Lara n’était pas fâchée de quitter Nexus. Elle avait voyagé dans beaucoup de métropoles terriennes : Paris, Londres, New York, et, au-delà de la sphère occidentale, elle s’était perdue dans de grandes villes étouffantes, des pépinières comme Mulbai, Calcutta, Bangko, Shanghai, ou encore Johannesburg. L’archéologue était aussi une grande exploratrice, qui avait voyagé dans les quatre coins du monde, à la recherche d’antiquités et de reliques perdues. Terra était un autre monde, riche, avec d’autres reliques à trouver. Nexus était une ville énorme, qui, tout en ayant une structure féodale, avait la taille des grandes métropoles. Le port de Nexus était immense, digne de celui de Copenhague ou du Havre. Il y avait constamment une très forte activité, le port se divisant en plusieurs parties. Il y avait un grand port de plaisance, et de nombreux docks pour quantité de navires de transport ou de marchandises. Nexus disposait aussi d’un vaste arsenal, entouré par d’énormes murs. Une véritable façade s’étalant sur des kilomètres de pontons de bois, avec de nombreux gardes, plusieurs marchés, et de nombreux bureaux administratifs dispersés ici et là, reliés à la préfecture maritime de Nexus.
Comme pour tous ses voyages, Lara n’était pas venue ici que comme touriste, mais en compagnie de Nathan, afin d’obtenir des informations sur une relique qu’ils pourchassaient. Ils avaient trouvé des pistes à Nexus, et Lara avait décidé d’emprunter navire qui était censé aller vers l’Archipel Corail, un archipel touristique vivant d’une exploitation minière dans des grottes souterraines, et qui était un partenaire commercial privilégié de Nexus. D’après leur contact, la relique se trouvait dans les profondeurs de Corail. Mais il fallait encore y aller. Nathan avait décidé de rester à Nexus, officiellement pour en savoir plus sur les reliques... Mais, officieusement, Lara le soupçonnait surtout de vouloir continuer à faire la tournée des auberges. Il était assez incorrigible !
Elle avait embarqué dans un énorme galion, un imposant navire de transport de personnes, qui s’engageait à travers un long voyage. L’archipel Corail n’était qu’une destination parmi d’autres, le navire traversant tout un océan Les cales étaient remplies de marchandises en tout genre, incluant surtout des vivres, même si les différentes escales avaient aussi pour but de renflouer les stocks. Lors du départ, elle avait été surprise de voir tant de gens les saluer. Il y avait bien des centaines de Nexusiens, et elle s’était alors rappelée ses livres d’Histoire. Le voyage en mer n’avait jamais été une chose certaine. Contrairement à maintenant, où il était rare que les navires échouent, à l’époque des navires à voile et des bateaux en bois, on n’était jamais à l’abri d’une tempête. Historiquement, c’était ce risque qui avait donné naissance au principe de l’assurance. Les marchands qui voulaient acheter des biens dans un autre pays, face aux risques de voir la marchandise couler, avaient fini par inventer le prêt à la grosse aventure, ce qui impliquait l’usage d’une banque. Le marchand ne voyageait pas avec le navigateur, et prête au marchand de l’argent pour qu’il aille acheter les biens. L’argent était déposé entre les mains d’une banque.
En théorie, il n’y avait pas de raisons de penser que le voyage se passerait mal, mais il durerait des semaines avant de rejoindre Corail. Ce n’était pas tant un voyage d’affaires qu’une sorte de croisière. La plupart des clients étaient des nobles, des bourgeois, des gens fortunés. Toute seule, Lara passait ses journées en relisant ses notes, ses livres d’Histoire, se renseignant sur Terra, tout en contemplant le paysage. Elle avait toujours aimé l’aventure, ainsi que les bateaux comme ça... Son enfance avait été bercée par les romans d’aventures de la grande époque, après tout... Celle où on partait à l’assaut des océans, à la recherche des terres étrangères. Elle avait dévoré Jules Verne, et aimait ce genre de navires... Voir les voiles se tendre sous l’effet du vent, se promener dans les cales, afin de voir les rangées de rameurs souquant ferme, sentir le navire tanguer de gauche à droite sous l’effet des vagues... Le soir, l’équipage s’amusait dans le quartier de l’équipage, au milieu de légères fuites d’eau, de gros rats, à danser, à boire, et à jouer. Nathan aurait adoré un tel voyage, et Lara se mêlait à l’équipage, dans la mesure du possible. Elle craignait toujours que des marins peu scrupuleux, et grisés par l’alcool, ne cherchent à abuser d’elle. Fort heureusement, l’équipage de ce navire avait l’air assez intègre. Elle adorait entendre les mouettes dans l’air, sentir le vent marin remuer ses cheveux, entendre les craquements des cordages.
Il n’y eut qu’une tempête à déplorer, mais rien à voir avec les tempêtes qu’on pouvait s’imaginer. Aucune vague ne vint inonder le pont, mais les passagers furent invités à rester dans leur cabine, le navire tanguant lourdement de gauche à droite, émettant parfois des craquements particulièrement inquiétants. La mer était belle, mis sa beauté et son calme apparent dissimulaient une sauvagerie mortelle.
C’est la mer qui prend l’homme, avait chanté un poète français. Il ne s’y trompait pas.
Les jours se passaient donc, et des îles se rapprochaient. Des îles sauvages, qui annonçaient l’Archipel Corail. Encore un ou deux jours, et le navire serait à l’Archipel... Et, naturellement, ce fut vers la fin du voyage que Lara tomba sur une situation tendue.
Comme chaque jour, elle se promenait, en savourant l’air frais. Pour affronter le vent froid, elle avait abandonné sa traditionnelle minijupe pour
un pantalon marron avec un débardeur bleu foncé. La jeune femme glissait des mèches de cheveux derrière ses oreilles, en longeant une coursive... Avant d’entendre du bruit, sous ses pieds. Elle s’arrêta, sentant un ton assez agressif, et se pencha par-dessus la rambarde. Il y avait plusieurs niveaux différents.
«
Tu ne t'attendais pas à ça petit enfoiré ? Je ne vais pas te tuer, je vais faire mieux. Laisse toi entraîner. »
Oh... Voilà qui compliquait les choses. Lara avait toujours, coincée contre son pantalon, son pistolet, mais elle ne tenait pas spécialement à l’utiliser face à des Nexusiens. Elle vit le bout d’un homme. Ils voulaient le balancer par-dessus bord, un moyen comme un autre de se débarrasser d’un ennemi. Les îles étaient encore trop éloignées pour s’assurer qu’un homme n’y survivrait pas. Lara, peu importe les raisons de ce conflit, ne pouvait pas laisser quelqu’un mourir. Elle n’aurait pas le temps de prévenir l’équipage, et décida donc d’intervenir par elle-même. Elle posa ses mains sur le bastingage, et bondit dans les airs, son corps basculant dans le vide. Elle relâcha sa prise sur le bastingage, et posa ses mains sur le sol, avant que ses jambes ne filent à côté de l’homme qui était menacé, atteignant le torse d’un des mystérieux tueurs. Surpris, le dos de l’homme heurta le mur en face. Lara atterrit sur le sol, et vit l’autre homme, surpris, réagir rapidement, en sortant une dague.
«
Putain, t’es qui, toi, salope ? »
Elle le regarda en se redressant.
«
Tu devrais relâcher ton arme avant de te blesser... »
L’homme l’attaqua alors, et Lara leva le pied. Elle atteignit le poignet de l’homme, faisant preuve d’une rapidité qui surprit l’assassin. Il poussa un cri de douleur, en lâchant son poignard, et Lara enchaîna par un coup de pied retourné, qui fit tomber l’homme sur les fesses, l’envoyant basculer sur le sol. Son pied se logea alors sur le cou du premier homme, qui se contorsionna sous elle, en essayant de retirer son pied... Cependant, l’archéologue l’étouffait à moitié, l’empêchant de réunir ses forces.
«
Qui êtes-vous ? Vous savez qu’il existe des manières civilisées de résoudre des litiges ? »