Enora écouta très attentivement ce que la femme à sa merci lui répondait et fut absolument surprise par cette réponse.
Elle resta un moment interdite, réfléchissant intensément.
_Les Humains ont tourné monothéiste, et ignorent votre existence, mais...
Avec fureur Enora fit se briser un fort joli vase sur le sol et se mit à crier, folle d'un désespoir qu'elle savait fort inutile car elle savait tout aussi bien que l'on ne change pas le passé "Ce qui est fait est fait".
_Mais bon sang vous avez créer d'autres créatures ! Vous avez créer les ESPer, les anges, les démons, les avatars, toute sorte de créatures ! Je connais votre existence, ma soeur, Gwenaëlle vous connaissez, elle n'a eu de cesse de vous prier, même lorsqu'on lui a arraché ses ailes, lorsqu'elle agonisait, le corps fourbu par ce viol qui dura des heures, le corps mutilé, quand chaque souffle, chaque respiration lui arrachait un gémissement, des larmes, lorsqu'elle n'arrivait quasiment plus à parler, elle vous a supplié de nous aider !
Peut-être ne nous offrons plus de sacrifices ou de cadeaux, peut-être l'encens dans vos temples s'est-il éteint depuis des siècles mais, de la même façon que tu aimes la chose qui grandit en toi, nous vous aimions, je vous aimais, même !
Vous avez fait de moi ce que je suis.
Vous nous avez créé, et nous vous avons adoré, pas selon les rites d'autrefois, mais il n'empêche... Tu me parles d'un passé qui me hante, quand vous-mêmes êtes obnubilés par votre grandeur passée, vous restez reclus ici, restez sourds aux prières de vos enfants. Et tu oses t'étonner que plus personne ne vous voue de cultes ?
Enora prit le temps de respirer afin de se calmer. Et prit encore le temps de regarder Héra. Il est vrai qu'elle était belle, aussi belle que le disait les récits, que le montraient les gravures et autres peintures. La jeune femme soupira bruyamment. Et, presque agacée que la Déesse ne craigne ses réactions, elle lui intima doucement :
_Je t'en prie, ôte ses mains de ton ventre, je ne compte pas t'arracher ton enfant, je ne suis pas si cruelle qu'on le dit. Du moins pas si sotte. Si vous vous désintéressez d'aider vos créatures, il m'est aisé d'imaginer que vous venger d'eux ne vous pose point de souci et, si je tue ton enfant, je ne donne pas cher de ma peau, vis-à-vis de toi comme du père de ton enfant...
Oh, ne prends pas cet air étonné, je me doute bien que ce n'est pas celui de Zeus, tu n'auras pas été assez sotte pour lui rester fidèle quand lui fait si peu de votre mariage ou de tes sentiments, je me doute qu'une vie éternelle vaut bien la peine d'essayer d'être heureuse. Sinon, à quoi bon vivre aussi longtemps ?
Une nouvelle fois elle se tut, et regarda attentivement la Déesse, avec un sérieux désarmant.
_Si tu me promets de ne pas encore essayer de me manipuler par tes sorts, j'ôte cette épée de ton ventre et nous pourrons peut-être avoir une conversation plus... civilisée. Je n'ai pas envie d'être craint ici. Où que j'aille ma réputation me précède mais, bien que je vous haïsse tous ici du plus profond de mon âme, j'ai tout de même pour vous un profond respect.
Il était certes évident que ce discours sonnait étrangement, après tout elle avait insulté délibérément la Déesse, et pas qu'une fois, mais Héra avait ce quelque chose qui touchait Enora et, bien qu'elle sache qu'il fallait surement faire peu cas de la parole que lui donnerait - ou non - la divinité de ne point lui faire de mal ou attenté tout du moins à sa vie, elle n'avait aucune envie de continuer à faire la méchante. Elle était las et fatiguée... Son désir de voir couler le sang nettement altéré.