Carlotta lui conseilla d’arrêter de bafouiller (pourquoi elle bafouillait, d’ailleurs ?!) avant de... De l’embrasser. Pour le coup, d‘était une chance que Jessica disposât d’un masque autour de son visage. Sa visière permit de cacher l’écarquillement de ses yeux, même si ses lèvres, sous l’effet de la surprise, s’écartèrent brièvement... Avant que Jessica ne les referme, Carlotta s’éloignant d’elle. Les gros seins de la PDG s’étaient heurtés au sien, dans une position des plus sensuelles, mettant Jessica dans une confortable situation. Qu’elle soit troublée se comprenait. Contre ce golem, elle pouvait être la super-héroïne, et employer tous ses pouvoirs. L’adrénaline explosait dans ses veines, sous l’effet de la bataille, de la situation de danger. Mais là, ici, face à Carlotta Emerald, Jessica Drew se réveillait pleinement, et, sous son costume, elle restait une simple fille lambda, une petite étudiante qui vivait dans un studio en ville. Et l’une des femmes les plus puissantes de Tekhos, ayant la mainmise sur un empire industriel, était en train de l’embrasser, de flirter avec elle... Il y avait de quoi être troublée !
*Le pire, c’est que je suis sûre qu’elle doit être plus vieille que ma mère... Avec toutes ces technologies, maintenant, il est très facile de masquer son réel âge...*
La femme se retourna, et Jessica put admirer son dos, souple. Que ce soit de face, de profil, ou de dos, Carlotta Emerald était extrêmement attirante, et elle ne laissait pas indifférente Jessica. Mais elle était riche, après tout : il fallait bien qu’elle soit belle. C’était ça, non, le secret du monde des affaires ? Carlotta farfouillait dans ses dossiers, et, avec un tact tout à fait naturel, trahissant la professionnelle, habituée à jouer des effets de son corps dans une transaction, lui dit qu’elle avait une identité sur la cible. Elle lui montra une feuille, forçant Jessica à cesser de regarder ses seins (ou ses obus, plutôt), pour s’emparer du papier.
C’était un gribouillis fait sur une page de cahier arrachée, mais on voyait très clairement la silhouette du golem, avec des indications tout autour. Karl Twain... Visiblement, ce jeune homme avait l’air d’avoir un penchant pour les bandes dessinées fantastiques. Jessica pouvait le comprendre, elle les adorait aussi. Elle lut brièvement les inscriptions, et trouva que la ressemblance, effectivement, était troublante.
*Mais quoi ? Twain a donné vie à son dessin ? C’est un magicien ?*
À Tekhos, on avait du mal avec la magie. On ne niait pas son existence, ce qui aurait été stupide, mais on la voyait comme une forme de science naturelle, très spéciale, et entourée d’une forte dose de mysticisme. Les scientifiques tekhanes traitaient avec mépris les magiciens, ayant du mal à voir en ces fous excentriques des scientifiques, comparables à elles. Pour les autres, c’était une sorte de snobisme intellectuel, une déformation d’une civilisation très avancée d’un point de vue technologique... Et, pour le coup, ce n’était pas uniquement sexuel. Les sorcières étaient également comparées par les scientifiques à des vieilles folles hirsutes.
Carlotta lui demanda si Twain pouvait être impliqué... Mais comment est-ce qu’elle était censée le savoir ? Et, pour ne rien arranger, Carlotta enchaîna en souhaitant savoir si Jessica disposait d’un alias.
« Ben... Euh... » commença Jessica, bafouillant à nouveau.
Un alias ? Elle n’y avait pas encore pensé ! Et elle ne pouvait tout de même pas dire à Carlotta de l’appeler par son nom. Cette femme avait l’air d’être aiguisée comme un radar militaire. Si elle disait qu’elle s’appelait Drew, Carlotta découvrirait que, parmi l’une des sociétés dont le capital était entre les mains de ses actionnaires, il y avait une Carol Drew... Et elle ne tenait surtout pas à ce que Carol apprenne que Jessica risquait sa vie le soir, et avait affronté un golem immense. Jessica avait encore du mal à croire qu’elle avait bel et bien défié un golem géant, faisant plusieurs mètres de haut, et qui avait pulvérisé toute une maison. Est-ce qu’elle était folle, ou tout simplement téméraire ? Le pire, c’est qu’elle ne pourrait le dire à personne...
« Vous pouvez m’appeler... Spider-Woman » lâcha-t-elle rapidement.
Ce n’était pas un si mauvais nom que ça, puisque, après tout, ses pouvoirs, si elle avait bien compris, lui venaient d’une araignée. Jessica décida de reprendre un peu d’aplomb, et se pencha vers la femme, l’embrassant à son tour. Un baiser également bref, quoique un peu plus long et un peu plus appuyé que celui que Carlotta lui avait offert il y a quelques minutes. Autant en profiter, non ?
« Mais, pour toi, ce sera Jessica... »
Jessica en mode allumeuse... Si Carol la voyait, elle la tuerait sur place ! En divulguant uniquement son prénom, Jessica ne prenait pas trop de risques. C’était un prénom très courant, après tout. Jessica croisa les bras. Carlotta avait vraiment de très belles lèvres, avec un fort goût de « reviens-y »... Mais il fallait rester professionnelle avant tout. Si ce Twain était capable d’invoquer des monstres, rien ne l’empêcherait de recommencer.
« Votre siège social n’est pas loin, non ? demanda-t-elle alors en regardant la ville. L’adresse de Karl Twain doit bien figurer dans votre registre du personnel... J’ignore s’il est impliqué, mais c’est une coïncidence trop grosse pour que je la néglige... Et, si vous appelez la police, ces dernières mettront trop de temps à réagir. »
Les policières ne pourraient d’ailleurs pas se contenter d’un simple dessin, et, même si Karl Twain était un mâle, il avait des droits. Et puis, Jessica ne pensait pas que Carlotta avait envie d’attirer la police auprès de son entreprise. De ce qu’elle avait compris à travers les repas de famille, en affaires, l’apparence avait une importance fondamentale, car elle déterminait le lien de confiance unissant l’entreprise à ses clients, ou à ses fournisseurs. Or, la présence de la police permettait rarement d’entretenir un lien de confiance.
« Mais... Pourquoi pensez-vous que Twain voudrait vous tuer ? »
C’était une question légitime, après tout. S’il invoquait un monstre pour attaquer Carlotta Emerald, il devait forcément avoir un mobile.