La garde du palais se mit rapidement en place, s’élançant à la suite de Shad, tandis que d’autres se rapprochaient d’Oswald. L’homme était sur le sol, le genou ouvert, et Elena, paniquée, restait sur place, tandis qu’Adamante ne la quittait pas, ses deux mains brillant d’une lueur bleuâtre intense, magiques. Elle était prête à défendre Elena, et avait étendu ses cercles de perception magique autour d’elle, afin d’éviter un second assaut. La Reine ne semblait pas être la cible de cet attentat, mais ce n’était pas une raison pour ne pas être vigilante. Cependant, Adamante ne sentait plus rien, plus aucune menace à proximité.
« Mais qu’est-ce que ça veut dire ?! s’exclamait Mandus.
- Vous vous portez bien ?
- J’ai mal à la jambe, mais... Mis à part ça, tout va bien... »
Il avait bien failli mourir. En usant de télékinésie, Adamante attira à elle la fléchette, et constata qu’il s’agissait d’une sœur de celle qu’on avait utilisé sur elle et Shad dans les bas-fonds, tantôt, quand elles furetaient du côté de l’abattoir. Deux gardes aidèrent Mandus à se relever. Son genou saignait, car il s’était ouvert en heurtant le sol. Derrière le palais, il y avait un jardin, dans lequel on entendit alors quelques hurlements. Elena en eut le sang glacé, mais les cris se turent rapidement. Fermant les yeux, Adamante se concentra, et utilisa ses pouvoirs d’extralucidité pour en savoir un peu plus sur ce qui se passait.
Elle ne tarda pas à voir les gardes, autour de l’homme. Shad l’avait arrêté, et elle avait été blessée. Cependant, le talisman magique dont elle disposait l’aidait à combattre la toxine, et elle avait encore dans les veines les traces du sérum utilisé par le père Lamb. Les gardes s’agglutinaient autour de l’homme, et les hurlements des badauds ne tardèrent pas à attirer une patrouille de la Milice urbaine. Autant dire que c’était une fin de soirée explosive, un rebondissement totalement inattendu, et qui avait bien failli virer au drame. Ce rebondissement remettait même au goût du jour les appréhensions d’Elena sur l’innocence supposée d’Oswald. L’homme qui avait tenté de tuer Shad et Adamante ne travaillait visiblement pas pour Oswald.
« Shad l’a appréhendé... Mais l’homme est blessé. Pas mortellement, mais on ne pourra pas l’interroger ce soir. »
Elena hocha la tête. Le chef de la patrouille était un chevalier, et Elena lui résuma brièvement la situation, tandis que l’homme s’inclinait respectueusement devant Sa Majesté. Elena lui recommanda de conduire l’empoisonneur dans les geôles du Palais d’Ivoire, et de le maintenir sous bonne garde.
« Il en sera fait selon votre volonté, Majesté. »
La blessure de Mandus était superficielle, et Adamante utilisa sa magie pour la soigner. L’homme semblait sincèrement troublé.
« Mais que me voulait donc cet individu ? Pourquoi tenter de me tuer ?
- À vous de nous le dire, Monsieur Mandus..., commenta Adamante sur un ton soupçonneux.
- Qu’in... Qu’insinuez-vous par là ?! »
Adamante l’observa silencieusement, et lui mit sous le nez la fléchette. Entre-temps, Shad était revenue, tandis que les gardes traînaient le Zerrikanien. Il avait la peau basanée, avec des tatouages claniques sur le corps et à hauteur du visage. Elena se pencha vers Shad, la prenant dans ses bras, en lui demandant si elle allait bien, tandis qu’Adamante montrait sous le nez de Mandus la fléchette.
« Cet individu, ou un complice, ont déjà tenté de m’attaquer aujourd’hui avec une fléchette similaire, imbibée de poison...
- Mon Dieu...
- Une fléchette imbibe d’un poison très particulier, Monsieur Mandus, puisqu’il s’agit du venin émanant des crochets d’un basilic de Zerrikania. »
Les yeux de l’homme s’écarquillèrent de surprise.
« Ze... Zerrikania ! M-Mais…
- Je pense que votre passé refait surface, Monsieur Mandus, et que votre histoire autour de ce temple et de Shub-Niggurath n’est pas si ancienne que ça... n’avez-vous donc toujours rien à dire au sujet de cet orbe ? »
Oswald Mandus semblait soudain être en sueur. Des gouttes tombaient le long de ses joues, alors qu’il se mit à secouer la tête, blêmissant sur place.
« Non, je... Je n’y suis pour rien, je... Tout cela n’est qu’une méprise, voyons... Vous dites qu’il vous a attaqué, alors c’est bien le signe que c’est vous qui êtes la cible, et que je...
- J’ai été attaquée alors que je me renseignais sur vous et votre abattoir, Monsieur Mandus ! »
Oswald déglutit à nouveau, tandis qu’Elena, sentant le ton s’envenimer, essaya de calmer Adamante. Le sang chaud de la Mélisaine était en train de faire surface, car elle sentait que l’homme était sur le point de craquer, de parler. Oswald jetait en effet des regards frénétiques autour de lui.
« Pourquoi des Zerrikaniens cherchent-ils à vous supprimer, Monsieur Mandus ? Que s’est-il vraiment passé à Zerrikania ? Quel est le rapport avec votre abattoir ? Que vient faire le masque de porc dans cette histoire ?! »
Oswald secoua alors la tête, et, pendant une infime seconde, Adamante sentit quelque chose changer en lui. Ses mâchoires se contractèrent, et son regard changea, passant de l’homme surpris à une franche expression de haine profonde et viscérale. Ce ne fut qu’une brève impression, furtive, qui disparut d’un battement de cils, avant que l’homme ne commence à se replier.
« Écoutez, je... Je ne comprends rien à votre histoire, Madame. Je pense que cet homme en avait sûrement plus auprès de Sa Majesté qu’auprès d’un simple homme d’affaires qui essaie de faire de son mieux pour son pays. »
Oswald se recula. Adamante allait le rattraper, mais Elena posa doucement sa main sur la sienne, en secouant négativement la tête.
« Quoi que cache Mandus, on ne peut pas le faire parler sans preuve, Adamante. »
Troublé, l’homme était en train de partir, et grimpa dans une calèche. Néanmoins, Elena avait maintenant la conviction que tout ça les dépassait.
Rien n’était aussi simple que ce qu’elle pensait, et Oswald Mandus cachait bel et bien quelque chose... Quelque chose en rapport avec Zerrikania, en rapport avec ce temple, en rapport avec les Grands Anciens. Les Dieux Morts... À cette idée, Elena en frémissait. Le pire lui semblait être encore à venir.