Badaboum !! (pv Sam)

Zynarys était assise au pied d'un arbre du parc de Seikusu. C'était le matin, le ciel était dégagé et le temps assez frais, ce qui expliquait le peu de présence humaine à cet endroit, en dehors de quelques joggeurs.
Paisible et détendue, son regard n'accrochait à rien de précis, se posant sur une feuille d'arbre tendre et verte pour ensuite passer à une goutte de rosée qui perlait de ladite feuille pour aller ensuite s'écraser sur le sol herbeux. Ces moments de contemplation ne ressemblaient pas à la jandarienne et plus d'un de ces camarades Green Lantern aurait été fort étonné de la voir ainsi mais elle avait changé depuis son arrivée sur Terre. Terre qu'elle n'avait jamais cru revoir après ces deux mois et demi (tels qu'ils sont calculés sur Terre) riches en évènements et en émotions.

D'abord cette grande bataille qui eut lieu sur Oa même. Les Arkilliens et les Arkonen s'étaient coalisés pour s'attaquer au centre de l'univers, demeure des Gardiens et quartier général du Corps des Green Lantern, auquel appartenait Zynarys.

Les Arkilliens étaient une race belliqueuse qui se déplaçait de planète en planète afin de les ravager, épuiser leurs ressources naturelles et réduire leur population en esclavage ; les Green Lantern avaient eu affaire à eux à moult occasions mais n'avaient jamais réussi à les éradiquer, leur planète, Arkillo, se trouvant dans le système Véga, le secteur 2828, interdit aux policiers de l'espace pour des raisons inconnues.

Les Arkonen étaient une famille (bien que le terme "clan" soit plus approprié) de pirates inter-galactiques qui faisaient régner la terreur à travers l'espace, arraisonnant les navettes marchandes, pillant leurs richesses et "malmenant" leur équipage (hommes passés au fil de l'épée, femmes violées...). Leur planète principale se trouvant également dans le secteur 2828, il avait été impossible aux Green Lantern de les éliminer une bonne fois pour toutes.

Et voila que ces deux grands groupes s'étaient alliés pour s'attaquer à Oa ! Une véritable armada de 5 000 croiseurs interstellaires, chacun pouvant contenir plus de 200 navettes spatiales s'étaient précipités sur la petite planète. Tous les Green Lantern des 3600 secteurs de l'univers étaient accourus à l'appel du Code Zéro.
Quand Zynarys était arrivée sur les lieux, la bataille faisait déjà rage. Les navettes crachaient leurs feux, leurs lasers, leurs missiles, leurs roquettes sur les Green Lantern qui se défendaient vaillamment, faisant jaillir de leurs Bagues rayons, fusées à neutrons, pluies de météores, volées de flèches vertes... Certains, plus talentueux ou plus ordonnés, avaient même créé d'immenses constructions qui rivalisaient en taille avec les vaisseaux ennemis et qui crachaient la mort.

A peine arrivée, la jandarienne s'était plongée au cœur de la bataille avec une certaine délectation : enfin de l'action ! Elle pénétra de part en part un des croiseurs ennemis, provoquant une réaction en chaine dans son moteur à bipolarité nucléaire phlogistonique. L'explosion qui s'ensuivit réduisit complètement en miettes le vaisseau, touchant les autres situés à proximité.

La bataille dura trois bonnes journées durant lesquelles bon nombre de Green Lantern passèrent de vie à trépas mais chacun d'entre eux avait réussi à emporter dans l'au-delà un bon millier de ces envahisseurs et autant de navettes. Au terme du conflit, les ennemis, estimant avoir subis de trop lourdes pertes se replièrent piteusement.

Les Green Lantern survivants se congratulèrent entre eux, chacun félicitant l'autre pour un exploit particulièrement héroïque ou une tactique audacieuse puis on pleura les disparus : Bralic du secteur 189, Ulmo du secteur 800, Karman du secteur 421... Tous de vaillants Green Lantern qui ont donné leur vie pour Oa et dont les noms seront honorés pour toujours.
Zynarys avait retrouvé avec une grande joie son amie Claïa, de la planète Xena, les deux femmes s'étant jetées dans les bras de l'autre, pleurant et riant en même temps et quand le beau Phaeton l'avait soulevé de terre pour lui planter un baiser sur chaque joue, elle n'avait pas résisté comme à l'accoutumée et lui avait même souri en rougissant un peu...

Il y eut une grande cérémonie pour célébrer la victoire et honorer les morts et la vie reprit son cours : il fallait accueillir les nouveaux membres du Corps, de la "bleusaille" comme on disait sur Terre, et Zynarys avait été chargée, ainsi que d'autres vétérans, de leur formation. L'entrainement des jeunes recrues dura un bon mois. Durant ce laps de temps, elle s'entretint avec les Gardiens, notamment avec l'un d'entre eux, Ganthet, avec lequel elle put discuter de son séjour sur Terre.

Le mois écoulé, elle resta encore un peu sur Oa puis, avec la gracieuse permission des Gardiens, alla rendre une petite visite à sa planète natale, Jandar. Zynarys ne s'attendait pas à recevoir un accueil chaleureux, avec tapis rouge et gerbes de fleurs, de la part de son peuple et c'était donc avec une appréhension bien légitime qu'elle s'y rendit.
L'accueil avait été en effet plutôt frais mais moins que prévu : les jandariens la saluaient poliment et ses parents lui avaient gravement souhaité la bienvenue, de façon fort protocolaire, mais avaient quand même fait préparer un festin en l'honneur de son retour. Le repas fut silencieux et c'est avec un certain soulagement que la jeune femme avait retrouvé sa vaste chambre et son lit douillet.
Son séjour dans sa patrie fut bref et elle ne fut pas fâchée de la quitter : apparemment il faudrait encore un peu de temps avant que ses semblables l'acceptâssent de nouveau parmi eux... Mais dans combien de temps ?

Elle réintégra le secteur 2814 mais ne rentra pas tout de suite sur Terre, gagnant en premier lieu Malador où on lui souhaita la bienvenue avec une joie intense car elle avait sauvé ce peuple brillant et raffiné d'une invasion arkillienne et pour lui elle était leur héroïne, leur déesse. Invitée à séjourner dans le palais de la souveraine, elle put s'y reposer durant une bonne semaine, savourant les mets les plus délicats et les breuvages les plus exquis ; elle troqua sa tenue de Green Lantern contre une robe de soie délicate et passa le plus clair de son temps à se promener dans les jardins royaux en compagnie de la reine, qu'elle appréciait fortement.

Mais bien vite sa nature guerrière ainsi que le devoir reprirent le dessus et elle quitta cette douce planète pour mener la vie d'aventure qu'elle affectionnait. Elle dévia des météores meurtriers, extermina toute une colonie de Xénomorphes sur la troisième lune d'Elÿy et réussit même à remettre en orbite la planète Yoma qui s'était écarté de son soleil. Entre deux missions, elle se reposait dans des spatioports plus ou moins miteux, vidait quelques verres dans maints établissements à la clientèle plus ou moins louche et se restaurait dans des snacks ambulants.

Puis un jour, elle décida de rentrer sur Terre car elle était quelque peu lasse de son errance et avait envie de retrouver son petit chez-soi, de retrouver une vie à peu près normale. Mine de rien, elle s'était prise d'affection pour cette petite boule bleue et ses habitants dont la diversité l'étonnait et l'émerveillait de jour en jour.

C'est par une belle nuit étoilée qu'elle regagna son petit appartement qu'elle avait l'impression d'avoir quitté la veille et qui était tel qu'elle l'avait laissé au moment de son départ précipité. Elle s'était déshabillée et s'était endormie d'une seule traite sur son lit.

Et voila que le lendemain même, elle se trouvait assise au pied de cet arbre, dans ce parc verdoyant à écouter le chant des oiseaux...

Pour ce qui était de Sam, les deux mois qui s’étaient écoulés depuis sa petite prise de bec avec Zynarys étaient loin d’avoir été aussi… Héroïques. Pas de guerre dans son cas, pas de sauvetage d’une planète entière, voire de plusieurs, pas de squattage de palais royal pour services rendus à la communauté, blablabla… Non non, pas de tout cela. D’une part parce que Sam était bien incapable de reproduire les exploits de la jandarienne mais aussi parce que… Ca ne l’intéressait pas. Elle aussi avait un pouvoir, pouvoir qu’elle ne parvenait toujours pas à développer soit dit en passant, et elle aussi aurait été capable de faire beaucoup de chose, même au niveau terrestre. Sauf qu’elle s’en tamponnait l’oreille avec une babouche. Elle n’avait pas du tout la vocation de super héroïne pour sa part, bien au contraire même. Elle préférait se la couler douce et vivre sa vie sans avoir à s’inquiéter pour les autres.
Pas altruiste ? Non, pas le moins du monde. Mais y’avait-il eu quelqu’un d’altruiste pour remonter le moral de son frère avant qu’il ne rejoigne ses parents ? Non. Alors elle ne voyait aucune raison de l’être, elle. Et puis, il faut dire ce qui est… Elle trouvait les costumes ridicules au possible. Pas de quoi parader selon elle quand on portait des collants moulants immondes dans des couleurs criardes et son caleçon par dessus. Non vraiment, aucune gloire à tirer de se balader d’un côté et de l’autre de l’univers déguisé comme le dernier des guignols.

Alors elle vivait sa petite vie tranquille. Elle faisait du rollers, volait des trucs, faisait des trucs, disait des trucs… Elle tapait des gens, en maravait d’autres, en tatanait certains. Elle faisait parfois certaines rencontres sympas, qui avaient une suite ou pas… Enfin bref, elle vivait sa vraie vie à elle sans s’occuper du reste. Et là, en l’occurrence…

-Connard ! Je vais t’apprendre à jouer moi tu vas voir!!

Et un grand bruit, un plouf sonore. Un grand jeune homme était envoyé dans le bassin du parc, nager avec des petits canards. En bord de l’eau, les poings ancrés sur ses hanches cambrées, Sam l’observait émerger à la cherche de son oxygène. Il toussota un peu, avant de secouer la tête sèchement comme seuls les hommes savent le faire pour en chasser l’eau. Ses cheveux mi-longs vinrent se coller à son visage, contre sa tempe et son front, alors qu’un sourire naissait sur ses lèvres, trouvant écho dans celui sournois que lui adressait Sam. Evidemment, elle avait gueulé comme une ogresse, il était donc improbable que les gens dans le périmètre immédiat ne l’eurent entendue. En tous cas, ça ne sembla pas ralentir le jeune homme et la délinquante dans leur élan, puisqu’il revint à la charge de Sam, la saisissant par les cuisses alors que cette dernière se débattait comme une furie tout en gloussant d’amusement.

-Lâche moi ! T’es trempé ! Non… Non t’as pas intérêt !! NON !!

Et bien si. Le grand garçon brun qui l’avait attrapée était retourné dans l’eau avec elle, et elle se retrouvait maintenant trempée jusqu’aux os, son petit tee shirt blanc était rendu transparent, quant à son micro short, il collait à sa peau, à la limite de la décence. Sam émergea et écarta ses cheveux noirs et violets de ses yeux, avant d’envoyer une gerbe d’eau dans la figure de celui qui s’appelait Aaron, élève au lycée de Seikusu, avec un grand sourire.

Chacun ses petites occupations et distractions.

Une voix de stentor résonna dans le parc, interrompant la rêverie de Zynarys. Intriguée, elle se leva et s'approcha de l'endroit d'où était venue l'exclamation, suivie par une seconde. C'était étrange mais cette voix lui disait quelque chose...
Elle franchit quelques mètres avant d'atteindre le bassin du parc. Ordinairement, des canards y barbotaient mais ce jour là, deux nouveaux usagers qui n'avaient strictement rien à voir avec la gent volatile s'y trouvaient : des jeunes gens qui, à en juger par leur attitude, avaient plutôt l'air de s'amuser (faute d'autre mot, il fallait bien appeler ça comme ça).

De là où elle se trouvait, elle pouvait voir le panneau où il était marqué "Baignade Interdite" et ne put retenir un petit sourire. Elle s'approcha du duo et les observa un court instant : un garçon et une fille qui étaient trempés de la tête aux pieds ; le premier était vêtu de l'uniforme des lycéens et Zynarys le reconnut tout de suite : c'était Aaron, un élève de la section 0, dont elle avait eu la charge, quelques mois auparavant.
La seconde était une fille mais son visage était dissimulé par la masse compacte de ses cheveux, la faisant ressembler à Sadako*. Son T-shirt et son mini-short - Zynarys en portait un du même style - étaient collés à sa peau et avaient été rendus transparents, dévoilant plus qu'ils ne dissimulaient les courbes gracieuses de son anatomie...

Le garçon reconnut aussitôt la jandarienne car il sortit du bassin précipitamment, son visage reflétant une émotion des plus intenses, pour aller se planter devant elle :

- Purée, c'est vous madame ?! Vous étiez passée où ? On s'inquiétait tous... Euh bonjour au fait, scusez moi !

Malgré elle, Zynarys ne put s'empêcher de sourire intérieurement : Aaron, comme tous les autres élèves de la section 0, la respectait. En quelques mois, elle avait réussi à faire de ces branleurs tout juste bon à rouler des mécaniques devant des petits jeunes et à battre le record d'enfilage de bières, des gaillards solides, disciplinés et respectueux envers leurs ainés. Avec plus de temps et dans une autre situation, elle eût pu en faire des guerriers dignes de ce nom mais bon ce qu'elle avait accompli n'était déjà pas si mal.

- Bonjour Aaron, j'ai dû m'absenter pour diverses raisons, mais je suis de retour maintenant.

Tandis qu'elle parlait, elle jeta un œil sur la fille et put mieux la voir maintenant qu'elle avait écarté ses cheveux de son visage. Elle ne fut pas surprise de revoir les traits ô combien familiers de Sam...

* Du film Ring

Alors, c'était ainsi que ça marchait? Il suffisait qu'une autre femelle à forte poitrine entra dans son champ de vision pour que le jeune homme oublie Sam? Et au profit de quoi? Une drogueuse en plus? Et bien soit. C'est un regard assassin que Sam lança à Zynarys quand ses cheveux furent écartés et que celle-ci fut à même de croiser son regard. De plus, un sourire malsain étira ses lèvres. Il ne laissait présager rien de bon. Avec une lenteur démesurée, même un zombie aurait marché plus vite, Sam sortit du bassin, redisciplina ses lourds cheveux noirs et violets comme elle le pu, les essora, et sans accorder un seul regard supplémentaire au duo, elle leur tourna le dos et s'en alla simplement. A une dizaine de mètres de là, elle sortit de la poche de son jean les roulettes de ses tennis rollers, les enfila, et laissa derrière elle le duo bien heureux. Il allait falloir qu'elle fasse de la chirurgie mammaire si elle voulait qu'on arrête de la snober dès qu'une autre gonzesse entrait dans le secteur...

Sam était du genre jaloux et impulsif. Aussi, en voyant qu'elle n'intéressait plus le jeune homme avec qui elle était alors que Zynarys n'avait même pas ouvert la bouche, ça l'avait profondément blasée et profondément agacée. Elle n'avait pas ses talents de combattante, elle n'avait pas ses pouvoirs... Elle n'avait même pas sa plastique. En gros, Sam n'avait strictement rien de rien pour tenir tête à Zynarys, que ce soit sur un plan ou sur l'autre. Il semblait que la Jandarienne ait toujours trente six longueurs d'avance sur elle. Et bien, tant pis. Sam n'était pas du genre à vouloir jouer les faire-valoir, Aaron s'en chargerait. Qu'ils restent tous les deux, la délinquante s'en tamponnait l'oreille avec une babouche.

De la poche arrière de son jean, elle sortit un paquet de clopes neuf. Il avait survécu à la baignade puisque le cellophane qui protégeait l'emballage était toujours intacte, aussi, avec ses doigts mouillés, la jeune femme l'enleva-t-elle, ouvrit le paquet et en retira une cigarette du bout des dents. Elle sortit ensuite son zippo...

-Merde... Plus de gaz... Fait chier.

Mais soit. Elle le secoua, comme on fait toujours dans ces cas là, le frappa une fois ou deux contre sa main et fit à nouveau rouler la pierre qui cette fois fit une flamme. La flamme en question venait en réalité du pouce de la jeune femme, mais à moins d'avoir les yeux pile dessus à trois centimètres, ça n'était pas perceptible. Une fois son clou de cercueil allumé, Sam rangea son zippo dans sa poche arrière, l'autre que celle qui contenait les cigarette, et continua de rouler. Les mains en oreiller derrière la tête, elle avait l'air plus cool que jamais, et si Zynarys avait su capter l'attention d'Aaron, Sam captait les regards de toutes les autres personnes avec ses fringues mouillés et son air blasé.

Zynarys surprit le regard de Sam et se dit que si ses yeux avaient été des mitraillettes, elle et Aaron auraient été truffés de plomb à l'instant même. Puis, après s'être essoré ses longs cheveux, leur tourna le dos et s'éloigna façon princesse russe en exil ayant dû fuir la révolution d'Octobre et contrainte de travailler pour vivre : avec une sorte de fierté outragée.

- Ben qu'est ce qu'elle a ?! demanda Aaron.
- Euh, je ne sais pas trop... répondit-elle même si en réalité elle connaissait la véritable raison de son départ... Bah ! Laissons la, c'est une grande fille. Mais dis-moi, tu ne devrais pas être en court à l'heure actuelle ?
- Euh oui...
- Alors, rentre chez toi, va te changer et file au lycée vilain garnement ! fit-elle d'un ton faussement sévère.
- Oui madame ! répondit-il, moqueur. Sinon, c'est quand qu'on vous revenez ?
- Hum, demain ou après-demain, le temps de régler quelques petites bricoles.

Les "petites bricoles" en question était la création d'un faux certificat de stage grâce à sa Bague. En effet, pour expliquer sa longue absence, elle avait téléphoné - depuis Oa, toujours grâce à sa Bague - au directeur de l'établissement pour l'informer qu'elle était partie en urgence à un "stage de perfectionnement" à l'étranger afin "d'élargir son champ de compétences" (la bonne vieille phrase bateau qui voulait tout dire et rien dire à la fois).

- Ok, ça marche ! dit-il avant de retourner à son domicile.

Elle le regarda s'éloigner, songeuse. Elle repensa au regard de la "punkette" : elle en était pas certaine mais elle avait cru y déceler de la jalousie, voire même de la haine... Elle savait qu'elles ne s'étaient pas quittées en très bon termes mais de là à lui faire les yeux noirs... Finalement, elle haussa les épaules : elle avait d'autres choses plus importantes à faire et à vrai dire elle s'en fichait un peu. De toute manière, cette gamine resterait pour elle une énigme et elle n'avait pas spécialement envie d'en découvrir la solution.

oOo

Trois semaines plus tard.

"HADOKEN !"
"SHORYUKEN !"

Sur l'écran, Ryu et Ken se faisaient face. Le Japonais était mal en point car sa barre de vie approchait de 0 ; Ken ne valait guère mieux mais avait quand même plus de vitalité que son antagoniste. Ce dernier envoya une boule d'énergie bleutée qui se dirigea vers l'américain qui l'esquiva en sautant dans les airs et porta à Ryu un redoutable coup de pied aérien qui lui fracassa la tête et l'envoya au pays des songes.

- Ah flûte, j'ai encore perdu ! T'es vraiment balèze Izumi !
- Héhé, j'ai pas mal de pratique tu sais !
- Je vois ça. On s'en refait une ?
- Ça roule !

Zynarys se trouvait dans une chambre de l'hôpital central de Seikusu. Installée sur une chaise, elle tenait un joypad dans les mains. A côté d'elle, en position assise sur son lit, se tenait un petit garçon qui devait avoir environ huit ans et qui portait la blouse blanche des patients. Ce qui était frappant chez lui était son crâne complètement chauve ainsi que son absence de cils et de sourcils ; en outre, sa peau était d'une pâleur maladive et son corps d'une maigreur squelettique.
Malgré cela, ses yeux reflétaient une joie fiévreuse et intense qui transfigurait son visage, faisant presque oublier qu'il était malade. Presque.

Cela faisait maintenant 9 jours que la jandarienne rendait une petite visite à Izumi et ce dernier l'accueillait à chaque fois avec une joie débordante. Elle lui apportait des cadeaux comme des livres ou encore cette console PS3 à laquelle elle avait rajouté le jeu Super Street Fighter IV.

Ils s'étaient rencontrés il y dix jours de cela quand Zynarys avait du accompagner à l'hôpital une fille de sa classe qui s'était fait mettre enceinte par son petit ami, le couple ayant fait l'amour sans protection...
L'adolescente s'en était rendue compte que bien trop tard. Elle venait d'une famille assez stricte et les choses du sexe étaient taboues. S'ils avaient appris qu'elle attendait un enfant, nul doute qu'ils l'auraient honnie, bannie du foyer familial, un peu comme dans ces pièces de théâtre dramatiques...

Donc, tandis que l'élève était prise en charge par le personnel médical du centre d'IVG (qui se trouvait dans l'enceinte même de l'établissement), la prof était allée faire un petit tour dans les couloirs, maugréant des phrases du genre "comme si j'avais que ça à foutre..."

Elle était tombée par hasard dans l'étage réservé aux cancéreux et avait vu par une des portes restée entrouvertes, ce petit garçon à l'aspect maladif et à l'air triste. Leurs regards s'étaient croisés et il lui avait souri ; elle lui avait souri en retour et était entrée dans sa chambre en lui disant un "bonjour" quelque peu timide car elle n'était pas très à l'aise avec les personnes malades et handicapées.

Ils avaient engagé la conversation et de fil en aiguille avaient ressenti l'un envers l'autre une sorte de complicité. Elle partit tout en promettant de revenir le voir le lendemain et c'est ainsi que de fil en aiguille ils étaient devenus en quelque sorte amis.

Trois semaines plus tard, le dernier endroit où aurait pu se trouver était bien entendu l’hôpital. En fait, elle était dans un grand appartement de riche de Seikusu, étendue complètement nue dans des draps de soie. Elle s’était laissée vivre, comme toujours, et la chance lui avait sourit depuis quelques temps puisqu’elle se faisait entretenir par un amant plus assidu et plus riche que les autres. Tant mieux pour elle. Sam redécouvrait sa peau. Son dernier bleu avait disparu depuis quelques jours, et elle s’étonnait presque de la retrouver tel quelle. ‘Faut dire, sans la possibilité ou l’envie de se battre, ce genre de marques disparaissaient rapidement. Et les seules traces que sa peau risquaient à présent étaient celles que laissent les autobronzants que son richissime compagnon l’incitait à mettre sur sa peau, elle était trop pâle avait-il dit. Un peu comme Morticia Addams. Elle en avait le nom de famille d’ailleurs. Mais évidemment, elle l’envoyait bouler. Il était hors de question qu’elle ressemble aux barbies siliconées qu’il avait l’habitude de fréquenter. Et puis une peau hâlée avec des cheveux noirs et violait, quand on avait sa pâleur naturelle, c’était une hérésie. Elle était bien plus jolie avec un teint laiteux et maladif que hâlé. De toutes façons, il n’était pas là pour la voir.

La matinée était déjà bien avancée quand Sam repoussa les draps du lit. Elle prit la télécommande de la chaîne hifi et monta le volume à fond. Twisted Transistor de Korn fut bientôt beuglé à travers tout l’appartement alors que Sam croquait une pomme vite fait avant d’aller prendre sa douche. Le tout aux frais de la princesse, évidemment. Gels douches de luxe, idem pour le shampoing. Monsieur avait même fait l’effort d’en acheter des féminins pour elle. La classe internationale.
Elle sentait bon aussi en sortant de la douche, encore dégoulinante. Ses mains essorèrent rapidement ses cheveux, puis nouèrent une serviette autour de sa tête, avant d’en nouer une autre sous ses aisselles. Elle retourna ensuite dans la chambre du jeune homme et se rhabilla, micro jupette, boxer noir, tee shirt coupé en travers sans manches et troué de partout et hop. Elle se coiffa rapidement, ses couettes montées sur cheveux mouillés, et quitta le grand immeuble. Elle avait envie d’une glace. Aussi passa-t-elle les roulettes à ses chaussures pour gagner le centre commercial. Elle prendrait une Haagen Dazs parfum cookie brownie. Et ça serait parfait.

Zynarys finissait de régler son achat dans la librairie du centre commercial. Avant de se rendre à l'hôpital, elle avait décidé de faire un saut afin d'acheter un cadeau à Izumi : un livre sur l'univers, comportant bon nombre de splendides photos à l'intérieur. L'ouvrage était un peu cher mais cela ne dérangeait pas spécialement la jeune femme.

Si Zynarys pouvait dépenser autant d'argent sans être gênée financièrement c'est parce qu'en réalité elle faisait de sacrées économies sur le reste et ce grâce à sa Bague : elle ne payait pas les transports en communs, ni le train ni l'avion, pouvant atteindre des destinations lointaines en quelques secondes. Elle ne payait pas le téléphone car son Anneau pouvait émettre et recevoir des communications téléphoniques ; à ce propos, elle avait un vieux téléphone portable sans batteries qui lui servait à faire illusion quand elle voulait passer un appel dans la rue. Elle avait certes un superbe écran plasma mais elle l'avait fabriqué elle-même grâce à ses pouvoirs (l'opération lui avait quand même pris 2 bonnes journées : elle était plus douée pour fabriquer de l'armement et des vaisseaux que des objets de la vie de tous les jours) à partir de pièces détachées et était bien plus perfectionné que n'importe quel téléviseur ; d'ailleurs il lui servait également d'interface pour naviguer sur le net (sa Bague lui donnait accès au Web ). A ce sujet, elle ne payait pas l'électricité pour la simple et bonne raison que son Anneau lui fournissait quotidiennement cette énergie : environ 1% était nécessaire pour faire fonctionner tous les appareils électriques de son petit appartement pour une journée.

Bien sûr, avec tous ces pouvoirs on pourrait se demander pourquoi la jandarienne ne ramenait pas des pierres précieuses se trouvant dans un astéroïde pour les échanger contre un gros paquet de fric ou encore s'arrangeait pour gagner le gros lot à la loterie. Il y avait une raison, ou plutôt plusieurs raisons à cela : Zynarys avait des goûts simples et se fichait d'avoir une voiture de sport et une belle demeure de 30 pièces ; étant née dans la noblesse jandarienne, avec une cuillère en platine dans la bouche, elle n'avait pas une mentalité de nouveau riche, à exhiber à tout bout de champ ses signes extérieurs de richesses. Par ailleurs, les Gardiens interdisaient l'utilisation des pouvoirs de l'Anneau à des fins personnelles (mais rien n'empêchait de les employer pour faciliter le quotidien). Enfin, avait-on vraiment besoin d'une immense propriété quand on pouvait sillonner le ciel librement et avoir l'espace infini à portée de la main ?

C'est en sortant du magasin, qu'elle vit au loin une silhouette familière, celle de Sam, la "punkette" qui parcourait tranquillement les allées du centre commercial. Zynarys se souvint du regard meurtrier qu'elle avait dardé sur elle la dernière fois qu'elles s'étaient vues et décida dans un premier temps de ne pas l'aborder ; puis, elle se ravisa car après tout, la saluer ne coûtait pas grand chose...

Aussi elle se porta à sa hauteur et lui dit dit un "bonjour" d'une voix douce. Bien sûr, elle ne s'attendait pas à des sauts de joie et des cris d'allégresse mais elle voulait jauger la réaction de Sam. Sans compter qu'elle voulait quand même crever l'abcès, dissiper le malentendu entre elle et la gothique.

Pour une fois depuis longtemps, Sam ne pensait à rien. Ni à ce qu’elle allait faire, ni à ce qu’elle n’allait pas faire. Elle ne faisait pas attention aux gens l’entourant, pas plus qu’elle ne faisait attention au reste. Pas de lèche-vitrine cet après-midi là, elle n’en avait pas envie. La seule chose qui occupait son esprit était la glace délicieuse qu’elle allait s’offrir incessamment sous peu, et qui remplirait son estomac en un temps encore plus court. Elle la prendrait plus grosse qu’elle-même et se ferait un plaisir de la déguster seule. A bien y réfléchir, entre ses vadrouilles à droite et à gauche, son riche amant et le reste, elle n’avait plus beaucoup de temps pour elle seule. Ca lui manquait mine de rien.

Plutôt de bonne humeur donc, elle glissa ses mains derrière sa tête et y croisa ses doigts, se mouvant ainsi avec flemme entre les différents clients du centre commercial. Le stand de glaces qu’elle avait repéré était au milieu d’une zone vie, où il y avait aussi un bar à smoothies, une boulangerie pâtisseries, une sandwicherie… Enfin bref, tout ce qu’il fallait pour sustenter les foules qui viendraient à passer par là. Sam pour sa part se mit à faire la queue, comme tout un chacun. Quand ce fut son tour, elle commanda une triple portion de glace au brownie, une double de glace à la framboise et une autre de glace au cookie. Que du bonheur. Le tout lui fut donné dans une grande coupelle qu’elle regardait déjà en salivant alors qu’elle sortait de la monnaie pour la payer. Son véritable saladier en main, elle roula encore jusqu’à une petite table et s’y assit, plantant déjà sa cuillère pour goûter au brownie mélangé à la glace qui fondait délicieusement sur la langue. Sam pouvait mourir heureuse, elle avait connu un de ces rares plaisirs humains qui en valaient tous les autres. Après cela, plusieurs cuillérées suivirent, toutes plus succulentes les unes que les autres.

Quand Zynarys se présenta à elle, il restait encore une bonne moitié de glace, et l’appétit de Sam ne semblait pas faiblir. Du moins, jusqu’à ce que la jandarienne s’adresse alors. Alors, dans un CLING sonore, la cuillère fut rejetée au fond du bol comme une malpropre alors que Sam se léchait le bout des doigts et croisait les bras sur sa poitrine.

-Tiens… Revoilà la drogueuse. Tu vas mettre quoi dans ma glace cette fois ? De l’Héro ? Du LSD ?

Zynarys n’était pas sortie de l’auberge. Sam avait la rancune tenace et était de mauvaise foi. Pire encore, elle avait été on ne peut plus agacée que la prof de sport interrompe son jeu avec Adam. Et le regard que lui lançait la jeune femme, dépourvu de haine, juste glacial… Antipathique, indifférent, n’augurait rien de bon pour la Green Lantern. Sam n’en était même plus à la détester. Elle en était au stade où elle n’en avait juste plus rien à faire.

-Tiens… Revoilà la drogueuse. Tu vas mettre quoi dans ma glace cette fois ? De l’Héro ? Du LSD ?

Zynarys soupira bruyamment à cette réponse. A vrai dire elle s'y était attendue mais parfois elle en avait marre d'avoir raison...

Toujours avec cette idée fixe. Tu es vraiment une tête de mule... dit-elle d'une voix où entrait une bonne part de lassitude. Puisque visiblement il faut que je sois coupable à tes yeux, et pas seulement moi mais la Terre entière, eh bien je préfère te laisser seule.

Et sans plus de cérémonie, elle tourna les talons et sortit de l'établissement, puis du centre commercial pour se diriger vers l'hôpital central de Seikusu. Tout au long du chemin, la jandarienne ne cessait de repenser à Sam et à son attitude qui était en soi compréhensible : non seulement elle croyait qu'elle l'avait drogué mais en outre elle ne devait pas avoir apprécié l'interruption de son petit jeu aquatique avec le lycéen.

Elle est jalouse et elle a peur ! dit-elle à voix haute, alors qu'elle se trouvait seule dans une rue.

Jalouse ? Oui, car la "punkette" devait envier Zynarys pour des raisons physiques (entre autres). Pourtant, elle n'avait pas à rougir de son propre corps car Sam, même si elle n'était pas très grande, était bien faite et devait immanquablement attirer les regards masculins.
Peur ? Bien sûr car la jandarienne sentait que le masque d'indifférence et de je-m'en-foutisme de la gothique devait cacher une peur secrète et profonde.

Si seulement je pouvais l'aider ! redit-elle tout haut. Mais Sam était trop sauvage, trop méfiante et trop bornée pour avouer qu'elle avait besoin d'aide. Elle rirait de manière méprisante et lâcherait une phrase cinglante et méchante à son interlocuteur. Sans compter qu'elle ne portait pas beaucoup la jeune femme dans son cœur...

Haussant les épaules, Zynarys se dit que certains combats, certaines causes étaient perdues d'avance et que rien ne pourrait vraiment secouer l'âme de cette jeune fille blessée trop tôt par la vie. Dommage...

Quand elle ouvrit la porte de la chambre d'hôpital, le sourire que lui lança son occupant, le petit Izumi, lui mit un peu de baume au cœur et lui fit oublier ces sombres pensées.

Salut mon grand, je t'ai apporté un petit quelque chose qui va sûrement te faire plaisir ! fit-elle d'une voix joyeuse.