Princess Bride [PV Myrella]

"Alix, réveille toi ! "
Le jeune femme est endormie dans le Flood Tide Pub, assise à une table, une serpillière en guise de béquille. Un filet de bave coule le long de sa joue jusqu'au menton posé sur un sous-bock qui a connu des jours meilleurs et les regrette. De toute évidence, elle s'est endormie avant même d'avoir débuté le ménage du bar. Dans le fond de la salle, le vieux jukebox aux néons roses diffuse un bruit blanc, comme une TV du 20ème siècle sur une chaîne cryptée.
"Alix, debout !"
La jeune femme sursaute et serre les poings, prête à en découdre avec un éventuel opportun, puis réalise qu'elle est seule dans le bar.
"Ah, c'est toi Nox, t'es encore là ?"
"Oui bah c'est pas comme si j'avais les moyens d'aller ailleurs. Allez réveille toi, il faut qu'on parle !"
"Encore? Mais tu passes ton temps à parler dans ma tête, t'en a pas marre des fois?"
Elle se lève, fait trois pas, titube puis vomi sur le carrelage.
"Ça tombe bien, t'avais pas encore passé la serpillère.."
Ignorant le sarcasme de Nox, Alix monte jusqu'à son appartement, se déshabille en jetant ses vêtements sur un tas déjà bien fourni et se précipite sous la douche la plus merveilleuse de l'univers.
"Une nouvelle prophétie a été évoquée sur le.."
Nox s'apprêtait à parler du discord, de MP et de RP, et s'interrompt quelques instants, cherchant une idée pour remplacer la vérité.
".. sur le grand livre des discussions divines."
"Laisse moi deviner : sauve la pom-pom girl, sauve le monde ?"
"A peu de choses, oui c'est ça. Une princesse en fait, et un pays."
"C'est non ! Je vais faire la tournée des bars, trouver un ou deux mecs mignons... et j'te fais pas un dessin, j'ai mieux à faire quoi !
Merde, je suis tellement en chien que j'ai l'impression de pas avoir baisé depuis des années."
"Tu crois pas si bien dire."
Alix se regarde dans le miroir. Plus aucune cicatrice sur sa peau d'ébène. Il ne reste aucune trace de ses abus de la veille et son mal de crâne s'est déjà fait oublier.
Elle se tiens droite, fraîche comme au premier jour, l'eau plaquant ses cheveux sur ses frêles épaules. Ils reprendront très vite leur volume d'origine eux aussi.
"Tu sais que tu n'as pas vraiment ton mot à dire?"
"Et comment, j'vais me gêner tiens. Tu vas faire quoi, me chanter des tubes de Céline Dion jusqu'à c'que je change d'avis?"
Elle était de retour face à sa pile de vêtements et cherchait un appariement qui pourrait passer pour presque propre.
"J'ai d'autres moyens de pression Alix; tu oublies nos règles.."
Nox avait beau n'être qu'une voix dans sa tête, elle lui imagina un sourire carnassier digne des meilleurs méchants de cartoons.
"Les règles?!"
Alix s'était figée, un vieux jean déchiré en main.
"Tu n'oserais pas!"
Je vais me gêner tiens.
(Donald Trump après qu'il vienne de gagner le concours du plus grand mangeur de saucisses de Francfort)

La nausée gagna Alix pour la deuxième fois de la matinée. Elle sentait sa peau de distendre et son souffle se fit court.
"Nox, arrête..hh.. stop.. c'est bon, t'as gagné!"
Sa peau perdait peu à peu sa teinte pour virer vers le orange et elle voyait avec horreur son ventre prendre du volume.
"Ok OK! J' vais la sauver ta princesse ! Arrête ça j't'en supplie !"
"Bien, te voilà plus raisonnable. Je te laisse t' habiller et finir de ranger le bar; après ça direction Terra."
Alix empoigna la serpillère avec plus de vigueur que nécessaire; pas suffisamment fort pour la casser cependant.
"Elle est mignonne au moins ta princesse?"
"Mignonne à croquer! Des beaux yeux verts, des cheveux noirs; je n'ai pas les moyens de te montrer une photo mais je suis sûr qu'elle te plaira. Et tu sais le meilleur dans tout ça?
Tu vas briser son mariage!"
Pff, très vraiment tordu, tu le sais ça?

C'est sous les traits d'un ex-président passablement énervé qu'Alix remit de l'ordre dans son bar. Puis, une fois leur apparence d'origine rétablie (celle d'Alix ET du bar), elle récupéra la tenue de sa précédente excursion sur Terra: une jupe de cuir tanné, un chemisier blanc léger à col lacé et des spartiates montantes.

Le petit panneau qu'elle accrocha à la porte indiquait "Fermé pour cause mariage. Durée indéfinie".
Le portail vers Terra était toujours là, dans les toilettes du sous-sol.

Si pour Alix les jours qui suivirent furent d'un ennui affligeant, une ellipse temporelle de bon aloi nous épargnera ce voyage jusqu'au royaume de la princesse Myrella.

“Il vaut mieux se marier que de brûler.”
Saint Paul

Le regard verdoyant de la Duchesse observait l’horizon. Depuis de longues semaines, plus les jours avançaient, moins elle semblait avoir d’énergie. Elle soupirait, errait parfois sur sa propriété sans vraiment sourire et laissait courir la rumeur d’une maladie qui serait en train de la grignoter petit-à-petit. Elle entendait les on-dit mais n’en avait plus rien à faire. Et ses jeux habituels ne semblaient plus l’intéresser non plus. Apathique petite Duchesse. Le temps défilait trop vite et elle n’avait plus qu’une idée en tête.

S’enfuir.

Par n’importe quel moyen. Elle devait quitter Meisa. Mais pour aller où? Sa seule famille encore en vie se résumait par le bâtard de son père - accessoirement le cul sur le Trône, sa sœur aînée adepte du parricide et son autre sœur, mentalement aussi alerte qu’une poupée de chiffon. Et elle ne connaissait presque rien de la vie hors du Palais. Palais, duché… C’est du pareil au même. Serenos avait juste changé sa prison de place. Quoiqu’ici elle avait un peu plus d’options. Comme épouser un homme qu’elle n’avait vu qu’une fois et c’était déjà trop à son goût!

C’était bien ça qui minait la petite depuis ces jours. Dans moins de deux semaines on allait lui passer la bague au doigt et la corde autour du cou. La jeune femme n’aimait rien de ce mariage à venir. Que ça soit le lieu où elle était censée vivre, les conditions du mariage, le fait que c’est sa Mère qui l’avait choisi ou encore - et quelque part surtout - le fait qu’il soit gros et visuellement répugnant. Elle ne l’avait rencontré qu’une fois. Une seule et unique fois. Et c’était - à son sens - bien assez suffisant pour savoir qu’elle ne voulait pas d’une vie avec “ça” au bras. Et la Duchesse était bien trop éduquée pour penser à ce qu’il se passerait dans la suite nuptiale. Elle avait parfaitement saisi le regard pervers qu’il avait posé sur elle tout le long de sa visite et en avait ressenti comme un embarras qu’elle ne savait expliquer. C’était sûrement le sourire gras qu’il avait eu toute l’après-midi qui était à l’origine du malaise. Sûrement.


L’ancienne Princesse soupire en se détournant de l’horizon avant de retourner à son bureau étudier les propositions de constructions, les complaintes de paysans, les invitations, les félicitations pour le mariage. Myrella pince ses lèvres en observant les lettres danser devant ses yeux. Les mots se mélangent et semblent la narguer. Elle claque sa langue d’irritation. “Tout est fade. ” Sa vie devenait fade, perdait en couleur. Et Myrella déteste le réaliser. Son Monde a été toujours coloré et pétillant. Maintenant qu’il s’étiolait, l’enfant en elle revenait. L’enfant ou cette voix que nous connaissons tous. Ces pensées impulsives, enfantines qui nous ferait gifler des anciens ou blesser des animaux. Ces pensées que nous réprimons tous, que Myrella découvre.

- Et si je disparaissais? Je prends mon pécule de duchesse, j’envoie la robe valser, trousses et chemises, je prends le premier bateau qui part et ce serait l’aventure!

Rien qu’à le dire, seule dans son bureau, elle se trouve idiote. Elle est une Duchesse. Elle ne peut pas délaisser ses terres comme ça. Et puis. L’Actuel Roi a traqué sa sœur aînée pendant des mois en tuant chacun de ses partisans au passage… Il finirait par la retrouver.

Et rien n’excuse ou explique que je me retrouve sous la colère de Serenos.Tout est fade.

Elle maugrée un peu avant de s’éloigner du bureau. La jeune femme semble avoir besoin de changer d’air, de changer ses pensées. Alors la voilà en train de traverser son domaine d’un pas lent et léger bien que les plus observateurs soulèvent le manque d’élégance de sa démarche, et lorsqu’elle daigne sortir des murs, la Duchesse réalise que le soleil se couche et que les teintes orangées coloraient à présent les habitations en contrebas. Son regard détaille longuement la vue avant qu’elle ne décide d’aller saluer ses gens qu’elle croiserait sûrement ci et là.

Sans mot, elle laisse ses petits pas l’amener vers son village et, même s’il n’existe aucun mesaiens de Saffran qui ne connaisse la jeune femme, beaucoup s’accorde à dire qu’elle ressemblait trop à l’ancienne Reine pour qu’on ne fasse le rapprochement. Myrella croise sur son chemin deux enfants qui jouent au vilain ver des sables, jeu rafraîchissant qui teinte le regard émeraude de l’Aeslingr d’un doux voile d’envie.

Jamais Mère n’aurait accepté de me voir courir de la sorte. Et quand bien même une folie lui aurait fait accepter… Avec qui aurais-je bien pu jouer?

Myrella reprend sa ballade et discute ci et là avec les artisans et commerçants qui l’alpaguent sans honte. Elle était une bonne Duchesse, le peuple l’appréciait. “Si seulement elle n’était pas la sœur du Roi” Un voyageur donne son avis, de ceux qui parlent quand les autres se taisent, alors que l’ambiance de la taverne le grisait probablement trop. Le garde de la Duchesse - parce que oui, même sans ordre aucun garde ne l’aurait laissé seule - se rapproche de l’impertinent. Ce n’est que parce que Myrella lève la main en souriant que la gorge de l’homme reste immaculée. Certains la voulaient Reine, Myrella le savait pertinemment. Mais les jeux de pouvoirs imposaient un strict respect de certaines règles. La Duchesse se tourne vers son protecteur.

- Il serait inconvenant de décapiter l’inculte qui parle mais ne sait. De surcroît, Son corps remue à peine, le visage de la petite détaille à présent l’inculte en question. Je ne pense pas qu’il soit élégant que de juger ce que le Roi ait pu faire de son corps. Ni de qui a pu rejoindre sa couche, n’êtes-vous pas d’accord?

La petite main douce se relève et commande un nouveau verre, se permettant même de promettre une tournée si la soirée se passe bien.   

L'arrivée sur Terra fut plus facile que la dernière fois pour Alix.
Elle savait à quoi s'attendre, elle était prête et elle ne risquait pas grand chose de toute façon compte tenu de son exceptionnel don de régénération.
Elle avait pris le temps ces derniers mois de regarder tout un tas de films et séries fantastiques, elle s'était documentée sur les usages typiques du moyen âge et elle avait même eu parfois la patience d'écouter Nox lui conter ce qu'il savait de Terra.
Car elle savait que ce retour dans cet univers se serait fait tôt ou tard. A vrai dire, elle l'espérait même un peu. Ce souffle de nouveauté était pour elle plus que bienvenue dans sa routine quotidienne.

Enfin, ça c'était avant le voyage.
Car bien entendu, le royaume de Myrella n'était pas accolé à l'auberge du Croissant de Lune, loin de là.
Le dialogue continu entre Aix et Nox était arrivé à un point de rupture, celle-ci reprochant à l'autre d'avoir été infoutu de trouver le moindre portail qui leur aurait évité ces deux semaines affreuses. Le bateau, passe encore; elle s'était ennuyée à mourir mais au moins les marins étaient-ils heureux d'avoir une femme peu farouche sous la main lors de cette traversée loin de leurs épouses.
En revanche elle était nettement moins enthousiaste quant à la chevauchée qu'elle subissait depuis maintenant trois jours. Tout d'abord, elle n'avait pas pris de cours d' équitation et si vous avez déjà passé ne serait-ce qu'une heure à dos de cheval sans expérience préalable, vous imaginerez facilement ce que des journées quasiment ininterrompues sur une vieille selle en cuir mal réglée peuvent faire à l'anatomie humaine, régénération ou pas.
Le cheval sentait le cheval, son guide sentait le cheval, Alix sentait le cheval. Bon sang, même la vieille miche de pain sec qu'elle mangeait à présent en silence et avec hargne sentait le cheval.
"Rappelle moi de presser la détente d'un fusil à pompe contre ma tempe la prochaine fois que tu me proposera une belle aventure."

Nox ne répondit rien. A quoi bon. Il supportait les jérémiades d'Alix en serrant virtuellement les dents.

Le lendemain, ils arrivèrent à Saffran, pied à terre, les rênes à la main.
La cité médiéval fourmillait d'activité et l'on pouvait déjà ressentir la fébrilité d'une fête qui s'annonçait. Du point de vue d'Alix, cela avait tout d'une image d'Épinal : les artisans et commerçants affairés, heureux des profits à venir, les ivrognes ayant déjà commencé la fête avant la date, les gardes sérieux, garants de la sécurité de leurs concitoyens.
Bien entendu, elle ne voyait que ce qu'elle voulait bien voir, et après ces deux semaines insupportables, elle aurait trouvé du charme même aux plus crasseux des bas-fonds de Nexus.
Elle ne voyait pas la discorde qui sourdait, le désacord qui fragilisait les liens ténus de ce duché sur la sellette. Elle ne voyait pas non plus les agents du Prince de Groveshaïr agir discrètement pour saper les fondements du royaume d'Aeslingr et elle était très loin d'imaginer les rouages de l'histoire en marche; ces rouages qui s'apprétaient à broyer une société entière sous les dents accérées de la guerre.

Alix trouva l'auberge aisément, et c'est avec la confidence de ceux qui ont passé l'essentiel de leur vie dans un débit de boisson qu'elle fit irruption dans l'établissement.
"J'ai besoin d'une chambre, d'un bain chaud et d'une bière en attendant que ce soit prêt!"
Instinctivement, elle jetta un regard autour d'elle, embrassant la salle en recherche de quelqu'un capable de réchauffer son lit pour la nuit.
Allons bon, à peine relachée dans ton élément naturel et te voilà déjà à gambader dans le pré comme une jument en chaleur!
"Vas-te faire foutre Nox, je t'en veux encore!"
Si les pensées d'Alix étaient déjà en train de s'emballer, ce n'est pourtant pas un étalon qui lui tapa dans l’œil et il ne lui fallut  pas longtemps pour remarquer la scène qui se déroulait à présent. Un des gardes de la duchesse s’apprêtait à corriger définitivement un impudent, mais celui-ci arrêta son geste sous l'ordre de la Duchesse.
Ah ben la voilà ta princesse! Elle-est-y pas mignone comme je te l'avais promis ?
Pour sûr, Alix fut soufflée par la prestance et la délicatesse de la jeune femme. Elle dégageait une aura de force et de fragilité confondues. A n'en pas douter, celle-ci avait reçu une éducation  royale et Alix prit soudain honte de l'image qu'elle devait donner d'elle même à présent.
Puante, collante de sueur, ses vêtements de voyage recouverts de poussière, les cheveux en bataille...
Elle n'avait aucune chance d'approcher de Myrella sous cette apparence et elle n'avait de toute façon aucune envie de titiller ces gardes si prompts à dégainer. Passer la nuit à régénérer un membre, très peu pour elle. Aussi profita-t-elle de la tournée offerte pour reprendre une bière, bien que la première ne soit pas encore finie. Elle s'acouda au comptoir et observa la belle princesse du coin de l'oeil.

coller, palette, suif, voisin, furieux