Il n’est rien de pire que de demander à une personne inconnue le droit de passage et surtout le droit d’accès à l’eau, la seule chose réellement essentiel à la vie. Et pourtant, c’est ce que devait faire Shad en ce moment. Oh bien entendu, elle ne comptait pas quitter cette forêt en pleins cœur des Terres Sauvages sans avoir atteints son but, même si pour cela, elle devrait faire couler le sang.
La détermination se lisait autant dans la posture, droite, fière, bien campé sur ses membres lui servant de pattes que par le regard de défi qui pouvaient se lire dans les yeux azurés de la louve. Et tous savent que quand un canidé a le regard fixe et non fuyant, il cherche à prouver sa domination, à ne pas se laisser abattre, dominer par l’un des siens. Cependant, le regard de la louve ne pouvait rester fixe dans une direction unique. C’est pourquoi, elle fit glisser son attention doucement autours d’elle, cherchant à localiser la source du premier hurlement.
En parlant de hurlement, deux autres retentirent. L’Okami écouta attentivement le premier et fut frappé de stupeur par son origine. Le premier hurlement qu’elle avait entendu était celui d’un loup, mais ce deuxième, avait une part féline en lui. Où avait-elle pu débarquer pour que chien et chat se côtoient ? Et surtout hurle ensemble ? Jamais de sa vie elle n’avait entendu un félin faire cela. Mais il ne fallait pas oublier qu’on était sur Terra et tout était possible sur ce monde fantastique.
Un troisième hurlement survint, cette fois de nouveau d’origine lupine. Une chance que l’hybride par son côté animal puisse comprendre le plus gros du message qui lui était envoyé. Ainsi on lui lançait un défi ? En guise de réponse, l’Okami ne put réprimer un léger grognement, retroussant doucement les babines, laissant apparent ses crocs.
Comme si elle aurait été sous sa forme humaine, la bête se mis à tourner en rond, à réfléchir à un stratagème pour obtenir le droit d’accès à cette rivière. Mais encore fallait –il savoir ce que l’inconnue attendait d’elle. Souhaitait-elle qu’elle se batte ? Qu’elle chasse pour eux ? Ou attendait-elle une toute autre preuve de sa détermination à pouvoir boire à leur rivière ?
Soudainement, la louve se figea, et frappa le sol de sa patte avant droite, comme elle aurait tapé le sol de son pied sous sa forme de bipède. Elle allait jouer sur le coup de la chasse, leur ramener un gibier, et si cela ne suffirait pas, elle les provoquerait en duel. Haletant cependant à cause du manque d’eau, elle secoua sa lourde tête pour se ressaisir avant de poser son regard vers une direction, vers là où elle avait pu discerner de légers mouvements de feuilles.
Le regard de la louve arlequin se posa dans cette direction, tandis que sa langue alla humidifier doucement son museau qui s’empressait d’humer l’air. Pas de doute, un être était bien présent, caché dans les fourrés, mais elle n’arrivait pas à en discerner sa véritable ethnie. C’était une odeur mêlée à différentes effluves, à diverses flagrances provenant de races différentes. Qu’était-ce donc ? Quoi qu’l en était, pour avoir sa réponse, la louve devait se hâter.
Puis, sans prévenir, Shad déporta son attention sur un tout nouvel objectif. Celui de la traque. Rapidement, elle se mit à flairer le sol, à la recherche de traces d’un quelconque passage récent. Après une vingtaine de secondes et par pure chance, elle décela le passage récent d’un cervidé. Sans plus attendre, l’animale se mis à suivre la piste, se faisant discrète dans la végétation, faisant en sorte que son corps épousant les feuillages suivent leurs mouvements et que de facto, on arrivait pas à discerner les deux différentes sources de bruits.
La lupine prenait également garde où elle mettait ses pattes. Hors de question de marcher inutilement sur une brindille sèche ou de faire rouler une pierre par accident. Gardant son agilité et sa vitesse, la lycane continuait sa traque jusqu’à arriver dans une petite clairière. Là un petit troupeau de daim semblait se repaître. Le regard de la louve se posa sur chaque cervidé, tour à tour, afin de déceler celui qui serait le plus à même de figurer au menu. Mais, ne lui avait-on pas lancé un défi ?
Choisir le plus jeune, le plus âgé ou le plus faible ne permettrait pas de relever ce dernier. L’Okami se devait de choisir un daim dans la force de l’âge. Après quelques secondes d’observation, elle lança son dévolu sur un adulte, en bonne santé et qui semblait avoir une part importante dans le groupe. Sans nul doute un mâle dominant, autant dire que la chasse pouvait être risqué, ces bêtes savaient malgré tout se défendre.
Mais elle ne comptait pas également chasser de façon traditionnelle. Puisant dans ses ressources, la lupine fit enflammer doucement ses pattes avant de se ressaisir rapidement, les éteignant. En effet, cette technique pouvait être forte utile en milieu désertique mais là, en pleine forêt, elle risquait surtout de créer un brasier. Se mettant à plat ventre, elle se mis donc à avancer vers sa proie, le vent dans son dos de sorte que le daim ne puisse la détecter par l’odeur.
La louve se stoppa à une dizaine de mètre du mâle alpha. Faisant rouler ses muscles sous son pelage, elle patienta jusqu’à ce que ce dernier baisse sa garde, abaisse son museau afin de brouter l’herbe fraîche. Encore une fois, la chance sembla lui sourire, car elle n’eut pas à attendre longtemps et comme si elle avait été montée sur ressort, les pattes de la louve se détendirent, lui permettant de faire un saut en avant et de commencer une course poursuite, entraînée par son élan.
La réaction du troupeau ne fut guère surprenante, ce dernier se mis à se regrouper, à courir ensemble, à sauter à tout va et à zigzaguer. Mais qu’importe la zizanie qui régnait en cet instant, la lupine ne lâchait pas sa prise des yeux, courant aussi vite que ses pattes lui permettait et surtout ses forces et sa blessure pour atteindre sa proie. Mais cette dernière avait l’avantage d’être en pleine forme elle, de n’avoir aucun malus. Grognant, la lycane se mis à accélérer subitement, parvenant à se situer juste derrière le daim.
Ce dernier se mis à entamer un mouvement sec de virage et la lupine profita de ce bref instant pour mordre et arracher un morceaux de peau au niveau des « chevilles » de l’herbivore, donnant en même temps un puissant coup de pattes sur les membres antérieur afin de lui faire perdre l’équilibre. Par miracle, encore, cela fonctionna et la louve parvint à arriver au coude à coude avec le cervidé. Dans un ultime effort, elle sauta sur son dos, s’agrippant à son flanc et planta sans plus attendre ses crocs dans la nuque de l’animal.
La chute fut brutale. Le cervidé tomba sur le flanc en pleine course, écrasant par la même occasion l’Okami sous soin poids. Cette dernière, déterminée, ne lâcha pas sa prise resserrant même sa mâchoire autours de la gorge du cervidé, l’emmenant à trépas. Finalement, elle se dégagea du corps avec peine et ne pris pas la peine de se lever, restant couchée, la queue rabattue contre son corps, la langue légèrement pendante.
Cette partie de chasse l’avait éreintée et plus que tout, lui avait aggravé sa blessure à l’épaule. Doucement, la louve reprit une apparence plus humaine, restant cependant assise prêt du gibier mort, posant sa main contre son épaule meurtri, fronçant ses sourcils sous la douleur. Reprenant son souffle, elle observait les alentours, se demandant si l’inconnue l’avait observé.
« Alors ? J’ai gagné le droit ou pas ? Ou dois-je encore me battre ? »
La Terranide espérait au fond d’elle que cela suffisait comme preuve de sa volonté. De plus que le cervidé pourrait facilement nourrir plusieurs bouches ou gueules et qu’à la base du proie de ce gabarie était attaquée à plusieurs afin de maximiser les chances de réussite. Le regard de la lycane se porta sur cette dernière. Au pire, elle trouverait de quoi se désaltérer dans le sang. Elle était peut être pleine de ressource mais la douleur à son épaule commençait à se faire plus marquante, plus foudroyante, un combat en cet instant serait peine perdu pour elle ou du moins, serait très difficile à accomplir.