Inspiration divine ? (Pv)

La journée durant, Terpsichore s'était occupée. Recherche de nouveaux artistes en herbe, passage aux temples des Dieux Grecques pour quelque représentation, ou encore profit de la vie et de ses trésors, découverte de paysages à couper le souffle, rencontre fortuite... Tout cela avec la même finalité, celle de la ramener à l'heure dite chez son nouveau protégé. Elle n'avait pas un grand travail à faire. Quand l'heure arrivait, le lien qu'avaient engendré les mots de ses promesses la téléportait automatiquement dans la petite demeure de Jack, à son côté. Quand elle se retrouva dans la petite salle d'eau, elle le chercha, pas bien longtemps, et sourit en le voyant prendre un bain. Elle se demanda s'il serait gêné qu'elle le voit nu. Il le serait forcément, à la réflexion. Mais il devrait s'y faire... Surtout que c'était un homme au physique des plus ravageurs. C'était un crime d'en faire un saint! Encore invisible, la muse s'installa sur le rebord du bain et s'y assit, sur une cuisse. Sa main s'éloigna de son corps alors qu'elle prenait lentement une consistance, apparaissant vêtue de voiles transparents, avec seulement quelques monceaux de tissus opaques pour cacher ses seins et son sexe de la vue du jeune homme. Un doux sourire flottait sur ses lèvres, et ses cheveux lâchés trempaient dans la baignoire, flottant tel un voile diaphane sur l'eau.

"Bonsoir Jack..."

Les yeux bleus de la Muse cherchèrent ceux du dessinateur tandis que sa main parvenait à son but, à savoir le visage du jeune homme. Point de regards lubriques lancés sur son corps d'albâtre, juste une oeillade complice ancrée dans les iris sombres du terrien.

"Je suis revenue."

Lentement, son pouce caressait la joue de l'homme brun face à elle, en un geste tendre et cajoleur.

Les paupières du bel ange s’ouvrirent difficilement sous les appels de la muse, par à-coups les cloisons se murent jusqu’à s’ouvrir totalement pour dévoiler les perles sombres. Et les orbes noirs s’ouvrirent en grand face à la muse, elle était donc réelle, elle existait, ou il était fou ! Les joues se colorièrent sous le pinceau de ses doigts, tandis que Jack la détaillait, un trouble notable survint sa virilité se dressa raide comme la justice, défiant la pesanteur sans gêne, ni honte, comme pour tester son pouvoir et montrer à tous toute l’ardeur du jeune artiste. Un éclat de voix suivit alors qu’il semblait être pris en flagrant délit de vol…

« Que… que faites vous là ?! »

Ses mains trouvèrent bien vite le chemin de son sexe pour tenter de le faire taire tant bien que mal, alors que les pupilles d’ombre dardaient en direction de l’éolienne. Le regard ne fuyait plus, ses mots étaient encore amers et assassins malgré que son corps semblait en feu sous le regard lagon de la muse. Il chercha à se redresser pour lui faire face, s’extirper de cette prison d’eau, délaisser cette couverture d’aqua qui lui avait été si chère ! Mais alors qu’il se relevait, les méandres de la gravité, loi absurde que voilà, les entraîna tout deux au fond de cette cuvette d’eau. Ils étaient allongés l’un sur l’autre ; la nymphe était devenue naïade, sa chevelure diaphane prenant des teintes d’or sous le poids de cette eau alors que son corps entravé par moults voiles s’amourachaient de son artiste comme pour les pousser au contact. Oh et quel contact… On aurait dit des amants partageant leur bonheur au sein d’un bain… Les mains du jeune homme avaient trouvé refuge dans leur chute sur le fessier de la muse et chaque partie de sa délicieuse chute de reins trouvait refuge au creux des paumes brûlantes de l’artiste. Leurs visages étaient proches, bien trop proches et la colère qui l’avait animé n’était plus, l’envie certes demeurait et l’incompréhension et l’invraisemblance de la situation…
Tout honteux, il parvint à se soustraire à l’influence de son regard, et il lâcha difficilement…

« Relevez vous… »

Conscient de la faiblesse de sa demande, il répéta avec plus de hargne, aboyant presque, car il était tout aussi capricieux qu’elle…

« Relevez vous s’il vous plait… »[/color]

Terpsichore ne pu qu'être déçue de la façon dont Jack réagit à sa présence. Elle s'attendait à ce qu'il soit content de la retrouver, mais surtout pas colérique face à elle. Déçue également car il lui avait promis de faire des efforts, et qu'elle n'en constatait encore aucun. Les efforts commencent avec la résignation, et il n'était pas encore résigné à s'ouvrir à toutes les choses qui rendaient les plaisirs charnels si plaisants. Il n'était même pas sensible à ses propres envies. Sa virilité dressée n'échappa pas à la Muse, et elle ne put que soupirer en le voyant tenter de s'extraire du bain. Mais non. C'en était assez, il ne s'en sortirait pas comme cela. Un geste malencontreux... Et plouf, les voilà tous les deux dans l'eau, Terpsichore au moins aussi mouillée que lui et les voiles composant ses vêtements s'emmêlant à leurs membres et les attachant presque ensemble. Le corps entier de la Muse serré contre celui de l'artiste. Peut-être fusionneraient-ils enfin et Jack connaîtrait-il l'inspiration de sa vie? Comme une avance prometteuse, les mains de Jack vinrent se loger dans le creux de ses reins, et, le nez près du sien, Terpsishore ne put qu'en sourire. Sourire qui ne quitta pas son visage, même lorsqu'il lui demanda de se relever.

"Non..."

Fut la réponse à laquelle il eut droit. Nette et précise, elle ne lui demanderait pas son avis. Néanmoins, elle souleva son corps, de manière à se retrouver à quatre pattes au dessus de Jack, la tête de ce dernier entre ses bras.

"Non je ne me relèverai pas... Pas tant que tu n'auras pas avoué avec tes lèvres, ni montré avec tes mains que tu me veux..."

Provocatrice, la Muse envoya une de ses mains s'empresser auprès de la stribe de Jack. Seulement, elle ne le touchait pas. Elle ne faisait qu'exacerber son sens du toucher en créant des remous et courants, qui eux viendraient le caresser à la place de ses doigts. Si elle le frôlait tout au plus, elle ne la saisissait pas. Elle ne comptait tout de même pas le contraindre, ce qui aurait été la pire des choses à faire.

L’orgueilleux fulmina au refus de la capricieuse de lui céder ! Voilà que la mutine se faisait féline et entamait une nouvelle joute pour le provoquer et le tester, il en tremblait, frissonnait sous la moindre de ces caresses alors que son intimité se faisait toujours plus imposante, trahison de son corps. Mais non, il ne lui ferait pas la joie d’accéder à sa volonté, il ne craquerait pas, ne porterait pas la main sur ce corps offert et tentateur. Fier et pressé que cette torture des sens se termine de peur d’y succomber :ses mains se portèrent sur la taille découverte de la poupée avec force, l’empreinte de ses doigts brûlants s’imprimant dans la chair dorée de la voluptueuse, et, dans un mouvement, il échangea les rôles, il la surplombait alors que la femme-enfant se trouvait juste au dessous.

« Ne faites pas passer vos envies pour les miennes. »

Désir de la défier, de la dominer, de la surprendre ? Le bel artiste se redressa et s’extirpa hors de la baignoire. Aussitôt sorti de ce piège tentant, il s’enroula dans une serviette chaude, faisant mine d’oublier la nymphe, il abandonna la muse dans la salle de bains alors qu’il s’était dirigée vers la mansarde pour se vêtir et ôter des yeux de la voluptueuse son corps…
La nymphe se laisserait-elle ainsi faire ? Qui était-il pour la traiter ainsi ?! Ni le premier, ni le dernier des artistes qu’elle fréquenterait…

La réaction de Jack fit sourire Terpsichore d'avantage. Etait-ce elle qui avait un chibre aussi tendu que pouvait l'être? Non. Ce n'était pas ses envies à elle, mais les siennes. Les siennes qu'il refoulait, encore et encore, sans jamais y céder. Pourquoi? Ce raisonnement demeurait un mystère pour la Muse. Elle le laissa inverser les position, et sortir de la salle de bain sans s'y accrocher, bien qu'elle aurait pu nouer ses jambes autour de sa taille pour l'empêcher de partir. Elle n'en fit rien et resta allongée dans la baignoire le temps qu'il se sêche et se change. Ce n'est qu'une fois qu'il fût sortit, en ayant pris soin de laisser quelques minutes s'écouler afin qu'il se vêtisse sans gène ni honte, que Terpsichore sortit de la baignoire. Elle n'était pas ni gênée ni pudique le moins du monde. Elle était trempée, et les voile qui constituaient ses vêtements rendus de ce fait transparents, et ses cheveux collants, dégoulinants. Ils étaient du reste, la seule et dernière frontière entre les yeux de l'artiste et sa poitrine. C'est dans cette accoutrement, sans en être incommodée le moins du monde, que Terpsichore refit son apparition dans la mansarde de Jack. Elle s'appuya contre la porte, une jambe repliée, ne lésignant pas les poses aguicheuses pour le contraindre à lui céder.

"J'aimerai savoir... Pourquoi refuses-tu de te laisser aller? Je ne suis là que pour t'aider à t'exprimer... Pourquoi ne pas saisir cette occasion? Tu refuses de partager les plaisirs avec moi, alors qu'il semble évident que je te plais à la façon dont ton corps répond au mien..."

Peut-être que s'il lui livrait ses craintes, et qu'elle parvenait à les appaiser, elle pourrait faire ce qu'elle avait envie, à savoir lui permettre d'être plus à l'aise avec le langage du corps et des sens... Parce qu'au final, c'était ça qu'elle voulait réellement. Il ne pourrait s'accomplir dans son art que s'il se permettait d'éprouver un peu de tendresse, et qu'il parvenait à sentir à l'aise avec les corps des femmes. Peut-être était cela la clef. Terpsichore tenta le tout pour le tout, et laissa ses voiles se décomposer en toutes petites particules de poussières, qui furent dissipées par un léger courant d'air. Il ne restait devant Jack qu'une femme nue, dont seule la poitrine était encore partiellement cachée par des mèches de cheveux mordorés épars.

Un feu certain le consuma à la vue de cette vision aguicheuse, la muse lui promettait monts et merveilles. Et voilà que tel le papillon attiré par la flamme, il s’approchait d’elle à grandes enjambées ; d’ici la voluptueuse pouvait sentir son désir, ses craintes, ses peurs, son cœur tambourinant plus fort dans sa poitrine. Il s’était avancé et ses menottes avaient fait siennes ses épaules dénudées sur lesquels des filets d’ors se plaisaient à naviguer. Les cascades d’or laissaient perler de fines gouttes d’aqua et la nymphe subissait la caresse de ces gouttelettes, perles d’ingéniosité.

« Je … Je ne me l’explique pas… »

Bredouillant ses quelques mots, justification de sa conduite, Jack put à loisir se plonger dans la contemplation de cette pécheresse, tentation incarnée qui avait revêtue sa tenue d’Eve. N’était-elle pas appétissante, la chair tendre et grasse, les formes onctueuses et suaves, un délice dans la fleur de l’âge ? D’une main légère et pionnière, il dépassa les frontières pour dévaler les pentes d’une gorge gracile, esquisser le contour de monts voluptueux de ses doigts fins et élancés avant de retirer ses mains vivement comme s’il venait de se brûler. Il ne lui avait pas cédé mais presque… Hors de question de se débiner et de donner raison à la muse ! Terrible ego que voilà ! Sa pudeur l’avait tout d’abord empêché de la découvrir et maintenant son ego et sa fierté de lui céder. Il ne lui accorderait aucune victoire. Néanmoins ses mains frictionnèrent ses épaules comme pour la réchauffer et bientôt, la naïade fut entourée de sa chemise… Voilà qu’elle se trouvait recouverte d’une armure qui portait la marque de son ennemi alors que son torse à lui se voyait dévoilé, elle pouvait y décocher les flèches qu’elle souhaitait…

« Habillez vous, Miss Terpsichore, nous… Je dois me rendre à un gala ce soir… voulez vous venir ? »[/color]

Enfin peut-être, son labeur pairait-il. Enfin, Jack se décidait à franchir les pas qui les séparaient et enfin peut-être, lui donnerait-il les clefs qui permettraient à la muse de lui donner suffisamment de confiance en lui pour ne plus avoir peur de vivre, de s'amuser, d'être heureux, et de partager quelques brefs instants de bonheur, enlacé dans les bras d'une femme. L'oeillade qu'il lui lança, ainsi que le parcours de son doigt sur sa gorge la laissèrent esperer... A tort cependant. Car il renonça bien vite, à la grande déception de la Muse. Cela dit, elle ne s'avourait pas vaincue de la sorte, pas encore, pas avant d'avoir décoché sa dernière flêche.
Elle fit un pas supplémentaire en avant et posa ses mains sur le torse nu de Jack, son corps si près du sien que le bout de ses seins frôlaient presque la peau du jeune homme. Les yeux levés vers les siens, c'est avec une totale sincérité qu'elle lui refusa sa requête.

"Je ne suis point une de ces femmes qui pourront accompagner ton bras. Je n'en ai ni la vocation, ni la prétention. Tu ne pourras t'accomplir que dans ton art avec moi à ton côté... Jack, je suis ici pour faire de toi un artiste accompli et te faire évoluer... Pas pour parader."

Elle détourna la tête du jeune homme, et laissa filler ses mains, qui caressèrent son torse alors qu'elle les en retirait et que la chemise offerte par l'artiste glissait de ses épaules pour se retrouver au sol. Lentement, les voiles mouillés qui avaient jadis fait ses vêtements se recomposèrent d'eux-mêmes, secs et en parfait état, revinrent la couvrir. Ses cheveux sêchèrent d'eux-mêmes, et elle gagna la fenêtre dont elle défit le loquet, comme le soir précédent.

"Sans doute dois-je te laisser. Peut-être trouveras-tu à ce gala une femme plus à même de combler tes attentes. N'oublie pas cependant que la promesse que je t'ai faite, moi je la tiens..."

Odieuse qu’elle était ! Voilà que la voluptueuse voulait reprendre ses attributs d’Eole et s’envolait par la fenêtre pour finalement lui disparaitre. Terrible succube que voilà, monstre infâme qu’on appelle femme ! Pouvait-il la laisser s’enfuir ainsi ? La chose était tentante, oui… Mais non, il la poursuivit à la manière de leur première rencontre mais au lieu de la prier de rester d’un simple toucher, ses bras s’amourachèrent de sa taille, cerceau féroce autour du corps frêle et gracile, cet étau se voyait complété par un nœud complexe d’un entremêlement de doigts du jeune homme.  De plus, le bel ange était à genoux, on aurait dit l’un de ses amants désespérés, curieux artiste que voilà ! En avait-elle déjà vu de cette sorte, de cette inconstante notable et folle ? Les menottes du ténébreux se crispèrent sur cette peau dorée et sur les voiles étincelants qui la couvraient, et, l’homme conscient que cette attaque ne serait pas suffisante pour faire rester sa chère ennemie, lui proposa dans un souffle un odieux marché.

« Je… ferai un nu de vous ce soir.. dans la position de votre choix, dans le décor de votre choix, si vous m’accompagnez..à cette soirée. »

Si elle était odieuse et capricieuse, l’orgueilleux n’était pas en reste et il était hors de question de voir s’envoler cette apparition, à peine les mots furent proférés, il ajouta à sa demande un argument de poids destiné à la convaincre. Sa voix fut teintée de doute mais il ajouta…

« Je promets… si vous acceptez… »[/color]

Terpsichore avait la tête basse et les idées noires. Les galas et autres prestations sociales humaines n'avaient aucun intérêt pour la Muse. Le seul qui l'intéressait, c'était l'artiste qu'elle menaçait pourtant de quitter dans la minute qui suivrait. Il ne sembla, du reste, pas d'accord avec cette perspective puisqu'elle ne tarda pas à sentir ses bras, tels un étau dont pourtant elle pourrait se soustraire aisément et filer comme le vent. Sa supplique arracha un soupir sonore à la Muse. Il n'avait pas compris les raisons de son refus. Elle ferma les yeux, inspira un grand coup, et défit lentement les bras de Jack de son corps. Elle voulait qu'il la lâche. Si un artiste devait supplier une Muse, c'est pour lui accorder le souffle de l'inspiration, pas pour la prier de parader à son bras. Jack devait comprendre qu'elle ne serait une femme, une femme authentique, palpable et avec laquelle il pourrait s'afficher mais dans ce cas il devrait aussi la nourrir et la loger, que si elle lui révélait le moyen de l'attraper, et de lui ôter tous ses pouvoir.
Patiente malgré tout, elle garda le bras de Jack en main et l'aida à se relever, l'aidant comme lui l'avait fait la veille à s'assoir sur son lit, tandis qu'elle s'asseyait à son côté.

"Non. Les choses ne marchent pas comme ça. Je ne peux pas t'accompagner Jack, tu ne peux pas te montrer au bras d'une Muse... Nous ne sommes des créatures d'apparat que pour les Dieux..."

Ses sourcils se froncèrent en une expression de profonds regrets, et elle détourna les yeux et la tête, yeux qui se portèrent sur le sol.

"Quant à ta promesse de me dessiner... Ce n'est pas moi qui suis censée être ton modèle. Je suis censée t'ouvrir à ton art, le faire jaillir de toi, mais pas me laisser représenter. Ce que je te demandais en plus n'était pas la conséquence, à savoir te permettre de dessiner des nus. La cause, c'est le bloquage que tu fais vis à vis des corps en eux-mêmes... Si tu n'arrives pas à les considérés comme beaux, dignes d'intérêt, telle n'importe quelle forme artistique, alors je ne pourrai plus rien pour toi, et tu ne me reverras jamais. Mon souffle ne te sera plus jamais transmis. Vas à ton gala si cela te fait plaisir, mais je ne pourrai t'y accompagner. Si tu t'en vas, j'en ferai de même. Peut-être alors reviendrais-je à ton retour, demain, ou jamais..."

Elle releva la tête, une lueur de défi dans le regard. Jack la contrariait, mais elle savait mettre tout cela de côté afin de faire passer l'art en premier. La question à l'heure actuelle était simple. Soit Jack s'occupait de sa vie sociale, qu'il aurait tout le temps de développer une fois devenu un grand artiste et surtout, une fois qu'il serait en paix avec lui-même, bien dans son corps, soit il se consacrait à son art, et de ce fait, à Terpsichore. Mais s'il choisissait sa vie sociale, ça serait un refus total de coopération avec la Muse, qui n'aurait plus qu'à tenter de chercher d'autres personnes, peut-être elles plus désireuses de parvenir et de réussir en tant qu'artistes, à inspirer...

Comme pour l’irriter davantage alors que la muse le traitait pareil au plus mal élevé des enfants, il ajouta d’une voix curieuse et pleine d’amertume.

« Me puniras-tu si je te dessine ? Tu ne parades qu’aux côtés des dieux, pourquoi ? Tu ne m’as toujours pas dit l’art auquel tu étais dédié… »

Les mains sur les genoux, à la façon d’un enfant qui écoute, il bouillonnait intérieurement qu’elle lui refuse sa demande. Puis sans un bruit, sans même lui accorder un regard, il se détourna d’elle, se leva et prit un calepin ainsi qu’un simple crayon à papier. Il revint près d’elle, avec ou contre son accord, et soudain alors qu’elle devait lui parler ou le réprimander, ses doigts vinrent arranger l’une des mèches d’or, puis une autre, ses doigts ponctuèrent en différentes touches des accords malicieux sur sa personne, était-il sculpteur, peintre ? Il cassa leur brusque proximité pour s’allonger sur le lit et commencer à esquisser les formes du visage de la fameuse muse Terpsichore. Sa mâchoire apparaissait sur le papier, sa bouche délicate, gourmande, pulpeuse, légèrement entrouverte de surprise comme si elle venait de se faire photographier, mais il se stoppa, non par pudeur mais tout simplement car le début de son œuvre ne correspondait pas à l’idée qui avait germé en lui.

« Viens là… »

Et, la reléguant à son statut de muse, il l’accapara par la main, l’entraînant près de cette fenêtre où elle souhaitait s’échapper, il l’installa sur un petit pouffe à moitié avachie, alluma une bougie sur la petite table à ses côtés. L’instant était saisissant, elle était d’une beauté sans nom et l’œuvre qui n’était encore couchée sur le papier, prenait toute son envergure, il était inspiré, le sentait-elle ? Oui elle ne pouvait l’ignorer, mais par elle et non à cause d’elle. Allait-elle se laisser faire ? Il prenait pourtant les rennes. Et comme piqué d’un nouveau souci, il ajouta à l’intention de la jeune femme.

«Cette tenue ne convient pas… Il faut autre chose, une de ces robes anciennes… Je… »[/color]

Comme il était difficile de faire comprendre les lois qui régissaient le monde supérieur aux esprits mortels de la terre... Ce devait être pour cela qu'il était déconseillé de leur apparaître. Leur nature, aux Muses, Dieux et autres créatures éthérées était trop difficile à cerner pour leurs esprits étroits, faits de logiques et de faits. Mais Terpsichore ne baissait pas les bras. Non, elle était certaine que Jack en valait la peine. C'est pourquoi elle se montrait si patiente qui plus est.

"Je te punierai sans te punir. Si tu me dessines, ce sera la plus belle de tes oeuvres. Mais personne à part toi ne pourra la voir... Pèse bien le pour et le contre de cette punition Jack... Nous ne paradons qu'aux côtés des Dieux car nous commes les filles de Zeus, créées pour leur plaisir et non pour le nôtre... Quant à moi, je suis la muse de la danse et du langage corporel..."

Si ses soeurs venaient à revivre, et à inspirer Jack, elles ne seraient jamais plus sensuelles qu'elle. C'était Terpsichore qui exprimait les plus belles émotions via son corps, elle qui se mouvait avec le plus de grâce et de légèreté, elle encore la plus avenante et expressive des Muses... Bien sûr, ses soeurs savaient se mouvoir avec aisance et prestance. Mais rien de plus ne se dégageait de leur démarche. Terpsichore avait ce petit plus dans le port, dans les mouvements qui faisaient d'elle une femme assez charismatique.
Apparemment, Jack avait pris sa décision. Il en serait donc selon ses désirs. Elle tourna ses yeux bleus iridescents dans sa direction, lui offrant un visage éperdu à dessiner.
Il ne sembla pas satisfait cependant, et puisqu'il semblait avoir arrêté son choix, Terpsichore accepta de se plier à chaqune de ses exigeances. Elle s'installa sur le pouf qui lui était attribué, à demi-allongée, en une expression blasée. Evidemment, ni ses vêtements ni le lieu n'étaient commodes. Elle était une créature antique. Au mieux, c'était nue et allongée sur un sofa qu'il l'aurait le mieux représentée. Mais elle accéda, une fois encore, de bonne grace à sa requête et ses voiles se muèrent rapidement en une robe victorienne à corset, qui flattait sa taille fine ainsi que sa poitrine généreuse. Les lacets dans son dos étaient défaits, chose plutôt sensuelle au goût de la Muse. Délaissant le pouf, elle alla poser ses mains sur le rebord de la fenêtre, dos à Jack, lui laissant ainsi une vue imprenable sur sa chute de reins et la naissance de ses fesses, dévoilée par les lâches lacets. Quelques mèches de cheveux dorés parsemaient son dos presque à nu et Terpsichore avait la tête tournée, de profil.

"Es-tu satisfait comme cela?"

Les battements de son cœur ne se taisaient pas, un martèlement sourd et certain s’était emparé de lui, faisant vibrer son corps de terribles et incessantes secousses. Ses orbes sombres et vifs cherchaient à se dérober du regard azur de la muse Terpsichore, ses lèvres n’avaient plus le plaisir de s’ouvrir pour lui répliquer du tac o tac quelques propos taquins.
Etat de faiblesse extrême pour un homme encore si confiant quelques instants auparavant, la maladie qui s’était emparée de lui, était réputée pour sa longueur et pour la douleur qu’elle invoquait, car propre au cœur et aux nerfs. L’artiste se sentait mal, affreusement à l’étroit dans cette pièce en compagnie de la voluptueuse, prenant son courage à deux mains, il se rembrunit pour tenir tête à ce monstre à jupons.
Ses prunelles ténébreuses se firent plus opaques, lanceuses de mauvais sorts, son regard se posait avec plus de dureté sur elle, le poètese permettait même de l’ignorer par moments.
Sa bouche s’ouvrit finalement pour répandre quelques froides palabres.

« Je vous l’ai promis, je suis satisfait. »

Jack s’échappa de la vision de Terpsichore pour aller chercher un fusain et du papier. En son fort intérieur, il était encore soumis aux tremblements de sa personne et il se faisait violence pour afficher une « image forte » de lui-même.
Déposant sur le lit de la petite chambre son attirail d’artiste, il s’approcha de son modèle, faisant glisser une main tremblante tout près de l’oreille de la jeune femme pour écarter une mèche avant de s’installer sur son perchoir. Ses doigts fins et allongés se saisirent avec une habilité déconcertante du fusain, ses membres rendus experts par l’usage de la plume, firent voguer la mine de carbone dans des arabesques espiègles, des volutes délicates, des soubresauts habiles. Son regard ténèbres se posait par alternance sur elle, la dévisageant avec pudeur, faisant courir ses yeux intelligents sur le minois de cette belle personne, tout en traçant des traits sous la maîtrise d’une main presque totalement calmée des émotions qui auraient pu l’affaiblir.
Des minutes s’écoulèrent, il n’ajoutait mot, concentré à l’extrême, minutie et rigueur dans son travail, y trouverait-on le mot passion ? Peut-être bien. Se levant finalement, il lui tendit son œuvre, dans un calme d’apparence olympien alors que terreur des profondeurs se faisait entendre en lui-même…

"Etes vous satisfaite ? Ce n'est qu'une esquisse...»[/color]

Terpsichore tint la pose sans broncher, ni se mouvoir. L'avantage étant que, comme elle était une créature éthérée, elle ne ressentait ni la faim, ni la soif, ni l'enchylose ni la fatigue. Elle resta ainsi tout le temps qu'il fallu à Jack pour la dessiner, tout en se demandant comment il gèrerait ce dessin. Bien cruelle malédiction que cela. Les Muses ne pouvaient être représentées sous leur réelle apparence, car il ne fallait pas qu'on les reconnaisse. Sur les gravures antiques, elles avaient toutes le même physique, toutes le même accoutrement et on ne les différenciait que par leurs accessoires. Quant à ceux qui osaient tout de même en faire un portrait, ils étaient condamnés à être les seuls à voir leur chef d'oeuvre. Les autres ne voyaient qu'une toile, qu'un bout de papier, qu'un bloc de marbre lisse et immaculé. Triste sort qui avait rendu certains artistes fous. Jack cassa le fil des pensées de la Muse en s'approchant d'elle et en lui tendant le dessin. Elle ne le prit pas, ne le regarda même pas. Elle savait qu'il devait être beau, parfait, mais elle ne pouvait regarder son propre portrait. Elle garda donc ses iris bleus ancrés dans ceux de Jack et referma sa main sur lui, le faisant serrer le dessin.

"Ce n'est pas à moi d'être satisfaite. C'est à toi de l'être. Tu ne comprends pas...? Je ne suis ici que pour t'éveiller... Et pas pour te faire faire des tours de force... Je suis ici pour éveiller tes sens..."

Elle s'approcha de lui, sans le quitter des yeux, et ne s'arrêta que lorsque leurs corps étaient suffisamment près l'un de l'autre pour se frôler.

"Je suis ici pour t'aider à t'accomplir dans ton art... A voir au-delà de tes préjugés..."

Les yeux de la Muse descendirent lentement dans le cou de Jack, puis longèrent ses bras. Elle attrapa le dessin, sans le regarder, et le laissa tomber au sol. Ses doigts purent alors s'entrelacer avec ceux de l'artiste, et elle les guida jusqu'au creux de ses reins où elle les y abandonna. Les siens filèrent alors vers le visage du jeune homme, ses pouces caressant lentement ses joues.

"Tu as tant à donner, tant à dessiner... Un talent remarquable, que tu gâches pour une pudeur qui n'a pas de raison d'être... Laisse-moi briser les chaînes de ta créativité..."

Au fur et à mesure qu'elle parlait, sa voix s'était amoindrie pour ne plus être que murmure, et sa bouche s'était approchée de celle du dessinateur. Lorsquelle cessa de parler, leurs lèvres se frolèrent.

Puis la muse s’avança d’un pas décidé en direction de l’orgeuilleux. Ses propos devinrent murmures, le ton de l’intimité était proféré, il était tremblant, son souffle se faisait haletant… Leurs lèvres se rencontrèrent en silence tout d’abord, puis avec plus de hargne, le jeune homme s’était laissé grisé par l’instant, sa bouche se pressant contre les lèvres pulpeuses et féminines à souhait de Terpsichore, en douceur tout d’abord pour comprendre, apprendre avec appréhension l’art de ce baiser, ses lèvres trouvèrent leurs conjointes avec fougue et incertitude, ces dernières s’entrouvrirent pour libérer une langue serpentine qui s’approcha de l’antre de la belle pour se joindre à sa consœur en une étreinte passionnée. Méli-mélo de langues, les serpents jouaient sans se lasser, se défiant mutuellement, s’enroulant, se happant pour prendre l’une sur l’autre le dessus. Les joues de Jack s’étaient quant à elles parées de leur couleur pivoine alors que les prunelles d’ombres s’étaient fermées comme pour apprécier le contact tant désiré. Ses mains déposées par la belle se laissèrent aller à une exploration de ce fessier délicieux, ses doigts brulants s’imprimèrent dans la chair de la muse, dévalant cette pente, flattant sous des caresses chastes, légères mais sincères la belle poupée. L’une de ces coquines remonta pour défaire un peu plus ce corset, le vêtement se fit plus lâche pour offrir un décolleté des plus impressionnants. C’est ainsi que les orbes sombres réapparurent , la bouche du garçon se détacha à regrets pour venir à tâtons prendre possession de cette gorge gracile avant d’embrasser la naissance de ses seins, véritables monts et merveilles. Tremblant, le corps du jeune homme répondait en écho à celui de la muse, il lui murmura dans un souffle qui se répercuta dans sa tenue…

« Tu n’as pas à faire cela, je ne devrais pas avoir le droit de te toucher… Laisses moi avant que nous commettions une folie… Disparais et reviens demain soir… Tu as brisé bon nombre de  barrières, veux-tu me rendre dépendant de toi Terpsichore ? »

Puis comme par peur de la voir accéder à sa demande, sa bouche revint avec plus de hargne vers la muse pour oxygéner sa personne, des baisers farouches et indécents ; ses mains avaient délaissé ses reins pour venir se perdre dans les méandres des cascades d’or.

« File… à demain… »[/color]

Enfin, Jack semblait avoir compris que rien ne servait de lutter contre quelque chose qui oeuvrait pour son plaisir. Plus les barrières qu'il érigerait seraient hautes, plus Terpsichore mettrait de hargne à les démanteler, pour révéler le génie enchaîné qui sommeillait derrière. Cela dit, elle ne voulait pas en faire un torturé... Elle n'espérait pas qu'il tombe amoureux au point d'en perdre le goût des autres femmes... Certes, Terpsichore pourrait le rejoindre et partager souvent sa couche s'il en éprouvait le désir, mais il ne devait pas être fidèle à une créature aussi evanescente qu'elle, d'une part parce qu'elle ne le serait que s'il parvenait à la rendre sienne, et d'autre part parce qu'elle ne lui permettrait jamais de s'accomplir en tant qu'homme, sauf dans le cas où il la rendrait humaine. Cela dit, l'heure n'était point à toutes ces préoccupations. Jack embrassait divinement bien, et, accueillante, la bouche de la Muse s'entrouvrit pour laisser entrer la langue de l'artiste. Commença alors un ballet pour les deux muscles, qui semblaient ne jamais vouloir se détacher l'un de l'autre. Les caresses prodiguées par Jack eurent l'effet escompté, à savoir faire frémir la Muse, aux yeux fermés afin de mieux profiter de cette proximité entre leurs deux êtres.
Lorsque leurs lèvres se séparèrent, pour que celles de Jack s'aventurent dans sa gorge et sa poitrine, Terpsichore poussa un profond soupir d'aise, tout en glissant ses mains dans les cheveux de l'artiste, pressant délicatement sa tête contre sa gorge. La prise de parole du jeune homme la fit cependant rouvrir les yeux. Elle relâcha lentement Jack, incertaine de la conduite à adopter.
Elle eut à peine le temps de croiser son regard que leurs bouches se rencontraient à nouveau, la Muse imitant son artiste en glissant ses mains dans sa chevelure de jais. Cela dit, aussi passionnelle qu'ait été leur étreinte, elle ne dura pas, au grand damn de la jeune femme.
Pas un mot ne s'échappa de ses lèvres, lèvres dont elle se servit afin de voler un ultime baiser à Jack, avant de se disparaître en un nuage de paillettes, les yeux en dernier, ne laissant dans les bras du dessinateur que la robe à corset.
Elle reviendrait le lendemain, mais le lendemain, Jack ne devrait pas espérer s'en tirer à si bon compte...