-Pas terrible... Vous avez l'air très solidaires. Tu as des gens qui tiennent à toi, c'est déjà plus que beaucoup.
À commencer par moi, je songe. Mes amis se comptent sur les doigts de la main, les personnes avec qui j'ai eu une conversation amicale sont à peine plus nombreux. Je ne veux cependant pas lui transmettre mon impression globale de solitude. Vincente est sans doute la seule personne à qui j'ai réellement été utile jusqu'ici dans ma vie, et encore, cela découle d'une erreur de ma part... Je sais ce qu'est devenu Squall, un parfait accroc au sexe, et j'avoue que je m'en sens un peu coupable : c'est ma seule faute s'il a rencontré Ivy, cette dangereuse nymphomane aux expériences végétales douteuses. Quant à Amaluna, malgré ma télépathie, je n'ai rien pu faire contre la maladie mentale qui la ronge toujours, emplissant son esprit d'une trame d'illusions sans fin. De là à me sentir fier, au final, d'avoir sauvé double V, il n'y a qu'un pas... sa conviction déteint un peu sur ma mienne. Et puis, je crois que ça m'arrange un peu.
Elle avance que je n'ai nulle part où aller. C'est faux. J'ai loué une chambre d'auberge pour un mois, payé d'avance. C'était moins cher. Je ne lui dis pas, c'est inutile. Je n'ai aucune envie d'y rentrer, même si cela implique de dormir à la belle étoile et sans couverture, devant sa cabane. J'ai encore des choses à lui dire, surtout qu'à présents, nous sommes seuls. Enfin, presque, puisqu'une des filles écoute à la porte. C'est presque comme si elle n'était pas là. J'hésite. Je suis sur le point de me lancer lorsque l'espionne débarque. Je soupire, mais elle a raison, il est temps de la laisser se reposer. Je ne sais pas combien de temps va durer son rétablissement, je sais simplement que je resterai au moins aussi longtemps dans les alentours du camps, pour m'assurer qu'il ne soit perturbé par personne. Je lui lance un dernier sourire, et essaie discrètement d'introduire chez-elle un peu de bien-être par télépathie.
Je m'éloigne avec Lena. Si ses quelques cheveux gris sont la conséquence des difficultés qu'elle a rencontré dans la vie, quel genre d'horreurs à donc pu endurer Vincente pour qu'il ne lui reste plus aucune mèche colorée ? Je n'ai qu'une partie des réponses, je ne suis pas sûr de vouloir en savoir plus. La jeune femme m'explique brièvement le fonctionnement du camps, l'importance qu'à double V pour leur survie à tous, et surtout pour celle des moins âgés. Je comprends mieux leur émoi lorsqu'elle est rentrée blessée. Ils l’appellent grande-sœur, mais elle a presque le rôle d'une mère, les protégeant, les nourrissants. Cela ne me surprend plus beaucoup, j'ai compris depuis qu'elle n'était pas une voleuse comme les autres. Je sens que je vais finir par légitimer le vol, moi qui ai toujours aimé un certain ordre social. Et après tout, pourquoi pas ?
Manger, à présent, on me le propose, et ce n'est pas superflu. J'ai ignoré dans la journée les signaux de détresse envoyés par mon estomac, mais mon corps à des limites physiques. À ne pas me sustenter, je risque de tout simplement m'évanouir. Je crois qu'ils n'ont pas besoin d'une autre personne en sale état, j'accepte donc ce qu'ils me proposent. À première vue, cela me semble mauvais : des morceaux de viande rouge flottant dans une bouillie brunâtre. L'aspect repoussant n'est toutefois rien comparé au goût terrifiant de la mixture. Je crois n'avoir jamais rien mangé d'aussi immonde, et soudain, les tripes qu'on m'a servies à l'auberge me paraissent un met de luxe. Avaler chaque bouchée est presque aussi dur que de voler sous une pluie de carreaux... Je prends sur moi pour ne pas faire la grimace et pour en finir la plus grande partie. Je ne veux pas insulter leur spécialité locale, quand bien même elle est à base de rat.
Puis on m'indique une cabane, que je partagerai avec deux autres garçons. Ils sont assez jeunes, alors je ne crains pas trop qu'ils se montrent hostiles. Il y a un trou dans le coin gauche de la hutte, qui laisse passer la lueur des étoiles, et parfois quelques courants d'air. Je me place dessous. Une couverture me fait office de matelas -je me félicite déjà qu'elle ne soit pas envahie de vermines-, alors qu'on en a laissé une autre, plus petite, pour me couvrir. Je m'assois, rabat le drap sur moi. Je m’allonge. Les minutes passent sans que je parvienne à fermer les yeux. Je me tourne sur le côté. Je me remets sur le dos, au moins, j'ai vue sur la voie lactée... ou ce qui équivaut dans ce monde. J'entends les légers ronflements émis par mes deux partenaires de chambres. Ils dorment déjà, sans doute éreintés par une journée difficile.
Mes pensées vagabondent, me maintiennent éveillé. Elles convergent toutes vers la rencontre avec Vincente. Je me souviens dans les moindres détails de ma mémoire absolue notre course-poursuite, puis le moment où, enfin, je la tiens. Un bref échange, et je commence à la déshabiller. Mon cœur s’accélère quand je révèle son abdomen délicat mais musclé, sa poitrine, encore couverte. Ma main passe sous la couverture, sous mon pantalon devenu trop étroit, vient libérer ma verge dressée. Mon autre bras va chercher ma tunique, et la relève assez haut. Je retire le tissu qui cache son buste. Mes doigts commencent à faire des va-et-vient, d'abord timides. J'enlève son short, je contemple ses jambes, taillées pour les sprints, les sauts. Une chaleur familière commence à monter en moi. J'hésite, je fais glisser son dernier vêtement ; je me reprends, je le laisser retomber. Je me sens stupide, pourquoi n'ai-je pas été plus loin ? Il ne m'en aurait pourtant rien coûté, elle m'aurait sans doute pardonné de la même façon. Le rythme de ma main augmente, son trajet, de haut en bas, devient presque machinal. Je passe la frustration. En accéléré, Vincente se retrouve au-dessus de moi. Sa main tient mon cou, bloquant légèrement ma respiration. Un mouvement de plus, je ne sais pourquoi, fait frisonner tout mon être. Je laisse échapper un gémissement. Ses seins blancs qui oscillent, sa transpiration, son odeur. Mes muscles se contractent, j’accélère encore. Ses yeux verts, humides, désespérés, sa rage, presque bestiale. En plusieurs jets, le liquide laiteux se répand sur mon ventre nu.
Je continue encore quelques secondes, puis j'arrête. Je réajuste la couverture. Je m'endors. Enfin.