Je crois que j'ai besoin d'aide ! [PV James Raynor]

[Ambiance : http://youtu.be/cDvH8rfuKyY]

Louane courrait à en perdre haleine, aussi vite que lui permettaient ses jambes de terranides. Ses capacités animales lui donnaient un avantage, par rapport à une humaine, et son entraînement au combat également. Oh, elle n'était pas une grande guerrière. La preuve. Sinon elle se serait empressée d'écrabouiller ce montre qui la poursuivait en poussant des grognements à faire trembler les Dieux !
La jeune kitsune avait été surprise par cette bête, qui, sans prévenir, avant bondit d'une colline. Il avait certainement faim et avait dû sentir son odeur. Voilà maintenant qu'il avait décidé de la prendre pour son repas ! Mais ce n'était franchement pas une idée qui la réjouissait !
Louane avait beau être courageuse, elle n'était pas de taille face à un monstre de cette envergure ! Elle lui arrivait tout juste à l'épaule !

Le sol tremblait sous les pas imposant de la créature. Elle ne démordrait pas ! Continuant de courir, la jeune femme jeta un regard en arrière. Il gagnait du terrain ! Elle se mit alors à hurler :

- Mais tu vas me lâcher, à la fin ?!

Bon, elle ne s'attendait pas à une réponse, soyons sérieux. Elle redoubla d'efforts. Elle ne tiendrait pas longtemps comme ça ! Louane s'aperçut subitement que le terrain face à elle devenait accidenté. Un morceau s'était décroché et une pente rocailleuse impressionnante se tenait droit devant elle. Tant pis, pas le temps de trouver autre chose !
Dans un cri, elle dévala la pente, mais rapidement, ses jambes s'emmêlèrent et elle continua sa course en roulés-boulés. Autant dire que ça faisait mal. Très mal. Louane serra les dents, ne pouvant qu'attendre la fin de sa chute. Elle espérait simplement que cela ne donnerait pas l'occasion au monstre de gagner encore du terrain.

Enfin, sa course s'arrêta. Le corps douloureux, la jeune kitsune réunit ses dernières forces pour se relever aussi vite que possible. Mais alors qu'elle s'apprêtait à courir de nouveau, la créature atterrit avec fracas juste devant elle, poussant un grognement assourdissant qui lui hérissa les poils. Puis elle ouvrit de grands yeux terrorisés. Elle eut tout juste le temps de se jeter sur le côté avant que la patte énorme du montre ne la fauche et ne la brise en deux. L'atterrissage fut très douloureux. C'était fichu... elle n'arriverait pas à lui échapper une deuxième fois. Elle tenta bien de se redresser, mais ses bras se dérobèrent et elle mordit une fois de plus la poussière. Elle sentait la bête s'approcher, elle pouvait entendre son souffle rauque...
Louane, dans un geste désespéré, se roula en boule et enfouit sa tête entre ses mains. Elle allait mourir... dévorée par ce géant ! Quelle fin tragique...

[Ambiance]

Je regarde d'un air très sceptique le bord de la falaise, un peu ébranlé mais surtout très songeur.

J'avais une navette médivac là, non ? Un gros tas de métal de quatre tonne cinq capable de voler et tout...

Mais il faut bien que je me rende à l'évidence, à la place de ma navette, il y'a un gros morceau de falaise manquant et un panache de fumée noire qui s'élève du trou.

De là, mes neurones, quoique récalcitrante, me font commencer à envisager la possibilité que je me sois garé au mauvais endroit.

- Fais chier, bordel ! Jure-je en activant mon unité de communication. Matt, tu me reçois ? Tente-je, un vague espoir que la communication passe malgré la distance et malgré que le relai radio de ma navette soit probablement dans les choux.

Mais la volée de parasites que je reçois dans les oreilles à la place me fait comprendre que ce n'est pas mon jour.

- Matt ? Tu m'entends ? Bordel ! Swann ? Miss Hanson ?

Rien à faire, la bon Dieu de communication refuse de passer. Je referme le canal assez abruptement à cause de mon agacement.

- Bon, puisque me réponse c'est du vent, il va falloir impro...

- Mais tu vas me lâcher, à la fin ?! Hurle alors une voix féminine.

Je me retourne, tous sens aux aguets pour trouver la source de ce cri et voit alors débouler une jeune fille aux cheveux roux flamboyant plus loin sur ligne de crête. Celle-ci s'engage à bride abattue dans la pente et je la regarde faire en songeant que c'est loin d'être l'idée du siècle.

Gaffe, si tu continues tu vas...

Ce que je soupçonnais arrive bien plus vite que je ne le croyais et la gamine part cul par-dessus tête, déboulant la pente à grands renforts de cris et de roulades plus ou moins bien exécutées.

Je grimace en songeant que ça doit faire mal, mais à peine ais-je songé cela qu'une créature horrible, un énorme monstre hideux me faisant penser à un croisement dément entre une hyène et un paresseux, surgit dans le sillage de la gamine et la poursuit sans ralentir.

- Bordel ! Ça, ça sent pas bon ! Jure-je à mi-vois en saisissant le levier d'armement de mon fusil gauss.

D'un geste sec, je le tire en arrière pour contrôler que j'ai bien une cartouche engagée dans la chambre d'armement de mon fusil, puis lâche la culasse qui revient en place avec un claquement sec. D'un doigt, je lève la sécurité sur mon arme et me précipite à mon tour à la poursuite du duo qui semble ne pas m'avoir remarqué.

J'ai un léger avantage, je suis engoncé dans mon armure de marines qui pèse près d'une demi-tonne de blindage et d’exosquelette augmentant ma force et mon endurance. Je pars en sprint à la poursuite de la bête qui semble ne pas vouloir lâcher sa proie d'une semelle.

Je m'engage à mon tour dans le talus, m'obligeant à ralentir pour ne pas le terminer sur les fesses.

... MAIS QU'EST-CE QUE J'M'EN BALANCE ! JE SUIS DANS UNE ARMURE EN TITANE-TUNGSTÈNE ET LA FILLE RISQUE SA PEAU !

Laissant de côté toute dignité, je saute le cul en avant dans le talus, me stabilisant d'une main tout en glissant la pente et en tenant mon fusil de l'autre main.

ALLEZ ! PLUS VITE COCHONNERIE D'TRUC !

Un énorme grognement plus bas me permet de repérer la créature qui s'est immobilisée au dessus de la pauvre gamine. D'un geste brutal, la créature tente de la faucher, mais elle a de suffisamment bons réflexes pour esquiver le coup. Par contre elle semble ne pas parvenir à se relever et se recroqueville en position foeutale.

HA NON ! IL EST TROP TÔT POUR ABANDONNER !

Arrivant au bas de la pente, je me réceptionne comme je peux et ouvre mon casque pour pousser une bonne gueulante.

- HEY ! TRONCHE DE MACAQUE ! Hurle-je en braquant mon fusil gauss.

La créature tourne la tête au moment où je luis largue une rafale courte de trois plombs de calibre 50. Mon arme rugis comme un fauve déchaîné et rue contre mon gantelet d'armure tandis que les projectiles de gros calibre pénètrent dans le flanc du monstre, arrachant de gros morceaux de chair dans des éclaboussures écarlates et le faisant gueuler de douleur, mais sans parvenir à le mettre à terre.

Okay, maintenant j'ai ton attention connard, Songe-je en faisant sortir la baïonnette de mon fusil d'une pression sur le manche.

J'ignore pour combien de temps encore je suis ici. Aussi essais-je de ne pas gâcher mes munitions. Remarquant que la petite demoiselle a relevé la tête, je me tourne vers

- DÉGAGE DE LÀ PETITE ! T'OCCUPE PAS D'MOI, J'TE COUVRE ! Crie-je à son intention alors que la créature de détourne d'elle et, à ma grande surprise, me charge malgré ses blessures.

Je pousse un juron en faisant un pas de côté pour esquiver l'assaut. Les griffes de la créature soulèvent quelques étincelles en ripant sur mon armure mais ont l'avantage de m'exposer son autre flanc.

- BOUFFE ÇA ! Hurle-je en lui enfonçant la lame de quarante centimètres de long dans l'abdomen.

Emportée par son élan, la créature s'ouvre elle-même une entaille qui fait un bon deux-tiers de sa propre longueur, répandant ses entrailles dans son sillage. Je grimace à ce spectacle peu ragoûtant, mais cette fois la créature s'effondre, poussant de longs gémissements d'agonie.

Pris de pitié. Je m'avance précautionneusement vers sa tête, évitant les pattes griffues de la créature.

- Désolé machin, c'tait rien d'personnel. T'a joué et t'as perdu. Lui dis-je d'un ton neutre en pointant ma baïonnette vers sa tête. Merci pour la partie...

J'enfonce la lame d'un coup sec, achevant la bête pour qu'elle ne souffre plus. Puis fait rentrer la baïonnette d'une pression.

Bon, ça n'résoud toujours pas mon problème de transport, songe-je en m'éloignant. Il me semble oublier un truc... Merde ! La gamine !

Je fais demi-tours en me morigénant d'être aussi tête en l'air pour retourner voir si la petite demoiselle va bien.

Ça y est ? Elle était morte ? Elle n'avait pourtant rien senti. Tremblante comme une feuille, elle finit par ouvrir un œil. De la caillasse et de la poussière, voilà ce qu'elle voyait. Ça n'avait rien d'un paradis ni même d'un enfer. Puis elle entendit un hurlement. Un hurlement humain, cette fois. Louane se redressa, le cœur battant la chamade, et se retourna pour assister à une scène... incroyable.
Bouche bée, yeux écarquillés, elle assistait là à un rêve presque éveillé. Un homme, engouffré dans une énorme armure, dotée d'une arme sortie d'un technologie complètement stupéfiante, s'en prenait au monstre avec une bravoure démesurée.

Il lui cria de dégager et de ne pas s'occuper de lui, mais la jeune femme en était incapable. Déjà parce qu'elle semblait hypnotisée par ce qui se passait, ensuite parce que son corps était trop endolori, et pour terminer, parce qu'elle n'était pas une lâche. Pas question de disparaitre comme ça.
En peu de temps, celui-ci parvint à venir à bout de la bête. La kitsune était tellement sous le choc qu'elle n'arriva même pas à avoir envie de vomir en voyant les entrailles de la créature se déverser sur le sol dans un gargouillis vaseux. Quoi ? C'était fini ?
Louane poussa un soupir et tenta, avec difficulté, de se redresser. Elle dû s'aider d'un rocher en s'appuyant dessus, et s'y assied en grimaçant. Son corps était recouvert de sales égratignures dues à sa chute. Du coup, elle saignait d'un peu partout. Mais heureusement... rien de cassé.
Louane porta une main à son front. Elle avait une sale bosse, et elle saignait aussi un peu de la bouche. Elle l'essuya du revers de la main, puis leva de nouveau les yeux sur l'homme en grosse armure.

D'où pouvait-il venir comme ça ? Il n'était ni de Nexus, ni d'Ashnard, ni même du Nord ou des terres des Terranides. Ça non. Mais elle avait entendu parler de cette civilisation à la technologie très avancée... Tekhos. On y trouvait aussi des espèces d'extraterrestres dégueulasses appelés les Formiens. Elle n'y avait cependant jamais mis les pieds et ne savait d'eux que ce qu'elle avait pu entendre par-ci par-là. Que faisait-il ici, alors ? En tous les cas, il était tombé à pic. Juste à temps.
L'homme acheva la bête, et commença à s'éloigner vers Dieu sait où. La kitsune, étonnée, n'osa même pas l'interpeller. Mais subitement, il tourna les talons et se dirigea vers elle. Une fois qu'il fut près d'elle, à portée de voix sans qu'elle n'ait à crier, elle soupira :

- Vous... vous venez de me sauver la vie ?

Il faut dire que dans ce monde, les trois quarts des gens, surtout des humains, méprisaient les terranides comme elle et ne voyaient en eux que des esclaves ou des voleurs. Son peuple était méprisé depuis toujours, et rares, très rares même, étaient les individus capables de risquer quoique ce soit pour sauver la vie d'une hybride comme elle.
Elle sourit.

- Merci.

L'homme était vraiment imposant dans cette grosse armure. Elle ne pue d'ailleurs pas s'empêcher de l'observer, ainsi que l'arme. Jamais auparavant, elle n'avait vu pareille équipement. Pas de doute, ça valait bien mieux que ses couteaux. Surtout face à un gros monstre comme celui-ci. Elle était heureuse d'être en vie, mais très honteuse aussi. Elle aurait aimé pouvoir s'en sortir seule. Elle s'était entraînée, mais visiblement, elle était encore bien loin du compte. Vraiment loin. Elle n'arriverait à rien comme ça.

- Excusez-moi... je suis Louane Fox.

Elle lui tendit sa main poussiéreuse et éraflée avec un petit sourire.

Je me rapproche de la jeune fille et réalise que, pendant que j'avais le dos tourné, elle s'est relevée pour s'asseoir sur un rocher tout près.

- Vous... vous venez de me sauver la vie ? Me demande-t-elle d'une jolie voix de soprano dans laquelle il me semble pourtant déceler de la surprise.

Maintenant que je la vois un peu mieux et d'un peu plus près, je réalise que ce n'est pas juste une fillette. Les oreilles de fourrure qui dépassent de sa chevelure et qui bougent en même temps que la petite parle ou tourne le regard m'en donnent un gros indice, ainsi que la queue touffue de la même couleur que sa chevelure flamboyante et couronnée d'une houppette blanche qui elle aussi a des mouvements qui s'accordent au langage corporel de mon interlocutrice.

Ou alors c'est de la chirurgie esthétique de pointe, mais je dois admettre ne pas en voir l'intérêt...

La petite demoiselle me sourit alors et je suis surpris par la franchise de son sourire. Elle a l'air vraiment contente.

- Merci. Me dit-elle avant de me tendre une mains pleine de bleus et d'éraflure. Excusez-moi... je suis Louane Fox.

- Enchanté, dis-je en regardant sa main d'un air circonspect. Je m'appelle James Raynor, mais mes amis m'appellent "Jim".

Je tends le gros gantelet de mon armure de Marines vers elle, mais au lieu de lui serrer la main, je lui prend délicatement le poignet pour retourner la main meurtrie pour mieux la voir.

- Regardez-moi ça... Commente-je d'un air dépité. Louane C'est ça ? Bon Dieu, tu t'es méchamment refaite le portrait en déboulant ce talus. Attends, j'ai une trousse médicale avec moi, on va jeter un œil à ça avant que ça s'infecte.

Ce disant, je pose mon fusil gauss au sol et détache le médipac que j'ai dans mon paquetage dorsal. Puis je réalise que mes gantelets sont tout, sauf prévu pour donner des soins médicaux.

Félicitation vieil ivrogne, tu t'apprêtais à donner des premiers soins avec une pelle mécanique...

Je dépose le médipac au sol à côté du rocher où se trouve la demoiselle et pose mon bras à côté d'elle.

- Déverrouillage gantelet gauche, dis-je dans le communicateur de l'armure qui sert aussi de commande vocale pour quelques fonctions basiques.

Un symbole rouge s'affiche à l’emplacement de la pièce d'armure que je viens de désigner alors que les connexion se retirent avec un chuintement d'air comprimé. Je sens ensuite une légère secousse ainsi qu'un bruit de métal frottant sur du métal, indiquant que les structures qui retiennent mon gantelet au reste de mon armure viennent de glisser hors de leur logement. En tout, la procédure prends bien douze secondes avant que je puisse libérer ma vraie main de celle mécanique de l'exosquelette intégré à mon armure. Je réucpère le poignet de la demoiselle dans ma main de chaire tandis que je me débarrasse de l'autre gantelet.

- T'inquiète pas p'tite, ces grosses paluches métalliques sont plutôt faites pour broyer que pour soigner. J'ai b'soins d'mes vrais doigts pour faire des vrais soins.

Une fois mes deux mains disponible, j'ouvre la trousse et sort un carré de gaz stérile pré-imbibé de solution antiseptique. Avec toute la douceur dont je suis capable, j'entreprends de désinfecter les plaies de la main de la petite demoiselle. Malgré que ce soit bien moins désagréable que de l'alcool médical sur les plaies, je la voix qui grimace légèrement et sursaute à chaque fois que ma gaze rencontre une nouvelle blessure. Mais à porter à son crédit, elle ne semble pas vouloir se défiler.

- C'est bien, t'es une fille courageuse, commente-je un sourire rassurant aux lèvres. Bouge pas et ce sera vite fini... Commets-je l'erreur de dire avant d'aviser les nombreuses autres écorchures qu'elle a un peu partout sur le corps. Enfin... Façon d'parler hein ? Tu vas avoir assez d'cicatrices pour décorer un régiment toi. Attends, r'garde, j'ai un truc qui va bien t'aider.

Je plonge à nouveau la main dans la trousse et en sors un spray de synthé-peau.

- R'garde. Si j'pulvérise un peu d'ce truc sur tes bobos... Dis-je en sprayant doucement les plaies nettoyées de sa main.

Aussitôt, le contenu du flacon fait son effet et mousse sur les blessures, récupérant dans les fluides corporels de la demoiselle les éléments nécessaires pour élever en moins d'une minute une couche de peau temporaire à l'air un peu blanchâtre à l'endroit de ces blessure.

- A plus ! Souris-je en adoptant un ton enfantin. "Bobo parti", comme disait ma fille. Dis-je en me souvenant avec tendresse de ma brave petite Mélissa. Bon j'te cache pas qu'ça va être encore un peu sensible quelques heures comme une p'tite cloque, mais ça ne te fera pas un caillot que tu voudra sans cesse gratter.

Je reprends la gaze et m'attaque aux blessures de son bras avec autant de délicatesse que mes gros doigts de soldat et d'ex-manœuvre d'usine me permettent.

- Sinon, qu'est-ce qu'une gentille p'tite Terranide comme toi fait avec un affreux pareil dans c'te coin paumé ? Tu lui a piqué son quatre-heure pour le rendre aussi furax ? Demande-je distraitement histoire d'alimenter la conversation.

Louane aussi observa le visage de l'homme. Au moins, il était bien humain, pas de doute là-dessus. Il était aussi assez mûr, il devait bien avoir la quarantaine, peut-être même passée. Il avait un regard bon... à la fois doux et brut, qui lui laissait deviner, sans qu'elle sache réellement pourquoi, que son âme avait été malmenée par la vie. Dans ce monde perpétuellement en guerre, rare étaient les individus qui ne souffraient pas. Elle-même avait été laissée dans un orphelinat de Nexus, et avait du mendier et enchaîner les sales petits boulots pour survivre, ayant souvent dormit dehors, dans le froid, et même sous la pluie. Son corps s'était endurci ainsi, sans qu'elle s'en aperçoive vraiment. L'homme avait du longuement combattre, et elle ne le devinait pas simplement à cause de son équipement et l'habileté avec laquelle il avait terrassé le monstre. Non, ça se lisait aussi sur son visage.

L'homme finit par prendre sa main tendue, non pas pour la lui serrer, mais pour observer de plus près ses blessures. Un geste généreux qui la laissa perplexe, se laissant faire. Oui, elle ne s'était pas loupée avec cette chute. Ses plaies la brûlaient un peu partout, mais elle ne se plaignait pas. Ce n'était pas son genre. Il s'appelait James Raynor, un nom qui ne disait évidemment rien à la Kitsune, mais qui sonnait bien à ses oreilles. L'homme en question entreprit alors de sortir une trousse de soin de son armure. Avant cela, il se débarrassa d'abord de ses bras mécanique, intimant directement l'ordre à son armure. Cette technologie était décidément incroyable. Louane regardait ça avec un grand intérêt. Ça ne devait tout de même pas être très léger comme accoutrement... enfin bon. C'était efficace et solide, c'était l'essentiel.
C'est vrai qu'il était plus judicieux de se servir de ses mains que de ces gros gantelets pour soigner. Louane lui aurait bien dit de ne pas s'embêter et qu'elle pouvait s'en occuper seule, mais elle n'osa pas. Elle n'avait pas l'habitude qu'on prenne soin d'elle de cette manière, et elle était un peu émue pour tout dire.

James entreprit alors la tâche de désinfecter ses plaies méticuleusement, et avec un douceur qui contrastait étrangement avec son air bourru et un peu brut de décoffrage. Il avait également des mots doux envers elle, comme s'il s'inquiétait réellement de son état. Si c'était le cas, cela troubla d'autant plus la jeune fille. Non vraiment, elle n'avait pas l'habitude. Quant au reste de ses blessures, il utilisa une sorte de spray. Ils étaient également bien mieux équipés au niveau de la médecine ! Louane ne connaissait que les vertus des plantes et des potions. En tout cas, c'était fichtrement efficace. Elle se sentait déjà un peu mieux. Les mots, presque enfantins du combattant, firent sourire la jeune fille. Et la rendirent nostalgique un instant. Ça lui faisait penser, qu'elle n'avait jamais eu ce genre de relation avec son père. Elle n'avait tout bonnement pas connu ses parents. Et les gens de l'orphelinat n'avait jamais eu ce genre d'attention envers les orphelins comme elle.
Alors comme ça... il avait une fille. Cela lui donnait d'autant plus de charme à ses yeux. Sa compagne devait être très fière. À moins que le fait qu'il utilise une forme de passé laissait penser qu'il les avait... perdues ? Louane n'osa même pas y penser et encore moins le lui demander. Mais c'était probable, et expliquait sans doute cette sorte de mal et de souffrance qu'il avait dans le regard. Oui, elle était douée pour sentir ces choses-là.

- Merci encore, c'est très gentil.

Il s'occupait maintenant de l'un de ses bras, et lui demanda ce qu'elle faisait dans le coin, et si elle avait volé le repas de cette créature pour qu'elle s'attaque à elle de la sorte. Louane sourit doucement, amusée, et répondit :

- Je crois que c'est moi qu'il voulait comme casse croûte. Il est sorti de nulles parts... je n'ai pas été assez prudente.

Elle baissa un peu les yeux, honteuse. Oui, elle aurait dû faire plus attention, c'est sûr. D'un autre côté, il avait déboulé comme ça, elle aurait eu du mal à prévoir qu'il se tapissait là. Elle soupira, puis ajouta :

- En fait... je cherche mon père. Il m'a déposée dans un orphelinat quand j'étais bébé, sans une lettre, sans rien. Et j'aurais voulu... enfin... je m'étais imaginé pouvoir le retrouver. Mais tout est si vaste... et puis je suis une bien piètre combattante, alors... je doute parfois d'y parvenir. Si vous n'étiez pas intervenu, mon aventure se serait terminée là.

Elle le remercia de nouveau d'un sourire, sans trop savoir quoi ajouter. C'est ce moment que choisit son estomac pour gronder. Rougissant d'un seul coup comme une tomate, elle bredouilla une excuse. Elle n'avait pas encore mangé aujourd'hui, c'est vrai, et son estomac criait désormais famine.

- Merci encore, c'est très gentil. Me dit la jeune Terranide pendant que je m'attaque aux blessures de son bras.

J'hoche la tête, me concentrant sur ce que je suis en train de faire. Ça fait longtemps que je n'ai plus eu a faire ça et j'ai un peu peur de lui faire mal.

Enfin, rectification, je lui fait mal de toute manière avec mon antiseptique. J'aimerais juste éviter de le faire plus que nécessaire.

- Je crois que c'est moi qu'il voulait comme casse croûte. Il est sorti de nulles parts... je n'ai pas été assez prudente.
Répond-t-elle à ma question en baissant les yeux d'un air un peu honteuse avant de soupirer. En fait... je cherche mon père. Il m'a déposée dans un orphelinat quand j'étais bébé, sans une lettre, sans rien. Et j'aurais voulu... enfin... je m'étais imaginé pouvoir le retrouver. Mais tout est si vaste... et puis je suis une bien piètre combattante, alors... je doute parfois d'y parvenir. Si vous n'étiez pas intervenu, mon aventure se serait terminée là.

J'hausse un sourcil surpris.

Alors comme ça, elle est orpheline ? M'étonne-je. Elle donne pourtant pas trop l'impression d'être malheureuse.

Je garde pour moi qu'à mon avis c'est du gâchis d'abandonner ses enfants. Même moi qui ne pouvait voir ma fille que cinq ou six fois par mois, j'étais heureux de pouvoir avoir rien que ça. Mais je sais aussi que dans certaines circonstances, on a tout simplement pas le choix. Certains de mes rebelles ont des enfants et ils font tout pour que ça ne se sache pas afin de leur éviter des ennuis.

Je suis interrompu dans mes réflexions par le grondement sourd d'un ventre affamé. Et à voir la figure rougissante de la petite Terranide et les excuses qu'elle bredouille, ça ne doit sûrement pas être le mien ou celui du monstre derrière moi.

J'éclate d'un gros rire franc.

- Okay, okay, on s'occupera d'la tambouille sitôt que l'vieux Jim aura fini avec tes bobos.

Je m'occupe au fur et à mesure de son bras droit, avant de passer au gauche.

- R'tiens toi au rocher c'est l'tour des guibolles, la prévins-je en me penchant, ce qui me fait pousser un grognement. Offf ! Faut croire que j'me fais vieux, commente-je pour moi-même.

Je lui prend délicatement la jambe et la soulève doucement pour recommencer avec une nouvelle gaze à lui désinfecter ses plaies.

- R'gardez-moi ça, j'ai l'impression d'revoir ma fille qui r'viens d'la place d'jeux. Elle aussi l'était pas douée pour les réceptions. L'nombre de fois où j'lui ai mit un sparadraps et un bisou sur les g'noux... J'me suis même d'mandé à l'époque si elle faisait pas exprès pour en avoir plus de bisous. Sa mère arrêtait pas d'me dire qu'j'était un papa poule. Dis-je un peu perdu dans mes souvenirs.

Je pousse un gros soupir las en me souvenant qu'elles ne sont plus là.

- Mais bon, j'tennuie sûrement avec mes vieilles histoires, dis-je en passant à l'autre jambe. J'ai tendance à radoter, ça doit être l'âge ça aussi, plaisante-je en souriant.

Je termine finalement mon ouvrage. On peut encore distinguer plein de taches de peau synthétique blanche là où elle s'est blessée, mais au moins elle ne saigne plus nulle part.

Voilà. Pour la bosse, le mieux que j'puisse faire c'est un bisou. Mais j'me suis pas rasé ces dernier jours, alors j'vais t'épargner mon menton qui pique. Par contre, pour les habits j'peux rien faire. T'faudra les laver toi-même dès qu'on croise un point d'eau, dis-je en rangeant la trousse.

Je repasse ensuite les main dans mes gantelets et ordonne la fermeture des verrous. Avec des sifflement d'air comprimé et des claquement métalliques, l'armure reconnecte ses morceaux et lance sa batterie de tests pendant une autre douzaine de secondes avant que les gantelets ne virent au vert sur mon ATH. Une fois cela fait, je mets un genoux en terre et désigne mon épaulière à la demoiselle.

- Allez grimpe p'tite. On a assez trainé à côté de cette charogne, l'odeur va finir par attirer d'autres prédateurs et j'ai pas très envie d'les rencontrer. On f'ra un feu et à manger plus loin.

Le gargouillement de son ventre prouvait qu'elle avait faim, très faim même ! Louane avait l'habitude de cette sensation. Il y a quelques temps, il n'y avait pas si longtemps, elle devait encore mendier et enchaîner des petites travaux pour s'acheter un morceau de pain et remplir un peu son estomac. Aujourd'hui, elle était capable de chasser, et elle n'était pas mauvaise, même. Ayant ouvert son esprit à ses aptitudes animales, elle connaissait les manières de traquer une proie et de attraper. Seulement voilà, ce matin, elle avait simplement avalé quelques fruits, et n'avaient pas prit le temps de s'arrêter déjeuner. Elle avait voulu avancer et rattraper son retard, ne pas traîner pour atteindre au plus vite le village le plus proche. Voyager seule, lorsqu'on est une terranide, était extrêmement dangereux. Les environs grouillaient d'esclavagistes qui n'attendaient qu'une fille comme elle pour se remplir les poches. Mais, ça, jamais elle ne l'accepterait ! Jusqu'à aujourd'hui, elle avait réussit à éviter ce genre de situation et elle comptait bien que ça dure !

Elle aurait d'ailleurs pu se méfier de cet homme. Mais Louane faisait confiance à son instinct et à son flair. Ce type-là n'était pas un esclavagiste et ne lui voulait pas de mal. Il n'aurait sans doute pas prit autant de risque pour quelques sous et il n'avait pas la tête de l'emploi, et encore moins le comportement ou l'équipement. James se mit à rire en entendant l'estomac de la kitsune grogner son mécontentement. Elle se sentait un peu honteuse, et se balançait doucement sur son caillou. Elle n'aurait jamais osé demander de la nourriture à son sauveur, mais pourtant, il lui proposa de s'occuper de ça une fois ses blessures soignées. La jeune femme hocha la tête.
Ses blessures, en effet, étaient nombreuses. Elles n'étaient pas toutes très profondes, mais mieux valait s'en occuper pour éviter une infection ou d'autres complications. Louane était courageuse et forte, elle se remettrait très vite de ces petits bobos.

Comme c'était au tour de ses jambes, la kitsune se cramponna au rocher et en souleva une pour faciliter l'accès à James. Elle sourit en l'entendant de nouveau parler de sa fille. Il l'aimait profondément, ça se devinait facilement. Oui, il avait eu une belle petite famille, quelle chance ! Cependant, soit il ne les voyait presque pas... soit il ne les voyait plus. Il en parlait avec beaucoup de cœur et d'émotion, voilà pourquoi elle pensait cela. Il pensait l'ennuyer avec ses histoires, mais Louane s'empressa de secouer la tête.

- Oh, pas du tout ! Non, au contraire... je trouve ça charmant. Votre fille a de la chance d'avoir un père attentionné comme vous.

Elle n'avait pas eu cette chance. Pourtant, elle n'était pas nostalgique ou malheureuse de s'en rendre compte. Son père n'avait jamais été là pour elle, tant pis, c'était comme ça. Ça n'avait plus d'importance aujourd'hui, elle allait le retrouver et qui sait ? Peut-être rattraper le temps perdu... elle pouvait toujours espérer.
James se plaignait de son âge, mais la kitsune ne le trouvait pas si vieux que ça finalement. Il était encore sacrément en forme, faut dire !
Il lui épargna un bisou piquant sur la bosse, et s'excusa de ne pouvoir rien faire pour ses habits déchirés. Louane haussa les épaules.

- Oh, c'est rien ! J'ai l'habitude ! Je les nettoierai et les raccommoderait quand je pourrais.

Le côté pratique, c'était qu'elle était douée de ses petites mains pour ce genre de travaux. L'homme rangea tout son attirail, rééquipa ses bras mécaniques, puis l'invita à s'installer sur l'une de ses énormes épaules pour qu'ils s'éloignent du cadavre et mangent un peu plus loin, dans un endroit plus sûr. Louane acquiesça d'un mouvement de tête et s'accrocha à l'amure avant de monter agilement sur l'épaule où elle s'installa tranquillement. Elle n'avait pas franchement l'habitude de ce mode de transport, mais préférait cela à la marche. Son corps était encore un peu trop endoloris pour supporter une randonnée de plus. En tous cas, de là-haut, elle pouvait profiter pleinement du paysage et avait une vue panoramique plutôt pratique. Elle verrait le danger arriver de loin ! Enfin... normalement.
Pendant qu'ils marchaient, la jeune fille était silencieuse. Mais au bout d'un moment, elle ne put s'empêcher de demander :

- Dîtes-moi, James ? Elle a quel âge votre fille ? Comment s'appelle t-elle ?

La curiosité était un vilain défaut, on le lui avait déjà dit, mais elle avait simplement envie de relancer la conversation. Elle le trouvait sympathique cet homme-là ! Elle priait juste pour ne pas faire une bourde en posant cette question.

La petite Terranide grimpe sur mon épaule après m'avoir assuré qu'elle ferait sa lessive et son raccommodage elle-même, arguant qu'elle a l'habitude.

- Et en plus tu sais coudre et faire la lessive ? Plaisante-je en me relevant. Mais t'es une vraie fée du logis.

Je me remet en marche, repassant à distance du monstre pour le contourner et me rendre à l'épave de ma navette. Si je dois rester quelques temps ici, j'ai besoins de quelques fournitures de premières nécessité.

Pendant que nous marchons, la jeune fille juchée sur mon épaule finit par me poser la question qui doit lui brûler les lèvres depuis qu'elle m'a dit qu'elle me trouvait attentionné comme papa.

- Dites-moi, James ? Elle a quel âge votre fille ? Comment s'appelle t-elle ?

Un voile tombe devant mes yeux, me faisant perdre mon sourire.

- Elle s'appelait Mélissa... Mélissa Laurianne Echtekhos, comme sa mère. Quant à son âge... Hésite-je une seconde. Pour faire simple, disons qu'son âge est gravé dans l'marbre de sa dernière demeure... Tout comme sa mère... Ma douce Sierra Léanne Echtekhos... Elles auront respectivement onze et trente-huit ans pour l'éternité... Termine-je en sentant mes yeux me piquer un peu. Mais tout ça c'est pas des histoires très intéressantes à s'raconter pour les voyages.

Je laisse le silence s'installer une petite minute avant de reprendre la parole.

- Et toi tu cherches ton père qui t'a laissée d'vant un orphelinat ? Si tu l'recherches que lui, j'imagine qu'ta mère est un peu dans l'même cas qu'ma femme ?

J'écoute sa réponse d'un air compatissant.

- J'me doutais un peu. Mes condoléances p'tite Louanne. Pour c'qu'elles valent... Mais t'a raison vouloir chercher ton pater à mon avis. Les familles séparées, y'a rien d'plus triste, à moins qu'y aie vraiment un problème trop grave pour rester ensemble. Et puis, t'es une chic fille de c'que j'ai pu voir. Tu t'feras plein d'amis partout en voyageant qu'ça m'étonnerais pas.

Nous dépassons alors un éboulis et je peux enfin voir l'état de ma navette. J'avoue que je m'attendais à pire. En-dehors des patins atterrissage qui sont tordus et du ventre qui est gondolé, elle n'a pas l'air d'avoir trop souffert. Je lève ma main pour servir de marchepied à ma petite passagère.

- Descend d'ton perchoir un moment p'tite. J'dois faire les courses avant d'manger. C'est pour ça que j'vais t'confier une mission importante. Tu vois, quand j'vais rentrer dans c'te tas d'ferraille, j'pourrais plus savoir c'qui s'passe à l'extérieur. Alors toi, tu va dresser tes jolies p'ti... Grandes oreilles rousses et garder tes yeux grands ouverts pour l'vieux Jim. Et si jamais y'a un pépin, tu cours dans la carlingue et tu crie mon nom. J'tomberais comme le marteau d'Dieu sur celui qui t'fera des misères. J'te fais pas visiter parce que l'palais est un peu en mode défense et qu'les systèmes de sécurité sont p'têt un peu détraqués. J'voudrais pas qu'tu prennes un sale coup, achève-je mon explication en lui posant délicatement la main sur la tête pour la lui caresser quelque secondes avec un sourire rassurant. T'inquiète pas, l'vieux Jim il sera d'retour dans quelques minutes. J'vais pas t'abandonner ici.

Ce disant, je retire ma main de sa tête et couvre les vingt dernier mètres qui me séparent de la navette pour accéder à la rampe. Comme je le suspecte, elle est tordue et refuse de s'ouvrir ce qui me force à utiliser la trappe dorsale. Après trois minutes d'escalade et de grognements divers, je finis par arriver sur le toit de mon véhicule et ouvrir la trappe d'accès d'urgence à l'aide de la commande manuelle. Je me laisse ensuite tomber d'un petit étage, atterrissant dans un grincement de tôle torturée par le poids de mon armure.

Allumant les phares de mon armure, je jette un coup d’œil aux alentours pour m'assurer qu'aucune bestiole n'a élu domicile dans le ventre de ma navette pendant que j'avais le dos tourné. Mais je ne trouve aucune trace d'invasion récente, comme en témoignent les deux tourelles lance-flamme automatiques et silencieuses qui tournent sur elle-même en scannant l’intérieur de la navette à la recherche de toute trace d'invasion à nettoyer.

Tant mieux, j'ai besoin de pas mal de fournitures de ce tas de ferraille.

Un coup d’œil à la cabine m'apprends ce dont je me doutais déjà à cause du nuage noire de tout à l'heure. Le réservoir a été percé et le carburant hautement volatil s'est répandu sur les rochers, la chaleur y mettant le feu. Mon véhicule n'est pas trop endommagé, mais en l'était il est inutilisable sans carburant. Grâce à la batterie, je rallume les lumières dans la navette et décide d'enregistrer un message radio pour mes rebelles.

- Matt, ici Jim.Dis-je en prenant un sac de marine étanche dans un des casiers, me servant de la radio de mon armure pour enregistrer sur le codeur de la radio de bord. La mission ne s'est pas bien passée et je suis sans transport pour le moment. Je sais qu'on est à cours de navettes et c'est trop dangereux de rester ici pour t'attendre. Je vais bouger et je te recontacterais via nos contacts dans les autres royaumes de Terra sitôt que j'en aurais un sous la main. Garde la maison en attendant, je vais régler ce message en boucle pour une émission toute les six heures pendant deux jours. Après ça, la navette sera un tas de cendres. Dis-je en sortant aussi les charges de démolition de leur compartiment. Bonne chance Matt, je te retrouve aussi vite que je peux. Termine-je en ouvrant divers casiers.

Dans le sac, je fourre pèle-mêle une tenue de rechange, une pile à combustible radioactif de rechange dans son étuis anti-radiations pour alimenter mon armure, deux trousses médicales supplémentaires, le petit set de cuisine enfichable et diverses rations de combat. Je passe à ma ceinture deux gourde de plus que celle que j'avais déjà, me disant que ça peut être utile. C'est au moment de sortir les cassettes de munitions que j'hésite beaucoup. Autant mon fusil gauss est en soi une arme de destruction massive en-dehors de Tekhos, autant j'ai besoin de mon armure pour pouvoir rien qu'encaisser le recul et le soulever. Mon revolver a cet avantage que je peux le manier même sans mon armure, mais je n'ai pas beaucoup de cartouches pour lui. Au final, je prends une cartouchière que je remplis à ras bord de munitions pour mon pistolet et comble les très nombreux trous avec des chargeurs de rechange pour mon fusil. Bon, avec des chargeurs de cinquante coups et un total de mille cartouches sur moi, je pense que je pourrais tenir un moment. J'embarque pour finir une demi-douzaine de grenades "metal storm" pour faire bonne mesure.

Désormais chargé comme un mulet, j'active les charges de démolition et lance la radio de la navette. Quand elle aura fait suffisamment de cycles, le compteur sur les charges les fera péter. Ce qui me laisse deux jours pour me raviser et décider de revenir ou pour que mes rebelles reçoivent le message. J'espère juste que ce sera suffisamment court pour que les Tekhanes ne me tombent pas dessus avant que la destruction de mon transport couvre mes traces.

Je lance le compte à rebours et ressort par la trappe du plafond, la refermant consciencieusement derrière moi avant de descendre chercher ma petite protégée qui semble très à l'affut au sommet d'un rocher.

- Félicitation soldat Fox, vous aurez une citation pour votre dévouement exemplaire, plaisante-je d'un faux ton officiel en arrivant vers elle. Maintenant embarquez, on décroche encore une petite heure avant de s'arrêter pour grailler. Termine-je en lui désignant à nouveau mon épaulière et en lui proposant mon gantelet comme marchepied.

Louane grimaça et rugit intérieurement de sa bêtise. Pourquoi avait-elle posé cette question, alors qu'elle s'était doutée à un moment donné que ce pauvre homme avait dû perdre sa famille ? Elle se sentait si idiote qu'elle aurait bien aimé disparaitre dans un trou de souris su je champs. Elle savait pourtant que dans un monde comme celui-ci, on évitait ce genre de question. Avec ces guerres et ces malheurs de tous les côtés, rares étaient les individus n'ayant pas perdu un proche. C'était affolant... et ignoble. Et Louane aurait préféré que cela se passe autrement. Mais elle était impuissante, ni elle, ni même James à lui tout seul, n'étaient capable de mettre fin à une guerre en un claquement de doigts. Et quand bien même... cela ne ramènerait pas les innombrables vies perdues.
Le regard et les oreilles baissés, confuse, la kitsune écouta l'homme présenter les deux femmes de sa vie qu'il avait bel et bien perdu. Louane n'avait pas besoin de le regarder pour comprendre que le simple fait d'en parler le coûtait beaucoup. D'ailleurs, elle n'osait même pas tourner son regard vers lui tant elle était honteuse.

Il n'y a rien de pire que de perdre ceux qu'on aime. Louane ne pouvait même pas imaginer la douleur qu'il avait du ressentir, et le temps sans aucun doute, long, qu'il lui avait fallu pour sécher ses larmes. Cependant, la peine était toujours aussi présente dans son cœur, et la kitsune s'en voulait de l'avoir ravivée. Elle aurait aimé s'excuser, dire quelque chose, mais elle ne savait pas quoi. Elle n'avait pas envie de retourner le couteau dans la plaie et encore moins glisser une autre bourde de ce genre. Elle choisit donc de rester silencieuse. James comprendrait sans peine qu'elle était désolée et qu'elle n'avait pas voulu lui faire ce mal.

Puis il devina qu'elle-même avait du sans doute perdre sa mère puisqu'elle n'en avait pas parlé. Louane pinça ses lèvres, le regard toujours baissé, puis répondit d'une petite voix :

- Oui... on ne m'a pas vraiment dit, mais, je crois qu'elle est morte en me mettant au monde.

Un poids qu'elle portait chaque jour, se rendant responsable de la perte de sa mère. Elle était en vie..., mais avait arraché celle de sa mère. Elle n'avait aucune preuve, mais c'était ce qui était le plus vraisemblable. James lui fit part de ses condoléances, lui expliquant qu'elle avait bien raison de vouloir retrouver son paternel pour renouer les liens. Oui, la famille après tout, c'était important. Même si parfois, cela doit remonter de lourds secrets à la surface. En tous les cas, l'homme semblait certain qu'elle se ferait plein d'amis durant ses voyages.
La kitsune eut un petit sourire, mais se dit pour elle-même : "oh... j'en doute". Sur ces terres, une terranides se faisait rarement des amis. Si on s'intéressait un minimum à elle, ce n'était que pour la voir comme un morceau de viande ou une esclave.

Ils finirent par atteindre le transport du combattant et la jeune femme en resta bouche bée. C'était la première fois qu'elle voyait un engin pareil ! Comment ce... cette chose pouvait-elle se déplacer au juste ? Cette technologie recelait bien des étrangetés... En tout cas, la navette en question avait pris un sale coup et ne semblait pas en très bon état. James décida pourtant d'entrer là-dedans pour récupérer des fournitures, lui expliquant qu'elle n'avait pas faire le guet, et lui donnant le comportement à adopter si jamais un autre monstre venait à lui chercher des soucis. La jeune femme hocha la tête, et attendit de voir disparaître l'homme pour regarder autour d'elle.
Pour le moment, tout était silencieux. Elle leva un peu son nez, flairant l'air, mais ne trouva pas de trace inquiétante. Elle décida donc finalement de grimper sur le haut d'un gros rocher. Ainsi, elle aurait une meilleure vue pour épier les alentours.

Le vent s'était un peu levé et faisait dans ses cheveux roux autour de son visage. Ses yeux balayaient les environs. Il n'y avait guère qu'une forêt et des plaines à perte de vue. Il y avait aussi une rivière, non loin, qui se tortillait jusqu'à l'horizon comme un serpent. Elle pouvait deviner une ville ou un village à quelques kilomètres cependant. Ils ne l'atteindraient certainement que demain s'ils décidaient d'y trouver refuge. Heureusement, pas de monstres en vue. Elle entendait des oiseaux et autres bestioles inoffensives, mais c'était tout. À côté, le véhicule étrange de James grinçait. Au bout d'un petit moment, l'homme finit par en sortir, lourdement chargé, et la félicita pour son aide. Elle lui retourna un sourire radieux et répondit du même ton :

- Ce fut un plaisir, merci Commandant !

Elle grimpa alors de nouveau sur l'épaule de son immense armure. De là aussi elle avait une bonne vue. Puis elle lança, pointant son doigt en direction de l'Est.

- J'ai aperçu une ville ou un village par là-bas, à quelques kilomètres. Est-ce que nous devrions nous y rendre ?

Peu importe où ils se rendaient au final, la kitsune était déjà bien ravie d'avoir un compagnon de voyage et un protecteur. Elle le trouvait de plus en plus sympathique et était prête à le suivre n'importe où du moment qu'ils pouvaient y être un peu en sécurité.

- Suggestion acceptée. En route pour la civilisation ma'zelle Fox ! Dis-je en me lançant dans la direction indiquée.

Nous dépassons une zone relativement désertique pour nous rapprocher de la rivière. Le sol craquelé et poussiéreux fait petit à petit place aux herbes folles et autre végétation rase qu'on trouve facilement au bord des cours d'eau. Je vois passer de très nombreuses crétaures dont j'ignore tout, celles-ci n'existant plus à Tekhos depuis longtemps pour certaines.

- C'est quoi ça ? M'étonne-je en voyant passer une grosse bête couverte de poil avec des sortes de branches sur le crâne.

La petite m'apprends que c'est un cerf.

- C'est pas carnivore j'espère ? Grogne-je en armant mon fusil.

La jeune kitsune me rassure en me disant que c'est un herbivore. Il n'en faut pas beaucoup plus pour mon esprit pour le classer entre les deux catégories de créatures qui m'intéressent : les dangereuses et les pas dangereuses.

- Okay... Ça se bouffe ça comme bestiaux ? Demande-je en songeant à mes deux autres catégories très importante de bestioles : les comestibles et les pas comestibles.

Mais avant que mon accompagnatrice puisse me répondre, comme si l'animal avait compris ma question, il se barre dans le sous-bois.

Toi la prochaine fois qu'on s'croise, j'te présente mon amie brochette... Juste après les copains Smith et Wesson.

Je fini par trouver un petit coin plat pas loin de l'eau et m'y arrête.

- Pause de midi ! Annonce-je en posant un genou en terre pour donner à la petite kistune un marchepied pour descendre de mon épaule. Temps indéterminé pour le ravitaillement des troupes et le repos des blessés, dis-je ensuite en me dirigeant vers la rivière tout en sortant les casseroles.

En temps normal, j'aurais bouffé des rations sans me poser de questions. Mais comme je ne suis pas tout seul, je vais varier un peu l'ordinaire. Surtout que quand on a pas l'habitude des repas surprotéinés en barres déshydratées, c'est vite fait de faire une indigestion parce que ça semble trop riche à l'estomac.

- Soldat Fox, je vous met en charge du feu, dis-je en sortant mon couteau et quelques provisions de mon sac. Ne vous éloignez pas hors de portée de vue de votre soutiens lourd, évitons les mauvaises rencontres.

La regardant s'égayer quelques secondes, je commence l'un des travaux les plus ingrats qui soit. À côté,même la corvée de latrines est moins pénible.

Bon Dieu, qu'est-ce que je déteste couper des oignons...

James accepta volontiers de se diriger vers la zone habitable que la kitsune avait aperçut plus loin à l'Est. Après tout, c'était certainement le meilleur moyen de se mettre en sécurité et de pouvoir se reposer. La jeune femme avait put se rendre compte que le moyen de transport du combattant qui l'accompagnait était hors d'usage, et il fallait bien qu'il trouve un endroit où communiquer serait sans doute plus simple et où ses collègues le retrouveraient plus facilement.
De ce côté-ci, la nature avait été épargnée par l'éboulement et retrouvait sa verdure et sa fraîcheur, surtout au bord de la rivière qui coulait joyeusement tout près. Louane observait les alentours, pas seulement pour surveiller les monstres éventuels, mais surtout pour profiter du paysage. C'était tellement agréable par-ici ! Elle se demandait bien où ils pouvaient se trouver exactement... bien assez loin de Nexus en tous cas. De toute manière, elle ne trouverait pas son père là-bas puisqu'elle en venait. Non... il était ailleurs. Mais Terra était vaste, et il n'allait pas être chose facile de retrouver la trace de son paternel.

Elle sentit subitement l'homme d’immobiliser, comme surpris par quelque chose. Cependant, la demoiselle n'ayant rien vu venir commença à s’inquiéter. S'il y avait un monstre ou des bandits... elle aurait du les sentir !! Mais elle se tranquillisa rapidement en voyant un cerf disparaitre en quelques bonds parmi les arbres et lui buissons. Louane ne put s'empêcher d'éclater de rire et de rassurer son accompagnateur :

- Ne craignez rien, James, ce n'est qu'un Cerf, il est inoffensif et ne se nourrit que d'herbes ou de plantes.

Étrange qu'il n'ait jamais vu un tel animal. Les environs de Tekhos devaient vraiment être complètement différents d'ici ! L'homme lui demandait alors si cela se mangeait, mais l'animal avait eu tôt fait de décamper. Toujours aussi amusée, la kitsune retint un nouveau rire et répondit :

- Et bien... oui. Quand on arrive à les attraper.

Ce n'était pas si simple d'attraper ces cervidés. Il fallait être très rapide et bien armé. James avait des armes, certes, mais vu les engins, la demoiselle se disait que s'il avait tiré sur cette bête, il n'en serait pas resté grand chose à manger.
L'homme sonna finalement l'heure de la pause déjeuner. Affamée, la kitsune avait les yeux brillants et elle bondit hors de son perchoir pour laisser James se diriger vers la rivière avec des récipients. Le nez en l'air, la jeune femme huma profondément l'air en soupirant d'aise. La voix grave du combattant s'adressa à elle, la chargeant de trouver de quoi faire un feu sans toutefois trop s'éloigner. La jeune femme sourit, voilà qui était largement de son ressort. C'est qu'elle en avait passé des nuits à la belle étoile, elle avait donc eut souvent l'occasion de faire du feu... ou de chasser.

Louane s'activa. Ce fut rapide, dénichant rapidement du bois pour faire le feu... dont deux longs bâtons qu'elle observa puis auxquels elle attacha solidement chacun de ses deux couteaux eux l'extrémité avec une liane. Elle coupa le reste d'un coup de dents bien placé, puis s'approcha silencieusement de la rivière... avant de jeter avec habilité ses lances improvisée l'une après l'autre, qui vinrent se ficher net... dans de gros poissons. Fière d'elle, même si ce n'était pas la première fois qu'elle réussissait ce genre de coup, elle s'avança dans la rivière jusqu'à la taille et brandit ses proies en l'air.

- J'espère que vous aimez le poisson ! C'est délicieux une fois grillé.

Elle se rapprocha de l'homme, dégoulinante, et s’aperçut qu'il était en train de couper des oignons. Elle sourit, et lui occupa plutôt les mains avec ses lances et leur poisson.

- Epargnez-vous cette corvée ! Allez plutôt allumer le feu, faire chauffer une casserole remplie d'eau et griller notre repas, ça c'est un travail d'homme.

Amusée, elle prit donc sa place et se mit à découper les oignons et les autres légumes qu'il avait apporté. Elle avait l'habitude de ce genre de tâche, et était particulièrement débrouillarde, surtout dans un cadre comme celui-ci. Elle eu tôt fait de terminer, et ramena le tout dans un récipient. Elle fit glisser le tout dans l'eau bouillonnante, et glissa sa main dans sa besace pour en sortir une poignée d'herbes qu'elle y ajouta. Une bonne manière d'en exhausser le goût. Puis, enfin, elle se laissa tomber sur les fesses près du feu dans un soupir.

- Hum... ça sent bon. Au fait, James, je ne vous ait pas demandé... vous venez de Tekhos n'est-ce pas ? Il n'y a que là-bas qu'on peut trouver une technologie comme la votre... qu'est-ce qui vous amène par-ici ?

C'est vrai qu'on ne croisait pas des tekhanes ou ds tekhan tous les jours dans le coin... sans doute effectuait-il une mission particulière.

Pendant que je souffre le martyr au contact des oignons, la petite kistune a eu le temps de ramasser du bois pour le feu et même pour pêcher deux gros poissons.

- J'espère que vous aimez le poisson ! C'est délicieux une fois grillé.

- J'te crois sur parole, p'tite Louane, commente-je en regardant les choses écailleuses qu'elle agite à bout de bras.

C'était pas juste le filet qu'on mange dans le poisson normalement ? Me demande-je en les voyant entiers pour de vrai pour la première fois de ma vie.

C'est alors qu'à mon grand soulagement, elle me tend ses prises en souriant avant de reprendre la parole.

- Epargnez-vous cette corvée ! Allez plutôt allumer le feu, faire chauffer une casserole remplie d'eau et griller notre repas, ça c'est un travail d'homme.

- À vos ordres mam'zelle, souris-je en abandonnant sans regret les terribles légumes larmoyants dont j'hésitais presque à baisser ma visière et sceller mon armure pour échapper aux effets.

Pour allumer le feu, l'avantage d'être un fumeur invétéré c'est qu'on a toujours un briquet sur soi. J'en profite d'ailleurs pour me coller une cigarette au coin du bec pendant que je bosse sur la cuisine, prenant bien garde quand même de ne pas faire tomber de cendre dans les deux casseroles suspendues au-dessus du feu à l'aide d'un trépied de bois que j'ai bricolé. Je remet vite fait la main sur mon manuel d'infanterie au chapitre "survie" pour savoir comment couper les poissons. J'en apprends étonnamment plus sur eux en quelques minutes de travaux pratiques qu'avec les dizaines de schémas imprimés dans mon foutu manuel. Au final, je parviens à en extraire de bons filets que je mets à cuire sur une pierre chaude que j'ai préalablement lavée, ils commencent très vite à grésiller dessus avec un bruit des plus encourageants.

Quelques minutes plus tard, la jeune fille revient pour mettre les légumes déjà bien coupés dans l'une des casseroles d'eau avant de les assaisonner. Le tout commence à sentir plutôt bon et je commence à saliver d'envie que ce soit prêt.

- Hum... ça sent bon, commente la jeune demoiselle d'un air gourmand en se laissant tomber sur ses fesses à côté du feu. Au fait, James, je ne vous ait pas demandé... vous venez de Tekhos n'est-ce pas ? Il n'y a que là-bas qu'on peut trouver une technologie comme la votre... qu'est-ce qui vous amène par-ici ?

- Oulà... Commente-je un peu mal à l'aise.

Mais au fond, lui cacher pourquoi je suis venu dans le secteur et ce qu'elle risque n'est pas vraiment pour lui rendre service. Et il y'a peu de chances qu'elle soit une espionne Tekhane. Alors lui dire la vérité est probablement ma meilleure défense contre toute mésentente future.

- Bon surtout aie pas peur p'tite Louane, mais si j'suis dans l'coin c'est parc'que j'suis recherché chez moi pour haute trahison.

Devant son air surprise, j'essaie d'adoucir l'ambiance en faisant un sourire en coin, mon sourire "rebelle" comme disait ma femme.

- Tu vois, j'viens d'une civilisation qui considère qu'les mâles, c't'une sous-race de l'humanité ou un truc dans l'genre, grogne-je d'un air dégouté. Les femmes nous méprisent, la moitié d'entre elles abandonnent les garçons à la naissance car elles estiment qu'ils ne valent pas grand-chose et le mariage entre homme et femme est vu comme quelqu'chose d'anormal. Ce qui est bien vu est le mariage entre fille et pour permettre à ces couples d'avoir des enfants, elles sont nombreuses à user d'technologie pour avoir des enfants sans intervention masculine. Bon faut avouer aussi qu'y a un gros problème d'infertilité chez les femmes Tekhanes qu'est un vrai fléau.

Je marque une pause pour refaire de l'ordre dans mon esprit car il me semble que je m'égare un peu.

- Bref, quand un p'tit gars comme moi atteint la quinzaine, l'a pas l'droit d'aller faire des études plus hauts comme les filles, c'est contraire à la loi. Faut qu'on reste bêtes pour que les femmes puissent continuer à nous r'garder de haut. Donc en sortant d'l'école, on devient presque tous des travailleurs quand on est des garçons. On nous r'file toutes les tâches ingrate d'la société parc'qu'on s'rait supposé incapable d'faire aut' chose. La seul alternative c'est l'armée. Mais attention, pas l'armée pour défiler dans la capitale hein ! Non, ça c'est réservé aux régiments uniquement féminins. Nous on a une école de r'crues de dix semaines et après on est envoyé au front conte les Formiens. Et en moyenne, on perds un tiers des nouveaux effectifs sur les premières escarmouches. Ensuite les pertes se stabilisent, mais d'toute façon c'est pas grave puisqu'on est qu'des garçons et qu'on est pas nécessaire à la pérennité d'la civilisation, raille-je avec un sourire torve.

Je m’interromps encore le temps de touiller le contenu des casseroles et de tourner mon poisson pour qu'il cuise bien des deux côtés.

- J'suis un traitre à mon pays parc'que j'ai refusé d'me plier à une supérieur qu'étais plus bête qu'moi. Et pour être plus bête que l'vieux Jim, faut plus que d'la mauvaise volonté, faut être entrainé ! Rit-je. M'enfin, elle a pas du tout apprécié que j'me sois payée sa poire bien des années avant sur une autre histoire débile. Elle m'a fait enfermer en salle d'interrogatoire sur un motif bidon et elle avait prévu de m'faire crever à p'tit feu pour se venger et parc'qu'elle en avait l'droit. J'te montre pas les cicatrices, c'est assez moche à r'garder. Si j'suis en vie, c'est parce que des hommes d'mon escouade à qui j'avais sauvé la peau plusieurs fois ont pris leur courage à deux mains pour me libérer et me proposer d'menfuir et d'me faire oublier à l'étranger.

J'agite ma cuillère pour souligner la gravité de l'acte en parlant.

- Rends-toi compte p'tite Louane, ils risquaient d'être tués pour m'avoir détaché d'ma chaise d'torture ! M'exclame-je dégouté. Et moi j'étais supposé prendre mes jambes à mon cou et partir en les abandonnant comme ça ? Plutôt qu'de les tuer, c'te garce les aurait enfermé à ma place et leur aurait fait c'quelle m'avait fait ! Et ça, l'vieux Jim pouvait pas l'supporter ! C'était mal me connaître que croire quj'allais fuir la queue ent' les jambes en laissant mes amis payer à ma place ! Alors j'me suis rebellé contre l'autorité qui nous dénigrais. Et les hommes qui avaient servit avec moi en avaient aussi tous tellement marre qu'ils m'ont suivit. J'me suis assuré avant d'partir que l'officière qui m'avait prise pour son punching-ball emmerderait plus jamais personne et avec mes gars on a pris l'maquis. Ça fait maintenant plusieurs années qu'on s'bat pour faire changer les choses avec plus ou moins de succès, des hauts et des bas et parfois aussi des échecs. J'ai plein d'bons amis qui y sont resté et encore plus d'autres qui continuent la lutte. Alors mon pays me considère comme un dangereux révolutionnaire et raconte partout que j'suis un fou furieux assoiffé d'sang qui tue tout c'qui a l'malheur de r'ssembler à une fille, termine-je en gloussant. Mais j't'en voudrais pas si tu veux que j'te laisse te débrouiller toute seule au prochain village. J'voudrais pas qu'taie des ennuis parce que l'vieux Jim est dans les parages.

Ce disant, je saisi les gamelles et sert le repas avant de lui donner sa part et ses ustensiles.

- Fais gaffe, c'est p'têt empoisonné ! On sait jamais avec les grand méchants garçons, ris-je en allant m'asseoir de mon côté du feu pour commencer à manger.