Quand Luna se réveilla, elle réalisa assez lentement qu’elle était seule. Lentement, car, entre le moment où elle se réveilla, et où elle décida de sortir du lit, il s’écoula bien une bonne heure. Lorsqu’elle sortit du lit, titubant à moitié sur la moquette, ce fut pour voir que Mirei était partie, en laissant un simple mot sur la table basse. Luna le consulta silencieusement, en clignant des yeux : « Partie travailler. Ne fais rien de stupide, Lu’ ».
*Rien de stupide... songea cette dernière. Je ne fais jamais rien de stupide, moi !*
Se rendant dans la salle de bains, la petite neko fit couler l’eau. Elle était nue, et sa queue remuait de droite à gauche. Elle bondit dans la baignoire, et se détendit, essayant de ne pas penser au fait qu’elle était poursuivie par de puissants individus. Néanmoins, il était difficile de ne pas y penser. Elle n’était qu’une simple petite neko. Elle se glissa dans l’eau, arrêtant l’écoulement de l’eau, et commença à se frotter avec du savon. L’hygiène était une chose que sa Maîtresse lui avait solidement inculqué, afin qu’elle soit belle, propre, et parfumée. Luna n’était pas une sauvage, après tout, et prenait grand soin à avoir une hygiène saine. Elle se lavait donc régulièrement, utilisant sa queue pour frotter son dos avec du savon, se parfumant très légèrement, agissant par automatisme. Protectrice Mirei n’avait pas autant de choix que son ancienne Maîtresse, mais Luna n’allait pas faire la fine bouche.
*C’est quand même curieux, cette histoire… Pourquoi donc me pourchasse-t-on ?*
Tandis que Luna se posait des questions, Mirei, de son côté, descendait d’une rame de métro, s’enfonçant dans l’une des zones industrielles entourant Tekhos Metropolis. Elle avait eu bien du mal à dormir, son esprit étant perturbé par les nombreuses questions qui la traversaient. Par conséquent, la Tekhane avait mené quelques investigations, poursuivant son enquête. Elle avait commencé par lire la presse, mais les journalistes ne s’étaient pas mobilisés d’un bloc sur cette histoire. Il n’y avait eu que quelques brèves, et Mirei comprit, en filigrane, que la police avait transmis peu d’informations. Duffy avait du agir pour éviter d’en divulguer le moins possible. Mirei n’était toutefois pas une simple citoyenne, mais une soldate. Elle avait ainsi accès à des bases de recherche complète, notamment les réseaux de police. Au sein de la hiérarchie tekhane, la police était inférieure à l’armée. Or, il arrivait fréquemment que l’armée s’occupe d’affaires civiles, si ces dernières avaient un lien, même ténu, avec la sécurité nationale. Concrètement, cette approche permettait à certains soldats ayant des galons, comme Mirei, de pouvoir avoir accès aux serveurs de la police.
Les menaces de Duffy n’impressionnaient nullement la soldate, qui apprit, en consultant des registres médicaux, que les tueurs travaillaient pour une organisation criminelle opérant à Tekhos, le cartel de de Juanino, en référence à une ville frontalière se situant dans les Badlands, Juanino. Le cartel de Juanino, comme tout cartel digne de ce nom, se spécialisait dans le trafic de drogues, mais diversifiait ses activités. Comme n’importe quel cartel, le cartel de Juanino opérait surtout dans les Badlands, relayant la drogue produite à Ashnard, pour la transmettre dans les grandes métropoles tekhanes. Toute la difficulté était donc de traverser les Badlands.
*Qu’est-ce qui peut bien conduire un cartel à traquer une petite neko ? Pour qui travaillent-ils ?*
Des questions auxquelles elle devait répondre. Mirei portait un déguisement qui rendait difficile de la reconnaître. Elle avait notamment une casquette d’ouvrier sur la tête, et des vêtements simples. Elle portait, sous une veste en cuir, son pistolet à sa ceinture, et sortit de la station de métro. Elle était hors de la ville, voyant, derrière elle, les hautes tours de Tekhos. C’était le jour, et, de l’autre côté, on voyait une série de montagnes menant aux Badlands. Il y avait des camions, des fourgons, des cheminées en acier, des entrepôts... Et l’un des repaires du cartel de Juanino. Mirei avait consulté les dossiers de la police, et avait ainsi appris la position d’un entrepôt appartenant à une société de transports de marchandises entre Tekhos et les villes frontalières. Cette société avait comme actionnaire majoritaire une femme qui était l’une des baronnes du cartel, et la police essayait de se servir de cette société-écran pour remonter la filière. Les Tekhanes auraient tout à fait pu faire fermer cet entrepôt, organiser une descente, mais cette descente n’aurait eu qu’un simple impact médiatique. Les narcotrafiquants n’auraient eu aucune difficulté à trouver un autre entrepôt.
Mirei s’avançait le long de trottoirs désolés et tristes, se rapprochant de l’entrepôt. Il y avait plusieurs vigiles à l’entrée, en train de fumer, et elle suivit le mur, cherchant un passage. Elle finit par trouver un point d’accès grâce à une poubelle accolée le long du mur. En s’appuyant sur cette dernière, elle put sauter, et tomba dans la cour longeant l’entrepôt. Il y avait dehors plusieurs camions, quelques fourgons, et de nombreux hommes et femmes. La criminalité n’aidait pas vraiment le genre masculin à retrouver ses lettres de noblesse, et certains spécialistes y voyaient un lien de corrélation. Bien des emplois haut placés étaient réservés aux femmes, ou restreints aux hommes. Y accéder était très difficile, et ceci conduisait, selon les criminologues, bien des hommes à devenir des délinquants en puissance.
Elle s’avança derrière une série d’énormes caisses, et, évitant de se faire repérer, passa par une petite ruelle longeant l’entrepôt, cherchant une petite porte par laquelle entrer. Elle avançait au milieu de barils bleus, de caisses, de détritus, entendant les cris des goélands, les bruits des usines en marche, essayant de ne pas se faire remarquer.