La salle du trône d'Orgrea.
- Il n'a aucun droit sur Arbourg. Mon père, le seigneur Seinsa, les à reçus du roi lui-même. Le seigneur Sarao ne peut en aucun cas réclamer ces terres, pourtant c'est désormais son emblème qui flotte au vent sur les tours du château. Je vous demande de lui retirer Arbourg et de le punir pour cette trahison.
Les mots d'Ewila semblaient résonner dans la somptueuse salle d'audience du château royal, à Orgrea, la capitale du royaume. Le soleil se couchait derrière le trône, éclairant la jeune femme, éblouie. Elle venait d'apprendre dans le début de l'après-midi, par un message, que son cousin venait de s'emparer de ses terres. C'est la menace de cet homme qui avait causé la fuite d'Ewila pour la capitale, sur l'ordre de son père alors que sa mère venait de décéder dans d'étranges circonstances.
Elle passa une main au-dessus de ses yeux pour limiter l'éblouissement et voir les réactions du conseil. Un conseil très restreint, le trône était vide. Le roi brillait par son absence aux audiences depuis quelque semaines et il déléguait les affaires du royaume à ses conseillers, son neveu le seigneur Rohbo, son intendant le comte Odhaf, et le maître religieux, Fejus. C'était ce dernier qui avait mis en place, depuis près d'un mois, une loi ridicule visant à rabaisser les pratiquants de la sorcellerie puisque ceux qui l'enseignait, comme Eliwa, devaient porter une robe fendue jusque au haut de la cuisse. Celui a qui on avait confié la confection de cette tenue particulière ne s'était pas arrêté là, la robe était ouverte sur le ventre et elle passait sous les seins de manière à les rehausser. Si le ventre restait nu, une bande de tissu cachait le bas de ses collines féminines, rattachée à la robe par deux chaînes simples, chacune au niveau de l'un de ses seins.
- Ma dame, nous ne nions pas le présent qu'Arbourg fut pour récompenser votre père, commença Odhaf. Nous regrettons profondément son décès, c'était un homme loyal et probablement l'une des meilleurs lames du royaume, et nous partageons l'immense chagrin qui doit être le votre.
-Cependant nous n'interviendrons pas, poursuivi Fejus, un petit homme enveloppé d'une robe blanche sur laquelle brillait un collier d'or. Cela ne concernait que votre père, or, depuis le décès du malheureux, il est normal que cela revienne au seigneur Sarao.
Ewila s'estomaqua. Elle se doutait qu'elle aurait à batailler mais ne s'était pas attendu à une attitude aussi radicale.
-Vous accordez Arbourg à un homme n'ayant aucune légitimité pour diriger ce domaine ? Je suis l'héritière du seigneur mon père, la seule, et vous m'ôteriez le droit de ces terres où j'ai grandis ?
-Ma dame, poursuivi Fejus. Vous n'êtes pas habilitée à diriger, estimez-vous heureuse que nous vous accordions notre temps et notre patience pour vous accueillir, et cela par respect pour la mémoire de votre père, mais vous avez été déchue de vos droits dès votre naissance. Vous êtes née magicienne, c'est contre-nature, c'est au bucher que je vous enverrais, jamais sur un trône, maintenant partez.
-Vous oseriez ? Vous n'avez aucun respect pour la mémoire de mon père si c'est pour s'opposer à ses dernières volontés.
-Ce n'est pas à lui que nous nous opposons, ma dame, repris le comte Odhaf, mais à vous et à vos mamelons qui dépassent outrageusement de votre robe.
Rouge de honte, Ewila tira le tissu pour le remettre convenablement, les chaînes n'étaient pas assez tendues et ne l'avaient jamais été.
-Vous n'avez ni la stature, ni la légitimité, ni l'humanité par cette présence de magie en vous pour diriger cet hameau et ses habitants qui sont en droit d'avoir un seigneur tel que votre cousin. Partez dès à présent où le seul hameau que vous aurez sera une de nos geôles.
Ewila tourna les talons, rouge de colère, sachant qu'il serait impossible de discuter avec ces fanatiques qui n'avaient aucune considération pour les gens comme elle. Elle ne comptait plus toutes les injustices qu'elle avait vu dans les rues d'Orgrea, en particulier pour les sorciers, mages et magiciennes, et cela en toute impunité.
Savait qu'elle ne s'arrêterait pas là, une véritable dictature se mettait en place et ses droits ne tarderaient plus à disparaître, songea-t-elle en sentant sur elle les regards des citadins et soldats qui n'avaient, depuis peu, pour elle et les siens qu'un mépris difficilement dissimulé.
L'une des bibliothèques de l'académie magique d'Orgrea et son autel avec pentacle.
Le soleil s'était couché depuis longtemps après cette journée. Ewila se trouvait dans une des pièces de la plus haute tour de l'académie. L'académie de magie était l'un des plus anciens batiments de la capitale et l'un des plus majestueux. La jeune femme se trouvait dans une bibliothèque, interdite aux jeunes apprentis et elle était certaine que personne ne viendrait la déranger à une heure aussi poussée dans la nuit.
Cette bibliothèque avait la particularité d'habrité un pentacle sur un petit autel au centre. En général les pentacles d'invocation, comme celui-ci, étaient temporaire, tracés à la craie ou au sang, mais pas celui-ci. Sur celui-ci, les principaux signes d'invocations avaient été taillés dans la pierre par des sorts inconnus aujourd'hui et impossible à réaliser de nouveaux sans les connaissances des anciens. Ewila regarda les livres tout autour d'elle, il y en avait tant et pourtant il devait leur manquer bien plus que les livres conservés, entre les guerres et les pillages.
Elle écarta ses pensées en même temps qu'elle écartait une mèche de ses cheveux couleur ardoise qui lui barrait la vue et Ewila se mit à rajouter les signes nécessaires à l'invocation qu'elle avait en tête. Un sorcier qu'elle devait contacter pour lui en apprendre plus en magie mais aussi pour tenter de rééquilibrer les forces de ce royaume.
Elle respira calmement, puis se lança dans les récitations magiques pour l'invocation,ce qui risquerait de lui prendre déjà plusieurs heures.