Oui, il fallait satisfaire sa curiosité hors-norme, il fallait lui expliquer, lui dire, lui montrer, lui démontrer quand elle disait juste, quand elle disait faux, pourquoi elle disait juste ou faux, comment pouvait-elle ensuite dire vrai. Elle voulait qu'on lui expliqua, qu'on lui dise, qu'il mette en lumière ce qu'il pensait, ce qu'il trouvait vrai et faux, pourquoi et comment. Elle voulait qu'il lui donne des réponses, comme pour se rassurer, savoir et être sûre, connaître les points sur les 'i' et les barres sur les 't', que la voix calme et douce du forgeron la mette dans la bonne voix, lui assure qu'elle avait tort ou raison. Elle voulait être sous son aile, s'y étouffer longuement pour ensuite respirer un air refait à neuf par la vision du monde qu'Amser lui aurait indiquée. Elle trouvait ce forgeron emprunt d'une vérité plaisante, et douce à apprendre, une vérité qui faisait du bien à entendre et qui plaisait à la Déesse Lynx.
" - Si vous le dîtes, Sieur Amser. Un humain n'est pourtant pas une bête, même quand la fin vient tirailler sa rate, quand le danger vient les mettre dos au mur, ils usent d'un instinct de survie que vous avez l'air de considérer comme animal. Ils ne sont plus des bêtes à partir du moment où ils usent des bêtes et de leurs semblables comme des esclaves. Leurs instincts de protection du prochain a disparu, et s'ils sont dangereux, c'est pas leur méchanceté, leur cruauté, les horreurs qu'ils font sans même avoir la morale qui les humanisé. Sont-ils vraiment humains ? Vous n'êtes pas un homme, vous, vous êtes bien plus, parce que l'instinct animal qui coule dans vos veines est celui que les âges et les générations n'a pas émoussé. Entré dans la société, un homme n'a plus d'instinct. C'est pour ça, que je doute sur le mien. J'espère n'être pas devenu un "homme"…"
Sa tirade, prononcée de sa voix suave et légère, semblait sortir des rêves les plus sombres de la Déesse, coulant doucement entre le sable et le Forgeron. S'il n'était pas rentré dans la société, c'était tant mieux. Rentré dans la société et s'intégrer aux hommes, c'était perdre son caractère, sa vie, son futur. Elle le trouvait peut-être si intéressant parce que le Forgeron Amser était resté misanthrope, loin de l'humanité collante des hommes, loin de l'amitié poisseuse qui les caractérisait, plus proche d'un amour de bêtes à bêtes, cru et simple. La confiance qui émergeait de ce géant aux douces attentions, Ophélie ne l'avait jamais trouvé ailleurs, auparavant. C'était la confiance qu'on offre non pas comme un présent, mais comme une poignée de main, non pas comme un cadeau après des mois de labeur à le chercher, mais comme un "bonjour" naturel et simple. Lui, suivait une ligne de conduite et de manière de vivre qui ne changerait pas quand l'envie lui prendrait. Et ça, c'était beau, simple, agréable à vivre.
Mais s'il disait qu'elle pouvait user de son instinct animal, c'est qu'elle le pouvait. Elle pouvait sauter dans le sable et partir à la recherche de sa famille comme un animal égaré, grâce à son flair et à sa vue, non pas grâce à une carte. Elle aussi pouvait s'adaptait à son instinct, à la situation. Pouvait-elle le faire, de s'adapter à une situation ? Son instinct pouvait la guider très loin, la perdre dans les limbes de son pauvre cerveau car il suivait aussi l'esprit d'Ophélie. L'instinct ne pouvait plus la guider sans qu'elle ne réfléchisse. C'était encore tout un apprentissage que celui-là, celui de se laisser aller à son instinct. Et s'adapter ! Elle admirait le Terranide parce qu'il était adaptable, comme un fauteuil qu'on fait devenir canapé. C'était bien. Sympathique. En lui parlant, elle n'était jamais sûre d'avoir raison, et apparemment, le beau forgeron lui démontrait minutes après minutes que ses acquis pouvaient être bien faux. Elle trouvait ça intéressant, certes, mais un peu déprimant. Mais elle ne lui dirait pas.
Il saurait encore lui dire que c'était normal ! Après tout, elle ne pouvait pas avoir tort partout, mais son ami avait raison tout le temps. Elle hocha seulement la tête, sa patte caressant la chevelure de sa monture, un peu distraite, malgré le fait qu'elle soit concentrée sur les paroles pleines de sens d'Amser. Il était d'une douceur … Elle souriait bêtement en pensant à tout cela, à cet homme que le hasard lui avait fait rencontré, elle souriait parce qu'elle le trouvait unique et parfait ! Était-ce ça, de tomber amoureuse ? Non. Elle ne pensait pas. Elle l'aimait, certes, avec une amitié déjà bien forte, elle était liée à lui sans réelle raison. Mais, elle le voyait encore comme un protecteur. Son instinct féminin, bien différent que celui animal plus proche des paroles qu'il prononçait, lui montrait qu'elle était attachée à lui comme à un homme à qui on n'osera jamais avouer son amour, de peur qu'il y trouve un peu à redire, de peur de perdre de la place dans son cœur. Et pour l'instant, c'était bien. Parce que ressentir ce sentiment en à peine quelques heures, c'était assez étrange.
" - C'est déjà trop compliqué pour moi. Je n'ai pas le cœur à me compliquer la vie comme cela. Je suivrai vos pas, Sieur Amser et mon instincts. Avec ces deux aides, j'irais loin, j'en suis sûre. L'équilibre doit être personnel, après tout… "
Elle comprenait que Lanos était un Dieu qu'elle voudrait bien un jour rencontrer. Il paraissait bien intéressant, pour avoir un si intelligent fidèle, si amusant et simple. Elle sourit de nouveau et ronronna de plus belle, entourant sa queue autour du bras ballant de son ami pour tenir sur ses épaules de géant. Un géant tellement sympathique qu'après lui, même un jeune homme inoffensif vous paraissez sans doute méchant. Elle ne le trouvait pas benêt, loin de là, elle le trouvait juste gentil, heureux. Il était heureux et on devenait heureux à sa suite, parce qu'il était un homme au sourire communicatif, au rire gras et aimable, aux yeux pétillants de malice. Elle aimait bien ses yeux et ses épaules. En plus, il était confortable !
" - J'espère un jour rencontrer votre Dieu Lanos. Parler avec lui sera sans doute une expérience inoubliable. Vous le décrivez comme un Dieu réellement divin. Il a pourtant des défauts, non ? Rassurez-moi, Sieur, il n'est pas parfait ? L'est-il ?"
Amser était libre et heureux. C'était ça qui le rendait si sympathique et merveilleux aux yeux de la jolie Lynx tricolore. Liberté et choix. Tout ce qu'elle n'avait pas eu pendant tant d'années. Lui l'avait trouvé, c'était peut-être battu pour l'avoir ! Elle, elle avait attendu. Une lache ? Elle se trouvait lâche, oui, à vrai dire. Mais la lacheté disparut quand ils furent bien entouré comme il faut. Tournant son museau vers son ami voyageur, elle le trouva d'un calme à faire frémir les brigands. Et encore assez concentré pour continuer sa conversation avec elle sur l'instinct. Cet homme était étonnant, car Ophélie n'était déjà plus trop dans le "mood" pour parler instinct et philosophie sociale.
" - Ohh ? Si vous l'dites … "
Et il comptait en faire quoi s'il ne les tuait pas ? Que comptait-il faire ? Elle eut une moue un peu effrayée. Elle se blottit contre le Forgeron en enroulant sa queue autour de ses jambes, avec un grognement mécontent. Elle avait peur de ce qui pouvait se passer. Il souriait, elle fermait à demi ses yeux, ses iris ne devenant que deux fentes menaçante. Il montrait son épée pour leur montrait qu'il ne se laisserait pas faire … Elle le sentait la serrer contre son torse et elle s'y blottissait avec plus de bonheur qu'elle essayait d'oublier la peur. Le sable, elle ferma les yeux. Les réouvrant, elle sursauta. Non ? Non. Non !
« - Je ne suis qu'un émissaire de la Guilde pour transporter cette esclave de premier choix. Si vous nous tuez, vous pourrez peut-être revendre sa peau mais son pesant d'or ne sera plus qu'un grain dans le désert et quant à moi, je ne pense pas que vous puissiez retrouver votre chemin sans mon aide. Laissez-moi vous expliquer, messieurs, vous n'êtes qu'une escorte pour un roi qui vous tuera s'il apprend que vous touchez à ces biens. Même dans le désert, les nouvelles vont vite... »
Elle n'avait pas bien entendu. Il était sérieux ? Non. Sans doute pas ! Elle tourna son museau vers Amser. Il était confiant, il la tenait contre lui avec confiance, cette assurance qui lui plaisait tant .. Elle s'était trompée du tout au tout, comme une enfant, comme une gamine, comme une idiote ! Comment ? Comment pouvait-elle être si bête ! Elle connaissait les légendes de la guilde. Était-ce une réalité ? Amser venait de là ? Il comptait l'utiliser comme une esclave pour un Roi, comme les autres ? Son souffle. Son souffle. Rapide. Haletant alors qu'elle se débarrassait de l'étreinte du géant en le mordant. Elle s'éloigna, au grand étonnement de leurs attaquants. Eux. Eux ils comptaient faire marche arrière. Ne pas combattre cet homme et son esclave.
" - Excusez-nous, marchand. Vous veniez vous reposer pour la nuit près de l'oasis ? Nous vous laissons une partie du côté Est, mes hommes vous laisseront en paix. Si vous avez besoin de vivre ou d'information … Tout ce paie, marchand, vous le savez, mais nous ne vous attaquerons plus."
Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils partaient aussi vite qu'ils étaient arrivé, ombres dans la sombre nuit. Un homme posa son bras sur les épaules d'Ophélie pour la jeter de nouveau contre le géant. Ils avaient peur des représailles si elle partait à cause d'eux. Ophélie resta debout, immobile devant Amser. Choquée ? Elle cherchait ses mots et recula de quelques pas.
" - Vous êtes comme les autres ! Pareil ! Vous m'avez trahit ! Je ne vous croyais pas comme ça … Vous me dégoutez !"
Naïve. Trop naïve. Elle se laissa aller à quatre pattes, prête à partir dans le désert, seule, en proie à une rage triste. Sa queue tapant et baffant le géant alors qu'elle allait partir. Elle ne pensait même plus à se tromper. Il était comme les autres. Tous des pourritures …