L'entrepôt se trouvait parmi des dizaines d'autres, alignés le long des quais Ouest, les plus à l'écart du reste des installations du port. J'y étais arrivé assez rapidement, alors que mes collègues ne faisaient que terminer le cordon de sécurité qui allait délimiter la zone de crime. Je saluais quelques personnes rapidement avant de rejoindre l'inspecteur Hirohito, qui m'avait contacté sur mon portable. Tout en échangeant de parfaites banalités, il me renseigna sur la situation. C'était un groupe de jeunes à la recherche d'un endroit qui leur servirait de squat temportaire qui avait découvert les corps et alerté la police, avant sûrement de diffuser l'information à leur réseau d'amis via leurs téléphones. Les curieux et les journalistes allaient rapidement rappliquer, aussi aurions nous peu de temps pour avoir la paix.
Nous enfonçant dans l'entrepôt, Hirohito et moi dépassions de nombreuses piles de caisses et autres immenses rangements métalliques avant de trouver, tout au fond de l'endroit, la dite scène de crime. Et ce n'était pas du n'importe quoi.
Les caisses et autres containers avaient été agencés en cercle comme pour délimiter une salle au centre de laquelle se dessinaient à même le sol des runes d'incantation maléfiques tracées avec ce qui était clairement du sang. Au centre, le corps chauve et bedonnant de l'élu était nu et éventré alors qu'il semblait en position de levrette avec le corps d'une jeune femme décapitée. Le dos de la pauvre avait été recouvert des organes libérés. L'odeur qui montait était insupportable et incommodait nombre des personnes présentes dont la plupart portaient des masques.
- D'après le légiste, elle a été décapitée avant que le sous-préfet ne la prenne, me dit alors Hirohito. C'est dégueulasse de faire ça.
- Dans certains cultes de sorcellerie, la nécrophilie est une pratique très courante. Lier le sexe et la mort pour communier avec des démons puissants est une sale habitude très bien vue en Enfer, paraît il. Bon. On va commencer par identifier la fille pour prévenir la famille. Retrouvez moi sa tête ! Je doute qu'elle ait été emportée. Ensuite, préparez une histoire pour les journalistes, je ne veux pas que la nature exacte du crime soit exposée dans les médias. Hirohito, vous avez des sorcières dans le coin avec lesquelles vous travaillez ?
- Tu plaisantes ? Il me fixa, interdit.
- Pas tout à fait, il va me falloir un coup de pouce pour déchiffrer les symboles sur le sol.
****
A l'extérieur, l'esprit du policier qui s'était adressé à Jude était bien mieux disposé à répondre aux questions de la blonde. D'ailleurs, il se montra assez bavard dès lors qu'il se mit à parler.
- Le préfet Tesshima a été retrouvé éventré durant un acte nécrophile. Il y a des traces au sol, faites au sang... On pense que c'est un meurtre rituel, c'est pour cela qu'on a fait venir l'inspecteur Dragna. Vous savez, c'est un expert venu d'Europe pour traiter ce genre de dossiers. Sinon je suis marié et je vous trouve très sexy, je veux bien vous laisser passer si vous me promettez une petite gâterie. Parce qu'avec ma femme c'est un peu trop platonique, et...
Il continua à exposer sa vie tout en levant la bande jaune sérigraphiée aux idéogrammes de la police de Seikusu, proposant à Jude de passer. Le policier donna quelques informations grâce à sa radio, disant que la jeune femme était une invitée spécialement convoquée pour l'enquête et ce sur la demande de l'inspecteur Dragna. Décidément, le sortilège avait des bien des effets sur cet esprit faible ! L'agent ne cessa pas ses propositions indécentes tout en lui disant où elle trouverait la scène de crime.
****
- Inspecteur ?
- Quoi ?
- Votre expert arrive, mais... euh...
Je me redressais alors que j'étais agenouillé tout à côté des corps que j'examinais depuis cinq bonnes minutes. Mon expert ? Hirohito m'avait affirmé avec conviction que la police de Seikusu ne connaissait personne ni ne voulait voir personne de non-assermenté sur la scène de crime. Haussant un sourcil, j'invitais l'agent à continuer.
- Et bien... D'après l'un des collègues dehors, c'est vous qui lui avez demandé de venir, mais... C'est une journaliste, je l'ai déjà vue à la télé et tout, inspecteur...
- Voilà autre chose... Soit, laissez la venir, je vais lui coller les bracelets moi-même pour usurpation d'identité. Allez lui coller le train, je ne veux pas qu'elle furète et me laisse des empreintes partout. Ah, et dites lui qu'elle est mal barrée, aussi.
L'homme s'inclina rapidement et poliment en acquièsant à la japonaise, filant d'une bonne foulée pour aller cueillir la journaliste qui devait avancer dans l'entrepôt. En voilà une qui allait faire connaissance avec Marko Dragna et qui allait pouvoir titrer que oui, les flics étaient de sales cons.