J'aurais aimé dire qu'il était resté ainsi allongé sur le dos, remuant ses pensées avec inquiétude, pensant à tout ce qui l'attendrait dans sa vie, à tout ce qu'il s'était passé depuis son dernier sommeil, maintenant qu'enfin il était libre de se parler à lui-même, dans un environnement apaisé, propice à ses réflexions. J'aurais aimé dire qu'il fixait le plafond tandis que les flammes autour se réduisaient, qu'il était parfois animé de sourires ou de grimaces, en fonction du chemin que prenaient ses idées. J'aurais aimé, oui, qu'il puisse envisager son avenir sous bien des aspects, du positif au négatif, soupirant de se voir au bord d'un gouffre si grand que, pour une fois, il ne parvient pas à en distinguer le fond. J'aurais aimé dire qu'il s'était tourné vers Andrea, dormant paisiblement, et qu'il s'était dit que tout n'était pas si vain en ce monde.
Mais il s'était endormi à une vitesse éclair, exténué par sa journée et sa nuit précédente.
Il réserva toutes ces pensées à ses rêves.
Il était réveillé. Seul. Il détestait quand un matin ressemblait aux autres matins, que la fille avait dû fuir, appelée par son devoir. Lui qui était d'habitude si prompt à se dresser de son lit, comme éjecté, en pleine forme, prêt à affronter la journée qui l'attend, cette fois-ci, il lui faudra cinq bonnes minutes pour se traîner difficilement hors des draps. Il commence par aller ouvrir la porte, constatant comme chaque matin qu'on l'y attend.
« -Tu es là depuis longtemps ?
-Moins d'une heure, Maître. »
Il grogne. Il sait qu'il ne doit pas, mais il se sent mal pour l'employé. Bon, il est payé à ça, en même temps. Regard dans le miroir. Bâillement.
-Putain mais c'est scandaleux, mes cheveux au réveil. Bon, je t'écoute.
-Vous avez reçu un courrier. C'est une amende.
-Fait voir ?... Hmm... « Exhibitionnisme », « Outrage à la cour » et « Nudité dans un bâtiment officiel ». Il y a une infraction qui s'appelle comme ça ou ils viennent de l'inventer ?... Bon, je dois bien ça au juge. Payez l'amende. Et rajoutez un petit quelque chose pour le magistrat, il m'a acquitté après tout. L'argent ne l'intéresse sans doute pas...
-Des jetons ?
-Oui. Bonne idée. Cent jetons de cinq d'argent. Ca lui permettra de venir dépenser ici. Et euhm... (Il écarte son pansement et se saisit d'un petit linge dans un tiroir pour essuyer le baume, qui commence seulement à sécher) … Tiens, une invitation pour l'ouverture de l'arène. Cela pourra lui plaire. Et rédigez un petit mot.
L'employé notait diligemment.
-Qui dira ?
-Pas un truc du genre « merci de la relaxe », plutôt quelque chose comme... « merci de votre clairvoyance dans cette affaire », un propos détourné, pas trop direct. Léchage de bottes sans soumission. Et que je serais ravi de le voir dans le casino, où je lui réserverais...
-« La meilleure nuit de sa vie » ?
Law sourit. C'est une formule qu'il utilise souvent lorsqu'il invite quelqu'un.
-C'est ça. La meilleure nuit de sa vie. »
L'arène était à plusieurs quartiers du Casino, dans une place commerciale, relativement peu peuplée. Il ne savait pas pourquoi il n'avait jamais eu cette idée auparavant. Un ami – un partenaire commercial de longue date, plutôt – venait de faire faillite et il avait eu cet endroit pour une bouchée de pain. Le commerce était racheté dans son entièreté, avec ses combattants... et les dettes attachées. Il ne voyait aucun problème à rembourser les créanciers, d'autant qu'il se trouvait quelques uns de ses propres débiteurs parmis eux. Les dettes s'annulent, pour le plus grand bonheur des deux parties.
Assis sur un haut canasson à la robe d'un élégant brun clair, il écoutait le maître d'oeuvre lui expliquer où en étaient les réparations et rénovations. Il l'amenait vers la grande arche d'où les combattants entraient, et lui expliquait une certaine vétusté que l'architecte venait tout juste de découvrir. Mêlant les termes techniques et la vulgarisation nécessaire au profane, il lui montrait que le portage n'était pas optimal, et que les pierres du sommet subissaient une pression inégale qui risquait de les faire flancher.
« -Détruire et reconstruire ?
-Ouaip, m'sieur.
-Ca coûte ?
-Un peu. C'est surtout la structure temporaire à caler pour éviter que tout l'édifice ne s'écroule qui va faire chier. Mais si vous m'permettez d'employer deux nouvelles paires de bras et que vous m'les payez, j'vous l'offre.
-Si vous me promettez de leur payer leur salaire après avoir fini votre travail et pas les foutre à la rue, j'accepte.
-Vendu, m'sieur Raine. J'dois vous parler des gradins aussi, v'nez voir. »
« -Et sinon, qu'avez-vous fait avant-hier ?
-Comment ça ?
-Pour la fête !
-Oh, ça. Et bien... Le travail. Et vous ?
-J'étais chez vous. Comment s'appelait-elles déjà ?... L'une s'appelait Lynnea, ou quelque chose du genre. J'ai oublié le nom de l'autre.
-Comment était-ce ?
-Magistral. J'ai mangé aussi. Et j'ai assisté à un spectacle. Vous savez recevoir.
-Mes clients sont des amis. Et je sais traiter des amis.
-C'est ça, c'est ça. Que puis-je ?
-Je veux une délégation de la part de la cour.
-Une délégation ?... Vous savez que ces temps-ci, on parle beaucoup de vous à la cour. Mais pas en bien.
-Je m'en doute. Et nous savons tous les deux que tout cela est d'abord une cabale de quelques hauts fonctionnaires qui abusent de leur sacerdoce.
-C'est vous qui le dites. Une délégation, donc ?
-Oui. J'ai décidé de construire un tribunal dans les bas-fonds.
Gros blanc.
-Un tribunal ?
-Un tribunal.
-Vous n'êtes pas sans ignorer que la Justice est rendue par l'Etat.
-Je suis au courant, j'y suis passé. Je sais aussi que ce pays fut presque fondé par un juge, grand homme si il en est, et qu'en ce sens notre Nation est très portée sur le concept de Justice. Et c'est pour cela que je vais entreprendre cette construction. Vous n'ignorez pas, vous, que votre « Etat » tout-puissant s'arrête justement à l'entrée des bas-fonds, et que l'armée n'y fait plus son travail. Le pouvoir est tenu et organisé par les criminels.
-Dont vous faites partie.
-Oui. Et cela ne peut plus continuer, soyons honnête ! Aussi, je veux y rétablir un tribunal. Il m'appartiendra, je le protègerai autant qu'une autre de mes possessions. Les magistrats y seront nommés par Nexus, et ils seront sous ma bonne garde aussi. Les crimes commis aux bas-fonds pourront être jugés sur place, dans l'heure. Quitte à ce que les auteurs d'infraction soient aussi conduits par mes hommes.
-... La justice des bas-fonds va devenir la vôtre. Payée par Nexus.
-La justice des bas-fonds est celle que je fais appliquer, déjà. Mais cette fois-ci, ce seront les lois de Nexus qui s'appliqueront. Je continuerai à faire régner ma propre loi à côté, et si l'armée le souhaite, elle pourra tenter de m'arrêter et de me traîner devant mon propre tribunal. Je ne m'y opposerai pas. Ai-je précisé que les magistrats seront nommés par Nexus ?
-Il est inc...
-Je vous signe ce que vous voulez. Je vous donnerai toutes les garanties que vous demanderez. Je jure sur ma vie de ne jamais atteindre à l'intégrité physique des juges et représentants de la Reine qui seront placés là, et que j'empêcherai quiconque de le faire.
-Ecoutez...
-Entre nous, je suis fatigué de négocier, alors allons droit au but. Vous êtes quelqu'un que j'apprécie plutôt dans ce palais, ce ce doit être assez rare pour être noté. Je vous offre une entrée illimitée à mes maisons de plaisir. Illimité. Toutes les putes que vous voudrez, toutes les représentations et tous les repas. Je sais ce que vous avez demandé à Lynnea pendant que Cytherea dormait. Je ne juge pas, n'est-ce pas ? Chacun nos perversions. Mais les deux m'ont dit que vous avez été agréable avec elles, et j'apprécie ceux qui évitent de brutaliser, surtout moralement, mes filles.
-Vous saviez que j'étais chez vous ?
-Voyons, je le savais avant que vous n'entriez. Peu importe. Entrée illimitée, et consommations illimitées. Chaque année, nous remettrons à plat nos relations, mais je ne pense pas avoir un jour à vous retirer ce cadeau, car nous resterons toujours en bons termes, n'est-ce pas ?
-Sieur Raine, vous me faites l'effet d'un... serpent...
La comparaison décroche un sourire à Law.
-Merci, j'apprécie. Je veux une réponse maintenant. Vous devenez un adversaire, ou quelqu'un envers qui j'ai une dette à vie ? »
Les entrevues et les responsabilités se succédaient. Repas en fin d'après-midi, dans une taverne très en vue au coeur de Nexus, avec un autre esclavagiste. La discussion était amicale, mais déviait bien vite sur une future cargaison d'esclave provenait du nord par bateau. L'autre voulait sa part, et il n'était pas le seul. Il était prêt à payer cher pour avoir de ces marchandises censément de qualité, et assez jeunes pour représenter un investissement correct. Law lui accorderait une part, en échange d'une somme conséquente.
Il fallait ensuite régler les salaires des employés. Isaac s'occupait de cela d'habitude. Avec l'un de ses pairs, ainsi étaient nommés les lieutenants de son empire, Law composait l'habituel tableau des paiements, base de calcul sur lesquels étaient indexés les versements aux employés en fonction de leur rang, ancienneté et pénibilité de leur travail, et ce pour les vingt jours à venir, base dégagé du rendement collectif estimé ressortissant des chiffres exprimés par les gains du mois. Il y passait une bonne heure, après quoi il abandonnait les détails à son subordonné. C'est par un étonnant réflexe qu'il s'était dirigé vers la chambre de Jana, sans trop réfléchir, faisant demi-tour en s'en rendant compte. Mais le voilà en plein milieu d'un couloir, debout, à se demander ce à quoi il pourrait occuper les trentes minutes qui viennent. Il a envie de se détendre, mais n'a aucune idée de comment faire, à vrai dire. A cette heure-ci, la Favorite serait déjà à genoux à détacher sa ceinture. Il soupire. Non, ça ne lui manque pas. Il n'a pas envie que ça lui manque, bordel. Non, ça ne peut pas lui manquer. Voir cette petite bouche avide s'ouvrir en grand pour saisir, entre ces lèvres outrageusement apprêtée, son vit dressé et tout aussi hâtif, sentir la chaleur et l'humidité emprisonner le pieu qui ne rêve que de lui transpercer la gorge, et gémir des caresses de langue qui s'étend longuement sur le dessous de sa verge, si sensible... Non, non. Il s'en fout, hein, vraiment.
Bordel, bis.
Il faut travailler plus, pour compenser.
Beau garçon était Kaylan. Acheté jeune, totalement dévoué. Un terranide-tigre de deux mètres cinquante au bas mot, à peu près deux-cent kilos de muscle, belle gueule noble, et un air un peu naïf. Des sangles de cuir nouaient, à chacun de ses bras, des ballots de lin rectangulaires garnis de plumes épaisses, qui servent à encaisser les coups que Law porte. Il frappe avec le plus de force possible, tentant de déjouer l'attention de Kaylan pour le toucher frontalement, mais celui-ci, diligent, des réflexes surdéveloppées par sa condition animale, paraît tout les coups, qui finissait irrémédiablement par s'écraser dans les boucliers de tissu, dans un lourd « Pof » qui se succédait à des tas d'autres « Pof ».
« -Ensuite ?
-Quatre cent mercenaires ont débarqué, venant de l'est. Ils ont été accueillis par Masi Sist.
-Le lieutenant de... de...
-Du notable Ation.
-Oh. Ensuite ?
-Hmm... Nexus a obtenu une réduction du prix de ses exportations de grain auprès de la principauté de Tourange.
-Ensuite ?
-Hmm... Un attentat à Tekhos. Quatre blessés seulement, la bombe n'a pas explosé à l'endroit prévu apparemment.
-Des informations ?
-Aucune.
-Tsss. Ensuite ?
-Le duc...
-Non, non. Laissez tomber, c'est fini. On continuera plus tard.
Emportant son calepin, l'interlocuteur s'incline et sort. Law reste avec Kaylan, seul. Un pas en arrière, de quoi lui envoyer un violent coup de pied visant le bide, que le tigre pare sans mal, en s'inclinant un peu et en opposant ses deux bras rembourrés pour le bloquer.
-T'as pas baisé depuis quand, mon joli ?
-La dernière fois que vous m'avez donné une femelle, Maître.
-Ce qui signifie ?
-78 jours.
-Pfouh.
Lui qui était repassé aux poings voit une nécessité de reprendre les coups de pieds, dont il change la trajectoire à chaque fois, pour se rendre un peu plus imprévisible, avant de retenter à la main, puis aux coudes.
-Tu te rappelles que tu n'es plus esclave ?
-Oui, Maître.
-Alors tu n'as plus à vivre ainsi.
-Je ne sais vivre qu'ainsi.
-Tsss. Agis en homme libre !
-J'essaie, Maître.
Dernier assaut de ses poings. Il accélère, tente de percer le lin, force, y met plus de rage, jusqu'à s'arrêter, brusquement, les muscles de ses avant-bras criant leur douleur.
-Bonne nuit, Maître.
-Hm hm.
Dodo.
Réunion dès le réveil. Tous les pairs avaient été convoqués il y a quelques jours, pour que les plus lointains puissent venir. Autour d'une table carré, Law au bout, il avait rédigé une liste de ses directives pour les jours à venir.
C'était délicat pour lui. Chaque instant de sa vie, il craignait la trahison, et ce sera sans doute sa paranoïa constante lors de son absence. Il avait donc inséré, dans ses dossiers, des informations divergentes. Toute prévarication sera repérée, et comme à son habitude, il punira la déloyauté avec sa fermeté habituelle. Au fond, il est content de laisser la charge du royaume à sa cour : A son retour, il fera le tri entre les fidèles zélés et ceux qu'il pourra affecter loin du pouvoir.
Alors que chacun parle, exposant ses différents objectifs dans leurs domaines respectifs, Law se saisit d'un bout de papier, sur lequel il griffonne rapidement un mot, avant de le passer à un serviteur. « A Andrea », lui dit-il. L'autre acquiesce et s'évapore.
« -Quand suis-je devenu un bureaucrate ?
-La bureaucratie est un outil de pouvoir. Il me faut une signature ici aussi. »
Il a ensuite fallu faire le tour des employés. Leur parler, à presque tous. S'assurer de leur fidélité, son obsession constante. La journée avait été faite d'allers et de retours entre le Casino, les maisons de passe, les ports de Nexus où se tiennent ses agents commerciaux, les tavernes et restaurants, les différents commerces qu'il possédait. Une tournée infernale, alternant le cheval pour les longues distances et les petons pour furter dans les avenues bondées lorsqu'il n'y a que quelques mètres à parcourir, traînant avec lui quelques mercenaires et des employés. Passé 19h, ayant parcouru l'essentiel de son empire à Nexus, il était retourné squatter le casino, faire un léger somme assis sur son bureau, avant de se décider à passer en revue toute la documentation comptable, technique et humaine de ce dernier mois. Tout analyser, comme le ferait Isaac avec un talent infiniment plus grand et une rapidité sans doute considérable, annoter ce qu'il faudrait améliorer, dresser une éventuelle liste d'économies à faire. Travail éprouvant pour ses nerfs, qui demandaient généralement un peu plus d'action ; alors qu'approchait le milieu de la nuit, il finissait par abandonner. Silence de mort dans les couloirs. La maison de jeu commence à se vider. Du haut de son escalier de marbre blanc, il jette un regard sur les clients encore présents. Il sait qu'au moins, il peut compter sur eux pour ne jamais le lâcher.
Bien qu'il fasse frais, il lui fallu faire un tour dans la cour intérieure de son casino, carré de verdure avec vue sur le ciel étoilé, entouré de galeries à colonnes, donnant sur des chambres et des couloirs où s'étendaient les ramifications nombreuses du bâtiment. Au milieu de l'herbe, des chemins de pierre donnaient accès à des tables de jeu éparses. Une pute, acharnée au travail, en était déjà à son dixième client. Elle cherchait le suivant, le bras posé sur l'épaule d'un joueur qui défi le froid. Un petit tour entre les croupiers, leur faisant signe qu'il va falloir rentrer, car il ne souhaite pas qu'ils soient malades. Il contemplait ensuite la lune, et bâillait. Demain, dernière journée de travail.
Couché aux aurores, levé un peu avant le repas. On lui avait disposé un déjeuner très copieux, qu'il avait expédié seul, sans le moindre esclave pour lui faire la conversation, debout au-dessus de son bureau, réglant les détails de son voyage à venir. Il ne s'agissait pas d'un parcours millimétré et horairé, ne laissant aucune place aux surprises : Il tenait juste à s'assurer que son anonymat était toujours garanti, qu'aucun bouleversement géostratégique ne viendrait entraver son avancée, qu'il ne manquerait de rien qui ne lui soit nécessaire. Il extrayait deux feuillets déjà remplis d'écrits, sur lesquels il griffonait quelques mots, avant de jeter tout le reste dans sa cheminée. Il laisse ça dans une lettre scellée, « à l'attention de Kaylan », et abandonne le tout sur son bureau. Glissé dans les mains d'un serviteur en sortant, et les dés étaient jetés.
Temple ! Des remerciements du Haut-Prêtre pour avoir financé l'autel de Sparshong, dieu qui manquait cruellement en ce lieu. C'est bien naturel, la foi est au-dessus de l'argent, n'est-ce pas ? Il demande alors si c'est dans ses projets de construire une église qui lui serait uniquement consacrée ; Law répond par la négative, rappelant que ce Dieu aime à rester secret. Politesses, discussions futiles, et le voilà e nouveau seul. Agenouillé.
Il était venu demander protection, bien entendu, mais c'était secondaire : une divinité ne nous doit rien. Nous devons aux dieux. Aussi, il était présent pour demander au reptilien si celui-ci désirait qu'il se venge de ceux qui ont conspiré contre lui. Cette entreprise serait d'importance, et elle nécessitait donc indubitablement l'accord du serpent pour pouvoir être menée. Ses chuchotements demandaient ardemment un signe, une indication, quelque chose qui lui certifie sa volonté que Law ne tue, au moins, le responsable de la police Utsaah. Rien ne venait. La réponse se faisait parfois attendre, ou ne venait jamais. Après de longues minutes, le fidèle se relevait, pas plus avancé qu'en arrivant, et partait.
Un nouveau mot pour Andrea, laissé à un mercenaire, avant d'enfourcher son cheval et de galoper vers le port.
Arrivait le crépuscule. Son moment préféré de la journée, celui où le soleil, se masquait derrière de cotoneux nuages à l'horizon, semblait se muer en une boule de feu, tantôt pourpre, tantôt améthyste. C'est à cette heure-là que Nexus lui appartenait, quand le crime est à son zénith, que le jeu tourne à plein régime, que ralentit jusqu'à l'agonie le travail légal, remplacé par les activités les plus sombres, dans des rues mal fréquentées. C'est la période de la journée où l'on s'assied autour d'une table fort garnie, et où l'on discute stratégie, commerce et finance, et où les pots-de-vin vont bon train.
Un grand cheval blanc pour Andrea, appreté en plein milieu de la rue, sorti de l'une de ses écuries privées. Un canasson majestueux, un peu fougueux, mais qui savait se tenir en société, et doté d'une solide endurance. Law avait repris, pour lui, l'étalon de robe baie cerise, son meilleur destrier, propre aux galops sauvages, qui savait distancer n'importe quel autre bête de course.
Les selles étaient sommaires. A l'arrière étaient nouées un paquetage qui suffirait à sa survie pendant un certain temps.
Au-delà des remparts de Nexus, s'étendait une longue plaine, parsemées d'immenses fermes et de quelques hameaux sans prétention. Après quelques minutes de trot, une bifurcation sur un sentier de terre menait dans un petit bois dense. Passage nécessaire, que Law comptait traverser pour reprendre, à la sortie, une autre grand-route, et s'assurerait ainsi de ne pas être suivi.
« -Pas de trace de monsieur Isaac, Maître.
-Putain... Dites à mes pairs de le retrouver. Priorité absolue.
-Bien. »
Il n'avait pas envie de remettre en cause son voyage. Mais son ami... pour ainsi dire, son seul vrai ami, était perdu dans la nature, avec une heure de retard. Isaac ne pouvait pas être en retard, il ne savait pas l'être. La ponctualité était inscrite dans ses gènes, avec la rigueur et le pucelage. Bon, pour ce dernier point, la légende est entière.