Si les artistes des temps anciens possédaient effectivements beaucoup de prédispositions aux arts, c'est tout simplement parce que pour eux, les arts étaient une grande famille et que si l'on maîtrisait l'un d'entre eux, il fallait tous les connaître. Raison pour laquelle les Muses étaient des soeurs. Néanmoins, la danse était quelque chose d'à part. Si hommes comme femmes pouvaient s'essayer au chant lyrique et à la pratique d'un instrument, la danse était un terrain presque exclusivement réservé aux femmes, de tous temps, et en particulier aux prêtresses des Dieux ou artistes à l'état pure. On voyait rarement une femme danser chez elle pour son plaisir, il fallait que les ondulations de son corps soient admirées, vantées, sinon l'effort était vain. Ca n'était qu'à l'apparition de dérivés de danses, très actuelles, que les hommes ont été conviés à solliciter eux aussi les services de Terpsichore. Certaines danses, comme le flamenco, nécessitent un langage corporel des plus expressifs, une vigueur hors norme et de véritables prédispositions pour cet exercice, ainsi qu'un charisme certain. C'était une danse sensuelle, hélas pas autant que le tango ou la salsa, mais au folklore établit et renommé. Du reste, Terpsichore n'appréciait pas trop de voir les hommes danser. Ils n'égaleraient jamais les prouesses et ondulations d'un corps féminin, et créature de l'ancien temps oblige, si elle les inspirait volontiers elle n'éprouvait pas la même fierté de voir parvenir un homme qu'une femme. C'était peut-être sexiste, Terpsichore voyait plus cela comme une préférance. La sensualité d'un homme s'exprimait, selon elle, par des gestes, des attentions, des regards et caresses. Mais toujours avec un contact. Alors que les danseuses du ventre peuvent elles susciter l'hérotisme sans même le moindre contact physique. Là était toute la différence. Le jeu de la danse n'était qu'une mascarade aux yeux de la Muse, un prétexte comme un autre pour pousser deux corps à se serrer l'un contre l'autre. Chose qu'ils pourraient faire sans musique s'ils en avaient envie, ce qui aurait été moins hypocrite.
Et ce qui devait arriver arriva. Sans l'inspiration de Terpsichore, Jack s'emballa et cru bon d'aller plus vite que la musique. Il trébucha et rompit la mesure. Le contact fût plus prononcé encore entre eux deux, Terpsichore se retrouvant prise dans l'étau des bras de l'artiste, la bouche à quelques centimètres tout au plus de son cou.
Si Jack reprit ses positions pour reprendre, Terpsichore n'y consentit pas. Elle restait proche de lui, toujours au même endroit, mais ne dansait plus. Elle l'avait prévenu, elle n'était pas enseignante et n'avait jamais eu la prétention d'avoir la patience pour un tel exercice. Les yeux de la Muse vrillèrent le visage de l'artiste, alors qu'elle secouait lentement la tête. Si son ton était doux, ses paroles l'étaient un peu moins.
"Non... Jack, ça suffit. Ne m'appelle pas "Professeur" je ne suis pas cette chose... Je suis une Muse, pas une quelconque source de savoir. Si tu veux que je t'inspire, je le ferai car telle est ma fonction. Mais je ne puis t'apprendre des choses qui sont naturelles pour moi..."
Elle passa délicatement sa main sur la joue de l'artiste et le contourna pour aller éteindre la musique. De dos au jeune homme, sa robe changea de consistance et de taille. Elle redevint simple voile, taillé en pagne de lin blanc, transparent, lui tombant sur les chevilles, alors que ses seins étaient à présent maintenus par un foulard de la même matière retenu par des armatures métalliques. Une fois "changée", elle se tourna de nouveau vers le musicien.
"Si ce sont mes prouesses que tu veux voir, je conscens à t'en montrer une partie. Mais je ne te donnerai pas de cours de danse..."