Maelie resta figée alors qu'elle écoutait son maitre. Pas la moindre protestation, pas le moindre hochement de tête pour indiquer son accord. À vrai dire la seule chose qui lui traversait l'esprit était un refus désespéré qu'elle ne pouvait exprimer, de peur d'être rejetée au cachot. Ses lèvres remuaient comme si elle allait se remettre à pleurer ; mais non. Elle baissa les yeux, mais resta stoïque. Au fond d'elle, elle ne l'acceptait pas... elle ne pouvait l'accepter. Comme les cancéreux ne peuvent accepter le diagnostique de leur fin prochaine. Elle n'avait pourtant pas d'autre choix que de répondre par l'affirmative à l'interrogation du marchand.
"Je comprend."
Même nue, traitée comme un animal, elle avait sa fierté, en quelque sorte. Peut être se figurait-elle que se montrer mature, ne pas réagir sans cesse comme une enfant et faire face à la réalité allait la faire monter dans l'estime de son bourreau. et peut être que c'était quelque chose qui lui tenait à cœur, étrangement. En tout cas, si sa voix était faible, le ton qu'elle employa était volontairement posé.
Un nouveau coup de laisse la fit mettre debout : elle se remit à marcher, masquant toujours ses parties intimes du mieux qu'elle pouvait, mais la tête un peu plus haute. Certainement ses muscles commençaient-ils à se réveiller. Le repas qu'elle venait de prendre et la température ambiante y étaient sûrement pour quelque chose aussi. Ou alors elle était simplement plus sûre de ce qui l'attendait, et tout devenait plus clair. Elle commençait à comprendre où elle était, et qui était cet homme. Elle se sentait plus en état d'affronter tout ce qui allait arriver, maintenant qu'elle avait pleinement réalisé que Cyscek n'était pas un ami, et qu'il ne le serait jamais. Il était à l'évidence dénué de l'empathie la plus élémentaire... il ne pouvait être qu'un ennemi. Tout au plus un ennemi avec lequel on a intérêt à négocier.
Un ennemi, un homme qui ne méritait ni sympathie, ni pitié, ni pardon. Contre qui elle se retournerait, bien sûr, dès qu'elle en aurait l'occasion. Et pourtant le seul souvenir de la veille nouait sa gorge et la mettait à nouveau au bord des larmes. Elle l'avait désiré tellement fort, elle lui avait ouvert sa porte tellement vite... Elle avait été sûre, pendant un instant, que tout ça était exceptionnel et magique. Elle déglutit amèrement et essuya ses paupière, juste avant que Cyscek ne se tourne à nouveau vers elle en ouvrant la porte de la chambre. Elle s'était résolue à se montrer le moins faible possible. Elle balaya la pièce du regard, anxieuse d'elle ne savait trop quoi. Si, elle savait, en réalité. Elle craignait qu'il ne commence sa "formation" ici même. Pourtant...
"Si tu es sage et docile, tu dormiras ici. Je suis sûr que tu préfèreras au sous sol, non ? Par contre, si bien évidemment tu désobéis, tu retourneras au cachot. Regarde dans l'armoire, il y a des vêtements pour toi. Prépare toi et attends ici, je reviens."
Elle frémit malgré elle en sentant les doigts de son ancien amant sur son cou, lorsqu'il lui retira son collier. Cette seule caresse réveilla quelque chose en elle, et elle le dévisagea de ses grands yeux sombres, pendant une courte seconde, comme si elle attendait quelque chose... et puis elle baissa à nouveau le regard. Elle entra docilement et attendit que la porte se referme derrière elle.
Enfin !
Elle poussa un soupir de soulagement et s'autorisa à respirer à son aise, réalisant seulement l'ampleur de la tension permanente qui l'avait habitée depuis sa sortie de cellule. La seule présence de cet homme et de son regard dur l'angoissait au plus au point. Maintenant, libérée de la menace constante qu'il faisait planer sur elle, elle se détendait un peu. Bien sûr elle était toujours dans une situation désastreuse, mais au moins on lui offrait un répit... et elle allait avoir des vêtements. Elle appuya son front contre l'arrête de l'armoire et ferma les yeux. Elle se devait de récapituler la situation, pour mettre les choses au clair dans son esprit. Elle murmurait pour elle-même, à peine audible pour quiconque ne serait pas à moins de vingt centimètres de ses lèvres ;
"Mon pouvoir a trois faiblesses... il n'en connait qu'une... celle de l'orgasme..." pourtant, il pense pouvoir me retenir prisonnière... "non, quand même pas... comment..." compte-il s'y prendre ?... Est-ce qu'il a l'intention de me faire jouir chaque jour ? "Voir même... trois fois tous les deux jours..." s'il veut être sûr que mon pouvoir ne revienne pas.
La succube ne parvenait pas à définir ce qu'elle ressentait à cette idée. En tout cas, ce concept avait quelque chose d'un peu absurde, presque comique. Elle se sourit à elle même et secoua la tête.
"On verra bien..." je n'y peux pas grand chose de toute manière. Sûrement je finirais par avoir une occasion. Un oubli, une situation exceptionnelle, ou si j'arrive, simplement, à simuler... "et je serais libre."
Tenter de s'enfuir par la porte ne lui avait même pas traversé l'esprit : si celle-ci n'était pas fermée à clef, c'était certainement qu'elle ne pourrait pas sortir par cette voie sans être repérée. Elle ouvrit l'armoire pour examiner son contenu, remplie d'une artificielle assurance quand à sa futur évasion. Il était temps maintenant de se couvrir un peu. Elle n'aurait plus à subir le malaise de se promener toute nue, au moins.
"Bon bon bon..."
Son regard expert jaugea le contenu du meuble... et elle déchanta quelque peu. Uniquement des robes. Et pas de sous vêtements.
"Nan mais c'est pas vrai..."
Elle décrocha une robe de son cintre et l'examina : il s'agissait d'une robe de soubrette rouge, avec corset, dont la jupe était si courte que s'en était ridicule. Elle fit la grimace et en saisit une autre, blanche cette fois ci. Non et non... ce décolleté était vraiment d'une obscénité rare. Elle examina la dizaine de modèles présents dans l'armoire avant d'en trouver un qui puisse convenir. Le vêtement était, comme tous ses collègues de placard, un uniforme de domestique outrageusement féminin, mais il avait le mérite de descendre jusqu'au milieu des cuisses et d'être pourvu d'un décolleté... presque décent. Les bras et les épaules, quand à eux, étaient laissés nus. Le corps de la robe était noir, surmonté d'un tablier blanc qui, vu sa taille, devait surtout avoir un rôle symbolique.
Maelie songea qu'elle aurait bien voulu, en plus de la possibilité de s'habiller, être autorisée à prendre un bain ; elle se sentait un peu crasseuse à l'instant, même si elle avait parfaitement conscience d'être une maniaque, d'après les standards Nexusiens. Elle plissa le nez, agacée, en enfilant sa robe. Elle n'aimait pas cette sensation de mettre un habit propre tout en étant sale... mais ça n'était pas vraiment le moment de faire la fine bouche. Enfin prête, elle remarqua que l'armoire ne contenait rien pour se chausser. Elle haussa les épaules et alla, d'un pas lent, s'affaler sur le lit. Allongée sur le dos, elle recouvrit son visage de ses mains en soupirant. De toute évidence elle n'avait pas dormi très longtemps, car elle se serait volontiers assoupie. Elle n'avait pas le courage de réfléchir plus à ce qui allait arriver ensuite, aussi elle laissa son esprit dériver... elle pensait à sa vie d'avant, à Moscou. L'époque où ramener des bonnes notes était l'un de ses soucis principaux. Ses cours, ses rares amies, ses pulsions et ses fantasmes honteux... et puis son enfance, avant la puberté, quand elle n'était pas l'esclave de ses désirs. Elle revoyait sa première fois à la piscine, sa mère qui l'encourageait à venir dans l'eau et l'attendait en pataugeant. Elle lui tendait la main en souriant ;
"Allez Ania, saute !"
Maelie émergea en sursautant. L'ouverture de la porte l'avait tirée de sa somnolence : elle bondit sur ses pieds en réajustant sa robe, un peu nerveuse. Elle ignorait combien de temps elle avait divagué... dans tout les cas, le retour de l'esclavagiste l'avait surprise.