Le choix, en réalité, fut assez facile à faire. Même à bord des vaisseaux volants, Diana était sûre que le voyage durerait plus qu’une journée. De plus, outre la question de la durée, elle savait que les choses allaient être compliquées à bord. Elle ne pouvait pas se faire passer pour Astreïa, ni affronter Guedrys. Elle hocha donc la tête.
«
Je tiendrais le coup. »
Il suffirait qu’elle s’attache à lui avec le Lasso de la Vérité qu’Athéna lui avait redonné. C’était un lasso magique, extrêmement solide. Wonder Woman pouvait voler vite, mais elle ne pouvait pas atteindre une vitesse aussi élevée que celle de Sentinel Prime, ou Superman. Ils n’auraient qu’à se diriger vers le nord, et rechercher ensuite un immense mur, ce qui ne devrait pas être trop compliqué à trouver. Tout ce qu’elle espérait, c’était qu’il y avait encore un mur là-bas. Pour le reste, il y aurait certainement quantité d’autres problèmes, mais elle préférait les envisager un à la fois. Au moins, ils avaient un cap, maintenant : le mur de Vallien, puis le Seigneur Noir. Slave Prime n’était pas encore arrivé, ce qui faisait que la longueur d’avance que Kyle Wayne leur avait donné tenait toujours.
Peut-être bien que les choses allaient finalement finir par s’améliorer ? Diana se plaisait à y penser, puis entendit ensuite Kyle exprimer son opinion personnelle sur Guedrys. Alors que Gwenyvra aurait pu rester silencieuse, un sourire désabusé vint se dessiner sur ses lèvres :
«
Je ne l’ai pas promise. C’est Astreïa qui a fait ce choix. »
Voilà une sacrée révélation, qui instaura un léger silence, avant que la Reine ne précise sa pensée :
«
Quand Arthur et ses hommes sont arrivés dans mon île, une guerre a éclaté. Themiscyra était à la tête d’un petit empire maritime, et le royaume était affaibli après la trahison de l’ancienne femme d’Arthur, Guenièvre, avec Lancelot. Je pense que c’est d’ailleurs pour ça que Mordred n’a jamais aimé son père : tout le monde disait qu’il était un bâtard, le fils de Lancelot... Mais peu importe... La guerre s’est résolue avec un mariage, et Astreïa a été conçue dans la foulée. »
Diana fronça les sourcils.
«
Votre Themiscyra tolère les mariages politiques ? »
Là où la Themiscyra de Diana avait choisi l’isolationnisme, celle de Gwenyvra avait visiblement opté pour une autre approche. Inutile d’en demander plus, Diana imaginait très bien quel genre de système les Amazones de cette dimension avaient fondé, une Sparte moderne et sexiste, où les hommes étaient réduits au rôle d’esclaves et d’incubateurs.
«
Non. Mais la guerre s’enlisait, et nous avions envisagé des négociations diplomatiques... Autour de jeux d’arène. Arthur y a participé en personne. Il a terrassé mes plus féroces guerrières amazones, puis m’a défié. »
Le ton employé par Gwenyvra était mélancolique, comme si elle se rappelait avec nostalgie de ce moment. Le hurlement de la foule, un homme dans une armure ensanglantée, le regard en feu, brandissant son épée vers l’Amazone, en lui hurlant de venir se battre... Diana pouvait comprendre ça. En réalité, les deux Themiscyra se ressemblaient énormément.
«
Nous nous sommes battues, et il m’a séduit. Le soir même, tu... Hum... Astreïa a été conçue. La paix a été signée, mais elle reste fragile, d’un côté comme de l’autre. Aux yeux de Themiscyra, Astreïa est vue comme une bâtarde, et, de même ici... Tout ce patriotisme exagéré, ce caractère sacré autour des Chevaliers, ne sont que des artifices. Le pouvoir civil est vacillant depuis l’hérésie de Lancelot, et la mort d’Arthur. Excalibur est retournée au Rocher, et, plus que les liens de sang, ou les nominations politiques, seul l’Élu est légitime. Mais Astreïa n’a pas pu retirer l’épée... C’est elle qui a décidé de se marier avec Guedrys, car les Chevaliers de la Table Ronde sont les seuls qui soient à même de diriger le royaume. Guedrys est un idiot, mais il l’est moins que son père, et il sait se battre. On dirait bien que ma fille est moins à cheval que moi sur certaines traditions de notre peuple. »
La situation, effectivement, était compliquée.
«
L’objectif initial d’Astreïa, en allant là-bas, était de retrouver Perceval. Pour beaucoup, il est l’héritier légitime d’Arthur, bien plus que Guedrys. »
Diana se pinça les lèvres, en comprenant que les explications de Gwenyvra ne faisaient que trahir son inquiétude, inquiétude que sa fierté d’ancienne guerrière se refusait à admettre.
«
Nous partons retrouver le Seigneur Noir, mais, si nous retrouvons ce Perceval en chemin, il va de soi que nous l’aiderons. »
Wonder Woman compatissait pour cette femme, même si elle les avait enfermé, et que, bien qu’elle s’en défende, elle soit quand même à la tête d’un régime despotique et tyrannique. Sans doute que la ressemblance avec sa mère n’y était pas pour rien. Gwenyvra se contenta d’une moue puis s’avança vers une porte à double battant, qui menait sur un pont, à l’extérieur. Un pont avec un escalier qui menait à une terrasse circulaire donnant hors d’Avalonia, droit vers le vide.
«
Suivez le soleil, et vous irez tout droit jusqu’au Mur de Vallien. »
Ce fut sur ces mots qu’elle les congédia. Diana hocha lentement la tête, et s’empressa de filer, gravissant les escaliers menant à la petite terrasse ronde. Elle était encore troublée par cette conversation, et secoua la tête, avant de sortir son Lasso. Ce dernier se mit à briller.
«
Bon... Je vais nous attacher avec ça... Ça évitera que je tombe. »
Elle pourrait toujours voler, mais mieux valait éviter de perdre du temps. Diana alla donc dans le dos de l’homme, et passa le Lasso à hauteur de sa taille, et le noua à hauteur de l’estomac de l’homme, en profitant pour éprouver la texture de son costume, ce qui lui arracha un sourire.
«
Le bleu et la rouge... La tenue te va bien, au fait. Elle moule bien tes muscles. »
Elle serra encore un coup, ses seins s’enfonçant dans le dos de l’homme, et posa ses mains sur ses hanches.
«
Allons-y... »
*
* *
Le voyage dura effectivement de multiples heures. Ils survolèrent un pays très médiéval, et, depuis les hauteurs, Diana pouvait voir à quel point ce monde avait été fracassé. C’était comme si une bombe gigantesque avait éclaté dans les tréfonds de ce monde, provoquant d’épaisses lézardes à la fissure. Il y avait des îles flottantes, des dragons, et, après les vastes forêts, d’immenses plaines cendrées, avec des volcans, des failles profondes, gigantesques, et d’antiques forts abandonnés.
Puis, à l’aube, alors que Kyle commençait à faiblir, Diana vit les montagnes gelées. Elle vit
d’épaisses et gigantesques forteresses dans les montagnes, avec de multiples braseros et miradors, ainsi que, entre les forts et le long des montagnes, des sortes de
forts secondaires, comme des zones de stockage.
Se poser dans ces zones semblait dangereux, et le duo vola encore un peu, jusqu’à atterrir entre les montagnes, devant une rivière, face aux fortifications du Mur de Vallien.
Un Mur qui était à la hauteur de ce que Gwyneva avait dit.