L'assassin attendait tranquillement que la petite voleuse fasse son choix. Elle prit sa dague, hésitante, sans quitter les yeux Luccius qui la regardaient également. Elle éloigna une petite créature, une hermine, qui s'écarta rapidement. Luccius la regardait, croisant les bras, une dague à la main, la regardait droit dans les yeux. Elle eut alors un sourire et lui déclara qu'elle avait une quatrième option. Luccius fronça les sourcils, puis ouvrit les yeux en grand en la voyant se poignarder elle-même. Le suicide ? C'était ça son option ? Non, Luccius ne pouvait l'accepter. Il fit un pas vers elle, lorsque soudainement, elle se releva vers lui en un bon, son sang coulant sur les pavés, sortant une lame cachée par un petit mécanisme dans son poignet. Elle avait donc aussi un attirail d'assassin. Luccius, surpris, eut à peine le temps de s'écarter, évitant la lame de peu. Elle lui entailla la joue, tranchant les filins qui soutenaient son masque. Il s'écarta et laissa la demoiselle s'étaler sur le sol. Son sang se rependait rapidement.
Le masque de Luccius tomba, révélant son visage au clair de lune. Elle était douée, décida, pleine de surprises. Si elle avait décidé de choisir la troisième option, elle n'aurait pas la chance qu'il allait lui offrir. Un sourire éclata sur les lèvres de l'assassin qui s'approcha du corps, la prenant dans ses bras. Il s'assura qu'elle était évanouie, mais avec la quantité de sang perdu, ce devait être inévitable. La petite hermine observa la scène, Luccius se tourna vers elle, attendant. L'hermine devait comprendre, puisqu'elle fonça sur Luccius, grimpa le long de sa jambe pour se poser sur le corps de sa maîtresse.
« Ne t'en fais pas, petite bête : on va s'occuper de remettre ta maîtresse sur pied. »
Il se mit alors à courir à toute vitesse dans les bois, disparaissant dans les ténèbres du lieu. En quelques secondes seulement, le lieu du meurtre n'avait pour seule trace que le sang qu'avait perdu la demoiselle, ainsi qu'un masque de cérémonie.
* * * * *
Luccius observait les alentours. Il avait atteint rapidement l'un de se repaires, passant par dessus rivières et marécages, pour éviter d'être suivis. Le sang que la voleuse avait perdu aurait pu amener quelqu'un à son repaire, il devait être prudent. Falcon, l'un des membres de l'Ordre, spécialiste des soins et des poisons s'occupait de la demoiselle, recousant le ventre de celle-ci. Pour préserver l'honneur, Luccius avait bien pris la peine de ne révéler que son ventre, pas plus.
« Je sais que tu n'aimes pas les questions, mais est-ce toi qui lui as fait cela ? »
L'assassin se tourna vers son camarade, pesta quelques secondes avant de lui répondre :
« Ais-je l'air d'être du genre à faire souffrir les femmes sans considération ? Non, elle s'est faîtes cela toute seule. Ça m'a d'ailleurs coûté mon masque d'ailleurs. Et une nouvelle cicatrice. Rares sont les personnes qui m'ont blessé, et soit elles se trouvent au cimetière, soit elles ont rejoint notre cause. C'est pour cela que je souhaitais que tu la soignes. »
Le médecin s'arrêta soudainement, alors qu'il avait fini de recoudre le ventre de la demoiselle. Il semblait surpris, très surpris même, avant de rire discrètement :
« Allons bon ! Une petite chose comme elle ? À peine sortis de l'âge ingrat ? Comment penses-tu qu'elle puisse nous rejoindre. »
Son camarade l'observa quelques secondes, avant de lui dire, ironiquement :
« Ce n'est pas comme si tu avais rejoint l'ordre durant ton adolescence, n'est-ce pas ? »
Le médecin reprit ses soins, lui injecta une sorte de plasma, ajustant la quantité de liquide dans les veines pour ne pas causer des problèmes d'exsanguination. Il reprit cependant les paroles de Luccius, vexé :
« Sauf qu'à son âge, j'avais déjà des centaines de meurtres à mon actif. Le poison était ma spécialité. »
Luccius s'en retourna surveiller l'extérieur, répondant :
« Et elle, elle a l'agilité et la vivacité d'esprit d'un assassin. C'est peut-être une tête brûlée, mais elle a une façon de pensée qui me plaît, et qui plaira sans aucun doute à la Dame des Pleurs. Ce serait une recrue de premier ordre, si j'arrive à la convaincre et à l'entrainer. Elle aurait l'art de tuer dans l'ombre comme personne, avec ses prédispositions. »
Le médecin termina son opération en entourant la plaie d'un bandage solide. Il remballa son attirail et se leva, s'approchant de son camarade en soupirant :
« Avoue que c'est sa poitrine qui te plaît, mon ami, plutôt que ses talents.
- Vas-tu donc te taire, stupide ? Si ce n'était que ça, j'aurai profité de son corps bien avant. »
Falcon se mit à rire aux éclats :
« Toi, le gentil garçon que tu es, profiter d'une fille sans défense ? Tu n'en aurais pas le cran, ni même la volonté ! Tu es un paradoxe dans cet ordre : un assassin respectant la vie et les humains. »
Luccius lança un regard noir à son partenaire, répondant froidement :
« Tu as quelque chose à redire à ça ? Si ma mère n'avait pas eu cet état d'esprit, je n'aurais pas été celui que je suis aujourd'hui. Et toi, tu trainerais toujours dès les quartiers de Tekhos à fumer l'opium tout en te shootant avec tes poisons. Méfis-toi de tes paroles, mon frère, elles peuvent être ta prochaine mort ! »
Le médecin frissonna, reculant d'un pas. Aussi gentil qu'il fût, Luccius ne tolérait que très peu qu'on manque de respect ainsi à l'ordre. Il baissa les yeux et s'en alla dans les ombres, disparaissant dans la forêt environnante. Luccius observa quelques secondes, puis posa ses filins transparents dans l'entrée de la grotte. Seul le clair de lune éclairait l'intérieur. Personne ne verrait les fils tranchants comme du rasoir, à moins d'être attentif.
Luccius se posa dans l'ombre d'un coin de la grotte et observa le corps de la demoiselle. Il pouvait tenir des jours sans dormir, ni boire ni manger. Il pouvait de cette manière attendre le réveil de la demoiselle, à qui il allait faire une nouvelle proposition.