«
C’est là ? -
Je ne m’arrêterai pas, sinon. -
C’est pas faux. -
Et le GPS ne clignoterait pas si ce n’était pas le cas ! -
C’est vrai aussi. »
Nathan et Lara se regardèrent brièvement. Lara conduisait une belle voiture de sport, et la route en bitume changeait plutôt des routes cahoteuses à laquelle Nathan était habitué. Rouler dans une
Bentley Continental GT, ça n’avait pas de prix. Il avait découvert, sans réelle surprise, que Lara était une femme qui aimait bien la vitesse, et les belles voitures. Ils s’étaient garés devant un élégant immeuble, assez petit, de trois ou quatre étages. Il faisait plutôt chaud, ce qui avait amené Lara à délaisser son pantalon pour son très court short avec son débardeur bleu. Nathan, lui portait des lunettes de soleil. Il sortit sur le trottoir, et vit, de l’autre côté du trottoir, un café. Un vieil homme lisait le journal en fumant un cigare, buvant du café. Sullivan était là pour les couvrir, et Nathan se désintéressa de lui pour se rapprocher du portique. Lara sortit à son tour, et le rejoignit. Ils regardèrent l’interphone à l’entrée.
Le duo venait voir un homme que le Professeur Hartford leur avait conseillé de voir. Lara tenait avec elle, dans une sacoche, la statuette en or récupérée à Jyong-Sei-Kwûn. Cet homme était un vieux Japonais, un universitaire qui avait rencontré, dans le passé, Hartford, et même son père. Il était censé porter avec lui une chevalière en or sertie d’un rubis rouge, avec un sigle à l’intérieur : «
VIRTUS POST NUMNOS ». C’était une locution latine qu’on pouvait traduire par : «
La vertu après l’argent ». C’était un ver d’Horace, insistant sur la nécessité d’avoir de l’argent. C’était le credo de cet ordre. Lara retrouva le nom du professeur : Kazuhisa. Elle appuya sur la sonnette.
«
Lara Croft » se présenta-t-elle.
La porte s’ouvrit dans un petit bip. Nathan et Lara s’avancèrent dans un élégant hall avec des colonnes en marbre, et montèrent le long de l’escalier, rejoignant l’appartement de Kazuhisa. Une infirmière à domicile leur ouvrit la porte, leur expliquant, dans le vestibule, que Kazuhisa-senseï était un homme vieux et fatigué, qui se déplaçait à travers un fauteuil roulant.
«
Kazuhisa-senseï est très âgé. Le feu des samouraïs brûle dans son cœur, mais son corps se meurt. -
Allons, Akiko-san, ne désespérez pas de si jeunes invités. Je suis peut-être vieux et fatigué, mais j’ai encore la force de parler. »
Le fameux Kazuhisa se présenta à eux, et n’avait, effectivement, pas bonne mine. Il traînait derrière son fauteuil une bonbonne à oxygène, devant fréquemment respirer dedans. Un héritage de la guerre, quand il était dans les mines, et avait respiré du soufre, et d’autres produits toxiques. Son fauteuil roulant était motorisé. L’endroit était très luxueux. Il les invita dans le salon principal. Nathan s’était attendu à un salon japonais, mais, au lieu de ça, c’était une pièce très occidentale qui s’offrait à lui, avec un parquet brillant, et aucune porte fermée. C’était sans doute lié au handicap de l’homme. Ils avancèrent dans le salon, et l’homme ouvrit une petite boîte à l’aide d’une clef. Ses mains rongées par l’arthrite tremblaient nerveusement, et il leur montra la fameuse bague. Lara la regarda, et vit, à l’intérieur, la formule. Elle sortit alors de sa sacoche une statuette en or. Les yeux du vieil homme s’agrandirent alors.
«
Incroyable ! Vous êtes la digne fille de votre père, Mlle Croft. -
La récupérer ne fut pas facile... avoua Lara.
-
Qui est donc cet homme qui vous accompagne ? -
Je... -
Un camarade. Un homme de confiance. »
Nathan n’ajouta rien, haussant les épaules. Le vieil homme le dévisagea de ses yeux perçants Nathan réalisa qu’il avait deux petits yeux noirs. Des orbites de corbeaux. De quoi faire frissonner les élèves. Kazuhisa semblait visiblement contrarié qu’il y ait un invité-surprise, ce qui amena Nathan à s’avancer vers l’une des fenêtres donnant sur la rue. Il vit plusieurs voitures passer, ainsi qu’un camion de livraison. Sullivan était toujours à son poste.
«
Soit, finit par considérer le professeur.
J’avais foi en votre père, Lara, j’aurais également foi en sa fille. -
Je souhaiterais avoir des informations sur cette statuette. Le Professeur Hartord m’a... -
Lara... Même un homme âgé comme moi connaît les bienfaits de l’usage moderne. Hartford m’a déjà contacté. »
Le vieil homme respira à nouveau. Nathan tournait parfois la tête entre eux et dehors. Il avait ce mauvais pressentiment que les choses n’allaient pas tarder à dégénérer. Une sorte de seconde nature, chez lui. Quelque chose n’allait pas.
«
Cette statuette est très ancienne. Hartford et moi-même faisons partie d’une sorte de club, très ancien, qui a été fondée avant la Première Guerre Mondiale, et qui a périclité au fil des années. Un club... D’explorateurs, d’aventuriers, de chasseurs de trésors. Le genre de club ésotérique très à la mode dans les universités occidentales. Votre père en faisait partie, ainsi qu’Hartford. Leurs voies se sont par la suite séparées. Richard s’est éloigné des activités du club pour mener sa propre voie, et Hartford a continué. »
L’homme respirait difficilement, rendant ses longues tirades assez hachées. Lara, de son côté, conservait les bras croisés. Ces bagues, cette culture du secret... Oui, c’était vraiment typique des universités privées. Elle les imaginait bien, eux, tous ces futurs économistes, ces chefs d’entreprises, ces politiciens, décompresser en se réunissant autour du feu, pour parler d’aventures exotiques et d’expériences mystiques.
«
Hartford est obstiné par une énigme, qu’il a lui-même hérité de ses parents... Elle concerne cette statuette, ainsi qu’une série de reliques anciennes liées entre elles. Il descend d’une lointaine famille de colons britanniques, vous savez. Il... C’est un homme fascinant, qui a toujours des théories sur n’importe quoi... Un homme d’une grande imagination, hum... Il aurait du être romancier. »
Avec l’âge, le vieil homme divaguait, mais c’était aussi la manière dont les Japonais avaient tendance à s’exprimer. Ce n’était pas l’Occident, ici ; les convenances avaient une grande importance. Et il était aussi assez âgé, n’ayant probablement pas grand-monde qui s’amusait à venir le voir. Nathan continuait à chercher sur l’origine de son trouble. Il y a avait
quelque chose qui n’allait pas ici. C’était trop calme ! L’homme se retourna vers Kazuhisa.
«
Excusez-moi... Puis-je me rendre à vos toilettes ? »
Une petite moue contrariée traversa les lèvres de la belle Lara. Kazuhisa lui indiqua, d’un ton également irrité, leur emplacement. Nathan avait surtout besoin d’explorer les lieux. Il s’avança le long du parquet, et entendit une bonne odeur venant de la cuisine. Dans cette dernière, il vit que le thé était en préparation, mais Akiko, quant à elle, n’était pas là.
«
Tout ça est une très vieille histoire, à laquelle je n’ai jamais vraiment cru. Contrôler les éléments à travers des cristaux... C’était le genre de récits que les navigateurs maritimes disaient pour inciter les gens à rejoindre leurs équipages, et pour justifier le coût d’expéditions dans des lieux reculés. Hartford est également devenu paranoïaque. -
Qu’est-ce que vous voulez dire ? -
Ne pas utiliser sa trop grande imagination peut, sur le long terme, avoir des conséquences néfastes. Hartford voit le mal partout, il est persuadé qu’une organisation le poursuit. -
Qu’êtes-vous en train de dire ? -
Ce que je veux dire, c’est que je pense que ces cristaux sont avant tout des trouvailles archéologiques, et qu’y lier un quelconque pouvoir est typiquement occidental, mais pas rationaliste pour un sou. »
C’était une autre attitude typique des Japonais : ce mélange assez curieux entre le spiritualisme et la science. Le Japon était un pays où on croyait bien plus fermement aux esprits qu’en Occident, et, pour autant, c’était Kazuhisa qui jouait au cartésien. Nathan ne s’en formalisait pas, et s’avançait le long de discrets couloirs. C’était un grand appartement, et il entendit alors des sons étouffés venant d’une chambre. Fronçant les sourcils, Nathan s’avança lentement. Quelqu’un parlait au téléphone.
Akiko.
«
...’Sont là... Oui, les deux gaijin, la femme et l’homme. Ils ont la statuette, et... »
Nathan entra dans la pièce.
«
A qui parlez-vous ? » demanda-t-il d’un air menaçant.
Akiko poussa un cri, laissant tomber son portable.
«
Vous... !! -
A qui parliez-vous ?! -
Ils... Ils ne m’ont pas laissé le choix, je... »
La jeune femme n’eut pas le temps de terminer, que la porte d’entrée explosait. Nathan sortit son pistolet, et alla dans le couloir. Il menait tout droit au vestibule, et il vit, au milieu de la poussière, des hommes en tenues de commando débarquer, et ouvrir le feu avec des fusils d’assaut. Les balles se mirent à fuser dans tous les sens, et Nathan répliqua, espérant que Sullivan entendrait le boucan pour intervenir.