Le prix de la Liberté [L'Ordre de la Croix du Sud - Shiroi Nakami]

Mélinda sentait le lien qui unissait les deux hommes. Un sang qui battait à l’unisson, deux frères qui ne se connaissaient pas, mais qui, instinctivement, se ressentaient. Shiroi hésita… Et Mélinda le sentit. Elle pouvait tout sentir, surtout les hésitations de ses esclaves, car le sang ne pouvait pas mentir. Instinctivement, Shiroi sentait qu’il y aurait un problème, mais, ne pouvant désobéir à sa Maîtresse, il s’avança. Restant debout, ravie, Mélinda les regarda faire, avec un petit sourire qui perlait le long de ses lèvres. Elle connaissait l’importance des liens familiaux… Et elle se demanda si Shiroi n’était pas la raison de la présence de cet homme. Cet homme qui, depuis le début de leur approchement, n’avait toujours pas précisé les raisons de sa venue. Se pouvait-il qu’il vienne pour retrouver son frère ? Si c’était le cas, Mélinda allait leur offrir une occasion inespérée de se rapprocher pour de bon, en envoyant l’un sucer la queue de l’autre. N’était-ce pas une preuve de générosité ? Assurée que tout se passerait selon ses désirs, elle laissa Shiroi se rapprocher… Puis Raphaël se redressa subitement, repoussa Shiroi, et sortit un pistolet, puis se tira dessus, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. Bran resta sur le carreau, et, de la « balle » tirée, une sorte d’hideuse et gigantesque créature arriva, si grosse que sa tête se retrouva près du plafond, à hauteur du lustre. Écarquillant les yeux, Mélinda vit cette espèce de créature massive se dresser dans la pièce.

*Par tous les vampires ! Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ?!*

Visiblement, l’homme n’avait pas encore abattu toutes ses cartouches, et avait invoqué une espèce de démon pour le protéger. Un gros monstre bleu avec une épée, qui était visiblement là pour foutre le boxon… Ce que Mélinda ne pouvait guère accepter, car, après tout, elle tenait à la tranquillité de son harem. Bran était derrière le monstre, et bondit rapidement… Pour se recevoir un coup qui l’envoya défoncer un meuble en bois à proximité. Il en sortit avec des échardes sur le corps, mais rien de bien dangereux pour lui.

Mélinda se retrouvait donc seule face à ce monstre, dont la présence avait renversé Shiroi, ce dernier ayant, après tout, été déstabilisé par le coup de coude de leur invité. Il se tenait donc à côté de Mélinda, près d’un vase, et la vampire, elle, tenait entre ses mains son pendentif.

« Je vois que vous avez quelques surprises… Mais je ne suis pas en reste moi non plus. »

La magie était une chose dont Mélinda avait horreur, et elle ouvrit son pendentif, révélant, sous ce dernier, un cristal en dymérite. La dymérite était une variante amplifiée de l’obsidienne, et Mélinda en avait toujours une sur elle. Elle valait une fortune, mais son investissement était justifié dans ce genre de situations. Toute la pièce se mit à trembler, la dymérite se heurtant à la force magique ayant permis d’invoquer ce monstre gigantesque. Mélinda sentit son collier se redresser, le cristal émettant une lueur aveuglante et assourdissante. Il devint brûlant, aussi chaud que du magma, alors que de vifs courants d’airs la faisaient basculer, l’aveuglant totalement. Bran était également cloué au sol.

Pour Raphaël et Shiroi, c’était l’occasion inespérée pour filer, car Mélinda était dans l’incapacité de se déplacer, tout comme Bran…

Le coup de coude prit le jeune esclave par surprise, le forçant à reculer... mais à peine eut il le temps de reprendre ses esprit suite à ce choc, qu'il fut balayé tel un fétu de paille par l'apparition soudaine d'une créature... Une créature qu'il aperçut alors qu'il tentait de se redresser après avoir percuté violemment le sol. C'était un être tel qu'il en avait vu et qui en tant que tel le terrifiait. Cependant il y avait autre chose que la peur qu'il éprouvait. Ce sentiment qui n'avait cessé d'enfler en lui, et qui maintenant qu'il faisait face à cette créature lui paraissait comme sur le point d'exploser. Cet être semblait si menaçant, si dangereux, et ce au sein même du harem, en face de sa maîtresse... Sa maîtresse adorée... Mais qu'il ne pouvait pas protéger, il était si faible... Mais ce sentiment, en lui, était puissant, et il débordait, douloureusement.

C'est ainsi qu'après un bref cri de douleur, les individus présents purent soudainement voir le corps de Shiroi exsuder des ombres qui ne tardèrent pas à l'envelopper rapidement, lui conférant une apparence inquiétante... Il paraissait être tel un corps entièrement constitué d'ombres mouvantes, où se distinguaient cependant de vagues traits faciaux, mais dont les yeux étaient invisibles, seul l'étant un sourire inhumain qui se dessinait dans les ombres, bien trop large pour exister chez un être ordinaire. Cependant, ce pouvoir n'était impressionnant que visuellement, car tout être à même de sentir une énergie magique pouvait constater que cette dernière était bien faible parmi ces ombres

Mais qui ne dura guère, car le temps que son pouvoir se mette en oeuvre Melinda avait déjà sorti son pendentif et ce dernier agissait, balayant sans peine les traces de ce pouvoir qu'il usait pour première fois. Cependant, cela sur le coup ne fit que décupler la douleur déjà éprouvée et Shiroi qui s'était relevé pour faire face à la menace s'effondra de nouveau, dans un cri bien plus intense que le précédent, déchirant, les mains posées sur sa tête qui lui semblait comme sur le point d'exploser tant elle le faisait souffrir. A cet instant, plus rien comptait, qu'il s'agisse de la fierté qu'il avait un instant éprouvé en comprenant qu'il était un E.S.P.er, et n'en était donc que plus précieux pour sa maîtresse, ou même de l'inquiétude qu'il éprouvait à l'égard de cette dernière et de sa sécurité. Non, tout ce qu'il voulait désormais c'est que cette douleur s'arrête, qu'on apaise ses souffrances, rien d'autres lui importaient alors qu'il en était à se labourer le crâne de ses ongles, face contre le sol, alors que la douleur ne semblait pas vouloir s'arrêter, ses cris alors remplacer par des gémissements.

"Au secours.. J'ai mal... Aidez moi..."

La tête de Raphaël lui tournait. Il détestait faire ça, ça lui fichait toujours un mal de crâne pas possible… En même temps, rappelons qu’il se tirait quasiment une balle dans la tête ! Certes ce n’était pas une balle mais une salve d’énergie, mais le résultat était là : il n’en ressortait pas tout à fait indemne. L’invocation grillait toujours un neurone ou deux, d’où l’idée qu’il fallait s’en servir le moins souvent. Et puis là… Là, il n’avait pas fait dans la dentelle, puisqu’il avait invoqué Thanatos, une créature parmi les plus puissantes d’entre toutes celles qu’il aurait pu appeler. Mais il fallait bien qu’il agisse, et sur le coup il n’avait pas réfléchi. L’homme et le monstre avaient un lien étroit, indescriptible, qui avait en quelque sorte encouragé Raphaël à choisir Thanatos.

Sous le coup de la douleur, sa colère s’était un peu dissipée. Il put remarquer les expressions des gens autour de lui. Mélinda qui s’énervait de la présence de la créature, Bran qui valsait à cause d’un coup du monstre sur lequel il avait voulu se jeter, l’esclave qui paniquait et…il y avait autre chose, mais quoi ? Quelque chose qui le fit soudain se relever et se dresser face à Thanatos, comme s’il voulait l’affronter.

« Ne reste pas là idiot ! »

Mais non, il resta. Des ombres s’extirpèrent de son corps, leur apparence malsaine provoquant un frisson chez Raphaël qui, subitement, avait très envie de partir ailleurs. Thanatos se dressa entre son invocateur et le pauvre garçon qui…s’effondra. Mélinda avait activé un pendentif d’anti-magie. Aussitôt, les effets s’en firent sentir. Si Thanatos ne sentit rien puisqu’il était déjà bien arrivé, et de toute façon trop puissant, Raphaël lui s’écroula avec un râle de douleur. Le monstre le prit alors dans ses bras pour le soulever.

 « Hem. Je suppose que je prends ton frère également. »

« Mon quoi ?! »

Il n’eut pas le temps d’entendre la réponse, puisqu’il perdit connaissance dans la seconde. Thanatos attrapa délicatement Shiroi de son bras libre et quitta la pièce, les grandes plaques qui tournaient autour de lui raclant le plafond sur tout le trajet jusqu’à la sortie.

Une fois dehors, ce qui ne prit pas beaucoup de temps étant donné l’allure absolument pas rassurante de la créature, ainsi que sa vitesse de marche, ils retrouvèrent Erwan, qui haussa seulement le sourcil à la vue des deux hommes portés par le monstre.

« On se tire ? »

« On se tire. » répondit Thanatos en posant une main sur son épaule.

L’espion réessaya la téléportation à l’aide de sa bague, et tous les quatre disparurent…