[Pardonne cet usage du « deus ex machina », mais bon, comme l’horloge tourne et que le Roi bénéficie de moyens non conventionnels pour obtenir de l’information… je m’en sers, mais promis, je ne le referai plus.]
Le Roi
Le Roi n’avait pas tout saisi de la conversation du Boucanier avec ses hommes, mais grâce à ses talents… non, plus honnêtement, son sacré coup de veine d’avoir capté la bonne conversation, il avait enfin une piste, une vraie de vraie. Une femme. Ces hommes cherchaient une femme. Parfait. Peut-être la sorcière? Non, elle avait attrapé la peste, et les sorcières étaient immunisées contre les effets de la maladie. Mais elle semblait avoir une importance capitale, du coup, il fut très intéressé par ce qu’il disait. Une femme affectée par la peste. Elle avait déjà dû se rendre à l’hopital de fortune qui se dressait au village campagnard. « Au moins, je sais que je n’ai aucune raison de m’en faire », se rassura-t-il. Après tout, Alessa y était et si quelqu’un pouvait avoir sa totale confiance, c’était bien la Matriarche des Meisaennes. Cependant, il n’avait aucun moyen de lui faire parvenir un message; il ne pouvait pas la toucher de ses pensées à une telle distance, cela dépassait ses capacités actuelles, et s’il tentait d’user de la magie, il risquait d’alarmer les pirates et eux n’hésiteraient pas à ordonner un massacre pour s’éviter le trouble de chercher; vaut mieux moins que rien. Cependant, il ne pouvait pas laisser le Boucanier agir à sa guise, et puis il semblait avoir des informations très intéressantes quant à l’origine de cette Peste artificielle; et il voulait cette information. En tant que Roi, il s’était fait la promesse d’éliminer les menaces, et le cancer qui ravageait son pays n’avait déjà que trop durer; il devait sévir, et neutraliser ce qui gangrénait son pays.
Il se tenait maintenant devant l’entrée de l’auberge. Des hommes armés le maintenaient en joue de leurs arbalètes et arcs. Le Roi ne les craignait pas pour autant. D’autant plus que pour l’effrayer, il faudrait déjà avoir quelque chose de plus imposant qu’un petit lance-dard. Vêtu de son manteau blanc, le Roi ne laissait pas le loisir à ses ennemis de reconnaître son visage, qui était masqué d’une capuche. Dans sa main droite, il tenait Ehredna, toujours enfermée dans son fourreau, alors que sa main gauche se chargeait lentement d’énergie. Pourquoi lentement? Pour l’effet dramatique, déjà, et surtout parce que cela lui permettait de bien jauger la résistance à laquelle il faisait face, loin de lui l’intention de flamber une auberge au complet faute d’avoir bien dosé la force de ses sortilèges. L’un des hommes regarda son voisin.
-Hé, m’sieur, y’a un type devant, on l’descend? Demanda-t-il, avec un trouble si sincère que cela en était triste.
-D’après toi?
-Bah, je demande.
-Non, justement, tu ne demandes pas; tu fais selon les ordres.
-Oui mais les ordres, ce sont ceux d’un…
-Imbécile, fit le Roi, découragé.
-Euh… oui, mais ne lui dites pas en face.
-Tiens, j’vais m’gêner, rétorqua-t-il sur un accent presque marin.
Maintenant qu’il avait bien rigolé, il en avait vraiment marre de la tête de l’autre crétin; manquer de discipline, passe encore, mais franchement, c’était presque vexant de voir qu’un village entier de guerriers avait été soigneusement nettoyé par un groupe qui accueillait un tel abruti. Il leva sa main droite et tout en expirant, il lâcha sur ses ennemis une salve d’éclairs noirs. La particularité de ce genre de magie, c’est que plutôt que de tuer un ennemi en une fois, comme un éclair normal, l’intensité de ces éclairs étaient moindre, et du coup, particulièrement douloureux. Les corps se mirent lentement à brûler alors que de terribles cris d’agonie se faisaient entendre dans la nuit. Le Roi continua de canaliser sa magie jusqu’à tuer les six gardes d’un coup, sentant sa force magique s’envoler après ce premier assaut. L’avantage, c’est qu’au moins, il ne prenait pas bien longtemps avant de récupérer, et donc il n’hésita pas plus longtemps pour foncer vers une des fenêtres et l’enfoncer, exécutant une roulade et se retournant pour voir deux gardes qui tenaient la porte bien fermée. Il les regarda tour à tour et haussa un sourcil.
-Enfin, les gars, les types malins, ils n’entrent pas par la porte…!
Non, les types malins savaient que quelqu’un essaierait de la garder fermée. Les deux gardes tentèrent d’agripper leurs armes, mais Ehredna fila droit vers leurs deux coups, alors que le Roi exécutait un bond pour réduite la distance entre eux. La vitesse de son coup était telle que sa lame trancha net les cous sans les toucher; la lame semblait avoir pris deux centimètres de longueur, juste assez pour les toucher. Il brûla immédiatement les cadavres, préférant s’en charger maintenant que de laisser de pauvres gens voir ce massacre. Son manteau blanc étant maintenant tâché (encore!) de sang, il le laissa simplement tomber, récupérant au passage les quelques fioles qui s’y trouvaient, alors qu’il descendait, lentement, chaque marche qui menait vers le sous-sol, saluant poliment un des gardes qui, sous la terreur, venait clairement de relâcher tous les muscles de son corps, et vu l’odeur, c’était plutôt triste. Une fois en bas, il dévisagea les deux Wyverns qu’il avait senties auparavant et, vus les grondements qu’elles lui adressaient, il savait qu’elles ne le craignaient pas. Tant meux. Il leva alors les yeux vers le Boucanier et le dévisagea avant de planter Ehredna dans le sol devant lui.
-Bonsoir, monsieur le Boucanier. Je ne doute pas un seul instant que vous savez qui je suis, et mes méthodes pour savoir qui est celui qui me parle vous donnerait une effroyable impression d’avoir été violé dans votre jardin secret. Pardonnez mon impolitesse, mais j’ai cru comprendre que vous ayez été au courant de la récente épidémie de peste
avant qu’elle ne soit déclenchée sur
mon royaume. Donc, vous allez me faire le plaisir de tout me dire de gré… sinon, vous comprendrez que mort ou vif, je n’aurai aucun mal à vous soutirer l’information… Et laissez-moi vous dire, au cas où vous ne me croiriez pas, que vos clowns ne forment même pas le tiers de vos forces qui ont, il me semble, pris la route. Alors, voici ma question; comment savez-vous que la Peste arriverait? Et ensuite, bien entendu… Puisque vous êtes vous-même dans l’impossibilité de déclencher une épidémie… qui sont les responsables derrière cette situation?
Les questions étaient claires et limpides, mais le Roi ne se faisait aucune illusion; les pirates n’étaient pas reconnus pour avoir la parole facile; beaucoup préféraient se donner la mort plutôt que de coopérer. Mais le Boucanier semblait plus être du genre de racaille qui préfèrerait laisser les autres se salir les pattes pendant que lui prenait la poudre d’escampette et sauvait sa propre peau.
Alessa
Alessa avait réussi à repousser les pirates hors de la tente. Dehors, les membres de la Garde Royal en avaient plein les bras avec les autres qui échappaient à ses coups. La tente était néanmoins sécurisée, avec les patients et les infirmières indemnes. Alessa ne se fatiguait pas, continuant de combattre à mains nues les étrangers. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois ou un idiot s’en était pris à Meisa. Ah, si. Le Roi à son arrivée; première chose qu’il fait, c’est faire la pagaille et tuer le dernier homme de sa race. Mais elle ne lui en voulait pas; l’autre type était une ordure de première, et elle était bien contente de s’en être débarrassée. Reste qu’à chaque fois qu’un type essaie de s’attaquer à la population, le Roi est soit trop occupé soit trop bête pour prendre les mesures nécessaires. Vu le nombre des pirates, elle s’était attendue à une meilleure résistance, mais beaucoup commençaient déjà à se retirer des combats. C’était inexplicable, avec un peu plus d’efforts, ils auraient eu l’avantage! Mais enfin, ce n’était pas elle qui allait se plaindre de cette retraite. Elle se retira dans la tente et inspecta sommairement les blessées avant de se tourner vers Shunya et lui caressa la joue en l’inspectant, pour la réconforter. Visiblement, il y avait plus de peur que de mal, et c’était tant mieux. Les chocs émotifs, à ses yeux, étaient beaucoup plus faciles à réconforter que les traumatismes dus aux blessures, surtout que cette petite puce avait encore une peau de bébé. Parlant de la peau… la Meisaenne fut même tentée de continuer à la caresser, parce qu’un tel grain de peau, tristement, elle l’avait perdu avant même d’avoir atteint l’âge de la jeune demoiselle. Ah, la vie de guerrière et les longues expositions au soleil, ça ne réussit pas la peau, clairement. « Je veux une peau comme ça, bon! » fit une petite partie puérile dans un coin de son esprit, mais elle revint rapidement à la situation et évita que celle-ci ne laisse place à un étrange malaise, retirant donc sa main de la joue de la petite demoiselle, avant de se tourner vers une infirmière qui venait de crier. Elle remarqua alors la jeune femme qui s’était adressée à Shunya et se rua à son chevet.
-Elle va mourir, elle…
-Tais-toi, bon sang, et donne-moi plutôt une dose d’adrénaline. Dans le sac. Non, non, l’autre poche. Merci.
Sans prendre une seule seconde, la jeune femme enfonça l’aiguille d’une petite seringue tekhane (vous savez, le genre avec un capteur et une aiguille mobile qui trouvait la veine sans pouvoir possiblement la rater) dans le bras de la demoiselle. D’un coup, celle-ci se redressa en gémissant, ravivée. Mais la Meisaenne savait que cet état d’éveil n’était que temporaire, mais il y avait une autre partie à son plan que normalement seules les tekhanes, avec leurs machines, pouvaient réaliser; elle plaça ses mains au-dessus du corps de la jeune demoiselle et un étrange cocon translucide se forma autour d’elle. Chez les Tekhanes, c’était une machine qui produisait ce cocon, mais en Meisa, la magie suffisait; c’était un cocon de pause. En fait, le principe était tout simple; le corps du sujet restait mobile, vivant, mais sa situation sanitaire se mettait sur la pause; la Meisaenne s’était ainsi assurée que la jeune demoiselle ne meurt pas, mais puisse tout de même rester active, du moins, tant que le sort la maintiendrait dans cet état, ce qui pouvait être autant une question d’heures que de minutes.
-Je sais que tu as mal, mais je ne peux rien faire de plus pour le moment. Je…
Elle fut interrompue par des bruits de combat et des hurlements de douleur à l’extérieur. Sachant que le temps lui manquait, elle se rua vers la sortie pour découvrir qu’à l’extérieur, ses hommes se faisaient massacrer par un colosse. Un géant de trois mètres, tout vert avec le pantalon déchiré (clin d’œil à un bon copain à moi… en fait, c’est vraiment une copie du Hulk… en moins puissant, pour éviter la ruine du royaume xD). « Oh putain, OH putain, OH PUTAIN…! » fit la Meisaenne, les yeux ronds comme des balles de billards. Comment Anastasia avait fait pour louper ce géant? Elle l’ignorait, mais il n’était pas normal qu’un tel monstre passe inaperçu. Ou alors… peut-être par le désert. Peut-être. C’était un gros peut-être, mais Anastasia n’aimait pas se promener dans le désert, à cause du soleil qui lui agressait la peau. Enfin, elle n’allait pas blâmer Anastasia; ce n’était pas une soldate, mais une volontaire qui donne un coup de main quand elle pouvait. À la place, elle se précipita vers le colosse, agrippant son épée au passage, puis elle attira son attention en hurlant à son encontre. La bête, surprise, se tourna vers elle et la regarda de son air abruti. Il poussa alors un cri menaçant et se précipita vers elle, se déplaçant de côté sur ses mains et pieds comme un gorille à la charge et se servit de cet élan pour frapper de son poing la femme, qui bloqua le coup, mais qui s’envola tout de même dans les airs avant de faire une chute de quatre bons mètres et de frapper douloureusement le sol. Son épée décrivit quelques cercles avant de se planter dans le sol, aux pieds du monstre. Elle grogna et tenta de se relever… alors qu’un groupe de femmes en armure apparaissaient, sortant d’un portail bleu typique des mages de Meisa. La femme de tête s’approcha et se posta aux côtés de la Meisaenne au sol.
-Taem, au rapport. Quels sont les ordres, Matriarche?
Deux femmes aidèrent la dame à se redresser, malgré ses os brisés. Entre deux cris de douleur, la matriarche parvint à lâcher son ordre.
-Butez-moi ce fils de pute!
-Entendu. Meisaennes, vous avez l’autorisation d’user de la force létale. Pas de quartiers.
Les femmes retirèrent alors leurs inhibiteurs, des casques qui couvraient l’entièreté de leur visage, révélant leur peau brune et leurs cheveux blancs. Taem ressemblait beaucoup à Alessa, mais contrairement à la Matriarche, elle n’avait pas les yeux bleus, mais des yeux dorés, comme toutes les autres Meisaennes. La chef d’équipe agrippa un arc, ainsi qu’une flèche et visa le monstre, qui commençait enfin à s’intéresser à elles. Le monstre s’apprêta à charger, et Taem fit feu, décochant une flèche qui le frappa à l’épaule. Le trait ne perça que la peau, mais pas les muscles. Elle et ses sœurs abandonnèrent donc l’idée du combat à distance et se mirent à ruer le monstre. Bien peu de gens avaient déjà eu l’occasion de voir un commando de Meisaennes au combat, surtout pour en parler. On parlait des assassins professionnels du Roi Immortel de Meisa comme ses concubines; elles étaient là, mais on ne les voyait que rarement, voire pas du tout. Taem était armée de deux gants de combat, avec des plaques de métal renforcés, ainsi que des bottes solides. Sa force était telle qu’elle immobilisa le monstre d’une main et de l’autre, elle frappa, le faisant reculer. Les trois autres Meisaennes, armées de lames recourbées, sautèrent à leur tour à l’assaut de la bête, dans un mouvement parfaitement synchronisé.
Alessa peina à se redresser. Elle aurait voulu admirer le spectacle un peu plus longtemps, mais quelque chose de sinistre approchait, elle pouvait le sentir. Le monstre n’était qu’un avant-gout. Quelque chose approchait de Meisa, elle le sentait au travers du Lien. Elle se tourna vers les quelques gardes qui avaient accompagné les combattantes au travers du portail.
-Quelle est la situation en Eist’Shabal?
-La Peste a commencé à toucher les citoyens. Nombres de notre force militaire a été décimée par la maladie, et beaucoup de nos gens ont été placés en état de stase pour éviter la progression de la maladie.
-Et les tekhanes?
-Un vaisseau médical a été envoyé… mais il a été abattu en traversant l’océan, on ne sait pas par quoi.
-C’est une attaque… Quelqu’un nous sabotage de l’intérieur pour que d’autres nous agressent de l’extérieur…
-C’est aussi l’avis du Conseiller Aglaë. Le Conseiller Alexander a pris la direction d’un Escadron Dragon et ils sont en ce moment même en train de sillonner le ciel.
-Et Raphaelle?
-Elle est en stase.
La situation s’aggravait. Mais comme l’a dit le père du Roi, pour envisager une riposte, il faut d’abord organiser sa défense. Taem et les filles semblaient gagner du terrain face au monstre, et les rares pirates qui continuaient de se battre s’amenuisaient. Le soldat regarda la Meisaenne un long moment puis il prit une inspiration.
-Madame? Puis-je émettre mon opinion?
-Oui?
-Je crois que les responsables sont l’Ordre Immaculé.
-Foutaise. Ils sont ambitieux, mais ils n’oseraient pas une guerre ouverte contre Meisa.
-Pourtant… un des pirates portait ceci autour du cou.
Le soldat tendit un pendentif en argent à la Meisaenne, qui le saisit entre ses doigts pour l’inspecter sous toutes ses formes. Elle jeta un coup d’œil derrière et hocha de la tête. Cela provenait bien de l’Ordre… mais il ne fallait pas sauter aux conclusions; quelqu’un pouvait très bien assassiner un représentant de l’Ordre et lui voler ses breloques… mais le doute subsistait.
-Tuons ce monstre et voyons ce qu’on peut faire. Et envoyer une unité protéger Shizuka Shunya et ses camarades; ce sont nos seules guérisseuses. Placez-vous sous leurs ordres, mais la priorité numéro un est de les garder en vie. Exécution.