Le déclic de l’arme. La jeune femme ne bougea pas.
Les pas dans sa direction. Elle ne remua même pas le petit doigt.
Les paroles dans le vent. Elle se retourna.
Faisant face à cet homme, cet ignorant, cet inconnu, qui espérait l’assassiner. Devait-elle rire, pleurer ? Elle toussa juste, légèrement, les yeux clos, puis les ouvrit. Pour le fixer, dans les yeux, s’arrangeant pour qu’il la regarde profondément, sans cesser de la regarder. Elle tendit le bras vers lui, et le seul réflexe de l’homme fut de tirer. La balle vint se jeter sur le ventre de Muse. Elle soupira. Elle eut finalement un sourire.
- Sache qu’on ne tue pas une âme,
Ni avec un flingue, ni avec une lame.
Mes menaces sont à prendre au sérieux,
Si vous n’êtes pas aptes pour ce jeu dangereux.
Tu vois, même toi, tu perds.
Tu ne peux même pas compter sur ton revolver.
Mes paroles ne sont pas à prendre à la légère
Pour toi qui veux être mon adversaire.
Elle fit claquer ses doigts, et les regarda ensuite. Ils étaient couverts d’encre. Elle s’approcha de l’homme, et, brusquement, coinça sa main sous la gorge de Tetsuzo. Non sans cesser de le fixer. Non sans cesser de le regarder droit dans les yeux, des yeux aussi noir que l’encre, aussi profond que les abysses. Elle posa son doigt sur son front, et écrivit, d’une belle plume : « Sur tout le sable, en chute lente, pleuvaient de grands flocons de feu, comme neige sur l’alpe un jour sans vent ».
Puis elle recula. L’homme tomba aussitôt à genoux, à ses pieds, le visage grimaçant. Elle essuya ses doigts sales sur la veste du futur-mourant, et se mit à regarder la troupe, derrière.
Immobile. Ils regardaient le spectacle, sans doute.
Elle fixa l’homme qui, plus tôt, se sentait en domination sur elle. Il allait mourir, avec cette souffrance atroce, celle d’un feu qui coule sur sa peau.
- Cela vous plaît-il, ainsi,
De regarder mourir l’un de vos amis ?
Mes paroles ne sont jamais vaines.
Cet homme va crever, avec pour tout sensation
Celle d’un feu en exaltation.
Mes paroles ne seront jamais vaines.
D’un pas lent, d’un mouvement et d’un déhanché souple et gracieux, elle s’avança vers eux, pour arrêter sa marche à quelques centimètres de William. Il semblait le moins violent, mais non pas le moins méchant. Elle inspira, longuement, les dévisageant un par un/
- Y aura-t-il un prochain ?
Ou comprenez vous enfin que vos efforts sont vains ?
Partez, je vous prie, disparaissez
Trop de sang a coulé.
Mon rôle n’est pas de vous assassiner.
Je vous l’ai dit, je ne fais que ce qu’il me plaît.
Et vous n’avez pas le pouvoir de me contrôler.
Un humain ne peut pas tenir entre ses mains
Une entité qui y soit opposée.
Si vous recommencez,
Je vous éteins un à un.
Elle les regarda longuement, puis resta immobile, sans partir. Les râles du torturés couvraient le silence de la nuit, et elle attendait un signe qui indiquerait que tout serait fini. C'était à eux de décider.
Finalement, lasse ou même impatiente, elle fit un demi-tour sur elle même brusque, et s'éloigna d'eux, la tête haute, sans jeter un regard sur l'homme, qui mettrait sûrement une heure à agoniser.