dans les baronnies. Simple curiosité passagère, simple envie d’explorer les bas-fonds de son royaume. Terme assez péjoratif pour désigner cet étalage naturel, ces délicates cascades, ces mares d’eau, ces lacs, ces rivières et ces affluents découlant de l’immense lac se trouvant dans les hauteurs de la montagne, mais, après tout, ici, il était rarissime de voir des dragons. Pour Alice, ce n’était donc pas un lieu très attirant, même si elle devait reconnaître que se promener dans de belles forêts était assez paisible…
… Du moins, ça aurait pu l’être, sans la présence d’un gros balourd derrière lui qui ne cessait de heurter avec ses pieds les racines des arbres, de se faire cravacher le visage par des branches d’arbres, et rouspétait à chaque fois. Difficile de croire que ce grand nigaud avait pu passer des années dans une forêt encore plus sauvage que celle-ci. Ses pas de géants faisaient généralement fuir tous les oiseaux, de même que ses «
Hodor » exubérants, seul et unique mot que le géant connaissait.
«
Calme-toi, Hodor, essaya de l’encourager Alice.
-
Hodor », répliqua simplement ce dernier en s’approchant d’un arbre, y voyant quelque chose d’invisible au commun des mortels.
Elle continua sa marche, tandis qu’Hodor continuait à fouiner autour de l’arbre, ses sourcils froncés.
«
Hodor, hodor, hodor, hodor… » répétait-il inlassablement.
Se retournant, Alice le voyait chercher des choses autour de l’arbre. Difficile de dire si c’était là l’un de ses nouveaux caprices, une nouvelle fantaisie, ou s’il avait
réellement vu quelque chose, Hodor pouvant parfois se montrer surprenant. Elle s’approcha de lui.
«
Qu’as-tu, Hodor ? -
Hodor » répondit tout simplement ce dernier.
Il s’approcha d’un caillou, et Alice soupira, manquant perdre patience, avant de noter quelque chose d’étrange sur le sol. Elle vit les grosses mains d’Hodor pousser des cailloux, et s’abaissa en voyant des espèces de fragments éparpillés sur le sol. Elle en récupéra un entre ses doigts gantés, et l’inspecta prudemment.
*
Je reconnais cette texture…*
Elle regarda autour, et ne tarda pas à trouver le reste de l’œuf, soit le bas, le haut ayant éclaté. Elle le prit délicatement, et constata qu’il était totalement vide, le jus natal ayant disparu. Elle regarda l’œuf, et comprit qu’il s’agissait effectivement d’un œuf de dragon.
«
Qu’est-ce qu’un œuf de dragon fabrique ici ? demanda-t-elle à l’attention d’Hodor.
-
Hodor », répondit-il.
Alice soupira, secoua la tête, et se releva, tenant l’œuf entre ses mains. Quantité de scénarios étaient envisageables : un œuf égaré lors de la portée, subtilisé par mégarde ou intentionnellement… Dans tous les cas de figure, il était sacrilège de voler l’un des œufs de dragon de la colonie du dragon d’Or, mais elle laissa ça de côté pour le moment, préférant se focaliser sur quelque chose de simple :
retrouver le bébé dragon, qui, dans une telle forêt, devait aisément trouver à se nourrir. Elle regarda Hodor, et se rappela que ce dernier, même pour un demi-géant, avait des facultés sensorielles exceptionnelles. Elle lui tendit l’œuf.
«
Essaie de pister son odeur, Hodor, l’encouragea-t-elle.
-
Hodor ? -
Ne fais pas l’idiot, s’impatienta-t-elle.
Je sais que tu peux le faire. »
Hodor sembla malgré tout hésiter, avant de prudemment renifler l’œuf. Il ferma ensuite les yeux, marmonnant plusieurs «
hodor » discrets, analysant et traitant les odeurs qu’il percevait, surprenant encore une fois Alice. Hodor était un véritable enfant-sauvage, fort heureusement aussi inoffensif qu’un agneau. Il finit par rouvrir les yeux, et se mit à marcher précipitamment, finissant par atteindre ce qu’Alice recherchait au bout de plusieurs minutes : une petite mare desservie par une délicate cascade avec des rochers. Un coin paradisiaque, et elle s’arrêta en voyant, sur un rocher, la forme verdâtre d’un minuscule dragon regardant son reflet, agitant ses microscopiques ailes.
«
Ho… commença ce dernier.
-
Chut, gros balourd ! répliqua Alice en lui mettant un doigt sur les lèvres.
Ne va pas l’effrayer ! »
Hodor se tut, et Alice reporta son attention sur le bébé dragon. Si petit, il devait sûrement chercher à voler, mais, sans ses parents, ce serait relativement difficile. Le bébé dragon grommela, tandis que, pendant ce temps, descendant de son arbre, une délicate araignée semblait voir en le gros nez d’Hodor un excellent endroit où se poser. Tandis qu’Alice réfléchissait sur la manière d’aborder le bébé dragon, la petite araignée finit par se poser sur le nez d’Hodor. Les yeux du demi-géant louchèrent sur cette forme noire, jusqu’à ce qu’il l’aperçoive, que son cerveau comprenne ce qui se passait, et…
«
HOOOOOOOOOOODDDDDOOOOOOOOOOOORRRRRRRRR !!!! » tonna-t-il en se redressant subitement, si rapidement qu’il heurta un arbre, provoquant un boucan de tous les diables.
Le pauvre Hodor en fit tomber une branche d’arbre, qui s’abattit sur son visage.
«
Hodor hodor hodor HODOR !! » s’exclama-t-il en portent sa main sur sa tête endolorie.
Sous ce bruit, le bébé dragon avait bondi sur place, avant de partir le long de ses petites jambes. Furieuse, Alice se retourna vers Hodor.
«
Mais vas-tu te taire, bougre d’âne ?! »