Le loquet sauta, les fenêtres s'ouvrirent. Terpsichore allait enjamber le rebord de la fenêtre, afin de donner l'illusion à Jack qu'elle partait, mais il semblait enfin se rendre à la raison et revenir sur ses paroles.
L'erreur que faisaient les mortels d'aujourd'hui, c'est que la science était la toute puissante raison et vérité. Sauf que ça n'était pas le cas. Mais en voyant les choses comme telles, ils s'enfermaient dans des carcans dont il était ensuite très difficile de les faire sortir. Croire à la magie par exemple, aux créatures surnaturelles. Quand ils sont petits et jeunes, ils y croient. Aussi durement qu'ils sont persuadés que s'ils laissent traîner un pied près du sol une fois couchés, le monstre sous le lit l'attrapera et le dévorera. Mais en grandissant, ils perdaient cette croyance qui pourtant pouvait dynamiser, embellir ou encore mouvementer leurs journées pour des considérations plus pragmatiques du genre argent, promotion sociale et autre fadaise. On pouvait être un pseudo imbécile, pauvre, et heureux. Ceux que le commun appelaient imbéciles qui plus est étaient ceux qui croyaient en des créatures telles que Terpsichore. Dommage. Enfin, Jack quant à lui semblait se rendre et accepter la présence de la Muse. Mieux, il lui demandait de rester. Elle ne répondit pas immédiatement, la réponse qu'elle comptait lui faire étant plutôt soumise à interprétations, mais du reste, elle n'eut guère le temps de le faire.
Du moment où elle avait commencé à rassembler ses idées à celui où elle comptait ouvrir la bouche, le jeune artiste l'avait rejointe, touchée même, ce dont Terpsichore n'était pas coutumière. Apparaître aux artistes, ça l'était plus ou moins selon ses caprices. Les laisser la toucher à leur convenance, c'était autre chose. Toujours est-il que si elle voulait déshiniber Jack, il ne fallait pas qu'elle joue les capricieuse. Sinon, l'un des rares artistes qu'elle avait pu croiser jusqu'à maintenant se refermerait sur lui-même telle une huître et elle ne pourrait plus l'inciter à dessiner, ce qui serait dramatique pour une Muse. Elle se contenta donc de ne pas bouger, de gorger ses poumons de son parfum, et d'attendre. Les mains du jeune homme quittèrent finalement ses épaules et s'emparèrent de ses mains à elle, qu'elle lui donna sans faire la difficile. Elle le suivit, et s'assit sagement là où il voulait qu'elle soit, les yeux bleu glacés de la Muse cherchant ceux de Jack.
Savait-il quel châtiment l'attendait s'il se mettait la Muse à dos? Ce serait amusant pour quelqu'un qui ne voulait pas croire à son existence au début. Le voile d'inquiétude qui masquait ses yeux incita la femme éthérée à incliner la tête. Elle se doutait que lorsqu'elle reprendrait la parole, cette inquiétude disparaîtrait pour une autre émotion, alors rien ne servait de le consoler vis à vis de cela. Si elle était encore là, il pouvait se dire que son pseudo déni de la Muse n'avait pas vraiment d'importance aux yeux de cette dernière, le principal étant qu'il l'ait retenue.
"Jack, si tu veux que je reste, il va falloir que tu te sentes à l'aise avec moi. Je suis là pour t'aider, pour t'inspirer. Pas pour t'effrayer."
Elle soupira discrètement et secoua la tête.
"Quant à rester tienne pour toujours, je ne le ferai qu'à la condition que tu ne me fasses plus de mal."
Lâchant une des mains du jeune homme, elle prit la boulette de papier et la défroissa pour lui rendre son aspect original. Elle le montra au jeune homme.
"Détruire une création que je t'ai inspirée revient à détruire une partie de moi. Je connais les raisons de ta honte, et je te suis apparue aussi pour t'aider à ne plus avoir honte. Mais pour cela, il faut que j'ai la promesse de ta bonne volonté."
Tenant le dessin d'une main, son autre main gagna le visage du jeune homme et lui caressa la joue avec tendresse. Elle ne comptait pas vérouiller les serrures de sa créativité pour toujours, de ce fait, elle irait doucement.