Le Grand Jeu

Ville de Seikusu, Kyoto, Japon, Terre => Complexe d'études secondaires et supérieures => Discussion démarrée par: Law le mercredi 08 janvier 2014, 19:03:14

Titre: A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le mercredi 08 janvier 2014, 19:03:14
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Notice Musicale : Le titre est une référence à la chanson "1983... (A Merman I Should Turn To Be) (http://www.youtube.com/watch?v=J9To2ZhnOdE)" de Jimi Hendrix, où le narrateur, fatigué de la guerre sur terre, décide d'aller vivre sous l'eau avec sa petite amie. On lui dit que c'est impossible, mais peu lui importe : Il fait l'amour avec sa copine sur la plage, monte dans son sous-marin construit, et s'évade sous l'eau. Le climax final de la chanson est la découverte d'Atlantis, promesse d'une vie meilleure loin des hommes.
Chaque fois que je la met, je me dis que ces 13 minutes dans ma vie deviennent soudain étonnamment belles, parce que cette chanson est magnifique.


-Vous êtes très beau.

Il lui rajustait sa cravate. Ne pouvait-il pas s'empêcher de faire des commentaires ? Bon sang. Law n'aimait pas qu'on pense que ses relations avec Isaac étaient physiques, très physiques. Si ce dernier lui-même se mettait à créer des situations aussi confusantes, le Boss allait devoir sévir.

L'acolyte s'écarte, et l'endimanché peut ainsi se regarder dans son miroir. Une vue de plain-pied qui le laisse fort perplexe.

-C'est donc ça que les terriens mettent quand ils veulent se rendre... classes.
-Il semble, oui.


Law se tournait. La vue sur son cul était plutôt avantageuse, d'accord, et la coupe de la veste soulignant assez bien sa carrure, mais merde ! sortir dans Nexus accoutré comme un PDG ou autre engeance de cette planète dégénérée et corrompue, c'était hors de question. Il soupirait donc, toujours circonspect.

-C'est une situation exceptionnelle. Et vous connaissez le proverbe ? « À Nexus, comporte-toi comme un Nexussien ». Pour une fois, vous pourriez faire cet effort de vous fondre un peu mieux dans le paysage.
-Quitte à m'habiller comme l'un de leurs notables oligarques ?


Isaac lève les yeux au ciel. Law fait un « non » de la tête, puis commence à retirer sa cravate.

-Hors de question. Je vais m'habiller avec des vêtements de Nexus, en cherchant à faire passe-partout. Donne-moi mes fringues.
-Non.


Isaac tenait tête à son patron. Il le fixait, serrant contre lui le tas de tissu qui avait servi à couvrir Law lors de son dernier voyage sur terre.

-Isaac, on a dit que j'essaierais le costume pour voir si ça allait aller, ça ne me va pas, donc on passe au plan B, file-moi ça.
-Non.


Le mafieux soupire et commence à avancer vers son subordonné, mais celui-ci, sentant clairement qu'il ne sert à rien de s'opposer frontalement au Boss, fonce vers la cheminée à trois mètres d'eux, et menace de tout jeter dedans. Ouch.

-Isaac, tu es mon ami, mon seul ami, la personne en qui j'ai toute confiance, l'unique homme au monde en qui je remettrais ma vie. Il n'empêche que c'est moi qui donne les ordres. Aussi, au nom de notre confiance mutuelle, tu vas me donner ça pour que je puisse m'habiller normalement.

Le lieutenant ne bouge pas. Il est à 'ça' de tout jeter au feu, et n'hésitera pas à le faire si Law s'approche un peu plus de lui.

-Je t'interdis de faire ça, Isaac.





-Trois beignets, s'il vous plaît.
-Tout de suite, monsieur. C'est pour le cabinet d'en-face ?
-... Pardon ?
-Oh, excusez-moi. Avec votre tenue, j'ai cru que vous étiez un nouvel employé du cabinet d'avocat.
-...






On va soigner son effet, n'est-ce pas ! L'amphi se remplissait tranquillement. Law était planqué à un détour de couloirs. Les élèves le regardaient avec inquiétude. D'accord, le costume-cravate et son âge pouvaient le faire passer pour un professeur, mais qu'est ce que c'est que cette manière d'observer les gens à un coin, en se planquant comme un pervers du bois, et qu'est ce que cette dague dépassant manifestement de sa ceinture, et qu'est ce que c'est que ce pardessus de cuir totalement old-school ?... Il va sans doute tuer quelqu'un. Pas d'inquiétude donc. Ouf. Tant qu'il ne cherche pas à interrompre les cours, tout va bien. Y a les examens bientôt, et on est dans une université sérieuse ici.

Bref. Tous les élèves, ou presque, ont pris place dans leur amphi. Le professeur traverse le couloir et s'apprête à y pénétrer, mais Law l'intercepte en hurlant des « Professeur ! Professeur ! » Observant de haut l'esclavagiste derrière ses petites lunettes rondes, il ne se permet même pas de lui répondre, attendant seulement qu'il lui annonce ce pourquoi il crie ainsi.

-Mon Dieu, c'est affreux... La directrice vous demande. Votre... femme... a eu un accident... de culotte.
-Pardon ?
-Oui je sais, j'ai été aussi étonné, mais elle m'a demandé d'aller vous chercher le plus vite possible. Je n'ai pas trop compris... Mais ça a l'air très important, il faut que vous alliez la voir.
-Qu'est ce que c'est que cette histoire...
-Je suis très sérieux, je suis là pour vous rendre service, allez voir la directrice et dépêchez-vous !


Tentant de ne pas céder à la paniquer, il hésite, puis ira chercher les escaliers les plus proches pour se rendre au bureau de la direction. Mission accomplie, et totalement improvisée. Law sautille tranquillement, sourire aux lèvres, en passant la porte.

~~~~~~

« Amphithéâtre B102. 11 décembre. Cours d'histoire. Le destin voudrait que tu y assistes. »

Ce mot avait été laissé dans sa boîte aux lettres, dans une petite enveloppe marron, deux semaines plus tôt. L'écriture était totalement inconnue.

~~~~~~

BOOOONJOUR TOUS !

Enjoué, il ferme la porte derrière lui, et bloque celle-ci avec une chaise sur laquelle il mettra deux cartons, empêchant la poignée d'être baissée. Qu'est ce que c'est que ce prof ? Ce n'est pas du tout celui de d'habitude, en tout cas.

C'est Law. En costard. Avec son trench, et une large sacoche de cuir dans le dos.

Il garde l'attirail sur lui et se penche vers une élève, lui demandant quel est le sujet du cours, déjà ? Histoire des civilisations ?... Ah. Il se doutait que c'était de l'histoire, mais avait oublié précisément.

… Parlons de Nexus. Nexus, vaste Cite-Etat dont vos livres d'histoire ne parlent malheureusement pas. Et pourtant... Nexus a un vaste passif, passionnant à étudier. Cette monarchie se distingue sur bien des points des autres nations voisines en ce sens que la Reine est une nymphomane sans aucun pouvoir, que ses conseillers sont corrompus par l'armée, les esclavagistes et les guildes de commerçants, et que tous les oligarques au pouvoir sont des pantins entre leurs mains qui se battent chacun pour qui aura le plus de pouvoir. Le pouvoir législatif est donc ridicule, puisque les lois passées sont en fait décidées en fonction de qui a le plus d'argent sur le moment. Endroit merveilleux, isn't it ? Parlons plus longuement des esclavagistes, justement. Car, oui, à Nexus, rien de plus légal que l'esclavage. C'est à la fois un fléau et une bénédiction. Le principal problème aujourd'hui étant qu'il y a une inflation de l'esclavage, ainsi, les nobles préfèrent se tourner vers ça plutôt que d'employer des citoyens qui, eux, coûtent plus cher à rémunérer. Il y a plein d'autres aspects autour de ça, mais bon... le peuple, ça ne lui plaît pas. Cela dit, ledit peuple est un peu hypocrite, puisque même les moins riches de la classe moyenne arrivent à s'offrir des serviteurs. Heureusement que certains esclavagistes ont des offres abordables pour les plus petites bourses...

Il se stoppe. Les étudiants sont médusés. Il court et grimpe les escaliers quatre à quatre, se stoppant à côté d'Andrea.

Vous. Mon cours ne vous intéresse pas, hm ? Vous préférez parler de... Japon, de Chine et de tous ces pays dont j'ai oublié le nom ? Scandaleux ! Rangez tout de suite vos affaires et sortez de mon cours !

À peine eut-il fini sa phrase qu'on essaye d'ouvrir la porte d'entrée, en vain. Oh bon sang. Il lui murmure aussitôt :

Prend la sortie de secours. On se retrouve dehors. Vite, très vite.

Un clin d'oeil et il dévale les escaliers.

Etudiants, gardez du respect pour vos professeurs qui souffrent à vous enseigner tout ce qu'ils vous enseignent. Certains sont des connards, d'accord, mais ce n'est pas une raison pour leur manquer de l'élémentaire déférence que vous leur devez. Ils travaillent. Et il n'y a rien de plus grand qu'un humain qui travaille.

Il vire les cartons, ouvre brutalement la porte, s'ouvrant sur le professeur aux petites lunettes rondes, ébahi. Il allait s'énerver contre Law. Tiens, la directrice est à côté de lui. Ahahah. Il chope l'enseignant par le col, le tire contre lui avec brutalité, le plaque contre le mur et... lui roule une grosse pelle. Devant tous les élèves, oui. La directrice ne sait que faire, mais Law trouvera : Il la prend sur le côté, la soulève et la transporte comme une jeune mariée, moment romantique s'il en est, sauf qu'il la fout dans la poubelle, le cul enfoncé dedans, pliée en deux pour rentrer. Il poussera le professeur en sortant et tapera un petit sprint dans les couloirs, exultant avec un « YIIIIIIIIHAAAAAAAAAAAAAAAA ! » que tout l'étage entendra.


Et ne ralentira pas jusqu'à être à la sortie de l'université.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le mercredi 08 janvier 2014, 21:23:31
« Tu sais quoi, Seiji ? Je t’emmerde. Vraiment. Je t’emmerde. Je t’ai déjà dit je ne veux plus JAMAIS te revoir ! »

Le mot avait été crié, jeté comme un mouchoir usagé. Elle l’avait presque vomit de dégoût. Son regard ne se posa même pas sur son soi-disant frère. Il ne le méritait pas, elle le savait. Il le lui avait appris. Son pied frappa dans la porte pour la refermer. Elle s’y adossa, retenant sa rage. Elle ne pouvait pas, elle n’en était pas encore capable. Le détruire n’était pas dans ses compétences, pour l’instant. Et pourtant elle en avait envie, depuis des mois maintenant. Au début elle avait cru s’en savoir capable, avait pris soin de se souvenir de ce qu’il lui avait enseigné. Et puis… non. Le temps la séparant de lui, la jeune femme n’y avait plus cru. Pas seule. Il lui fallait le retrouver, et alors peut-être que ce serait possible. Une page à tourner. Si seulement. Mais non, elle n’était capable que de déverser des paroles pleines de fiel, d’amertume. De haine. Une arme bien pauvre, qu’elle revendiquait pourtant plus que jamais. Elle avait gagné ça. Elle se battrait pour le garder.

- ‘Drea, s’il te plaît. Tu sais bien que je n’aime que toi. Je vais la quitter. Laisse-moi entrer. Comme… Comme au bon vieux temps, tu te souviens ?

Ses mots à lui étaient sirupeux, cherchaient à endormir son esprit. On sentait la tentative d’amadouer une personne coupable, des souvenirs chaleureux. Sauf qu’Andrea ne se souvenait pas avoir jamais eu de bons souvenirs de ce frère, depuis un anniversaire qu’elle n’oublierait pas. La corde de l’émotion et de la nostalgie auraient marché.

- C’est ta faute, tu es trop belle. Tu es parfaite, Drea. Je ne peux pas résister. Tu m’as séduit.

La voix de la culpabilité aurait fonctionné. Avant. A présent, la jeune femme rouvrait la porte et, fermant les yeux de rage pour s’interdire de le regarder, elle lui envoya son pied dans l’entrejambe. Si seulement elle avait pu le castrer en même temps. Si elle avait pu détruire son être, sa fierté, son crime d’un seul coup de pied. Mais elle n’eut que la satisfaction d’entendre un cri de douleur, et de rouvrir les yeux sur un visage déformé par la souffrance. Puis elle referma la porte, soupirant de soulagement, laissant finalement fleurir un sourire sur son visage qui ne connaissait plus que la curiosité, l’attente de la découverte.

« Ce n’est pas ma faute, Seiji. Ce n’est pas ma faute. C’est juste toi, et toi seul. Un jour je te tuerais pour ça. »

Il avait finalement trouvé son appartement. Il avait frappé à sa porte, il avait su. Andrea avait pourtant prit ses précautions, mais ce parasite avait été attirée par le sang et en avait trouvé la source. La jeune femme savait qu’elle serait à présent sans répit, harcelée par sa présence. Il lui faudrait trouver un autre appartement, encore. Une petite voix dans sa tête lui criait de fuir. Elle obéissait à cet instinct qui remplaçait celui qu’elle n’avait jamais eu. Le ton, d’abord paternaliste puis tendre, l’aiguillait ces derniers mois. Devant le bout de papier qu’elle reçut ce jour-là dans sa boîte aux lettres, c’est cette même voix qui lui souffla d’y aller.

Amphithéâtre B102. Histoire. Le destin. Depuis sa discussion avec cette étudiante en histoire, Andrea savait que les archives n’allaient pas pouvoir l’aider. Et pourtant, chaque espoir était bon à prendre. Il se pouvait que, peut-être, un professeur ait finalement trouvé quelque chose. Elle leur avait laissé son adresse, pour pouvoir être tenue au courant des recherches qu’elle savait qu’ils ne feraient pas. Peut-être que l’un d’entre eux s’était montré rigoureux et persévérant. Du nouveau. Elle devait y croire. Si quelqu’un avait trouvé la trace d’une ancienne faille, qui perdurerait à travers l’histoire de la ville, elle devait le savoir. Une information, un lieu, et Andrea partait sur l’heure. Sans bagages, sans rien. A quoi serviraient ses souvenirs de la Terre ? Que garder d’un monde auquel elle ne se sentait plus appartenir ? Seulement son arme. Toujours attachée à son mollet, ses éternelles bottes usées par le temps camouflant son seul moyen de survie. Si elle repartait… Elle ne pouvait pas se séparer d’elle. Elle en aurait besoin, le temps de se frayer un chemin jusqu’à lui.

Reprenant encore un trajet trop longtemps détesté et synonyme à la fois d’espoirs naissants et piétinés, Andrea faisait pourtant exception à la règle aujourd’hui. Après ce cours, elle avait prévu d’aller dîner avec un vieux bedonnant mais connaisseur des évolutions de Seikusu. Ses bottes, sa dague se trouvaient donc un petit sac à dos accroché à une de ses épaules. Les talons de ses escarpins battaient le pavé dans un bruit sourd, accompagnant les mouvements de sa veste de tailleur qui habillait un ensemble jean sombre et chemisier classique. Look recherché, bien loin de ses dérives adolescentes et de leurs décolletés. Cheveux attachés en un chignon strict pour séduire sans laisser aucune ouverture possible à sa cible. La beauté inaccessible, voilà ce qu’elle préférait être.

Parce que maintenant, le contact de ces hommes qui ne faisaient que la désirer lui donnait la nausée. La tête lui tournait subitement, tandis que son déjeuner tentait de ressortir par là où il était entré. Tant qu’ils la touchaient, Andrea se croyait en pleine mer un jour de tempête. Son estomac tentait de fuir sans demander son reste, sa bouche essayait de hurler sans qu’un son ne lui échappe. Il était un temps où elle écartait les cuisses pour leur faire plaisir. Un temps où elle avait suffisamment de répugnance envers elle-même pour oublier ce que les autres lui faisaient ressentir.

- Hey c’est qui elle, elle est dans notre amphi ?

Regard noir, silence. Elle préfère cela.

Reine de glace dans son immobilité, elle entre sagement. En plein centre, ne pas se faire remarquer. Passer pour une élève. Elle se place pourtant près de la fin d’une rangée de places, pour partir en douce si jamais ce mot du destin se trouvait être une vaste farce. Si jamais personne ne répondait à sa question. S’installant, sortant un stylo et empruntant une feuille à son voisin, elle se fond dans la masse. Etrangère parmi les étudiants, elle commence à dessiner au hasard les rues de Nexus. De souvenir, une mémoire qui s’efface et qui la rend incertaine. Cette poubelle, où était-elle déjà ? A droite, à droite de cette porte qu’ils avaient empruntée. Elle l’avait giflé devant.

La voix retentit encore. Mais elle avait l’habitude. Elle paraissait de plus en plus présente, réelle, jour après jour. Elle ne s’étonna donc pas de l’entendre si fort, si réelle. Rien n’était plus véritable à ses yeux que son existence, et c’était plutôt cette immense pièce qui lui semblait faite de mirages. Une rumeur monte. Elle s’en fiche. Continuant de dessiner ce dont elle se souvient, Andrea s’endormirait presque en attendant que la réponse vienne. Elle y prêtera attention, plus tard.

Un mot.

« Nexus. »

CLIQUE LA (http://www.youtube.com/watch?v=_VONMkKkdf4)

Elle croit avoir rêvé, s’être assoupie pour retourner là-bas et l’entendre en parler. Elle se sait folle, totalement. Et puis il le répète.

Et puis le reste, elle ne peut pas l’avoir inventé. Andrea se leva sans réfléchir, son regard soudainement vissé dans le sien. Ces mots, ils ne peuvent qu’être réels et venir de lui. Parce qu’elle ne sait rien de cette reine, qu’elle n’a pas eu le temps d’apprendre. Alors oui, c’est réel. Et c’est lui. Dans une tenue improbable qui lui va pourtant étonnamment bien.

En ayant imaginé ces retrouvailles, Andrea ne pensait pas s’attacher aux détails, chercher d’où venait l’ensemble des informations visuelles qui affluaient à son cerveau. Et pourtant, elle prit le temps de regarder. Un costume pour cet esclavagiste venant d’une autre Terre, comme c’est amusant. Il s’est déguisé pour venir. Mais l’image est imparfaite, le mensonge divulgué à cause de son manteau rapiécé qui brise l’image trop parfaite et surnaturelle. Droite comme un i, immobile, son visage ne reflète rien quand il s’approche et lui parle. Elle ne le quitte pas des yeux, mais ne dit rien. Elle n’y croit pas encore. N’est pas sûre.

Andy ramasse juste son sac, lentement, toujours debout au milieu de deux cents étudiants buvant des paroles improbables. Soudain, il est si près. Elle pourrait le toucher. Pourtant il repart, lui jetant quelques mots au passage. La jeune femme n’acquiesce même pas, pas besoin. Elle lui sourit quand il lui fait un signe, à elle. Elle se retourne, ne fait déjà plus attention aux réactions autour d’elle. Andrea écrase des pieds, n’en a rien à foutre. Elle passe, son sac toujours sur l’épaule. Les autres à côté d'elle sont bien obligés de lui céder le passage, puisqu’elle le prend. Se retournant une seconde à peine, juste pour le voir embrasser le professeur, elle se détourne finalement. Étouffant un rire, Andrea se met à courir. Vers la porte. Vers la sortie.

Elle court.
Elle court plus vite qu’elle n’a jamais couru.

Elle crache ses poumons. Meurs d’asphyxie, Andrea. Mais cours. Le piano démarre, se lance avec elle. La porte n’a pas résisté, et elle traverse le campus. Ils ont pris des chemins différents, elle le sait.

Et elle court de le perdre encore. De ne plus jamais le revoir. La musique monte à ses oreilles. Elle gémit, pendant qu’Andrea pleure.
Pendant qu’Andrea explose de rire.

Elle ne sait plus si elle doit rire ou pleurer, mais elle court. Le rythme s’accélère. Le tempo s’emballe.

Les violons arrivent, et elle se sent pousser des ailes. La musique, à la fois tragique et porteuse d’espoir, la pousse en avant.

Elle se rend compte qu’elle a abandonné les talons dans l’amphi, depuis bien longtemps. Andrea s’en fout. Pieds nus sur l’asphalte, elle a l’impression de remonter le temps.

Elle revient à ce moment où elle a compris qu’ils étaient séparés. Elle remonte encore, revoit ce repas au cœur de Nexus. Les questions, les devinettes. La logique d'une situation. L’armurerie, le choix des armes. Le vendeur un peu étrange. Le temple et la fascination d'un autre possible. Elle revoit la douche, le repas encore. Des moments intimes et chéris secrètement depuis. Elle revoit surtout l’étrange objet, et la peur. Les illusions qui se créent devant leurs visages, et les questions sans réponse. Le doute, de jamais réussir à s’en défaire. Elle revoit le jeu de cartes, l’excitation de la victoire, l’envie de lui faire honneur. Elle revoit la baffe, la mort entraperçue. Parce qu’il lui a fait peur, parce qu’elle a adoré ça. Elle revoit le verre, enfin, le verre d’eau. La clope. Le chapeau. Elle revoit le chapeau qui la protégeait. De tout sauf de ça.

Puis tout s’arrête. Il est là. Il sourit, de son air blagueur et détaché. Comme si vous vous étiez quittés hier. Il sourit et t’attends. Les violons se taisent, et quelques notes résonnent à peine. C’est la fin. La fin de l’attente, la fin de la peur, la fin de tout.

Le monde revient à la vie juste devant toi, dans un sourire.

Qu’est-ce que tu vas lui dire en premier, Andrea ?

« Hey. On est perdu ? »

Les  mêmes mots. La première fois.

Elle lui sourit, et se jeta dans ses bras sans plus de retenue.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le mercredi 15 janvier 2014, 12:10:56
Arrivé le premier sur les lieux. Pas difficile vu sa rapidité de sprint. Les poumons sont légèrement en peine, mais tiennent le coup. Une toux le saisit sans qu'il ne s'en formalise : ce qui l'ennuie le plus c'est ce monde qui tourne autour de lui, un peu trop vite, le cerveau pulsant dans son crâne au rythme des inlassables passages et repassages du sang dans ses vaisseaux. Il sait que ce n'est pas la course - si, un peu tout de même, mais soupçonne surtout la peur de le faire vaciller.

Car à l'excitation succède l'appréhension. Il a été si sûr de lui ces derniers temps, comme il l'est d'habitude,  cet insolent entrepreneur de la réussite. Il ne rate rien, et quand les plans ne se passent pas comme prévus, il a un plan de rechange B, une échappatoire C et un moyen de sauver la face dans l'urgence D, et pourra toujours compter en plus sur son sens inné de l'improvisation pour l'extraire des difficultés.  Artiste de la dernière minute, virtuose d'il en était moins une, héros du miracle impossible : Law avait cette capacité toujours pouvoir revêtir l'échec critique en semblant de victoire. Et en tirer profit.

Ici, rien. Il venait comme au premier jour de son existence, nu. Si elle n'arrivait pas, hein ? Il ne sait pas. Allait-il rester là ? Combien de temps ? Aller la chercher ? Partir ailleurs ? Revenir un jour ou pas ? Est-elle en difficulté par sa faute ? Hésite-t-elle ? Peut-elle encore l'aimer ? Ses neurones enchaînent les questions et il ne peut suivre la chose avec calme. Il balise, tout simplement. On avisera...

... et la voilà. Qu'elle est belle. Il se fige, reprenant sa contenance. Sourire et bras croisés, acte de charisme. Bonjouuur. Oh putain, que dire au final !?

C'est la tragédie du Manuel des Castors Juniors : il ne contient pas tout. D'aucun dirait que si, bien sûr : Il est exhaustif, et c'est bien ce qui en fait sa grandioseté ! Mais de mémoire de Law, il y avait de ces choses qui n'y figurait pas : faut-il battre les oeufs séparément avant de les ajouter à une préparation comme le recommandent certains professionnels,  ou devaient-ils être jetés tels quels ? Est-ce que ça fait plus mal de se faire casser le genou ou le coude ? Peut-on assécher la mer de 30 mètres de hauteur pour récupérer un bateau qui a coulé tout près du rivage ? Y a-t-il un moyen de rendre des vomissements réguliers plus agréables ? Pourquoi est-ce que cette fenêtre a refusé de se briser lorsqu'il s'était jeté dessus dans l'espoir d'une échappatoire in extremis ? Qui écrit le Manuel des Castors Juniors ? Et... comment saluer quelqu'un à qui l'on tient immensément, mais que l'on a pas vu depuis longtemps ? Il ne trouve pas. Bouche sèche, il la fixe, l'attend.

Et brise la glace. Soulagement. Il n'aura donc qu'à la serrer contre lui, joyeux comme un gosse à Noël,  tenant ce corps qu'il pourrait briser par la force de ses bras.

Papa et maman ne t'ont jamais dit de ne pas traîner avec des inconnus, gamine ?

Il voudrait que le moment s'éternise, mais pas ici.

On bouge. Ah... tes pieds, regarde toi... Andrea, voyons.

Sourire bienveillant, et il se baisse, la prend comme une sac et la colle sur une épaule.

Je tuerais pour un café de la terre.




Je viens pour le tuer.

Assis devant son café, il jouait avec la légère mousse de surface, fasciné par elle, et par le sucre qui faisaient des petites bulles. Se disant que pour un humain normal, la parole qu'il venait d'énoncer était importante et peu commune, il prenait son air le plus grave en relevant la tête. 

Pour commencer. Enfin, pour finir. Disons que je pars sur la base d'un meurtre, mais qui sait ce qui arrivera avant... enfin, je dois y réfléchir. La police d'ici est différente de l'armée de Nexus.

La cuillère tourne inlassablement, sort du café pour en laisser tomber les gouttes, replonge et retourne.
Il sourit.

Je vais faire ce que tu aurais dû faire sans la moindre pitié, Drea. Oh, et j'ai un un cadeau. Mais ce sera quand on aura fini.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le mercredi 15 janvier 2014, 23:09:29
Sa voix, cette phrase. Le sourire d’Andrea s’agrandit encore. Oui, elle a décidé de sourire, finalement. Entre le rire et les larmes, mieux valait exposer ses dents blanches en une manifestation de joie. Il allait s’inquiéter sinon, et en plus elle serait ridicule. Les mots la ramènent des mois en arrière, brutalement. Elle se retrouva dans cette ruelle, et s’en souvint plus que jamais. Le froid, son manteau relevé et son chapeau baissé autant que possible sur son front. Ses longs cheveux relevés et cachés sous le couvre-chef. La fumée qui s’échappait des maisons et établissements alentours, laissant la chaleur rejoindre l’air glacé de la nuit. Les cris lointains des rabatteurs, les froissements de robes qui tournaient à un coin de rue pour s’évanouir dans la nuit et inviter les plus audacieux à les suivre. Mais avant tout, l’odeur. Celle de l’animal, des chevaux transpirants mis à l’auberge pour la nuit, celle de l’homme parfumé qui part en soirée, d’un civet en train de mijoter depuis trois heures. Les excréments, le faste, l’élémentaire besoin de se sustenter se mêlaient dans les rues si différentes et brutes de Nexus. Tout ce qui y vivait laissait une trace. On pouvait lire beaucoup de choses sur les nexusiens dans leur environnement.

Lors de sa première visite, elle n'avait même pas effleuré toutes ces possibilités, toute cette richesse d'information. N'imaginant même pas la possibilité d'autant en apprendre sur quelqu'un, Andrea n'avait fait attention à rien. A présent, les images et les informations visuelles, olfactives, auditives lui revenaient brutalement en mémoire et elle aurait pu en parler. Depuis sa rencontre avec Law, la jeune femme avait appris à faire attention au monde. Elle aurait pu dire que tel jeune homme se sentait mal à l'aise en cherchant une fille de joie jolie et bon marché pour son dépucelage, que telle matrone était inquiète, sans doute pour sa fille, ou que ce cocher serait sûrement responsable d'un accident au vu de son alcoolémie évidente.

Mais il la ramena au présent.

Ces premiers mots, bien changés avec le temps. Cette fois-ci, sa voix était douce, son visage accueillant. Il la serre, elle s’étouffe de soulagement. Des mois à espérer trouver comment le rejoindre, et il vient à elle. Comme si, encore une fois, il avait lu dans son esprit. Et Andrea se demandait s’il avait mis du temps à venir, pourquoi ? Est-ce qu’il avait pensé à elle ? Law avait sûrement d’autres choses à penser. A faire. Il avait peut-être eu du mal à la trouver ? Perdu son adresse, et donc sa trace ? Autant de questions qui lui envahirent l’esprit sans qu’elle puisse les repousser. La jeune femme les laissa donc s’installer en les ignorant toutefois superbement, d’autant plus qu’elle termina sur son épaule. Dans un petit cris de surprise, elle rétorqua en rigolant finalement.

« Ah ah ah, je crois que je vais avoir besoin de mes bottes. Elles sont dans mon sac tu peux me poser, Law. »

Elle se laissa pourtant faire, heureuse de le sentir. Employer son prénom avait fait louper un battement à son cœur. C’était le signe qu’il était bien réel. Parce que dans sa solitude, elle lui parlait, lui répondait, mais n’employait jamais son prénom. Pas plus qu’elle ne le sentait. C’était la preuve qu’il était bel et bien là, avec elle. Elle se laissa donc sagement porter, lui indiquant où tourner pour aller dans un petit café qu’elle appréciait. Il avait de nombreux avantages, comme le WIFI, être le repère préféré de certains professeurs de fac, avoir un étage, faire du bon café, et instaurer une ambiance un peu confinée qui laissait beaucoup d’intimité et de discrétion aux clients. Au sein d’un box, Andrea avait toujours l’impression d’être seule avec le bois ancien des murs, remis en beauté pour l’élégance du lieu.

La déclaration de Law ne la fit même pas frémir. Elle savait. Elle savait pertinemment qu’il venait pour ça. Une part de son esprit lui souffla « juste pour ça », mais elle n’en laissa rien paraitre. Ce fut à peine si elle cligna des yeux devant lui. Puis elle s'offrit le luxe de ramasser au doigt la crème fouettée qui nappait son café au lait, de la porter à sa bouche et d’apprécier la texture légère et pas trop sucrée. Elle le laissa exposer ses projets, avant de lui sourire doucement, brisant le côté très dur de leur discussion. Elle prit le temps, enfin, d’enfiler ses bottes confortables, attachant comme à son habitude et avec une discrétion étudiée la dague à son mollet. Elle se sentait enfin entière. Trop habituée à l’imaginer dans son quotidien, Andrea avait encore du mal à penser qu’elle devait lui répondre, qu’il était là.

« Je ne l’ai pas fait parce que… Je savais que tu viendrais peut-être pour ça. Ça me donnait un moyen de plus d’espérer te revoir. Et puis… »

Elle se leva, alla régler les cafés pour être sûre qu’aucun serveur ne viendrait les déranger. Prenant toutes les précautions nécessaires, elle était plus sûre d’elle et observatrice. En revenant, elle put vérifier que personne n’était trop proche d’eux. Ces murs avaient des avantages comme des inconvénients. Et c’est en restant sur ses gardes, à l’écoute, qu’elle se rassit en croquant le petit chocolat qui accompagnait sa boisson. Grimaça. Trop amer. Une gorgée de sa boisson lui fit passer cette impression, et elle put fixer à nouveau son visage dans le sien. Presque timide, comme si trop le regarder allait le faire se consumer sur place.

« Je n’ai pas envie de le tuer de mes mains, L… Tyler ? »

Pas certaine du prénom à employer. Ils étaient en public, quoique tranquilles à cette heure de la journée, mais sur Terre. Dans le doute, mieux valait rester prudente.

« Je veux qu’il se donne la mort. Qu’il finisse lui-même par ne pas supporter de rester en vie. Je vais lui suggérer en le faisant chanter. S’il ne le fait pas… Je raconte tout à mon père, à sa fiancée, à la police. En prison ils adorent les pédophiles et les incestes… »

C’est la première fois qu’elle parlait de Seiji en ces mots. Qu’elle parlait d’elle-même en ces mots.

Frémissement le long de son échine, qui la fit trembler un instant fugace. C’est ce qu’elle était. La victime d’un frère incestueux. La victime. Faible.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le mercredi 29 janvier 2014, 01:40:24
Tais-toi.

Le voilà qui se fait autoritaire. Ses sourcils se froncent, et, d'un doigt levé, il souligne son ordre. Son regard intense la fixe de longues secondes, le temps d'apprécier le silence qu'il a instauré. Méchant ? Rien qu'un peu. Il est dans son rôle de boss. Il ne laisse habituellement rien passer, sauf si l'absolution qu'il accorde peut lui offrir d'autres avantages. Il est conscient de l'effet que sa posture de tyran face à elle peut avoir. Il sait qu'elle ne le voit pas comme ça. Il connaît la façon dont elle l'imagine vis-à-vis d'elle. Et, de tout ça, il en déduit un nécessaire recadrage. D'où son attitude soudainement sévère.

Une personne n'est libre que débarrassée de ses chaînes. Il ne suffit pas qu'elles soient détachées : il faut les enlever de son poignet. Définitivement. Les esclaves...

Il s'arrête. Comparer Andrea à une esclave ? Brutal. Un nécessaire effort de réflexion devra être fait pour qu'elle comprenne le schéma qu'il veut lui inculquer. Rester neutre, éviter la négativité.

... les esclaves qui ont vécu 10 ans avec un maître... et qui arrivent à s'échapper, pleurent. C'est la première chose qu'elles font, pleurer. Elles sont tristes, elles se sentent coupables, elles ont peur, peur d'être retrouvée, peur d'être seule. Mais surtout... elles pleurent d'avoir perdu un maître. Cette phase ne dure pas longtemps, habituellement, c'est juste une passade, le temps de digérer sa liberté nouvelle.

Il fixe son café, réfléchissant soudain à l'éventualité de voler une machine et quelques sacs de grain. La pensée est hors-sujet, mais il lui est nécessaire de se détacher de ses autres propos pour ne pas finir par croire vraiment aux bienfaits de l'esclavage, qu'il rejette moralement.

Je t'interdis de pleurer. Avant, pendant, après.

Le café était avalé d'une traite. Ouch, le fond était encore trop chaud. Tout va bien. Le voilà qui sort une bourse de cuir, égrainant à l'intérieur les pièces qui s'y trouvaient, puis en sortait un billet, cherchant à y lire les numéros. Il mettra sous ses yeux la carte, déchiffrant une écriture de laquelle il avait perdu l'habitude. Marmonne. Compte dans sa tête. Puis il lèvera une main et redemandera un autre café, immédiatement.

Il risque d'être sur les nerfs après.

Je suis fier que les idées te viennent. Mais il faut trouver la force de les concrétiser. Je serais ton bras. Si tu décides de sa mort, je pourrais m'en charger si tu veux. Je comprends que moralement, c'est compliqué de buter un type, même un connard. Bref. Je veux avant tout lui accorder un... comment vous dites ?... procès équitable ? Sous ma juridiction. Après, on avisera. Tant que cela ne sera pas fait, ta vie ne t'appartiendra toujours pas. Peu importe tes petits rituels, tes cours, les masques de sucre rose que tu mets sur ta vie.

Son breuvage arrive. Il souffle rapidement dessus, et commence déjà à le boire, goutte par goutte pour ménager sa langue.

Quand tu veux, on y va.


Les choses vont et viennent. À fixer le trou noir à l'intérieur de la tasse, ses pensées s'en trouvent aspirées... c'est toujours la même chose avec les hommes. La souffrance. Le sang. Les larmes. La mort. Et il y participe. Tout est censé continuer inlassablement ? Il va finir par être triste si il continue à y penser. Mais là, c'est pour la bonne cause, se dit-il, et on en revient à l'éternel besoin de la conscience de se trouver des justifications à ses actes abjects. Oui mais il faut s'en convaincre. Ça permet de ne pas reculer au dernier moment, et de ne pas péter un câble une fois la chose faite. Allez. Encore un meurtre et c'est fini. Une existence sera libérée du fardeau de la violence sexuelle. Elle trouvera un autre poids moral, celui d'avoir ôté une vie. Peu importe : il l'aidera à surmonter cela. Il s'en est fait le serment.

On n'ôte pas les chaînes d'une esclave sans lui assurer une vie meilleure. C'est bien pour ça qu'ils ne doivent jamais se libérer seuls.
Titre: Re : Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le mercredi 29 janvier 2014, 11:02:56
Son ordre la fit frissonner. Il lui avait déjà parlé comme ça, en lui ordonnant de vivre, en lui imposant de continuer et de ne jamais se soumettre à ce qui la définissait pourtant toutes ces années. Toujours pour ne pas lui laisser le choix. Le choix d’être heureuse ou non. Il ne la laissait pas se perdre, lui interdisait d’emprunter une autre voie que celle qui la soulagerait. Là c’est la même chose. Il ne veut pas lui permettre d’hésiter ni de regretter. Pourtant, son ton inflexible et son visage fermé lui rappellent les mots durs et sans appel qu’il prononçait à Nexus envers les gens à son service. Son autorité écrasante, son charisme camouflé qui pourtant appuyait chacune de ses paroles pour ne rendre possible que l’obéissance. Law ne pouvait sans doute pas s’empêcher de diriger, pas même elle.

Et cette constatation l’effraya plus encore que la peur de le perdre. Lui qui avait tant insisté sur sa liberté, qui maintenant encore ne lui souhaitait que ça… Voulait-il la lui prendre ? Elle ne le laisserait pas faire. Cet homme lui avait fait jurer de ne s’attacher à aucune potence. Depuis des mois, elle s’évadait de chaque enfermement et fuyait la dangerosité d’une dominance. S'il se targuait de pouvoir en exercer une quelconque forme sur elle, eh bien c’est lui qu’elle devrait fuir. Andrea fronça les sourcils alors qu’il la fixait. Son regard ne cédait en rien à celui de Law en termes de volonté. Elle faillit lui dire qu’il ne lui donnerait pas d’ordres. Qu’il pouvait lui demander chaque chose au monde, un aller sur la Lune pour la lui décrocher et revenir, l’impossible et l’inimaginable. Mais pas de lui obéir. Elle suivrait ses conseils, écouterait ses mots, prendrait en compte ses remarques.

Mais Andrea s’était jurée de ne plus jamais obéir aveuglément à quelqu’un. C’est ce qu’elle avait fait pour Seiji sous couvert d’amour, et elle ne laisserait pas ses anciens démons tout gâcher. Se soumettre aux directives de Law sans réfléchir, lui faire tellement confiance qu’elle exécuterait le moindre de ses ordres, non. Jamais. Elle n’était plus comme ça, et même lui, surtout lui ne la ferait pas redevenir un pantin obéissant, une marionnette qui connaît son rôle et danse toujours les mêmes pas sans jamais se questionner. Andrea coupait les fils, jours après jours, qui la retenaient à lui et plus globalement à son état d’esprit. Law ne l’attacherait pas de nouveau. Elle le lui interdirait. Peu importait les conséquences, plus personne n’aurait autant de contrôle sur elle. Même pas lui.

Sinon elle devrait le tuer à son tour.

Réalisant cela, elle serra la tasse entre ses mains, à risquer de la briser dans sa paume. Ça aussi, un air de déjà-vu. Il la soignerait et la traînerait chez un médecin ?

« Esclave ? »

Elle tique, se ferme sans doute un peu, attendant l’histoire. Qui lui donne envie de rire. Triste. Le serait-elle en voyant Seiji se balancer autour d’une corde ? En l’entendant supplier pour sa vie ? Elle n’en avait aucune idée. Se plaisant à penser que non, ce que Law racontait était logique. Durant des années elle avait dépendu d’un homme qui l’enfermait avec des liens de moralité, d’amour familial. Le chantage affectif était sûrement le plus puissant, et le plus efficace. Andrea allait détruire sa famille, anéantir son père tellement fier, la fiancée de son immondice de violeur qui n’en avait aucune idée. Heureusement, il n’avait pas encore d’enfants à souiller, et Andrea ne se verrait pas laisser un gosse sans père en tentant de lui expliquer que la disparition était meilleure qu’un danger qu’il n’aurait peut-être jamais connu.

Elle allait tirer un trait sur tant d’années de sa vie, n’arrivant à les justifier que par sa colère et sa rancune. Une fois sa cible effacée de la surface de la Terre, que lui resterait-il ?

Cet homme occupé à réfléchir à la monnaie d’ici. Elle étouffa un rire devant ses précautions et rajouta quelques pièces pour réclamer une salade de fruits qu’elle se mettra à picorer, la poussant vers lui pour que le café ne brûle pas seul ses veines.

Voilà ce qu’il lui restait.

« Je veux bien te passer sur le terme employé, on va dire que c’est habituel pour toi. Par contre, ne m’interdis rien, ne m’ordonne pas de me taire, Law. » Et cette fois elle employa son prénom sans se poser de question, dans un chuchotement calculé. « Je t’ai promis de ne plus obéir à personne. Je ne resterai pas esclave toute ma vie. Un homme m’a utilisée pendant trop longtemps, personne ne refera la même erreur. Tous ceux qui essaieront, je les détruirai méthodiquement. Peut-être pas par le meurtre, peut-être pas aussi durement. Mais je le ferais. Alors ne m’ordonne rien. »

Malgré ses sentiments, ou peut-être justement à cause d’eux, elle n’admettra pas qu’il menace de glisser sur cette pente. Quitte à le faucher en plein vol. Quitte à échouer. Quitte à perdre la seule personne qu’elle réclame de toute son âme. En d’autres temps, en d’autres lieux, elle lui aurait sûrement répondu qu’elle ne serait pas seule avec lui. Qu’elle ne pleurerait pas dans ses bras. Et même si elle continuait de le penser au plus profond d’elle-même, ce ne sont pas ces mots qui franchirent ses lèvres rendues brillantes par la fraise qu’elle venait de manger.

« Je ne serais pas seule, tu sais. J’ai toute une personne à redécouvrir. Elle s’appelle Andrea et je commence juste à deviner qui elle est. Ce qu’elle peut avoir d’intéressant. J’ai déjà fait le deuil de Seiji, quand je suis revenue ici. Si je pleure, tu auras le droit de me laisser là. Je ne compte pas verser la moindre larme. »

Elle s’avançait peut-être beaucoup dans ses affirmations, Andrea en avait conscience. Arriverait-elle à maîtriser ses nerfs et son corps ? Toutefois, elle était d’accord avec lui. Et ne pas pleurer serait le seul moyen de lui prouver qu’elle n’était pas cette esclave dont il parlait. Qu’elle n’était pas la pauvre petite chose fragile qu’il venait sauver avant de la prendre sous son aile. Elle voulait le suivre, bien sûr, mais en toute connaissance de cause. Elle ne serait pas son trophée, sa réussite, mais bien une égale, libérée, marchant la tête haute. Ça lui était tellement évident. Ne le voyait-il pas ? C’est pour ça qu’elle voulait laisser Seiji se détruire lui-même.

« Il est hors de question qu’il continue à me faire du mal. C’est pour ça que je refuse de lui ôter la vie, au risque de me détester pour la valeur morale de l’acte. Mais ça vaut aussi pour toi. Je ne regretterai pas, ne serai pas triste. Mais je ne veux pas que ce soit toi qui l’achève. »

Elle chercha ses mots, hésita un moment. Comment lui faire comprendre qu’elle refusait qu’il se couvre de sang pour elle ? Personne n’avait plus à souffrir de l’existence, ou la mort prochaine de cet homme. Elle appréciait son aide, elle en avait besoin pour que tout se passe bien –pour elle, pas pour son frère-, mais elle refusait qu’il y trempe davantage. A leur première rencontre, elle aurait tout donné pour qu’il se charge de l’exécution de Seiji. Maintenant, elle donnerait tout pour qu’il ne s’en rende pas responsable. Elle ne voulait pas lui confier la si lourde tâche de la délivrer de ses démons, de briser ses chaînes pour la laisser s’en démêler si aisément après coup. Elle les arracherait elle-même. Elle lui demanderait de l’aide pour tirer plus fort, au risque de briser ses poignets si fins, mais rien  d’autre. Toutefois, si l’idée était claire, l’exprimer l’était moins. Elle repoussa sa tasse vide, fermant son sac à dos pour se préparer à partir et essaya malgré tout, d’un ton hésitant non pas sur le fond mais sur la forme.

« Ce ne sera pas toi qui forcera ma liberté. Je vais la prendre seule, et aucun de nous deux n’aura à se couvrir d’un meurtre pour cela. Prononce sa sentence si tu veux, mais ne l’exécute pas. Si tu le fais, je ne pourrais peut-être plus jamais te regarder en face. Et il aura gagné, parce qu’il m’aura pris la seule personne que j’ai appris à aimer. »

Elle se leva et passa son sac sur ses épaules frêles mais décidées. Sans même regarder s’il la suivait, Andrea quitta le café et inspira une grande gorgée de l’air chaud et étouffant de cette ville qui ne la retenait plus. Elle se tourna vers lui, finalement.

« La loi est sévère mais c'est la loi. Allons la rendre. »

Et elle se dirigea sans la moindre hésitation à travers les rues, en direction de chez Seiji. Son cœur battait un peu plus vite, un peu plus fort. Ce à quoi elle avait tant songé allait se produire. Dans quelques heures tout au plus, il ne resterait plus rien de l’homme qui avait souillé son adolescence. Elle lui reprendrait de force une joie volée et une sécurité détruite. Andrea ne pourrait pas remonter le temps et récupérer son innocence, ni ces années passées à faire plaisir à tous ceux qu’elle croisait. Cet étudiant dans une bibliothèque, cet homme dans un bar, ce voisin un peu trop curieux. Elle ne les oublierait pas, mais c’était fini. Même maintenant que Seiji était encore en vie et heureux, Andrea avait récupéré la propriété de son corps. Il ne lui reprendrait pas.

En avançant d’un pas assuré, elle laissa le silence s’installer un moment avant de tourner un visage qu’elle voulait de marbre vers lui.

« Et après ? Tu as une promesse à tenir de me faire découvrir ton monde. J’ai à peine eu le temps de voir Nexus avant de disparaître. »

Seule peur demeurant, cette inquiétude qu’il ne soit venu que pour répondre à une promesse. Voilà pourquoi elle employait ce mot à nouveau, espérant que cela suffirait à calmer son anxiété de devoir le regarder repartir sans elle. Il n’avait pas parlé de la suite, depuis son retour. En disparaissant devant lui, en pleine rue, à cause d’une faille invisible qui s’était aussitôt refermée sur son passage, Andrea avait depuis toujours eu peur de ne jamais le revoir. Et maintenant que c’était chose faite, elle s’inquiétait que sa venue ne cache qu’un désir de la venger, sans rien derrière.

Andrea, bien changée mais pourtant toujours un peu la même, au fond.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le vendredi 07 février 2014, 11:58:29
Je suis libre de t'ordonner. Tu es libre de ne pas me suivre. Justement parce que le collier autour de ton cou n'a plus de laisse. Et que bientôt, tu ne l'auras plus.

Il ne se démonte pas. Andrea fait preuve de force morale envers lui, et ça a de quoi l'étonner, bien qu'il n'en manifeste rien. Peut-être se souvenait-il d'elle plus faible qu'elle ne l'était en réalité... Ou, disons, plus passive. Et il n'a pas l'habitude, il est vrai, qu'une membre de la gente féminine ne ploie pas devant ses mots les plus durs. Celles qui se rebellent sont corrigées, et finissent à terre, muettes et soumises.

Quant à la sentence, ce ne sera qu'une reconnaissance de culpabilité. Compterait-il lui laisser une chance ?... Étrangement, oui. On ne peut admettre d'office qu'un criminel l'est bien si celui-ci n'a même pas pu s'exprimer. La loi est dure, mais la justice doit être équitable, ainsi, tous doivent supporter son poids avec une égale pression, et la rugosité de ses traits n'érafle que ceux qui ont déjà, sur leurs épaules, une conscience lestée de vices pendables. Ce n'est pas un doute envers Andrea cependant, simplement un principe moral l'obligeant à ne jamais trancher à l'aveugle. Il a appris des fautes des institutions judiciaires, parfois partiales, abstraites dans leurs sentences.

C'est ainsi qu'il pensait lorsqu'ils se déplaçaient. Il l'écoutait, oui, mais n'osait répondre, jusqu'à ce qu'elle utilise le mot "aimer". Ah, oui. Aime-t-il ? Disons que c'est son propre péché : lui-même ne saurait admettre ses sentiments, parce qu'il ne sait pas les reconnaître. Ce n'est pas un insensible, même s'il s'en donne l'air, et il connait l'amour : sa relation avec Isaac est basée sur un lien fort, ceux de deux frères de lait, ayant tété au sein de cette pute qu'est la rue, distribuant un nectar amer, teinté des souillures des hommes, vicié, puant, laissant un immonde arrière-goût à chaque repas, qui gâte le plaisir de tous les repas suivants. Mais Andrea ? C'est compliqué. Reconnaissons plusieurs signes : d'abord, elle l'obsède, c'est un fait. Il a plusieurs fois vérifié qu'elle n'était jamais loin de Seikusu, s'assurant qu'il pourrait toujours la revoir quand tout sera prêt. Il a toujours fait ses plans en prévoyant qu'un jour, il va devoir s'absenter durablement... et dans ses folles prévisions de déstitution de la Reine et de ses incompétentes instances, il faisait d'Andrea un facteur plus ou moins important. D'où son apparition soudaine : Le plan étant quasiment finalisé, il s'apprête à mettre sa vie et sa reputation gravement en danger. C'est peut-être son ultime chance de la revoir. Ainsi, le voilà. Ensuite, le sexe. Voilà quelques temps maintenant qu'il y a moins goût. Le constat fut dur à effectuer, mais mis devant l'évidence, il se trouvait sensuellement mélancolique et même parfois ennuyé. Triste, hm ? Pour finir, Isaac. À qui Andrea manquait.

Un bon signe.

Ah, une promesse. Une promesse n'est rien d'autre qu'une parole à laquelle on a donné une force morale supérieure... mais une homme qui ne respecte pas ses mots ne respecte pas plus ses promesses.


Il se rend compte que ce n'était pas clair, et a peur de la méprise.

Je le ferais parce que j'ai dis que je le ferais, pas parce que je l'ai promis. Si... si toutefois tu veux encore de moi après. Je reste avec toi jusqu'à la fin de cette épreuve, après quoi tu décideras.



Plus rien jusqu'à être devant chez lui. Il respire.

Je ne te demande pas si tu es prête.


La parole terminée, il cale bien son sac dans son dos, puis prend subitement Andrea par le torse. La dague qu'il porte à sa ceinture est aussitôt saisie et brandie sous la jugulaire de la jeune femme. Et il n'a pas l'air de rire. Gros coup de pied dans la porte.

Ouvrez, y a l'feu !


On s'agite, on bouge, ça s'ouvre. Le type n'a que le temps de constater Andrea gravement menacée, légèrement dégagée par son agresseur pour permettre à ce dernier de lui enfoncer sa semelle dans le bide. Il se plie en deux, vacille en arrière, de quoi laisser Law entrer tranquillement, et refermer la porte derrière lui.

Tu hurles, je la tue.


Analyser la pièce. Voir les possibilités d'échappatoire, les armes improvisées disponibles, voir si il y a de quoi masquer une situation imprévue en accident. Le tout se fera le plus vite possible, et il reprend la parole.

Vous pouvez m'appeler Law. Je viens vous rappeller qu'en ce monde, chaque action a une conséquence, au-delà du profit qu'on en retire.

Andrea était brutalement saisie par les cheveux, et tendue à bout de bras, dague levée pour qu'il puisse toujours la voir, et qu'elle garde sa portée menaçante.

Mais je vais vous laisser une chance de vous racheter. Je vous propose ceci : frappez-la. Mettez une claque à cette petite salope inconsciente. Si vous ne le faites pas, je vous tue.

Il lui présentait le visage de sa soeur, serrant les dents en attendant qu'il se décide. C'était sans doute aussi dur pour le mafieux que pour Seiji. Tout ce qu'il espérait, c'est qu'elle, elle arrive à supporter ça.

Il n'y a rien à négocier. Soit elle s'en prend une, et une belle, bien forte, soit je vous égorge sur le champ. ALLEZ !!


 
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le dimanche 09 février 2014, 12:40:26
En le guidant jusqu’à l’appartement que Seiji occupait encore, fuyant la maison qu’il avait pourtant acheté avec sa fiancée, la cadette de la famille Leevi en venait à douter. Son regard se perdit sur les bottes qui foulaient les pavés réguliers des trottoirs. Un coup d’œil vers Law, le temps d’admirer une fois de plus ce costume qui lui allait si bien. Revenir sur elle, et les différences. Elle n’avait plus grand-chose à voir avec celle qu’elle était alors. De timide, naïve, inconsciente de la vie et beaucoup trop superficielle, elle était devenue plus forte, cynique, dure envers ce qui l’entourait. La petite fille qui découvre un autre monde n’était plus. Le temps l’avait érodée, lui avait appris à ne plus se montrer aussi faible. Law y avait grandement participé, en enclenchant le mécanisme. Mais peut-être n’aimait-il pas la nouvelle Andrea ? Il l’avait connue pendue à ses lèvres à l’écoute du moindre de ses mots. Elle avait été si fidèle, si admirative. Et si la jeune femme éprouvait toujours un respect et une admiration sans borne pour cet homme à ses côtés, elle ne suivait plus sans réfléchir, se refusait de se comporter en aveugle.

Sauf que, elle l’avait bien vu, Law est homme à se faire obéir. Une mécanique bien huilée tourne autour de lui, avec les personnes qu’il connait, emploie, estime. Isaac est son plus proche « ami », et pourtant il n’y en a qu’un qui décide, en lumière. Le second influence peut-être, conseille, s’oppose parfois. Mais toujours, Law décide, mène. Et avec les femmes, le constat est bien différent. Andrea a pu le comprendre à demi-mots, l’apercevoir, le deviner. Dans ce domaine-là, il domine sans exception, il possède leurs réactions et leurs émotions, même. Si différents de par leurs cultures, Andrea a déjà dû s’habituer aux esclaves. Voilà qu’il la considère comme tel jusqu’à son émancipation totale. Certes. Mais qu’attend-il réellement d’elle ? Qu’elle se montre aussi docile et apaisante que les autres ? Comme avant ?

En y réfléchissant, elle lui avait quand même collé une baffe. Il y avait plus obéissant, comme conduite. Pourtant Andrea craignait réellement d’avoir trop changé pour lui. Il l’avait poussée sur ce chemin, mais n’était-ce pas pour elle et absolument pas pour la retrouver améliorée, apaisée ? Il était venu pour Seiji, afin de respecter un engagement. Sans doute n’avait-il plus le même intérêt pour elle. Andy n’en laissa pourtant rien paraître, de ce désordre intérieur qui agitait un esprit déjà bien trop occupé par la suite des évènements. Elle verrait bien. Il pourrait repartir, ou la reprendre avec lui mais tenter de la faire rentrer dans le moule qu’il désirait. Que savait-elle des expériences de Law en matière de femme, réellement ? Ne se risquant même pas à parler d’amour, elle savait qu’il était un homme dur, avec des principes et des habitudes bien définies. Si elle ne rentrait plus dans les critères qu’il avait appréciés, elle risquait de ressortir tout aussitôt de sa vie.

Mais elle ne changerait pas.

Parce que c’est lui qui l’avait amenée à ça. Elle en était heureuse, et personne ne la détournerait de ce résultat tant attendu.

« Je ne dois pas être la seule à décider. Pas sûre que tu souhaites rentrer avec quelqu’un d’aussi différent que dans tes souvenirs. »

Au fond elle n’avait pas changé tant que cela, petite fille qui cherche sa route et avance à tâtons, sans soutien, traînant des doutes. Mais si elle-même n’en avait pas conscience, pourrait-il le voir ?

Après avoir monté les escaliers, Andrea s’arrêta devant la porte si simple qui lui retournait déjà le cœur. Il était là, elle le savait. Sans doute en train de sécher son travail pour essayer de la joindre. Preuve en était son nouveau portable déjà retrouvé, rempli de messages de sa part. La jeune femme se demandait comment allait agir ce juge venu d’un autre monde uniquement pour répandre sa vision des choses et des lois. La discussion calme et posée n’était pas vraiment son fort, et elle s’attendait à quelque chose avec plus de panache. Du genre fracasser la porte, faire un grand sourire et lui demander quelques éclaircissements.

C’était bien la preuve qu’elle ne le connaissait pas suffisamment. Pas dans ce domaine, en tout cas. Un petit cri de surprise lui échappe quand il la contraint, ses muscles se tendent pour réagir, se débattre, répondre à l’attaque. Mais ce ne fut qu’une seconde, puisque son corps et son esprit s’apaisent d’un même instinct. Sa confiance en lui est suffisante pour qu’elle ne risque pas de tout compromettre en se cabrant. Elle se débat néanmoins, mais assez faiblement pour la poigne de Law. Donner du crédit à son intervention qui a réussi à la surprendre. Elle a pourtant travaillé avec lui sur ce genre de situation, en discutant autour d’un bon repas sur les possibilités qui naissaient sous ses yeux. Et pourtant, il la prend au dépourvu, encore une fois.

Elle va se débattre un instant, s’agitant, mal à l’aise. Mordant ses joues presque au sang pour forcer les larmes à remplir ses yeux, sans couler. Son souffle se fait court sur demande, rendant le tableau réaliste. Ne pas trop s’affoler, elle est menacée par une arme et cela pourrait être dangereux pour un otage de trop vite vouloir s’échapper.

Elle a confiance en lui. Quoi qu’il dise. Même quand les insultes pleuvent. Son cœur s’est fermé à la vision de son demi-frère, et elle ne sera pas égratignée par la façon de faire de Law. Même si elle regrette d’y avoir un rôle pour l’instant passif et soumis. Encore. Peu lui importe. Elle accepte, elle le laisse lui parler ainsi, la brandir telle une poupée de chiffons.





Seiji ouvre la porte, en jean et chemise mal boutonnée. Barbe de trois jours, portable en main, prêt à fuir, détaler comme un lapin. Il s’attendait à voir une langue de feu devant sa porte, c’est un pied des plus puissants qui l’accueille, chassant l’air de ses poumons, le faisant suffoquer alors qu’il trébuche, se retient à une chaise. A moitié par terre, il se relève difficilement, cherchant son oxygène. Une fois son cœur reparti, il s’inquiète de savoir quel est le fou qui débarque comme ça chez lui. Que veut-il, de l’agent ? Il en a. S’apprêtant à le lui proposer, il remarque sa sœur menacée par une arme blanche. Il blêmit, et referme la bouche qui allait crier au secours. Andrea, sa petite Andrea chérie menacée par cette brute. Comme elle doit avoir peur, comme elle doit se sentir faible. Il est le seul à pouvoir l’aider. Il fera ce que voudra cet énergumène, et cherchera la faille s’il y en a une pour la sauver et redorer son image auprès d’elle.

S’il sauve sa vie, il sera son héros. Bon plan. Il pourra enfin récupérer sa petite sœur chérie qu’il aime tant. Reprendre leur vie comme avant, profiter de l’ignorance de leurs proches pour partager un secret si important. Leur amour pourra perdurer. C’est une idée géniale, et il en vient presque à regretter de ne pas avoir pensé à monter lui-même un tel stratagème. Elle lui aurait tout pardonné. Elle va tout lui pardonner, même s’il ne sait pas ce qu’il a fait de mal.

Tremblant un peu malgré tout, il se redresse et acquiesce, montrant qu’il ne compte pas crier. Puis fronce les sourcils, ne comprenant pas son explication. Il reste focalisé sur Andrea, la regarde comme pour essayer de lui faire comprendre qu’elle n’a pas à s’inquiéter, qu’il est là pour elle. Passant au dessus des fringues qu’elle aborde un peu trop souvent ces derniers temps, Seiji en vient à regretter la tenue d’écolière. Le jeune homme glapit quand elle fut brutalisée à nouveau.

- Ne lui faites pas de mal ! Elle n’a rien fait ! Qu’est-ce que vous voulez ?

Aux mots suivants, Seiji se décompose et grimace. Frapper sa précieuse petite sœur ? C’est au-dessus de ses forces. Mais il ne veut pas mourir, il s’accroche désespérément à la vie.

- Pourquoi ? Vous ne voulez pas plutôt de l’argent ? Je ne dirais rien à la police ! Qu’est-ce que cela vous apporte que je la frappe ?

Il refuse d’obéir aveuglément à un ordre aussi stupide. Cela n’a aucun sens. Il ne comprend pas pourquoi il devrait lui faire du mal pour contenter cet homme. Que recherche-t-il ? La fâcheuse tendance de Seiji à trop réfléchir et à tout intellectualiser risque peut-être de lui coûter la vie. Toujours est-il qu’il réfléchit déjà à comment retourner la situation à son avantage. Il est dans de sales draps, mais ce Law ne va pas le terroriser bien longtemps. Même si à cet instant précis, il a envie de prendre ses jambes à son cou et de laisser Andy à son triste sort. Elle est un moyen de pression. Il ne la tuera pas.

- Qu’est-ce que je vous ai fait ? Ou qu’est-ce qu’elle a fait ? Je peux vous dédommager ! Elle n’a pas à payer pour mes erreurs !

Sale médiocre petite loque, c’est ce que pensera Andrea. Elle a envie de lui cracher dessus, de le voir en finir, de l’admirer au bout d’une corde. Elle veut mettre fin à cette fausse compassion, cet ersatz d’amour. Seiji ne l’aime pas, il la désire, il veut la contrôler, la soumettre. Ce n’est pas de l’amour. Il n’a toujours fait que s’amuser d’elle, sans elle. Tas de boue, de fange. Déchet de l’humanité. Même pas capable de garder la tête haute et de vouloir assumer ses perversions. Honte, de lui-même, d’elle peut être. Sentiment coupable, coupable de le cacher mais pas de le faire. Savoir que c’est répréhensible et s’y plonger tête la première. Mépriser les sentiments d’une adolescente, user de son statut, de l’admiration qu’elle lui porte. Profiter de sa force, et de la faiblesse de l’autre. Saccager une vie sans même s’en rendre compte, croire que c’est un cadeau que l’on offre.

Démence.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le mardi 11 février 2014, 01:18:40
Oui, il réfléchissait. Beaucoup trop. Ses pensées étaient sans doute confuses, désordonnées. C'était aussi un signe de faiblesse. Il ne savait garder son calme face à la pression, mais Law ne pouvait pas le blâmer : Ta sœur, ton amante, ta chose, les trois à la fois menacées par un psychopathe qui débarque dans ton appartement en hurlant, sans invitation bien entendu. Il n'est pas rare que les hommes pleurent dans ce genre de cas. Mais il faut d'abord que la panique passe pour que les larmes puissent couler. Prenons le temps.

Vos erreurs.

De sa poigne, il met Andrea à genoux, et la pousse un peu sur le côté pour qu'elle tombe au sol sans toutefois se faire mal. Pas bouger. Il abandonne son sac sur le côté avec rage, avance ensuite vers Seiji. Tarte dans la gueule. Pas le temps de valser qu'il l'a déjà pris par le col de la même main, l'autre appliquant le fil de la lame sur sa gorge. Un poil plus grand que lui, pas assez pour se la jouer dominateur. Reste le costard, l'impeccable physique emprisonné dessous, et les yeux de tueur pour le faire faillir. Ah, et le fait qu'il ait menacé de le tuer, et qu'il soit en position de le faire.

Un zéro en trop sur un document comptable est une erreur. Un oubli de sous-vêtement est une erreur. Une rencontre hasardeuse dans une ruelle est une erreur. L'erreur suppose tant de choses. Le fait de pouvoir se rattraper. Le fait d'essayer de ne pas recommencer. Le fait... de s'excuser.

Il commence à devenir colérique, ça y est. Le léger resserrage de sa poigne sur sa dague trahit ses nerfs qui s'électrisent, et ses narines tremblent. Respire un grand coup, récupère ton calme qui glisse. Il ne faut pas qu'il s'échappe, ou la sentence tomberait trop vite. Chaque criminel a le droit à une défense juste. Il faut dire cependant que celui-ci plaide très mal.

Law est presque tenté d'appeler Andrea pour que celle-ci fasse son avocat... Mais ce serait tellement ironique. Et il sait que, si il lui remettait cette mission, elle serait capable de le défendre avec ardeur.

Andrea... Sa Merveilleuse. Il la regarde d'ailleurs, comme pour y prendre son inspiration, avant d'en revenir à Seiji, espérant ne rien avoir trahi de sa mission sur Terre. Oui, il est un ange envoyé des dieux.

Seiji se retrouve projeté à terre par la prodigieuse force de Law. Genoux qui heurtent le sol, les mains suivent. L'esclavagiste se précipite sur lui, par derrière, lui lève la tête avec brutalité. La lame retourne sous son cou, et s'y appuie. La peau se tranche lentement. La douleur est vive, et vu l'endroit visé, n'importe qui paniquerait.

Passage au tutoiement.

Une mort rapide et immédiate, c'est mon châtiment pour tes crimes, car ce sont des crimes que tu as commis, et c'est ainsi que je veux que tu en répondes devant moi. Une fois que je t'aurais égorgé, tu seras absous à mes yeux. Les dieux finiront de te juger, et seule leur volonté emportera raison de ton âme. Cependant... Je ne suis pas un démiurge, je n'ai pas d'imperator. Je te laisse le choix, d'accepter ou de refuser cette rédemption. C'est ton droit, de ne pas vouloir que je te purifie personnellement. Mais si tu veux y échapper, tu dois payer mon prix. Et ce prix... C'est de frapper ta chienne de demi-soeur.

Le couteau appuie de nouveau. La fêlure de sa peau s'accentue, le sang coule plus franchement.

FAIS-LE ! T'as cinq putain de secondes pour le faire !

Et ses cris rageurs comptent l'échéance, alors que, face à Andrea, il la fixe avec gravité, et même un peu de culpabilité.

Un.

Deux.

Trois.

Quatre.




Cinq.


Shlak.

Le fil de l'acier court sur l'étendue de sa gorge, s'y enfonçant de plusieurs centimètres. Carotide et cordes vocales tranchées, le bonhomme n'aura même pas le temps de crier. Par une pulsation inopinée de son cœur au moment du tranchage, son sang gicle, éclaboussant en fines gouttelettes le visage d'Andrea. La brume rose. Le pantin ne tient que par la volonté du marionnettiste, farouchement accroché à ses cheveux. Cascade vermillon sur le torse du violeur. Il le lâche. Un quasi-cadavre s'échoue lourdement au sol, sous le regard médusé d'Andrea.

Tu... Tu m'as... volé ma libération !

Law n'en a que faire. Il constate le sang sur sa lame, et sort un mouchoir pour commencer à la nettoyer. Andrea, sans cœur, enjambe son demi-frère et frappe des deux mains sur le torse du mafieux, le repoussant d'un pas.

Pourquoi !? Pourquoi !?

Il ne t'a pas frappée. Il a refusé de te faire du mal. Je lui ai accordé mon pardon.

Nous avions convenu ! Tu n'avais pas le droit !

Elle frappe de nouveau brutalement, lui tentant de nettoyer négligemment son arme. Deux pas en arrière sous la violence du choc. Il heurte le mur, soupire, puis braque la dague sous le cou d'Andrea.

Ne lève pas la main sur moi ! N'oublies pas ton rang par rapport au mien !!

Elle le fixe, abasourdie, avant de lâcher une larme alors que son visage se tord en une grimace de pure tristesse, et qu'elle s'éloigne.

Ma vie est fichue ! Par ta faute ! Je ne veux plus jamais te revoir ! JAMAIS !




Quatre.

Attendez !

Il sourit. Retient un soupir de soulagement. Seiji regarde Andrea un moment.

FAIS-LE !

Rongé par la plus tenace des terreurs, poussé par son cri soudain, la main part, et le frère si aimant gifle Andrea. Et pas si gentiment que ça. Ca claque dans l'air, dans un lourd silence de mort. Plus personne ne bouge ensuite.

Bien. C'était la dernière fois que tu lui faisais mal. Grave ce moment dans ta tête, Andrea, et porte-le comme un couronne. Il est à toi.

Lame retirée. Seiji ne comprend pas. Il pourra bien se confondre en excuses, en explications, mais peu importe. Law est parti s'asseoir sur un quelconque siège, ayant saisi au passage une pomme dans son sac, et croque dedans avec négligence.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le mardi 11 février 2014, 11:36:52
Seiji se sent totalement abandonné aux mains d’un dangereux prédateur. Ses rêves de renverser la situation, ses désirs de la sauver, tout fout le camp. Quand il voit sa précieuse sœur jetée à terre par ce malotru, il s’indignerait presque. Tremblant de rage, ne supportant pas de voir quelqu’un d’aussi innocent malmené par un inconnu, Seiji hésite à se lever. Dans ses rêves les plus fous, il se voit déjà jaillir à la gorge de ce Law pour lui briser la nuque d’un seul geste. Ne sachant pas que cette exécution réclame une grande force dans les mains et les bras, il ne doute pas un seul instant de sa réussite. Entendre ses cervicales se briser, voir son faciès déformé par la mort. Il ne mériterait que cela pour avoir fait du mal à Andrea. Si ça se trouve, il a fait bien pire auparavant. D’un regard, il lui assure toujours de la sauver, de l’emmener loin et de tout recommencer.

Elle, se laisse faire et épouse le sol pour ne pas lutter contre l’inéluctable et ainsi se faire mal. Elle s’y roule en atterrissant, et ne soupçonne même pas les courbatures le lendemain. Et elle regarde sans la moindre pitié, sans la moindre peur, le responsable de ses cauchemars d’adolescente se faire malmener. A son tour d’être une poupée désarmée, un morceau de chair dans les mains de plus fort que soi. Un instant, elle se revoit à sa place et imagine Seiji comme un Law. Sauf que ce dernier est vengeur, est justice. Alors que le premier n’était que désir et égoïsme. La victime n’est pas non plus la même. Coupable dans un cas, innocente dans l’autre. Effrayant ce que cela pouvait changer aux yeux du public. Andrea ne dit rien, se contentant de se redresser pour observer le spectacle. La lame brisant la barrière de la peau. Va-t-il céder et le tuer ? Elle lui en voudrait. Parce que lui-même estime qu’elle a besoin de se libérer seule. S’il lui enlève ça, Law piétine toute la logique de leur première rencontre, renie toutes les paroles prononcées. Il aura non seulement tué sa Némésis, mais tout autant son protecteur et seul avenir.

Lui, panique. Son souffle s’accélère, mauvaise idée puisqu’ainsi sa gorge se presse d’autant plus sur la lame beaucoup trop aiguisée. Il sent son cœur tenter de maintenir la cadence de sa frayeur. Non, il ne voit pas sa vie défiler devant ses yeux. Pas de tunnel, pas de lumière blanche. Juste la peur, la terreur que tout s’arrête. Il a mis tant de temps à construire ce monde, cette vie. Tout était parfait. Lui qui avait toujours pensé que l’acier était froid comme la glace, voilà que le contact est chaud, brûlant même. Il gémit de douleur, persuadé que c’est son propre sang qui rend l’appui aussi ardent. Ses genoux, ses paumes lui font mal. Etrangement c’est là qu’il ressent la plus vive douleur, son corps tentant certainement de détourner son attention de sa gorge. Il a menacé de le tuer, et il va le faire. Il sent sa peau céder, sa glotte affolée venant danser avec une lame immobile. Mais c’est ce qu’il veut, ce Law.

Alors Seiji ferma les yeux, laissant sa respiration se calmer peu à peu. Il n’écoutait même plus les mots agressifs. Paniquer était le meilleur moyen de mourir. Allez, bordel. Il avait fait des années de judo. Une fois son souffle revenu à la normale, il le laisse compter. A quatre, au moment fatidique, quand son adversaire se remplit d’une joie malsaine de le mettre à mort, il réagit.

Se pencher en arrière, déstabiliser l’adversaire. Avantage pour lui : son arme. Avantage pour Seiji : l’effet de surprise. Ne dure pas longtemps. Sa blessure le lance, mais au lieu de se relever il plonge à terre, chasse les chevilles de Law. Qui tombe, lâche son arme. Seiji roule, vient sur son agresseur, lui tord le poignet, frappe ses poumons pour en chasser l’air et le sonner un instant. Puis se rue sur l’arme, mais surtout sur Andrea. La menacer à son tour. Il ne voudra pas d’une victime innocente. Jurer qu’il va la tuer. L’angoisse dans le regard de Law. Avantage pour lui : rien. Avantage pour Seiji : l’otage. La force de l’autre est oubliée, seul compte le corps frêle de sa demi-sœur contre lui.

L’imprévu : Andrea. Il n’a pas songé qu’elle exploiterait son amour pour elle pour se détacher de lui sans le moindre effort. Retour au point de départ, il meurt.

Conclusion : il ne peut pas la sauver ni briller à ses yeux. Peut-être peut-il encore épargner sa propre vie, alors.




- Attendez !

Le regard de sa sœur finalement relevée est froid, dur. Elle n’a pas peur, pourquoi ? Il est menacé de mort, il va devoir la frapper. Peut-être le protège-t-elle en lui montrant d’ores et déjà qu’elle n’a pas peur, qu’elle ne lui en voudra pas ?

- Désolé, Andy. Je me ferai pardonner.

La claque résonne. Dans l’air, dans le cœur des deux jeunes gens, dans la tête d’Andrea. Law se retire, la jeune femme n’y fait même pas attention. Elle ignore sa joue endolorie et criant pour un peu d’apaisement. Un pas.

« Comme il le dit, c’était la dernière fois Seiji. Je n’ose pas imaginer ce qu’il se passe dans ton esprit malade, mais tu as tout faux en t’excusant pour cette gifle. »

En se redressant, elle a pris la dague dans sa botte, et la pointe à présent vers lui. Son visage est calme, aucune larme, aucune colère ne vient le déformer. Triste avatar de glace, elle ne compte pas lui offrir la moindre compassion ou hésitation. Il commence à avoir peur, elle le voit, s’en délecte. D’un mouvement du poignet, elle vient laisser quelques sillons écarlate sur son bras.

« Tu vois, ta route s’arrête ici. Ce n’est pas moi qui vais te tuer, ça non. Hors de question que je me tâche pour toi. Tu vas te donner la mort. »

Elle sort une corde de son sac, et la jette dans ses bras. Il la rattrape par réflexe et la regarde, abasourdi.

- Andrea, qu’est ce qui te prend ? C’est moi, ton frère chéri. Il te menace, c’est ça ? Tu peux tout me dire, tu sais. Ne t’en fais pas on va s’en sortir.

Il ne comprend rien. Andrea s’énerve mais tente de ne pas le montrer. Elle s’approche encore, et pose la pointe de son arme sur son cœur. Elle n’a qu’à appuyer, et il est mort dans les quatre centimètres.

« TAIS-TOI ! Tu vas accrocher cette corde à la rambarde de ta fenêtre. Puis à ton cou, et tu vas sauter. Sinon, je vais voir papa, Sachiko, et je leur raconte tout. Tes perversions, ma soumission, ce que tu as fait à mon anniversaire puis tous les autres jours de ma vie. Que tu violes ta putain de petite sœur ! »

Sa voix tremble, mais de colère. Elle ne pleurera pas.  Ferme un instant les yeux, les rouvre sur Law. Sourit.

« Et puis à ton travail. Les voisins. Nos grands-parents. La police pour finir. Je vais détruire point par point toute ta vie. Tu as fait de moi un fantôme. Tu es coupable, et ta place est en prison ou mort. Tu sais ce qu’ils font aux pédophiles, là-bas ? Ils ont tous une petite sœur quelque part, tu vois. Qui admettrait que tu puisses recommencer sur leur famille ? »

Il panique, s’agite, cherche une porte de sortie. Elle ne lui en offre aucune. Concentrée, elle lui rend sa gifle. Puis saisit à pleine main son appareil trois pièces, ce qui a causé son errance.

« Je suis sûre qu’il commenceront par te faire bouffer ça. Alors maintenant, tu sautes. N’oublies pas la lettre d’adieu. »

Seiji réalise. Qu’il n’a aucune échappatoire, qu’il ne peut se résoudre à voir les regards sur lui avant de finalement se faire agresser, molester, sans doute tuer entre quatre murs. C’est en pleurant, enfin, qu’il obéit. Assommé par la sentence. Il n’a pas le choix. Le chien de garde d’Andrea l’empêchera de fuir, de toute manière. Prenant un stylo, il se penche et rédige en pleurant une lettre de suicide. Au moins, ainsi, on l’aimera encore après sa mort. Il se tourne vers Andrea, les larmes aux yeux, la morve au nez. Pitoyable. Et c’est cela dont elle a eu peur toutes ces années ?

- Tu promets de ne rien dire, Andy ? Si je le fais. Ne leur dis rien. En mémoire de notre complicité. Je suis désolé, je ne sais pas pourquoi… Tu étais trop belle, trop désirable.

Il lui donne envie de vomir. Andrea baisse sa lame, et lui tend la corde sans un mot. Il se lève, la prend… Et tente une dernière fois de sauver sa vie. Il tord le poignet de la jeune fille, qui lâche sous la force du désespoir de son demi-frère, lui crochète le bras et passe dans son dos pour l’empêcher de bouger. Dans un rire victorieux qu’il croit déjà vainqueur, Seiji recule vers la porte de sortie.

D’un regard, la jeune femme supplie Law de ne pas intervenir. C’est trop facile. Elle s’est longuement entraînée, depuis quelques mois. Il lui est donc facile de glisser –tant pis pour son épaule gauche qui craque salement-, mordre au sang le bras qui la retient. Le faire lâcher, se retourner et frapper d’un revers de la main dans le cou, le faire trébucher, puis achever de l’étendre à terre d’un coup de coude entre les omoplates. Attacher elle-même la corde n’aurait pas été difficile avec ses deux bras, mais le gauche est hors service. Epaule déboitée, elle s’en occupera plus tard. La corde une fois attachée tant bien que mal, elle reprend sa dague en soupirant.

« S’il faut vraiment une arme pour te faire obéir, alors d’accord. Saute maintenant. »

Malgré les gémissements, les suppliques, les implorations de pitié de Seiji, Andrea resta inflexible, ignorant la douleur qui transperçait son bras. Patiente, elle le laissa se relever, avancer vers la fenêtre, l’ouvrir. Le vide la fit sourire doucement. La libération approchait. Seiji enjamba le rebord, jeta un coup d’œil vers le bas. Se retournant, il supplia une dernière fois. Elle l’ignora et lui fit un signe de la tête.

« Saute. »

- Tu as bien changé, Andrea. Je ne pensais pas que tu pourrais être responsable de la mort de quelqu’un. J’emporte avec moi l’autre Andy, la douce et gentille petite sœur.

« C’est toi qui l’a tuée il y a des années. »

Il fit enfin ce pas en avant. Andrea ne resta même pas pour le regarder. Elle était sûre de son nœud. Rangeant son arme, elle ne sentit pas immédiatement le soulagement la prendre. Fière jusqu’au bout de ne pas pleurer pour un frère qu’elle avait perdu il y a bien longtemps, elle se contenta de ramasser son sac à dos.

« La police ne devrait pas tarder, alertée par les passants. Je n’ai pas le temps de regarder. Il faut qu’on parte. »
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le mardi 11 février 2014, 12:41:54
Au panthéon des dieux mineurs, ils étaient quelques milliers de résidents, et, il faut bien l'avouer, glandaient pas mal.

Sous une toge rouge sombre, un dieu reptilien restait debout au-dessous d'un gouffre titanesque, où défilaient, sous forme de lumières flottante, des millions d'images venant d'autres mondes. Ses deux mains écailleuses et griffues dépassaient de ses manches, paumes tournées vers le bas. Ses lèvres psalmodiaient dans des murmures une ode au sacrifice humain.

« Sparshy ! »

Le dieu ne se démontait pas dans sa prière. Le nouvel arrivant, grand brun au teint verdâtre comme un marécage, épaisses lèvres et sourire bienveillant, s'installait au bord du précipice, jambes pendantes, attendant tranquillement que le serpent ait fini son incantation.

Les secondes passent, rythmées par le chant du pieu vengeur jusqu'à ce qu'il se stoppe, et baisse les mains.

« Sparshy, tu devrais venir manger, y a Heyno et Sifro qui sont en train de se mettre à poil. C'est chaud, j'te jure. »
« Non. Je profite. »
« Hm ? »
« Regarde. Les lentes offrandes sont toujours les meilleures... Et plus la vengeance a attendu, plus celle-ci est... délectable. »




Law n'avait pas bougé, bon spectateur qu'il est, même si la tentation avait été grande. De toute façon, il l'aurait rattrapé si il avait fuit... Mais nul besoin. Andrea gérait sa race. Il était admiratif de ce qu'elle lui faisait. La pomme avait été finie avec hâte, jusqu'à la tige, rongée puis avalée sans état d'âme. Il ne laissait rien derrière lui, comme à son habitude. Il n'accordait pas un regard au supplicié lorsque celui-ci file vers sa potence.

Et zou. Tombent, tombent les feuilles mortes. Andrea veut déjà partir. Il l'arrête en lui prenant le bras.

Non. Nous avons toujours le temps pour une prière.

Et il ne déconne pas. Il s'agenouille face à la fenêtre, demandant à Andrea de faire de même. La dague est levée des deux mains, comme si il l'offrait à son seigneur, mettant bien en évidence le sang de Seiji, substance toujours nécessaire à l'accomplissement d'un rituel.

À défaut de prier mon dieu, contente-toi de penser à ce que tu viens de faire... Et respirer ta liberté.

Et il prie, à voix basse. Sparshong, dieu de la vengeance et de la juste violence, accepte ce cadeau qui t'est fait. La rédemption lui fut prise de force pour racheter ses crimes, arrachées par celle qu'il avait offensé. En prenant cette âme, accorde le bonheur et la liberté à Andrea, offre-lui d'oublier ses souffrances, et que plus jamais elle ne subisse de peine. Il finit avec la promesse rituelle. Tue-moi si je transgresse ta foi. Venge-moi si on transgresse ma foi.



« C'est tout ? »
« Comment ça, 'c'est tout' ? »
« Ben... là, le mec se pend, il meurt, et... voilà ? »
« Oui. »
« C'est rapide, comme mort. Il n'aura même pas eu le temps de digérer sa culpabilité. »


Le reptilien se tourne vers son collègue, puis vers les lumières. Les images de Seiji traînant au bout de cette corde le contrarient, maintenant. Un dieu changeant.

« Tu n'as pas tort. »

Sa langue siffle.



Law ouvre les yeux, s'apprêtant à partir... Quand...

Attends ! … Fais-moi confiance, je te prie.

Il se précipite vers la fenêtre. Seiji n'est pas mort, visiblement, puisqu'il est encore secoué de légers spasmes. Miracle que sa nuque ne se soit pas brisée net. Toujours sa dague en main, il utilise la poignée (pas la lame, il n'est pas fou) de sa dague pour creuser le nœud, et le défaire de peu. Il passe ensuite son majeur dedans et tire dessus.

« Tombe. »

Tombe.


Seiji, évanoui, quasi mort, ne sent plus la pression de son propre corps sur son cou. Au contraire. Il est léger, léger...

Un horrible triple craquement lorsqu'il atterrit. Moche pour ses jambes. Il gît au sol dans un état pitoyable. Les passants sont horrifiés, un jeune homme hurle de terreur à trois mètres. Et il respire toujours.



« Pas mal. Et maintenant ? »
« Je vais le tenir en vie. Il a été tué comme offrande, et même si il n'est pas mort, il l'aurait été sans moi. Sa vie m'appartient pleinement. Il recommencera ce qu'il vient de faire, mais de son plein gré. »
« … J'aime bien l'idée. Et du coup, tu as une nouvelle fidèle ? »
« Peu importe. Je vais rester près d'elle de toute façon, qu'elle m'aime ou non. »
« OK. Moi j'en ai eu cinq depuis ce matin. Bon ! Tu viens voir les loches de Sifro ? Y a de la murée farcie à table, en plus. »
« Non. Je vais rester un peu ici. Veiller sur ça. »
« Comme tu veux cousin. »




Dans la rue, une excitation peu commune saisit Law. Il sourit bêtement, appréhendant un peu la suite tout de même. Marche rapide jusqu'à une petite rue où il s'engouffre avec la jeune femme.

Pardonne-moi. J'ai senti le besoin de le faire. Je sais qu'il est mort, ou qu'il mourra, ça viendra, je te le promet. C'est... comment dire... Je devais le faire.

Il tente un sourire, et l'embrasse doucement ensuite.

Andrea... Tu es libre désormais, tu l'as fait. Tu peux faire ce que tu veux. Si tu restes avec moi, Nexus, c'est par là,
dit-il en désignant le bout du boulevard, par une autre ruelle d'où il a débarqué. Sinon, je te laisse ce qu'il faut pour que tu puisses subsister un bon bout de temps, et... je te laisse vivre ta vie, sans moi.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le mardi 11 février 2014, 22:01:08
C’était bien son genre, de s’arrêter pour prier au lieu de filer loin par peur de la police. Andrea faillit insister, le tirer en arrière, mais se retint et le suivit pour s’agenouiller avec lui. Premièrement parce qu’il faudrait être fou pour contrarier Law dans sa dévotion religieuse. Deuxièmement parce qu’une fois partis pour Nexus, ils ne craindraient plus rien. Tout ce qui restait à espérer, c’est que les témoins mettent du temps avant de réaliser ce corps pendu à une fenêtre, et aient du mal à se remettre du choc, tardant à appeler les forces de l’ordre. Pas sûr que les policiers japonais acceptent l’idée de rendre la justice soi-même. Les explications de Law auraient peut-être du mal à passer, même avec l’appui du témoignage d’Andrea. D’autant plus que l’esclavagiste Nexusien ne disposait pas de la plus grande diplomatie au monde. Autant dire que c’était suicidaire de se faire prendre. En prison, rentrer sur Terra allait être compliqué.
 
Et pourtant elle s’agenouilla, ferma les yeux et prit le temps de remercier les dieux, le Destin, n’importe quoi, de lui avoir permis de régler cela dans les meilleures hospices. Tout s’était déroulé le plus sereinement du monde, sans imprévu qu’elle n’avait pu maîtriser, et en cela elle était reconnaissante. Elle remercia de lui avoir envoyé Law pour l’épauler dans ce moment qu’elle attendait. De lui en avoir donné la force.
 
Qui que tu sois, je pense que l’on a un ami en commun. Il te vénère, je te remercie, si jamais tu m’entends. Je ne pense pas avoir à te croiser à nouveau.
 
Sauf que, comme d’habitude avec Law, rien ne se termina comme elle l’avait prévu. Là où elle pensait l’entraîner dans des ruelles qu’elle connaissait bien pour fuir les soupçons,  laissant derrière elle le cadavre de son demi-frère se balançant au bout d’une corde sans le moindre regret, il se précipita vers la fenêtre pour l’empêcher de se pendre. Andrea le suivit de peu, le regardant sans comprendre sauver la vie de sa victime. Un pincement au cœur lui prit, elle ne comprenait pas. Pourquoi détruisait-il tout à coup son travail ? Chaque heure depuis son retour l’avait menée ici, à cet instant où elle pourrait admirer d’en bas son œuvre. Peut-être serait-ce elle qui appellerait la police en premier, qui sait ? Et là, il enlevait le nœud qu’elle avait pris soin de faire, de passer autour de son cou robuste qui ne s’était même pas brisé.
 
Sous le coup de la pendaison, le sang fut chassé aux extrémités et son corps inanimé, gigotant comme pour se défendre de la gravité, laissa apparaître une érection évidente. Sa dernière provocation avant la chute ? Un pied de nez à sa demi-sœur, ou simple réflexe naturel ? Ses lèvres laissaient échapper un peu de salive pleine de bulles blanchâtres. Les yeux révulsés de Seiji se braquèrent soudain dans les siens, alors qu’elle le regardait tomber. Tellement vite, et pourtant si lentement. Andrea se redressa quand elle entendit le bruit peu avenant. Des jambes brisées, à n’en pas douter. Etait-il seulement mort ?
 
Voulait-elle seulement qu’il le soit ?
 
La suite, Andy n’en eut pas vraiment conscience. Elle eut à peine le temps de retenir un haut-le-cœur en passant à côté du tas de membres qu’était à présent Seiji, sans parvenir à identifier s’il avait eu une chance de survie, et si celle-ci ne s’amenuisait pas de secondes en secondes. Elle suivit Law sans plus réfléchir, et faillit vomir en s’arrêtant. Mais son esprit prit le pas sur son estomac, et elle réussit à maintenir son dernier repas en place.
 
De justesse.
 
« Tout ce qui m’importe c’est qu’il ne puisse pas recommencer. Dans son état, s’il survit, il ne pourra pas. Mais je lui avais promis la mort. Ce que tu lui offres est pire. »
 
Elle haussa les épaules et répondit distraitement à ses lèvres, sans réaliser vraiment.
 
« Je m’en fiche. »
 
Andrea secoua la tête et respira un grand coup, sans encore réaliser.
 
« Libre » murmura-t-elle. Elle le répéta ensuite, plusieurs fois, avec chaque fois le visage plus éclairé malgré ce qu’il se passait à l’intérieur.
 
Elle avait tué un homme. Du moins, elle avait été responsable de la mort d’un homme. De son demi-frère. Preuve que les meurtres sont soit passionnels, soit intéressés. Avide de liberté, elle s’était permis de décider de la vie et de la mort d’un être humain. Elle n’était pourtant pas faite pour évoluer ainsi, pour prendre cette direction. Andrea prenait soudainement compte de son acte. Elle en avait pourtant rêvé, l’avait longuement imaginé. Mais au final, jamais elle n’avait accordé de réelle importance à la portée que cela prenait. Détruire une vie. Et plusieurs, même. Dont celles de personnes qu’elle appréciait plus qu’elle n’aimait.
 
Son père. La fiancée de Seiji. Des proches qui comptaient auparavant pour elle. Qui n’avaient rien fait, rien demandé. Ni la mort d’un fils, d’un amoureux, ni la disparition d’une fille, d’une amie. Ils ne s’y attendaient pas, et Andrea se demanda si elle avait réellement le droit de partir. Même si la réponse était évidente, même si elle savait qu’elle ne faisait rien de mal et qu’il était légitime de fuir cette vie, elle savait qu’elle laisserait des regrets chez ces personnes là. Elle, non. Elle ne pourrait jamais réellement revenir sur ce choix. Et puis, si jamais elle changeait d’avis, la jeune femme savait que Law la raccompagnerait en personne. Mais jamais, jamais elle n’envisageait la possibilité de partir de ce monde qui était déjà le sien.
 
Et si jamais Seiji avait survécu ? S’il la dénonçait ? Elle paraîtrait alors comme une meurtrière, une criminelle aux yeux de tous. Recherchée, elle ne pourrait jamais revenir dans cette ville qui n’était pas vraiment « chez elle ». Mais s’il se réveillait et donnait son nom comme premier coupable, alors elle perdrait plus que prévu. Elle serait haïe de personnes qui n’avaient d’autre tort que ne rien avoir vu. Il aurait tout gagné. Et, si dans un coin de sa tête Andrea tentait de se convaincre qu’il ne se relèverait pas, et qu’il aurait trop honte pour parler de son geste… rien n’était sûr. Le monde d’ici la détesterait comme elle le conspuait. Juste retour des choses. Mais c’est alors elle qui aurait le plus perdu dans cette vendetta qui ne devait toucher que Seiji.
 
« Rentrons. Mais avant, j’ai quelque chose à faire. »
 
Elle lui prit la main et l’entraîna jusque dans son petit appartement en désordre, des vêtements étalés de partout. Le matin même, elle avait cru avoir perdu ses bottes et avait mis un moment à les retrouver, et le temps de ranger lui avait manqué. Elle n’y prêta pas attention, pas plus qu’à Law. Elle avait attendu ce moment depuis trop longtemps pour garder une trace de Seikusu. A peine entrée, elle déboutonna son chemisier blanc et le lança à travers la pièce, avant de faire de même avec son pantalon sans même enlever ses bottes. Se retrouvant en sous-vêtements devant son guide sans la moindre gêne, elle retourna une fois de plus son bureau pour se saisir d’un papier et d’un stylo.
 
Les mots coururent sur le papier, laissant quelques phrases d’adieu à son père. Elle disait qu’elle reviendrait après un long voyage. Elle mentait. Tant pis. Il ne comprendrait de toute façon pas du tout son départ précipité. Une fois le message laissé, elle l’accrocha sur le petit frigo de son studio et se préoccupa enfin de sa tenue. Le short fut facilement identifiable, et elle l’enfila avec un soupir de soulagement. Le t-shirt fut plus récalcitrant, et elle dut aller le dénicher dans sa salle de bains pour le passer, attraper son sac, ranger sa dague et attacher ses longs cheveux en une natte sur le côté qui ne la dérangerait pas.
 
« Voilà. Plus rien ne me retient. Maintenant, on peut partir. »
 
Revenant vers lui, elle saisit son visage entre ses mains et l’embrassa sans lui laisser le choix, libérant doucement sa liberté, qui la cueillait enfin au ventre pour la faire se sentir entière. Ce poids sur son cœur avait disparu. Elle n’avait plus aucune attache. Pas même celle de l’attente de ces retrouvailles.
 
Elle voulait rentrer à Nexus, vivre son quotidien, épouser ses habitudes, se redécouvrir et tout reprendre à zéro.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le vendredi 14 février 2014, 21:57:54
Il s'était trouvé étonnamment détaché en entrant chez elle, profitant simplement d'un miroir pour rajuster son costume. Mouai. Toujours pas convaincu par le trois pièces, vraiment. D'autant plus que cette merde coûte relativement cher par rapport aux salaires terriens. Il ne comprend pas bien l'intérêt. Son manteau s'accorde d'ailleurs assez peu avec la tenue humaine, et c'est d'ailleurs la seule chose qu'il trouve rigolote sur lui. C'est peut-être pour ça qu'on le regarde étrangement dans la rue... Et ça lui plaît.
Tournant la tête, Andrea est en sous-vêtements. Regard perplexe. Pincement de lèvres. Hm. Le regard fuit vers la déco, chose dont il se fout pas mal en fait, mais ça lui permet au moins d'éviter une situation gênante. Il n'est pas censé la décevoir, il doit donc oublier ses réflexes primaux.

Parce qu'honnêtement : Y a moyen, comme on dit chez les jeunes. Y a moyen, ouip. La situation s'y prête pas mal, disons.

Elle coupera court à toutes ces idées négatives, par un simple baiser, et la manifestation de son envie de partir.

Moui. Filons.




Nexus.

La Cité-Etat tenait cette particularité de sa taille et de sa densité démographique. Tant de gens au même endroit... C'était immensément plus grand que ce qu'Andrea n'avait jamais pu connaître. Même Tokyo ne bouillonnait pas autant que cet endroit de Terra, dont les institutions vieillissaient, et la modernité peinaient à s'installer. Soyons clairs : Les esclavagistes y sont pour beaucoup. Ils sont réluctants à toute forme de progrès, tout avancement étant négatif à leur petit commerce. Leur emprise sur la politique et les affaires allaient bien plus loin que tout ce que tout nexussien pouvait bien imaginer. Les machines étaient des nouvelles formes d'esclaves qu'ils ne maîtrisaient pas : Il fallait les empêcher de prospérer. La faiblarde monarchie, manipulée par les plus riches, devait rester telle qu'elle est, pour que les ficelles continuent à être tirées. C'est ainsi qu'ils se faisaient les agents objectifs du gouvernement en réprimant les idées séditieuses, prêtant volontiers leurs armes pour empêcher les révolutions. Trois grands esclavagistes de la partie côtière du pays s'étaient alliés afin de capturer tout insurgé vivotant dans leur territoire, ainsi que tous ceux qui militaient avec eux, soit plus d'une centaine de personne, pour les exécuter sommairement dans une grande cérémonie publique... où les soldats de la garde urbaine faisaient la sécurité. Ils n'ont pas été inquiétés pour ce qui est, admettons-le, un assassinat de masse au mépris total des lois. La justice à deux vitesses.

Parlons d'exécution, d'ailleurs. Après cheminement dans le passage étroit formés par la proximité de deux longues maisons, apparaît une grande place. Le cri d'un commerçant, juste à côté d'eux, les surprendra. Il hurle à plein poumons la qualité de ses produits, ce qui intéresse visiblement deux bourgeoises poudrées qui se penchent sur les tissus brodés, avec force commentaire murmurés sous leurs éventails. La rue fourmille de passants, charrettes, carrosses, porteurs... Quatre soldats en armure fendent la foule avec difficulté. Une odeur de viande cuite envahit leurs narines alors qu'ils s'avancent : Juste devant une baraque, à l'ombre d'une grande toile dressée au-dessus de sa tête, un gros homme affalé sur tabouret austère et bas, le torse nu, toute sa masse offerte à la vue, une lame fine mais immensément longue tenue d'une main, découpant une viande qui rôtit, feu dans une petite fosse à même le sol, épaisse colonne de fumée s'en élevant. Law s'éloigne encore. Le fumet de gibier est remplacé par une puanteur acre et puissante, celle du métal qui chauffe. Aux lourds clinquements, on devine aisément qu'un forgeron est à l'oeuvre.

Attends, regarde, regarde.

Le Boss tire Andrea vers celui-ci pour qu'elle puisse admirer l'artisan : Celui-ci modèle, à deux mètres derrière son étalage tenu par une jolie jeune femme, une pièce de hache. La chose semble ardue : Les coups de marteaux nécessitent toute sa force de son unique bras – l'autre étant absent. Il porte un tablier de cuir bouilli, assez grossier, sale et abîmé, et rien d'autre sur son buste. C'est un jeune homme, une dizaine d'années, peut-être un peu plus, qui lui tient à deux mains avec une pince et des gants le métal pour qu'il puisse être battu par le farouche ouvrier.

« Vous voulez quelque chose ? »

La jolie brune sourit au couple, avant d'être sollicitée à sa gauche pour informer d'un prix. Law en profite pour s'échapper, emmenant avec lui la terrienne. Pleine heure de la journée, pleine activité dans les rues. Il faut esquiver les gens, comme dans un couloir de métro, qui ne sont guère enclins à s'écarter parfois. Jusqu'à s'échapper de l'artère principale par une autre rue, un peu plus calme, majoritairement résidentiel. Il continue à marcher d'un pas vif, regardant posément autour de lui pour surveiller ses arrières, jusqu'à une large place. Une grande statue se trouve au centre, d'un marbre blanc quelque peu sali par le temps, remarquablement taillée par ailleurs. Une œuvre d'art au plus pur sens du terme. La qualité des traits de l'homme représenté est saisissante : La fourrure qui borde sa cape qui le couvre entièrement semble réelle, les motifs sont finement dessinés, encore plus, dirait-on, que dans du vrai tissu. Bien que vieux d'apparence (la cinquantaine, probablement), le monarque couronné d'un diadème d'or est plutôt beau. Sa face est puissante, dénotant de sa lignée royale. Deux militaires traînent sur la place, l'un patrouillant dans les colonnes qui la bordent, l'autre faisant les cent pas près de la statue.

Le Roi Franis a beaucoup fait pour Nexus. Il a agrandit les rues à grands coups de masse. Délogements à gogo, expulsions même, destructions de commerce... Mais la circulation devenait intenable vu la population croissante. Il a creusé deux boulevards à travers la ville en rasant tout ce qui se trouvait sur le passage. Un mal nécessaire, je suppose, mais maintenant, Nexus est praticable. Enfin, pour combien de temps encore... Il était attaché aux arts, aussi. Toutes les belles facades, tu vois, c'est de lui. Et puis, quand ce fut la crise, il a découvert comment marchait la monnaie.

Il sort une belle pièce en or de sa poche, avec le profil de la Reine gravé dessus.

Les caisses du Royaume étaient vides. Franis a alors eu une idée géniale. Cette pièce d'or vaut une pièce d'or, d'accord ? Il a donc pensé à rogner les contours de chaque pièce, récupérant les copeaux pour en fondre de nouvelle pièce. Mais les pièces avaient toujours la même valeur, tu vois ? Alors qu'en vérité, dans leur substance, elles avaient moins de valeur. Ainsi est né l'inflation à Nexus. Crise économique, et il s'est fait buter par son fils  qui y a vu une opportunité de se faire bien voir par le peuple. Enfin, ce n'est que justice, Franis lui-même avait fait tuer son incapable de père. Et il a aussi construit ceci.

C'est vers cet endroit que Law se dirigeait. Un immense temple, dont l'escalier compte une bonne quarantaine de marches. Beaucoup de gens en rentrent et en sortent, la plupart des femmes enlevant d'ailleurs, lorsqu'elles passent la porte pour retrouver l'extérieur, un voile qui couvre leurs cheveux. Pas d'inquiétude, Andrea n'a rien à faire pour se fondre dans le décor. Tout dépend du dieu prié, visiblement : Accompagnée par deux hommes et une femme, les trois enchaînés, une femme presque nu, portant simplement une jupe de toile bleue transparente autour de son bassin et ses jambes, voletant gracieusement autour d'elle. Elle voit Law qui s'apprête à entrer, sourit et le salue. L'esclavagiste fera l'effort de lui baiser la main.

«  -Vous avez quelque chose à leur demander ? 
-Souvent, Dame. Toujours, même. Que ferions-nous sans les dieux. »


L'un des trois esclaves s'avance, se détachant du lot, pour s'incliner particulièrement devant Law, murmurant un « Monsieur »  avec respect. En réponse, une main sur son crâne chauve sera posée.

« -Les deux autres ne sont pas les miens. Chez qui vous fournissez-vous ? 
-Ce sont des cadeaux. Ils ne sont pas d'ici.
-Ah oui ?... Et lui, avec le tatouage, vous le vendez ?
-Combien m'en proposez-vous ? »


Law ignore la fille et va examiner le garçon, sortant à peine de l'adolescence, une peau bronzée et des muscles puissants, qui se laisse manipuler sans problèmes.

« -80 000 ? 
-Voyons voyons... Il vaut bien plus.
-85, alors. Allez, 90 pour l'exotisme. »


La nobliote (car c'en est une, malgré sa tenue indécente) rit doucement, avant de désigner Andrea.

« -Et elle, vous la vendez ?
-En échange de votre oriental, pourquoi pas. »


Elle rit de nouveau, et s'éloignera avec un « bonne journée ». Law sourit à Andrea, reprenant son cheminement pour entrer à son tour dans le temple.

Je savais qu'elle ne te prendrait pas. Elle tient trop à son jouet.


L'intérieur du bâtiment n'a rien à envier aux cathédrales terrestres. Le décor est bien plus tournée vers les tissus et les tableaux que vers l'architecture, néanmoins, celle-ci reste de qualité, ainsi que les traduisent les hautes colonnes de pierre gravées, les murs qui, loin d'être lisses et droit, s'harmonisent avec les peintures, les nombreuses statues et les meubles. La longue allée centrale est bordée d'escaliers souterrains ou montants, les premiers donnant l'accession à deux sous-sols, les seconds continuant le parcours vers une mezzanine où se trouvent d'autres alcôves. Ah oui, car il y a beauuuucoup d'alcôves, chacune étant consacrée à une divinité majeure. Les plus mineures se trouvaient sous leurs pieds.

Andrea n'aura aucun mal à faire un parallèle avec des divinités telles Jupiter ou Aphrodite, mais d'autres représentations sont bien plus fantaisistes : Ainsi l'est ce singulier personnage, tout en angles et en lignes, entièrement cubique, dont on devine une silhouette vaguement humanoïdes. Un genre d'homme-Lego pour elle. La plaque où est écrite son nom et sa description n'aideront pas beaucoup Andrea : L'écriture lui est inconnue. Juste à côté de lui se trouve un géant, laid mais puissant, qui traîne de lourdes chaînes à ses poignets, pendant à celles-ci de nombreux poids qu'il est contraint de tirer sur le sol. En y regardant de près, on devine sur chacune de ces boules de métal des sigles.

Ila, le maudit. Il traîne les péchés de chaque personne qui croit en lui. Plus nous faisons d'erreurs, plus il doit faire d'effort. On dit que si il s'arrête de marcher, le monde s'écroule sur lui-même. Attends moi là, j'en ai pour quelques minutes... Visite donc.

Il embrasse sa chevelure en pressant le crâne d'Andrea contre lui, avant de s'éloigner d'un pas rapide vers le fond pour croiser un prêtre, à qui il parlera, l'emmenant plus loin.



Sans faute, il est de retour une dizaine de minutes plus tard.

Sortons, je te prie. L'odeur d'encens commence à me rendre malade.



De nouveau dehors, il respire à plein poumon l'air, fronçant les sourcils pour empêcher les rayons du soleil de trop brûler ses iris.

Quand la nuit tombera, ce soir, il y aura une fête en l'honneur de Dehma, le nocturne. Comme la plupart des fêtes de Nexus, il y aura de l'alcool, de la musique et probablement des orgies. Tu voudras faire un tour ?... Malgré le tableau que je t'en ai dépeint, c'est sympa quand même, tu sais.

Un regard sur le ciel pour jauger de l'heure qu'il est.

Et là, dans l'immédiat, on fait ce que tu veux.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le samedi 15 février 2014, 11:12:45
Si seulement elle avait su où trouver la faille. Après avoir pourtant parcouru toute la ville de nombreuses fois, jamais Andrea n’était malencontreusement passé dans un autre monde. Terra était restée loin d’elle, sans jamais l’autoriser à l’approcher. Elle aurait pourtant aimé débarquer ici, lui prouver qu’elle pouvait le retrouver et qu’elle n’était pas juste bonne à attendre. Seule, le danger de la ville l’aurait certainement écrasé par sa présence, mais Andrea aurait fini par trouver son chemin, le rejoindre. Mais jamais elle n’avait trouvé de faille, et ce n’était pourtant pas faute d’avoir cherché. Il avait fallu qu’il débarque, réarrangeant sa vie au passage.

Sa vie qui maintenant était à Nexus. Elle en eut la certitude en le laissant la promener d’étal en étal. Fascinée, Andrea avait presque oublié la finesse du travail pourtant brutal de ces étrangers. Ils paraissaient tous totalement dévoués à leur tâche, sans fioritures. Admirative, un sourire encore naïf sur ses lèvres, elle absorbait telle une éponge toutes les informations visuelles, olfactives, auditives. Se souvenir. Pouvoir se balader ici les yeux fermés rien qu’à l’odeur, en se fondant dans le flux de la foule qu’elle n’avait pas trop de mal à comprendre, ayant été jusqu’à Tokyo et son enfer du transport en commun. Il suffisait de se laisser porter, saisir les courants de déplacements parfois instaurés de force. Mais Law ne les laissait pas se fondre dans la masse, préférant forcer des déviances qui n’existaient pas pour atteindre son but. Elle s’approcha, un peu trop près peut être, et une étincelle atteignit sa main. Elle ne dit rien, ne protesta pas, frotta à peine sa peau. Se reculant légèrement, Andrea admira ce superbe bouclier de feu et de chaleur qui entourait l’artisan sans distraire son apprenti qui, fidèle, risquait à tout moment de se brûler, de se faire atteindre par l’énorme masse du forgeron qui, déviée ne serait-ce que d’un centimètre, pourrait parfaire un trajet différent de celui voulu et finir sur les doigts du jeune homme.

Il ne semblait pourtant pas avoir peur, et déjà la jeune femme quittait la place pleine de vie. Pour la première fois, Law lui parla du régime en place. Il l’avait déjà fait, dans cet amphithéâtre où il avait fait une entrée remarquable et remarquée. La jeune femme sourit à ce souvenir, bien consciente qu’il n’y avait que lui pour la surprendre autant à chaque fois. Un véritable maître de l’improvisation, et du spectacle. Malgré sa surprise à ce moment-là, elle se souvint vaguement. Il avait parlé d’une monarchie ridicule et corrompue. Sous ses explications qui se veulent impartiales devant cette statue, elle décela du ressentiment. Jetant un regard en arrière, appréciant une fois de plus le tableau hétéroclite de la place qui fourmillait de vies et d’activité, elle regretta déjà ce qui pourrait être sa disparition. Était-ce dans une volonté d’évolution, de normaliser, de casser les habitudes de ces gens qui, par leur nombre et leur routine, peuvent facilement écraser les nouveautés apportées par un régime en place mais fragile ?

Aaaah, le temple. Grande évidence, s’il en est ! Connaissait son guide, Andrea n’envisageait pas ne pas y faire un détour. Celui-ci était bien plus grand que là où il l’avait déjà emmenée. Celui-ci grouillait de monde, de tous horizons et avec, probablement, différents dieux à prier. Andrea aurait bien aimé savoir qui venait pour quoi. Était-ce facile à lire dans leurs attitudes, leurs regards ? Pour certains, sûrement. Mais d’autres se montraient bien plus réservés et secrets. Distraite de son attention portée à la foule, Andrea sourit doucement quand elle fut presque échangée contre un jeune esclave.

« Je suis certainement plus exotique que lui, je viens d’un autre monde. Elle y perd. »

Ils entrèrent, il la laissa. Andrea n’avait pas assez d’yeux pour tout admirer, mais elle essaya de se repérer. Une déesse chat, tiens. Les inspirations semblaient autant venir de la religion égyptienne avec cette probable représentation de Bastet, que de l’Antiquité greco-romaine. Et d’autre nettement plus étrange. Qu’était supposé être cette statue obèse sans bras ? Haussant les épaules, Andrea ne perdit pas de temps à se poser des questions et interpella un tout jeune homme, sans doute un peu moins âgé qu’elle. Il semblait pourtant déjà fait homme, dans cette civilisation bien différente.

« Excusez-moi, je cherche le Dieu de la vengeance, sauriez-vous m’orienter ? »
- Vous devez parler de Sparshong. A l’étage, sur la droite, troisième arche.

Andrea le remercia d’un signe de tête et, sans remarquer son regard avide sur elle, la jeune femme monta à l’étage et s’arrêta devant un corps, mi-humain mi-serpent. Ce devait être lui, oui. Son expression inspirait la violence, et pourtant une certaine sagesse se dégageait de lui. Message implicite selon lequel la vengeance est une juste cause ? Andrea haussa les épaules, joignit les mains, baissa la tête un instant. Elle prit le temps de le remercier à nouveau. Ce n’était sans doute pas le début d’une croyance ou d’une foi, non. Mais la jeune fille n’était ni ingrate ni irrespectueuse. Elle savait remercier humblement, et respecter une figure tant vénérée par quelqu’un qui lui est proche. Une fois ceci fait, elle redescendit dans l’entrée pour rejoindre Law qui venait de terminer.

« Ce que je veux ? Ici c’est chez moi maintenant. Je veux agir comme quelqu’un d’ici, penser comme quelqu’un d’ici. Et je ne veux certainement pas voir tout ça… » elle engloba tout le paysage d’un geste de la main « …détruit par un roi aussi stupide que son père. »

En dévalant les marches avec lui, Andrea fut de nouveau confrontée à une flopée d’esclaves. Autant lors de son premier séjour, cela ne l’avait pas dérangée plus que cela. Mais maintenant qu’elle-même était libre et comprenait le poids de chaînes, même invisibles, cette vision lui déplaisait. Elle détourna le regard, incapable de les regarder et de se voir à leur place. Essayant de les ignorer, Andrea ne voulait même pas savoir s’ils étaient heureux ou non de leur condition, s’ils avaient d’autres possibilité de survie. Certes ils étaient ainsi nourris logés blanchis là où ils mourraient peut être de faim ailleurs. Mais sa liberté toute nouvellement acquise lui semblait encore trop fragile pour qu’elle accepte de voir d’autres personnes réduites à l’état de bétail, de serviteurs. Les évitant soigneusement, elle ne perdit toutefois pas sa bonne humeur et se mit en route au hasard, certaine qu’il la suivrait.

« On fait la fête ce soir, alors. Il va falloir faire quelques ajustements. »

Empruntant une, puis deux ruelles, Andrea regarda à travers les fenêtres épaisses de crasses de plusieurs établissements. Elle leut avait fait quitter le quartier plus riche, plus bourgeois, pour plonger instinctivement dans un endroit qui ne dort jamais. Même si le soir ils étaient plus réputés et davantage côtoyés, Andrea savait bien qu’il y aurait toujours quelqu’un pour répondre présent. Décidée, elle poussa une porte et alla directement s’installer à la table qu’elle avait aperçue à travers la vitre. Contrairement aux autres, le lieu était convenablement propre et semblait tenu avec rigueur. Ignorant l’hôtesse qui ne manqua pas d’accueillir Law avec sourires et mouvements de hanche, Andrea tira une chaise en bois brut dans un bruit de raclement, et s’assit dessus. Autour de la table circulaire, quatre paires d’yeux étonnés se fixèrent sur elle. Passée la surprise, l’un des habitués réagit. Pas très grand, il dépassait pourtant la jeune femme. Sa barbe fournie était désordonnée mais propre, tout comme ses vêtements usés mais corrects. C’est lui qui tenait le paquet de cartes dans ses mains, les battant au rythme du sang qui pulsait dans sa carotide apparente. Une boucle d’oreille à gauche, deux à droite, il espérait sans doute ressembler à de la racaille mais rien à faire. Lui, comme ses compagnons, dégageaient une certaine sympathie malgré leur étonnement de trouver là une gamine à la place de Ralph qui était allé pisser.

- Qu’est-ce qu’tu fous là, gamine ? C’pas un endroit pour toi, tu sais.
« Vous jouez au backjack. J’en suis. » répondit-elle avec aplomb, laissant Law aux crocs acérés de la propriétaire de l’endroit.

Un rire gras lui répondit, tandis que celui qui avait parlé distribuait les cartes à tous sauf à elle.

- On mise pas des jetons ici, mais des vraies pièces ma p’tite. T’as de quoi parier ?

Andrea enleva soigneusement la bague qu’elle portait à son doigt. Cadeau de son père pour sa majorité. Superbe qualité. Ses futurs partenaires le remarquèrent d’ailleurs, et leurs yeux brillèrent de convoitise.

« Je vois que j’ai toute votre attention. Maintenant, jouons. Ah, et donnez-moi en prime une pièce chacun, histoire de corser un peu la donne. Il ne s’agirait pas que vous gagniez en un tour, n’est-ce pas ? »

Ils s’exécutèrent de bon cœur, amusés mais surtout impatients de pouvoir récolter cette pièce rare qui leur vaudrait beaucoup d’argent à la revente. L’un deux songeait simplement à séduire enfin l’élue de son cœur avec un tel présent. Les cartes furent données, le résultat de la première donne fut équivoque. Sa première mise disparut alors qu’elle perdait telle une débutante, conservant néanmoins encore sa plus belle mise en jeu. Confiants, ses adversaires se détendirent et leur attention se reporta entre eux, à savoir de qui allait repartir avec l’anneau serti d’une pierre d’excellente qualité.

C’est exactement ce qu’Andrea cherchait. Alors qu’ils misaient confortablement pour atteindre le pactole représenté par la mise de la jeune femme, ils ne firent plus attention à elle, persuadés d’avoir gagnés. Sauf que…

« Blackjack, messieurs. »
- Oui on sait le nom du jeu, gamine. Ne nous…

Elle retourna les cartes. Victoire. Un sourire satisfait éclaira son visage, lui rappelant quelque peu sa première venue à Nexus. Récupérant le petit pactole mis en jeu, Andrea glissa l’ensemble dans son sac à dos et se leva de table, les remerciant pour la partie et s’éloignant sans plus se soucier de leurs vociférations, les uns s’engueulant avec les autres de leur négligence. Aucun ne la suivit, pourtant. Malgré leurs apparences, ils étaient droits et relativement intéressés par le jeu pour l’amusement et non le gain. Leurs esprits, non pervertis par la couleur de l’or, reconnaissaient sans peine leur défaite ridicule sans songer à vouloir récupérer par la force leurs biens.

Andrea leur sourit, et ressortit. La scène n’avait duré que dix petites minutes, et déjà elle revenait à des rues plus fréquentées. S’arrêtant pour acheter avec ses gains quelques grains de raisin, elle tendit une grappe à Law en souriant.

« Le bon vieux temps. Bon. Je suppose qu'il faut que tu te changes. J’adore ton look, mais le costume est un peu dépaysé ici non ? Et je ne vais pas aller danser en short. J’ai eu de la chance, sur ce coup, et je pense avoir assez pour me payer une tenue plus appropriée. »

Le goût du raisin entre ses lèvres fut une véritable bénédiction, tellement plus authentique que celui qu’on pouvait trouver sur Terre. Les saveurs fruitées furet un délice, alors qu’elle avalait les grains un par un.

« Au fait, comment va Isaac ? J’ai hâte de le revoir. »


[J'ai l'impression que c'est tout pourri]
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le lundi 17 février 2014, 21:45:05
Un homme en toge de prêtre passait juste derrière Andrea. Le délicat froissement du tissu rouge marquait ses pas discrets. Voyant la jeune femme visiblement en train de prier, il s'agenouille devant l'autel, et utilisera l'une des bougies pour brûler l'extrémité de l'un des bâtons d'encens, unique tige dégageant de la fumée devant cette statue en particulier. Quelques secondes de recueillement, et il se redresse en la contournant pour s'éloigner ; au passage, sa main se pose sur le bras d'Andrea, sa face exprimant un genre de compassion, de compréhension. Il ne sait pas pourquoi elle est là, mais il semble vouloir lui transmettre sa foi par ce simple geste. Est-ce que ça marche ? Tout dépendra d'Andrea. Peut-être verra-t-il ses yeux jaunes, brillants, apparaissant l'espace d'un bref instant, lorsqu'il cligne des yeux.

Il se réfugie derrière une colonne. Dressé, observant le plafond du temple un instant, avant de se reporter sur ses mains. Quatre doigts, un pouce. Quelle idée ces humains ont-ils. Law passe devant lui, il le salue. Il ôte sa toge et l'abandonne au sol. Un homme nu parcourt le temple, et, à part une petite noble dévêtue accompagnée de trois esclaves, personne ne semble le relever.




Ici c'est chez elle. En effet. Nexus est la terre qui accueille les perdus, les valeureux, les parasites, les héroïques, les riches, les sanguins, les romantiques, les déterminés, les cupides, les blessés... Et tous ceux qui n'ont plus leur place dans leur monde. Nexus, là où Law est monté de sa campagne profonde pour devenir quelqu'un. Nexus où se retrouve Andrea, dans le but d'y replanter ses racines qu'elle n'a probablement jamais vraiment établi quelque part.

Mais ici, c'est chez lui... Chez lui. Et à bien la regarder, sise auprès de lascars pas très engageants avec une assurance démesurée, jouant de bluff contre des joueurs du dimanche qui s'y connaissent pas mal, la vérité le frappe soudainement : Les chaînes sont autour de son propre cou. Aussi con que ça puisse paraître, un peu d'égoïsme lui étreint la gorge : Fini, les prises de risque inconsidérées. Il va devoir ralentir ses petits complots qui le placeraient, si les autorités devaient le découvrir, dans une position fort bancale, celle d'ennemi public numéro 1. Si le crime prospère tranquillement dans Nexus, c'est parce qu'il sert les intérêts de la Couronne : Au moment où le lèse-majesté est impliqué, pas sûr que la Reine et le Conseil soient aussi cléments avec les trafics d'influence, entre autres. Fini, les petites bastons, tard le soir, incognito, pour rigoler. Fini, les putes et les esclaves baisées à même son bureau, entre deux séances de travail, ou pour se détendre d'un échec commercial qui le rend nerveux, voire même carrément colérique, défoulant sa haine sur une pauvresse attrapée au hasard parmi ses employées pour qu'il expulse sa rage. Fini la doctrine de « penser pour soi, rien que pour soi ». Bon, il s'encombrait déjà de la personne d'Isaac, sur qui il veillait avec soin. Mais celui-ci n'était pas un homme plein de fantaisie, et il détestait sortir, ce qui rendait la tâche de Law facile. Andrea, nouvelle arrivée dans ce pays, ne risque pas de rester cloîtrée avec deux gardes à sa porte. Fini la cruauté : La terrienne va vouloir se mêler de ses affaires, ce qui, au demeurant, ne le dérange pas tant que ça ; en revanche, elle risque de mal supporter de voir cet homme qu'elle admire assister le plus tranquillement du monde à des séances de torture, corrections nécessaires à des écarts qu'il ne tolère pas, que ce soit parmi son personnel ou chez des ennemis qui ont eu le malheur d'être capturés.

Law caresse son cou. Il n'a pas un grand utilisateur de bijou, il préfère la simplicité, mais il lui arrive, lors d'une réception chez les grands pontes de Nexus, de porter quelques bagues, des bracelets ou des broches en tout genre. En revanche, jamais de collier. Trop de symbolisme à cet objet. Même si c'est une parure qui peut être agréable, c'est le signe immuable de l'esclavage chez lui.

Alors qu'il dessert sa cravate, nerveux, la tenancière s'adresse à lui.

« -Alors, mon beau, tu bois ?... 
-Non. Je l'accompagne simplement.
-C'est ta petite amie ?
-Et je ne fais pas la discussion non plus, jolie blonde. »


Il attendra simplement qu'elle ait fini, assis au comptoir sur un tabouret, dominant de sa vue le jeu. Il était surveillé par l'un des joueurs qui craignait qu'il ne donne des indications à Andrea, mais c'était inutile. Le Black Jack se joue personnellement. Et elle s'en sortait à merveille. Il était admiratif, et souriait de la voir empocher son premier pécule local.




Elle n'avait pas oublié (ou c'était une coïncidence!) son amour farouche pour les fruits de tout poil. Nourriture numéro 1 d'un Law qui ne se refuse rien, pouvant ingurgiter toute une journée une dizaine de ces végétaux sucrés différents comme uniques repas.

Isaac va bien. Il est fatigué ces temps-ci. Je crois qu'il s'est mis en tête de bosser plus que moi... Bon, hm, c'était déjà le cas avant, je crois, puisqu'il perd moins de temps que moi sur des futilités que sont le sexe et le jeu. Par contre, il met bien plus de temps à manger. Maintenant que j'en parle, ça me fait m'interroger sur nos horaires respectives. Je devrais y penser... Et surtout, lui ordonner de se ménager.


Les livres de compte se multiplient et le lieutenant de Law les vérifie, virgule par virgule, il les analyse, dégage des tendances, corrige d'éventuelles coquilles, les recoupe, les résume et les apprend. Son travail principal, inspecteur des finances. Personne ne fait ça aussi bien que lui. Il a acquis une mécanique qu'aucune école, aucun travail ne pourra l'enseigner mieux que son propre talent est capable de l'exécuter. De ces corvées économiques se dégagent les tâches de gestion pures, sous-tendant une constante attention et une connaissance aigüe des hommes et des rouages de leur cerveau. Aussi, il paraît naturel que le travail abattu en fait un pilier de l'industrie du crime de Law, pilier d'ailleurs insoupçonné,et  une simple brèche à son endroit rendrait bancale l'entièreté de la machine mafieuse constituée par un duo aux compétences équilibrées et parfaitement réparties.

À force de marcher, leurs pas les menaient vers une grand-rue, quasiment un boulevard, où les deux seront de nouveau pris dans la foule. Il n'est pas si tard que ça encore. Cette avenue a une particularité singulière : D'un côté vit un quartier plutôt bourgeois, nombre de marchands s'y retrouvent, et l'armée ose encore patrouiller sans gêne ; puis, arrivé à un certain point, comme si l'allée qui la traversait était une frontière entre deux mondes, les maisons se faisaient plus pauvres, les pavés plus sales, la population moins fréquentable. C'est justement sur cette avenue, faisant l'angle de l'allée susnommée, que se trouve l'un des bâtiments les plus modernes et les plus imposants de Nexus : Le casino de Law. Il domine par sa taille l'ensemble des quartiers. L'entrée est au coin, gardée par quatre molosses, et d'autres mercenaires armés font le planton sur la route, examinant chaque passant, se donnant d'ailleurs un droit de faire dériver le chemin des badauds qui seraient trop suspects, les obligeant à changer de trottoir pour éviter de passer juste devant la maison de jeu. D'inspiration classique, le fronton de pierre sombre est d'une régularité et d'une propreté impeccable, ce qui est déjà mieux que 90% des habitations de la capitale. Et, cela paraît une évidence mais il convient de le préciser : Aucun militaire ne s'en approcher. Ici est un territoire étranger ; pas une zone de non-droit, mais une zone d'un autre droit, celui du boss des bas-fonds.

Lorsqu'il arrive, d'ailleurs, les hommes se signalent entre eux sont existence, fendent la foule, obligeant à ce qu'elle se dégage pour le laisser passer. Une charrette sera arrêtée dans son trot, les indigènes seront poussés contre les murs. Toute circulation, même piétonne, est stoppée.

Hmf. Désolé.

S'il aurait été ravi qu'elle voit ça la première fois, ce coup-ci, ça lui plaît beaucoup moins. Mais il ne peut déroger à ce genre d'impératifs qui garantissent généralement sa sécurité. Il est un Roi à qui l'on fait une haie d'honneur, pour qu'il puisse rentrer dans son casino.

La salle est occupée, mais pas remplie au maximum de sa capacité. Quand le soleil sera couché, les grands malfrats et les petits bourgeois se côtoieront pour une danse endiablée de cartes et de jetons, buvant, frémissant et hurlant jusqu'au petit matin pour certain. Du haut des trois marches de l'entrée qui surplombent la salle et son effervescence grimpante, il sourit, prenant une grande inspiration avant de s'engager dans l'allée centrale, cheminant jusqu'au grand escalier de marbre à l'autre bout, là aussi surveillé par ses cerbères.

Tu sens ? C'est l'odeur de mon profit. Ca peut paraître infect au départ, mais on s'y fait vite. Oh, à ce propos. Tu n'es pas ob...

Une serveuse manque de les percuter, habillée en Bunny Girl mais sans les oreilles ridicules, un plateau dans chaque main. Elle vacille en esquivant Andrea et se rattrape de justesse, un petit tour sur elle même. Pas une goutte à côté.

« Pardonnez-moi, monsieur !... Maître. » Dit-elle en reconnaissant, à retardement, son patron. « Je vous prie d'accepter mes sincères excuses. Je n'ai pas voulu vous bousculer, vous et mademoiselle. »

Law sourit, et balaie la chose d'un simple geste, signifiant qu'il ne lui en tient pas spécialement grief. De bonne humeur, il ne se fâche pas pour des conneries. En d'autres temps, elle aurait pu prendre cher. Pour le remercier de sa mansuétude, elle s'oblige à s'incliner, l'expression douce et visiblement pleine de quiétude. Après quoi elle demande à pouvoir retourner au travail, ce qu'il accorde sans broncher, reprenant son chemin.

Je t'ai un jour dit que tout cela t'appartenait. C'est toujours le cas. Tu es maîtresse en ces lieux... Ah, oui, je disais, à ce propos : Tu n'es pas obligée de penser que tu dois tout acquérir par toi-même, et risquer ta vie au jeu. Les moins scrupuleux ne tolèrent pas qu'une femme gagne, ou perde d'ailleurs, et aiment à se servir sur leur corps. Et tu n'es sans doute pas du genre à te laisser faire. Je n'aimerais pas qu'on me signale avoir trouvé ton cadavre égorgé et violé, ma grande. Néanmoins... Je ne peux pas t'interdire de vouloir prendre par toi-même ta subsistance, et cela dans le but de le mériter. Aussi, si tu veux un travail, et pourquoi pas être payée au même salaire que les autres, j'offre des tas d'opportunités. Et si tu me le demandes, tu n'auras aucun traitement de faveur. Choisis ta place dans mon empire, de la plus subalterne à la plus haute, et je te laisserai me prouver que tu es capable de tenir un travail honnêtement rémunéré. Sinon, Nexus s'offre à toi. Oui ?

Le dernier mot était adressé à un employé, responsable de salle, la bonne cinquantaine, qui attendait depuis une trentaine de secondes que Law ait fini de parler. Il se penche à son oreille. « Maître, on a un gros gagnant là-bas. Monsieur Palad soupçonne un passeur. » Le boss acquiesce, puis sourit à Andrea.

Je vais encore devoir te laisser. Je te laisse aller me chercher de quoi m'habiller, et visiter l'endroit (Il fait signe à un chien de garde de l'accompagner pour qu'elle puisse aller partout). J'ai agrandi depuis, mais rien n'a fondamentalement changé. Isaac doit être... Je ne sais pas. Ici, ou dans mon Grand Bordel. Je m'occupe de ça, je fais le tour des salles pour voir si tout va bien, et je te rejoint.

Oui, il est occupé. Et encore : Il a libéré sa journée en sachant qu'elle viendrait. Mais les imprévus font que... D'ailleurs, dès demain, il retrouvera un rythme légèrement plus soutenu : Contrôle du personnel, négociations, contrôle des comptes, des opérations extérieures, et autres réjouissances qui font partie de sa vie.

Et sers-toi dans mes biens. Tout est à toi, de mes esclaves jusqu'au plancher sur lequel tu marches.

Il sera parti, raison en main, s'asseoir à la table où le responsable de salle le conduira, et montrera qu'on ne plume pas sciemment le Roi des Bas-Fonds.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le mardi 18 février 2014, 13:04:54
La haie d’honneur. Comme un Roi qui rentre au palais après une croisade difficile, un monarque qui rejoint son territoire avec assurance. Alors qu’elle ne l’a jamais vu comme ça. Etouffant un rire amusé de sa méprise, Andrea se souvient pourtant qu’il était maître incontesté dans ce casino, et dans l’ombre d’une grande partie de la ville tentaculaire. Alors qu’elle ne l’a jamais considéré que comme un aventurier un peu sauvage, un homme de la rue qui l’avait croisée par hasard, l’avait entraînée dans une bagarre puis dans la réalité du monde et de ses travers. Si seulement tous ces gens attroupés autour de lui pour lui marquer le respect qu’il avait gagné année après année savaient ce qu’elle pensait de lui. Un homme un peu étrange, agissant sur l’instant, prêt à se rouler dans la vermine humaine, épousseter son éternel manteau et aller faire des manières en société. Elle l’avait connu dans la rue, cette vieille amie qu’il ne semblait jamais quitter bien longtemps, reprenant ses droits sur ce qui l’avait vu naître. Andrea trouvait que le faste, les paillettes et les ronds de jambes ne lui allaient qu’épisodiquement.

Dès leur première rencontre, cela lui avait semblé évident que malgré son statut actuel, Law avait besoin d’action, de la plus simple qu’on ne trouve pas à l’abri derrière un bureau. Elle savait qu’il était homme à se battre pour une broutille qui tâcherait son honneur, à pas d’heure dans un quartier mal famé juste par faim d’adrénaline. Homme à prendre une femme sur l’instant, parce qu’il en avait besoin. Homme à se défouler, à expulser le feu qui semblait bouillir dans ses veines. C’est pourquoi elle avait du mal à rester sérieuse devant les marques de profond respect qu’on lui portait, et même si cela était nécessaire, la base de son empire. La jeune femme ne le verrait jamais que comme un bagarreur, un esprit totalement libre et déjanté qui se fondait dans le paysage jusqu’à vous surprendre. Le définir était presque difficile, tant les images venaient à elle sans que les mots ne parviennent à suivre sa pensée. Law, tout simplement.

« C’est ce que tu es, quelque part. Ne t’en excuse pas. »

En rentrant par la grande porte, Andrea fut comme agressée, une fois de plus. Ses sens développés depuis son arrivée ici furent assaillis d’informations. Les couleurs, chatoyantes, des tables de jeu, des verres qui volaient à travers la salle, des uniformes des serveuses. La lumière variait d’intensité selon les coins de la salle, qui était encore praticable. Le bruit, ensuite. Les conversations, les rires, les cris de victoire ou plus souvent de défaite. Les propositions de consommation, et parfois même les mots menaçants d’un homme qui raccompagnait un mauvais joueur à la sortie. Enfin, les odeurs. Se mêlaient sans distinction les vapeurs de l’alcool,  l’étouffante fumée des cigarettes et autres cigares composés de tabac… ou autres. La sueur prenait une place importante, dans le stress du jeu, et la chaleur générée par autant de monde. Elle était toutefois déviée par bon nombre de parfums, plus ou moins bon marché, artifices habiles qui ne faisaient que renforcer l’odeur imposante du lieu. Andrea sentait presque ce florilège d’essences dans sa gorge, mais elle savait que bientôt, ce serait comme un réconfort, l’impression de rentrer chez elle.

La serveuse la surprit, alors qu’elle était plongée dans ses réflexions. Comment voyait-elle ce lieu auparavant ? La petite Andrea avait ses idées préconçues et un regard bien différent, elle le savait. Sans doute s’était-elle permit de juger mentalement la moralité de cet endroit. De critiquer l’apparence très sexualisée et tournée vers l’argent et la débauche. Au jour d’aujourd’hui, cela la dérangeait nettement moins. Evidemment que le monde était dirigé par l’argent, monnayé par le sexe pour obtenir du pouvoir. La criminalité, la drogue, tout ça était le revers d’une pièce qu’elle avait pu observer auparavant. Le monde en plein soleil ne tourne que grâce aux rouages de l’ombre, aux défouloirs proposés en pleine nuit. Consciente à présent des dérives des Hommes, il était évident qu’un endroit comme celui-ci était nécessaire, indispensable au bon fonctionnement de la vie en communauté. Quitte à exister, autant le gérer. Cela ne la choquait plus, ne la questionnait plus. Il est toujours nécessaire à la Lune de se lever pour que le Soleil puisse éclairer tout le monde.

Rien n’avait changé ici, elle l’avait fait.

« Je préférerais éviter la partie viol et meurtre, en effet. Ne t’en fais pas, jouer restera un plaisir et si cela te rassure je ne le ferai qu’ici. Tout à l’heure, je ne craignais rien, et je ne suis pas assez bête pour me risquer à faire ça n’importe où.  Quant au travail, je chercherai quelque chose ailleurs. Je n’ai pas envie de totalement dépendre de toi. Je sais me servir de mes dix doigts, je pense trouver. Je me pencherai là-dessus dès demain. »

Andrea avait toujours été plutôt bonne en couture, obligée de reprendre les accrocs dans les vêtements de son père et de son demi-frère, sa mère n’étant plus là et sa belle-mère étant une incapable. La couture était auparavant une obligation, mais c’était devenu une activité qui ne la dérangeait plus vraiment. Venant de la Terre, elle pourrait apporter une vision différente de la mode, un regard neuf sur les habitudes vestimentaires. Trouver une place dans un atelier ou un magasin ne devrait pas lui poser de réels problèmes. Ça n’avait rien de bien excitant, mais en attendant elle s’en contenterait. Plus tard peut-être, elle parviendrait à trouver autre chose qui la séduise au point de s’y lancer, et de réussir par elle-même. Travailler sous les ordres de Law la dérangeait un peu, non par peur des traitements de faveur, mais plutôt de la trop grande liberté qu’il lui offrait. N’importe quel poste ? Il ne connaissait pas ses capacités, et Andrea ne comptait pas être une gêne pour lui. Et puis, cela voulait dire dépendre de lui. Toute sa vie ici le ramènerait à lui, et ça non plus elle n’en voulait pas, venant à Nexus pour se découvrir et asseoir sa condition d’être humain libre et indépendant.

« Travaille bien, et ne t’en fais pas pour moi. Je sais que tu es très occupé, je ne compte pas t’attendre désespérément à chaque heure du jour et de la nuit. »

Aurait-il été vexé s’il avait su que la jeune femme était presque heureuse de le quitter quelques instants ? Montant les marches sans hésiter le moins du monde, elle ne lança même pas un regard en arrière, impatiente de trouver ses marques ici. Elle avait bien changée, la petite fille timide. Parcourant les premiers couloirs qui s’offraient à elle, flanquée de son laisser-passer, Andrea découvrit d’autres salles de jeu, des salles de réunion, des bureaux, une salle où des filles en petite tenue attendaient… Elle referma soigneusement cette porte, avant de faire demi-tour une fois de plus et de tomber nez à nez avec un visage basané qu’elle reconnaissait bien.

Andy, un vrai sourire sur les lèvres, sauta au cou d’Isaac, heureuse de revoir le pilier qu’elle avait appris à connaître. Il avait mis du temps à comprendre qui elle était, et le calme de l’homme de main de Law lui avait manqué.

- Vous êtes donc revenue, je suppose que le boss est de retour également.
« Isaac, je t’ai déjà dit de me tutoyer ! Oui, il… eh bien, il fait ses affaires. Rien ne change. »
- Si. Votre retour va le rendre un peu plus gai.

Andrea rigola et suivit ce qui était probablement le seul homme ici auquel Law accordait son amitié. Il retourna dans son petit bureau, loin de toute l’agitation, où il revenait pour avancer un peu sur les comptes de la veille. Il manquait une recette et comptait bien trouver où, quand, comment. Andrea, soucieuse de ne pas le gêner dans son entreprise, s’installa près de lui et écouta son raisonnement, qu’il expliquait gentiment à voix haute à son attention. Elle le suivit sans aucun mal, alors qu’il expliquait les flux monétaires dans l’établissement, les pôles les plus avantageux, les marges indispensables à faire.

Et étonnamment, Andrea n’eut aucun mal à le comprendre. Ayant pris quelques cours de gestion et d’économie terrienne, habituée également à tenir les comptes d’une maison depuis toute jeune, tandis que sa mère était malade, la logique présentée par Isaac n’avait rien d’incompréhensible.

« Isaac, si tu te reposes aussi peu que le dit Law, je pense qu’il est grand temps que tu te fasses un peu aider. Si ça te convient, je postule ! Je compte chercher un travail en dehors d’ici, mais passer le reste du temps à t’aider me plairait. Je sais que Law sera occupé au moins vingt heure sur vingt-quarte, alors il faut bien que je m’occupe. Limite, ça me rendrait service que tu acceptes. »

Il fallut quelques supplications de la part d’Andrea pour que le gratte papier finisse par accepter, à la condition que son patron soit d’accord, ce qui allait de soi.

« Ah mais cette aide ne sera pas gratuite. En échange du temps que je compte te faire gagner, je veux que tu m’apprennes la vie ici. Je sais bien qu’il n’aura pas le temps de tout me faire découvrir et je refuse de rester l’étrangère, l’ignorante. Transforme-moi en nexusienne, tu veux ? »
- Vous ne me laissez pas vraiment le choix, répondit Isaac avec un sourire amusé avant de se permettre une question. Au fait, est-ce que son costume lui allait bien ?
« A la perfection. Si c’est ton idée, je te remercie. Je vais lui choisir autre chose pour ce soir, malgré tout. Enfin, s’il a le temps de sortir. Je sais bien que ce ne sera pas forcément le cas. Ou alors, exceptionnellement. »
- Il prendra le temps pour vous. Mais ne dormira sans doute pas de la nuit pour récupérer les heures passées à s’amuser.

Andrea rigola de bon cœur, c’était en effet probable. Et il reviendrait pour son réveil, juste pour lui dire bonjour ? Terminant la page de comptes avant de la passer à Isaac pour qu’il la vérifie d’un coup d’œil, la jeune femme s'inquiéta de  la suivante en continuant de discuter sans toutefois faire la moindre erreur, du moins Isaac ne lui en reprocha-t-il pas.

« Et après, il ira tirer son coup avec la première venue pour chasser la fatigue, je suppose. »
- Cela ne vous dérange pas ? Je veux dire… Il a toujours été comme ça. Ce n’est pas de l’amour, vous savez. Il a beaucoup de responsabilités et c’est juste un exutoire…

Andrea hocha la tête. Elle le savait parfaitement et l’acceptait. Bien sûr, le savoir en serrer une autre dans ses bras lui ferait toujours un pincement au cœur, mais jamais elle ne l’empêcherait d’avoir cette soupape de décompression. Elle n’avait aucune envie de le brider ou de le dominer par la force. De toute façon, Andrea ne resterait que jusqu’à ce qu’il ne veuille plus d’elle, qu’elle soit une contrainte pour lui. C’est aussi pour cela qu’elle voulait apprendre à faire partie de ce monde, pour le jour où elle serait livrée à elle-même. Aux côtés d’Isaac, elle comptait bien faire des efforts rapidement.

Une fois les comptes terminés, Isaac se proposa de l’accompagner jusqu’aux appartements de Law. Andrea accepta volontiers, certaine de se perdre dans ce labyrinthe sans fin. Alors qu’elle sortait de la pièce, un jeune esclave la bouscula, la faisant trébucher et se rattraper sur le mur de justesse. Andrea se redressa et, s’apprêtant à passer son chemin, elle croisa le regard imperturbable mais froid d’Isaac. Puis ses yeux se posèrent sur l’esclave qui attendait, tête baissée, murmurant des excuses à peine audible. Son attention repassa de l’un à l’autre, alors qu’elle hésitait. Elle savait ce qu’elle devait faire mais se refusait à exécuter le geste. L’esclavage était encore une notion trop fragile, elle ne pouvait pas frapper ce gosse, sans doute plus jeune qu’elle d’un ou deux ans. Et pourtant, sa main se leva et la gifle partit, retentissante. Le cœur serré, elle regarda la marque rouge, synonyme de douleur, s’étaler sur la joue du garçon. Mais elle vit surtout le soulagement dans son regard. Il était libéré de sa maladresse, puni et pouvait donc s’excuser réellement et repartir. Il n’était pas resté impuni, rongé par la culpabilité, et en plus cible de trop de pitié. Si elle ne l’avait pas frappé, il aurait sans doute été cent fois plus coupable. Il s’inclina et partit, alors qu’Isaac approuvait d’un signe de tête muet.

C’était difficile à accepter, et pourtant Andrea ne pouvait changer ce système. Il fallait donc qu’elle l’épouse. En punissant ce garçon, elle lui avait rendu plus service que si elle s’était inquiétée de son état. La gifle l’avait pardonné à juste titre, alors que sa seule gentillesse n’aurait été qu’un fardeau, une dette à ses yeux. Fonctionnement bien triste et compliqué moralement à gérer. Et pourtant nécessaire. C’est en silence, réfléchissant aux conséquences que sa mansuétude aurait pu avoir, qu’Andrea fut laissée à la porte de la chambre de Law par un Isaac qui retournait travailler. Entrant, elle prit quelques secondes pour se reprendre. Punir sauvagement, mais récompenser généreusement ; doser parfaitement entre le respect et la crainte, lui avait-il dit un jour.

« Challenge accepté » murmura-t-elle avant de chercher son armoire. Lui trouver de quoi s’habiller pour ce soir. Et chasser de son esprit le regard suppliant de l’esclave juste avant la claque.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le mardi 18 février 2014, 15:39:05
-Jouons.

Lorsqu'il arrivait, tous se figèrent. Le croupier savait qu'il se passait quelque chose, et c'est par prudence qu'il abandonnait tous les jeux, rendant leur mise de départ aux participants avant de leur signifier, avec un sourire et une politesse, qu'il vaudrait mieux les laisser.

-Seriez-vous...
-Le propriétaire, ouip.
-Oh, je vois. Vous soupçonnez donc que ma chance est artificielle et que j'userais de tricherie ?
-Je ne soupçonne pas, je sais. Vous puez la sorcellerie. Je vous félicite d'avoir réussi à déjouer nos systèmes de blocage, mais ça ne vaut rien contre moi. Poker, un contre un. Si je gagne, vous êtes à moi. Si je perd, je vous laisse partir avec vos gains.



Il s'amusait, comme d'habitude. Il jouait à ne pas regarder les cartes qu'on lui distribuait, à en rejeter une, ou deux, presque au hasard, qu'on lui changeait immédiatement. Mais il sentait une perturbation dans l'usage de ses tours : Il lui était parfois difficile de reconnaître mentalement les cartes, et il lui était parfois nécessaire d'en toucher le dos pour être sûr de leur identité. Il arrivait même (et c'était chose bien rare) qu'un neuf de trèfle devienne un cinq de trèfle en plein milieu d'une partie. Il était sûr que l'autre était responsable. Mais Law aussi avait de la ressource : Toutes ses cartes masquées se transformaient en rois et en as ; l'adversaire tentait de les transformer immédiatement, mais le boss faisait, semble-t-il, barrage. Nul ne savait ce qu'il se passait pendant les longues secondes où ils semblaient simplement se défier du regard, mais ça avait l'air vachement prenant, surtout pour cet adolescent blond, esclave depuis quelques années, naïf et un peu idiot, mais pourtant bien serviable, qui se disait que ce jeu était super sympa, et qu'il aimerait bien enfin apprendre à y jouer, un jour, quoi.

La partie suit son cours. Law domine presque chaque manche, avec une justesse impeccable.

-Full. Encore. 5 à 1. C'est fini.
-Ecoutez, Monsieur Raine... Entre nous, j'ai des choses à vous apprendre, vous savez ?
-Non. La triche n'est pas tolérée ici.


Le joueur sourit, en baroud d'honneur, avant de se lever de son siège pour espérer partir... Mais une carte le stoppe. Une simple carte qui apparaît de nulle part et vient se coller sur l'un de ses yeux, plof, comme un moustique sur un pare-brise. Il la retire patiemment, mais une autre vient le frappe, à l'autre œil. Une par une, trois par trois, dix par dix, les cartes s'envolent des paquets et le heurtent, se fixent sur son corps. Il a beau remuer, elles refusent de partir. Papillons enragés, une pleine nuée l'entoure, le recouvre, devenant rageurs, coupants : Certaines, en virevoltant autour de lui, tranche sa peau vivement ; une carte s'enfonce entre ses lèvres lorsqu'il grognait, suivies par d'autres qui s'enfonce jusqu'à sa gorge. Elles se succèdent et cherchent à l'étouffer, et peu importe qu'il se débat, rien n'y fait. Un million de rectangles en cartons fins le harcèlent, forment un brouillard autour de lui, tentant de l'assassiner. Il tombe au sol, asphyxié, faisant des grands gestes dans tous les sens.

Les spectateurs regardent, horrifié, cet homme se débattre avec le vide, comme pris d'une crise de folie, et suffoqué alors même que sa bouche est libre et grande ouverte. Sa défaite contre Law semble l'avoir fait sombrer dans un autre monde.

-Remettez-le aux autorités. Triche dans une maison de jeu, usage de la magie à des fins illégales et tout le bordel. Je ne veux plus jamais le revoir. Il est arrivé avec combien ?
-Quand j'ai pris la table, il était déjà installé depuis quelques minutes. Il cumulait un peu moins de mille, Maître.


Law prend une poignée de jetons d'une bonne valeur, les jaugeant vite fait. Il devait cumuler un peu plus de cent pièces d'or en tout.

-C'est toi qui a alerté le responsable de salle ?
-Oui, Maître.
-Cadeau. Prime de mérite. Ton service est terminé, va dépenser.


Il abandonne les jetons devant son croupier et s'éloigne d'un pas assuré. Quelle classe, quelle style, quelle générosité. Une opération de comm' parfaitement réussie, puisque tous s'émerveillent sur l'extravagant don fait à l'employé, qui représente pour beaucoup de Nexussien plusieurs mois de salaires, et parlent d'ô combien ce patron est trop bien, il mouille le maillot pour défendre son pré-carré, puni les tricheurs tel un justicier, mais il sait se faire magnanime et les remet aux autorités légitimes de la Nation, il récompense, et il est beau en plus !... Oui, bon, tout n'est que manœuvre et illusion. Oui, il agit dans ce qu'il estime bon, mais il y a toujours un but sous-jacent derrière, et c'est là que son génie s'exprime.

-Charly ! Content de te voir. Dis-moi ce que j'ai à faire.
-Une certaine comtesse demande à vous parler.
-De la Cour ou du pays ?
-Pays.
-Elle aussi, elle cherche à se prostituer anonymement ?
-Non, apparemment, ce serait quelque chose avec son amant, qui aurait des dettes, mais elle est restée vague.
-Très bien. Ensuite ?
-J'ai deux papiers à vous faire signer, venant de Monsieur Isaac, et nos espions nous rapportent que la princesse Tricia est mourrante et que son fils prépare sa succession. Il n'y aura normalement pas de problème quant à nos impôts là-bas.
-Isaac va bien ?
Demande-t-il alors qu'il s'arrête de marcher, en plein milieu des joueurs, pour lire les documents qu'il devait parapher.
-Entre nous... Il a l'air fatigué, Maître.
-Hm. Hm. Hmm hm. Oui. Hm. Normal... Oui.
Deux signatures, et il relève la tête. Vous ne faites plus remonter aucun rapport à son bureau. Quand il viendra les demander, vous lui direz de venir me voir personnellement. Transmettez aux autres Pairs. Où est la petite comtesse ?



La noble repartait, visiblement contentée. L'entrevue avait duré quelques minutes, pendant laquelle elle avait remboursé personnellement les dettes de son jeune amant, puis s'était assuré de garanties quant à lui, si il devait revenir. Un secrétaire avait tout pris par écrit, échange de politesses, et zou, au revoir. Congédié par Law, l'employé s'en allait, permettant au boss de s'allonger sur le canapé qui soutenait auparavant ses fesses. Long bâillement. Cette sensation de chaleur au visage, flottement désagréable, manifestation de la fatigue. Il s'accordera ainsi quelques minutes de rien, fixant le plafond. Il est exténué. Le sommeil tente de le saisir, mais il s'en extirpe de justesse en se redressant brusquement, et en se mettant en tête d'aller quérir quelque chose à manger.
… Mais non. À peine debout, il se rallonge, propulsé dans le fond du meuble rembourré, pris d'un léger vertige. Pression sanguine ou quelque chose du genre, peut-être. Il s'en fout, il ne sait même pas ce que c'est que la pression sanguine, et il n'a de toute façon jamais entendu ce terme. Bon, on va rester ici un peu.



Le sommeil fut court, mais suffisant. Il repartait au trot, montant dans les couloirs. On l'avait sollicité une nouvelle fois quant à une sanction pour un esclave voleur. Pas le cœur à être cruel, juste dix coups de cravache et privé de repas pour cinq jours, à part le pain et l'eau. Cheminant dans le dédale, il tombe sur son fidèle acolyte, raide et sobre dans sa tenue, se dressant devant lui.

-J'ai vu Mademoiselle.
-Pas mademoiselle. Majesté.


La correction péremptoire fait sourire Isaac.

-Comment va-t-elle ?
-Bien. Elle m'a aidé, pour ça,
dit-il en soulevant le dossier relié en cuir.
-Elle comprend ce que tu fais ?... Elle a un sérieux avantage sur moi.
-Elle veut être payée. M'aider contre salaire.
-Bonne idée.
-Je n'ai p..
-Écoute, elle est amenée à tout connaître de cet endroit. Autant qu'elle commence tôt. Si elle arrive à combler mes faiblesses, je ne vais pas m'en plaindre. Et toi, putain, toi... prend un congé. Laisse-lui de quoi travailler pendant trois jours et dégage d'ici.
-Si elle se trompe ? Je vais devoir corriger.
-Non, elle corrigera elle-même, elle est grande et responsable. Donne-lui ce que tu penses à sa portée, met le reste de côté, et prend un peu de temps pour toi, j'ai plus envie de voir ta gueule, mon beau.
-Tyler, entre nous... Tu lui fais vraiment confiance ?
-Entre nous ?... Elle me fait penser à un gosse que j'ai rencontré il y a quelques années, avec qui je plumais des pigeons dans la rue avec des mécanismes de taux de jeu truqués.


Deux employés passent, s'inclinent bassement en les contournant, les obligeant à mettre en pause la discussion.

-Bon... Je vais filer.
-Tyler ?
-Hm ?
-Les courtisanes... tu peux t'en passer en sa présence?
-Vous en avez parlé ?
-Non. C'est moi qui m'en inquiète.
-Ecoute... Je suis un homme changeant, je vole au gré du vent. Qui sait où celui-ci me portera demain.




-Mademoiselle Andrea ?

Une magnifique quarantenaire, probablement la plus bonnasse et la plus jolie de toutes les femmes de cet âge qu'Andrea ne verra jamais, s'approche d'elle avec un grand sourire. Belle robe bleue à larges volants, mais pas trop, décolleté très avantageux, haut chignon à deux étages d'où beaucoup de mèches pendaient, élégante couronne de fleur, nombreux bijoux, mais pas trop. Elle s'incline.

-Maître Raine m'envoie. Je suis Cécile. Il m'a demandé de vous montrer quelque chose.

Par prudence, elle taira son rôle dans les établissements de Law : Dans la maison de jeu de Law ainsi que dans ses bordels, elle était chargée de la tenue et du bien-être des esclaves. Une femme de goût, distinguée, qui savait ce que signifiait les mots « classe », « provocant » et « sage » lorsqu'on parlait vestimentaire. Et oui, il était déjà arrivé, à quelques reprises, qu'elle partage le lit du boss... Disons que ça lui changeait de se taper des esclaves qui, eux, manquent de passion, mais leur obéissance et l'endurance qui en découle compensaient pas mal cet état de fait.

Cécile la menait jusqu'à une aile où se trouvaient nombre de servantes et servants, la plupart avec des colliers de cuir ou de fer autour du cou. Derrière une porte, se trouvait le plus grande étalage de mode ancienne qu'Andrea n'aura jamais vu : Une salle dont les murs sont cachés par toutes les armoires qui s'y trouvent, les encerclant littéralement. Comme chez un apothicaire, l'endroit fait plusieurs étages, et il faut une échelle pour monter sur les mezzanines et accéder aux richesses supérieures. Chaque meuble est sans porte, possède un bon mètre de profondeur. Au total, des milliers de toilettes, allant du plus sévère au plus aguicheur, des robes, des sous-vêtements,, énormément, des corsets, des accessoires en tout genre, chaussures, bas, rubans de toutes les couleurs, chapeaux, gants en soie...

Ce sont nos "au cas où". On achète toutes les belles pièces trouvées sur le marché ou dans les échoppes et on les laisse ici, prêt à être portés quand une occasion vient. Les bijoux sont juste en face, mais il faut ma clé pour y entrer. Vous comprenez, pour éviter le vol... Il a dit que vous pouviez vous servir. Il m'a aussi dit... (Et elle semble s'étrangler en le disant, tant ça lui fait mal), que, si ça vous inquiète vraiment, la location sera retenue sur votre salaire. Je me dois d'être honnête envers vous : Il a aussi dit qu'il ne le ferait pas réellement. Je vous laisse vous servir... Et suis à votre disposition. Beaucoup de ces tissus n'ont jamais, jamais été portés. Pour les retouches, nous avons quelqu'un qui peut s'en occuper.

Quelques secondes plus tard arrive enfin l'incriminé, un genre de banane en main, mais un peu plus épaisse, et entièrement verte. Il la mâche sans trop de retenue, salue son employée, et se tourne vers Andrea.

Tu m'as trouvé quoi, au juste ?... À ce propos, j'ai dégoté une invitation chez un baron, tiens. Si ça t'intéresse d'aller là-bas plutôt que dans une fête un peu plus populaire, c'est toi qui voit. Franchement, les bringues chez les nobles de la Cour, y a pas plus Nexus.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le mardi 18 février 2014, 17:12:02
Quand on vint la déranger, Andrea était déjà allongée par terre. Oui oui, par terre. Elle eut bien aimé avoir une bonne raison, mais elle avait simplement trébuché après avoir choisi la tenue qu’elle donnerait à son partenaire du soir. Ses pieds s’étaient emmêlés et avaient décidé de se dire bonjour, la laissant s’étaler sur le sol de la chambre. Ayant gardé les vêtements serrés contre elle pour ne pas les abîmer, elle laissa un rire étouffé secouer sa poitrine, puis le fit exploser dans la chambre en s’essuyant ses yeux qui pleuraient de rire. Cela dura un bon moment, avant qu’elle ne se calme, posant les fripes sur son ventre en allongeant les bras. Andy fixa le plafond en prenant de grandes inspirations. Elle était enfin à Nexus, mais surtout elle était enfin libre. Seiji revint un moment hanter sa mémoire. Elle revoyait son corps se balancer au bout de la corde, puis tomber pour se briser sur le trottoir. Avait-il survécu ? Il était probable qu’il soit en réanimation, en train d’être maintenu en vie artificiellement pendant que son père pleurait à ses côtés. Si seulement c’était arrivé ici… Sa mort serait passée presqu’inaperçue. Impersonnelle. Et il n’aurait bénéficié d’aucun établissement de soin.

Andrea se demandait encore pourquoi Law lui avait épargné la première mort. Pour le faire souffrir encore plus, réfléchir à la haine de sa prétendue sœur à son égard ? Pour lui donner l’occasion de se donner la mort lui-même, pour expier ses fautes ? Ou bien le condamner à une existence qui n’était qu’à peine vivable. Levant les bras au-dessus d’elle, Andrea écarta les doigts, puis agrandit l’espace entre ses mains en descendant celles-ci progressivement vers le sol. Tout cela, tout ce qu’il y avait à perte de vue était à elle. Son monde n’avait plus d’autre limite que son champ de vision. Seiji était mort, ou pire. Elle ne craignait plus son influence comme la dernière fois où elle avait été incapable de s’en défaire réellement. La colère s’était tarie, aucune tristesse ne venait déranger ses traits. Comme si elle ne ressentait déjà plus rien. La jeune femme réalisait qu’elle avait réellement tout laissé derrière elle, jusqu’à ses peurs, ses doutes et ses attaches. Passer cette faille avait été un renouveau, comme un lavage de cerveau. Tout ce qui avait toujours eu tant d’importance n’en avait subitement plus aucune. Des futilités.

Maintenant elle avait une occupation conséquente, peut-être bientôt même deux travails pour occuper ses journées. Plus que tout ce qu’elle n’avait jamais fait. Elle pourrait être utile à Law, de surcroît, et rester à ses côtés jusqu’à ce qu’il se lasse. Alors elle tournerait la page de cette splendide parenthèse qu’elle savait ne pas être éternelle, et continuerait sur sa lancée, en solitaire.

A l’évocation de son prénom, Andrea se redressa, surprise, et rougit légèrement de confusion. Elle devait paraitre bien bête, allongée par terre, l’air épanoui. Une fois debout, elle salua la nouvelle venue sans pouvoir détacher son regard de son visage. Quel âge avait-elle ? Elle semblait ne pas en avoir. Particulièrement soignée, et étrangement Andy se sentit en confiance et apaisée dans l’instant. Y avait-il vraiment des gens qui endorment ainsi votre vigilance et en qui l’on ne peut que croire ? C’est l’effet qu’elle lui faisait, en tout cas. Elle la suivit presqu’aveuglément, certaine qu’ici il ne lui arriverait rien. Passant au milieu des serviteurs et autres esclaves, Andrea garda la tête droite, chassant les remarques qui lui venaient à l’esprit. Vivre avec, tu te souviens Andy ? Epouser ce monde. Serrant toujours les habits piochés dans l’armoire de Law, la jeune femme faillit les lâcher quand les portes de la plus énorme penderie qu’elle ait jamais vue s’ouvrirent. Etait-ce réellement possible de destiner autant de place à des habits ? Elle songea d’abord que la plupart des tenues osées qu’elle voyait devaient être portées par les jeunes femmes employées ici.

Et les autres aussi, d’ailleurs. Après tout, il était probable que certains hommes préfèrent l’austérité d’une tenue sur un corps bien fait que de tout voir, tout de suite. Timide, n’osant pas vraiment se servir, Andrea se contenta d’avancer dans la… pièce, dédiée à la mode, et de s’extasier. Des tissus qu’elle ne connaissait même pas, des tenues invraisemblables, des accessoires dont elle ne soupçonnait même pas la fonction…

« Je sais bien qu’il n’en fera rien. Merci, Cécile, j’aurais très certainement besoin d’aide. Et sérieusement, vous pourrez lui dire qu’il est totalement fou d’avoir accumulé autant de… »

Mais il arriva avant qu’elle ait eu le temps de finir sa phrase. Nonchalant, comme à son habitude. Elle lui sourit et termina.

« …Autant de vêtements. Comment veux-tu que je choisisse quelque chose là-dedans sans mettre cinq heures ? Ah oui, tiens »

Elle lui tendit son petit paquet. Pensant vraiment sortir seulement dans Nexus, Andrea s’était contentée de lui prendre une chemise d’un rouge très sombre, une nuance grenat qui lui allait au teint en plus de se marier parfaitement avec ses longs cheveux bruns. Le tissu au niveau des bras était assez large, resserré aux poignets et maintenu par des boutons de manchette. En bas, un simple pantalon noir, à la fois confortable et élégant. Une classe sobre, dans la retenue, mais elle était certaine que cela lui irait parfaitement. A elle maintenant…

Tout en plongeant dans quelques rangements, essayant de ne pas trop perdre de temps, elle écartait certaines tenues et hésitaient devant d’autres.

« Tu as le droit d’avoir une préférence aussi. Pour ma part, je préfère ta première proposition. Je ne connais pas encore les usages et je ne voudrais pas risquer ma tête parce que je n’aurais pas salué dans le bon ordre les hôtes. Ceci dit… » continua-t-elle en sortant la tête d’une penderie, un simple ruban de corps à la main, comme pour se mettre en papier cadeau, un sourcil levé d’un air sceptique et amusé « Ce doit être un lieu très amusant, pour quand je pourrais le décrypter. »

Trop de choiiiiix. N’importe quelle fille serait ravie, Andrea était perdue. Devait-elle essayer de lui plaire en portant quelque chose d’agréable à regarder, ou au contraire s’éloigner de toutes les représentations sexualisées de la femme qu’il avait devant les yeux à longueur de temps ? Privilégier le pratique, prête à toute éventualité, ou bien se ranger sous sa protection et se mettre à nu ? Le mal de tête pointait quand elle trouva enfin ce qu’elle cherchait. Un pantalon, heureusement il y en avait ! Un bon vieux pantalon noir, qui lui ferait comme une seconde peau vu son aspect moulant. Avec ça, elle pourrait bouger autant qu’elle le voulait. Rien de plus pratique qu’un bon vieux pantalon. Peu approprié pour une soirée à la Cour, mais parfait pour ce soir. Sans se soucier une seule seconde du caractère un peu étrange pour une femme de porter un pantalon ici, elle le posa sur son épaule, avant de fouiner encore un peu et de mettre la main sur un très beau corset. Il était souple, la laissant bien libre de ses mouvements. Noir également, des broderies d’un argent mat se baladaient sur le tissu. Pas trop décolleté, il remonterait haut sur sa poitrine, dégageant ses épaules et son cou sans être vulgaire. Suggestif, à peine. Andrea redescendit mécaniquement de son perchoir, amoureuse de cette pièce.

Récupérant au passage un ruban du même rouge que la chemise de Law, elle refit sa tresse en partant du haut de son crâne, la serrant davantage et y nouant le ruban qui retomba avec ses cheveux sur son épaule gauche. Une fois de plus, bien loin des notions de pudeur et d’intime, Andrea enleva son short, enfilant le pantalon avec un plaisir certain. Tellement confortable, épousant ses hanches et ses jambes sans le moindre mal. Pour le haut, elle réclama l’aide de Cécile après s’être tournée vers elle pour enlever t-shirt et soutien-gorge, la laissant placer le corset, puis se tournant pour qu’elle l’attache.

« Merci Cécile. Juste des boucles d’oreilles en argent suffiront. »

Enfilant des bottines à léger talons, Andrea prit grand soin d’attacher sa dague le long de son mollet. Fin prête, elle se tourna vers Law et s’adressa à lui sans même poser de questions, se contentant d’affirmer.

« Tu as vu Isaac je suppose. Il n’avait pas bonne mine. Il a dû te dire que je compte occuper une partie de mes journées à le soulager. »

Cécile s’occupa de resserrer l’habit, sans la faire étouffer, remontant un peu sa petite poitrine par la même occasion, lui apportant les bijoux demandés en refermant soigneusement derrière elle, et attendit d’autres ordres de son maître.

Au même moment, un des nombreux hommes de Law se permit d’entrer, et de venir chuchoter à son patron une information cruciale selon laquelle les forces de l’ordre venaient étonnamment de mettre la main sur une petite frappe du quartier ouest de Nexus. Cet insecte avait été pris en flagrant délit de meurtre, alors qu’il finissait d’égorger un homme pour le moment encore inconnu. Or, le meurtrier donnait son nom comme principal commanditaire et responsable de l’ordre de mort qu’il n’avait fait qu’exécuter.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le vendredi 21 février 2014, 13:38:10
Il se mettait immédiatement nu, là encore sans la moindre pudeur, avec une froideur loin d'être attirante,  et d'enfiler ce qu'elle lui donnait sans broncher, renfilant ses bottes en y donnant au passage un petit frottement de la paume au bout, de quoi en dégager un peu la poussière. Tourné vers Cécile, il prend son avis. Elle acquiesce. Il fait de même. Son col rajusté, elle retourne s'occuper d'Andrea lorsqu'il se voit sollicité.

Il avait déjà entendu ça auparavant. Il connaissait ce genre de problème. Et refusait généralement de soudoyer dans ces cas-là. Problème étant que cette fois, selon son homme, les autorités étaient intéressées. Law n'aime pas quand ils s'intéressent à quoi que ce soit qui le regarde : Pour lui, le rôle de l'Etat était de lui foutre la paix, et c'était pour cela qu'il les payait grassement. On lui parlait alentour, mais il n'écoutait pas, se contentant de fixer un mur avec insistance, comme si celui-ci avait un intérêt fou. Il n'était en réalité que du rien, et c'était en ça qu'il retenait l'attention de Law : Il lui permettait de réfléchir.

Andrea... Tu vas découvrir comment marche la politique à Nexus.



Les ors de Nexus n'avaient rien à envier à ceux de la terre. Le Palais d'Ivoire avait ce quelque chose de grandiose que le Pouvoir nécessitait : Il fallait en jeter un max pour que le peuple comprenne pourquoi il paie aussi cher ses impôts. L'armée, les services, la finance, la justice, tout cela était dérisoire : Il fallait du monument, et si possible fonctionnel, pour que la grouillante populace ait l'impression que le vol organisé par les taxes diverses et nombreuses ait du concret à se mettre sous la dent. C'est grand, c'est beau, c'est utile : C'est donc normal que les prélèvements obligatoires augmentent. Cette mécanique marche d'ailleurs pour tout ce que l'Etat décide.
Attention : Un certain niveau d'éducation permet de réfléchir en-dehors de ce cadre, ce qui peut être dangereux, ne le manipulez donc pas chez vous en l'absence d'un Officiel qui vous dira comment penser.

Elle ne verra pas la Reine, qui n'est apparemment pas là selon les avis de Law : Les membres de la garde impériale sont peu nombreux dans le coin, elle doit donc être ailleurs. De toute façon, il ne cherchait pas à la voir. Il voulait voir celui qu'il appelait le numéro deux, un grand chambellan ou quelque chose du genre, l'équivalent d'un premier ministre sur terre. Pas là non plus. Là, ça le contrariait. Au haut fonctionnaire qui le recevait, il demandait alors à voir le chef de la police. La police n'existe pas à Nexus : Ce terme est utilisé simplement comme « responsable de la sécurité intérieure ».
Et lui, il est là. Ben voyons.  « Le soleil va se coucher et il ce branleur est encore là. Ben voyons. » Tiens, mon personnage répète ce que je dis... intéressant. Peu importe qu'ils soient dans un couloir du palais, emmené par un officiel, quelques gardes parsemant leur chemin : Il parle à voix haute sans le moindre souci.

Si jamais tu t'inquiètes du protocole, retiens simplement le mien : Ici, aucune courbette. Tu gardes la tête haute, tu dis bonsoir si tu as envie, tu te sers allègrement si il y a à manger, et si tu as envie de casser un truc qui coûte cher, par maladresse bien sûr, j'en serais ravi.

Un jeu de pouvoir, donc. On ouvrait les grandes portes d'un bureau lambrissé, tenturé et tout ce qu'il faut de pompeux et d'outrageusement cher pour que ça donne une certaine classe à son locataire, qui pourtant ne semblait pas en manquer. Fier et visiblement hautain, ce grand homme fin, au nez haut, aux petits yeux perçant et aux manières lentes, attendait derrière son bureau. Law entré, il se levait pour le saluer, salutations non-rendues par l'esclavagiste qui ne s'inclinait pas en retour.

« -Certaines histoires viennent à mes oreilles. Des histoires qui ne me plaisent pas.
-Alors, ne laissez pas traîner vos oreilles, sire Raine.


Law se renfrogne un instant, puis reprend posément.

-L'on m'a dit que vous aviez entendu le malfrat pris.
-Il dit des choses intéressantes. J'ai le contenu de son entrevue ici.
-Les mensonges ne sont intéressants uniquement quand ils racontent de belles histoires.
-N'est-ce pas une belle histoire ? Il dit même que vous l'avez menacé lorsqu'il aurait refusé d'agir. J'en suis encore tout retourné.


Ne prenant même pas la peine de feindre ses paroles, il laissait s'installer sur son visage un sourire mauvais en dévisageant Law, puis Andrea, sur qui il ne posait pas de question, même s'il comptait bien l'utiliser à un moment ou à un autre.

-Je ne connais pas cet homme.
-Oh ? C'est sa parole contre la vôtre.
-Celle d'un criminel pris sur le fait contre un honnête homme qui n'a jamais été condamné.
-Celle d'un criminel contre un autre criminel, sire Raine, et d'une envergure autrement plus grande.


Law soupire. Exaspéré.

-Je ne paierais pas pour lui.
-Ah non ? Pourtant, d'habitude, cela ne vous gêne pas.
-Parce que d'habitude, soyons honnête, les personnes me sont liées. Ce n'est pas le cas ici.
-Alors ne payez pas.


S'il te plaît, Andrea, bouche-toi les oreilles, parce que le héros d'insoumission s'apprête à ployer devant la toute-puissance de l'Etat Nexussien et de ses petits fonctionnaires magouilleurs.

-Qu'est ce que vous voulez ?
-Pardon ?
-L'or ne vous intéresse pas... Je vous offre dix esclaves, parmi mes meilleures. Je vous offre la tête du Baron Susa, celle de ses deux fils bâtards avec, et de sa folle de sœur. Et je vous soutiendrais auprès du Conseil lorsque le chambellan calanchera.
-Non, merci.
-... Je ne peux pas faire plus.
-Mais je ne vous demande rien. Comprenez : J'ai déjà trois juges qui se battent pour vous avoir. Voyez comme ça va vite, avec vous : D'habitude, il me faut des semaines pour instruire un procès de ce genre. Demain, le premier à avoir dessaoulé vous aura dans son prétoire.
-Pourquoi... l'affaire est-elle déjà aux mains des juges alors même que le type a été capturé il y  a quelques heures.
-À client exceptionnel, traitement exceptionnel. Je vous l'ai dis : Avec vous, ça va vite.
-La satisfaction de mes partenaires est le premier de mes soucis. Rapidité et qualité sont deux de mes arguments de vente.
-A ce propos : Quand vous reviendrez, n'amenez pas vos putes avec vous. Vous n'obtiendrez rien de cette manière. »


Il se tourne vers Andrea, et quelque chose le frappe soudain. Il tourne le dos à son interlocuteur et emmène la jeune femme avant qu'elle n'ait pu répondre quoi que ce soit : Il n'était pas nécessaire d'en rajouter. Mieux : Il était nécessaire de ne pas en rajouter.

Étrangement, alors que les portes se sont refermés et qu'on les raccompagne vers la sortie du palais, il sourit. Il y avait de quoi se demander pourquoi.

C'est un complot. Il est dans le coup. Il n'a rien tenté pour aller dans mon sens. Ses intérêts sont supérieurs. Il veut que je tombe. Rien ne va aussi vite avec la bureaucratie Nexussienne. Et ce type est normalement corruptible... Tu as vu ce qu'il vient de se passer ? Ca veut dire que je n'ai rien vu arriver. Et tant mieux. Ils ont pris des précautions pour que je ne sache rien. Ce qui signifie...

L'aveu agrandit son sourire.

… Très honnêtement, j'aime penser qu'ils me craignent à ce point.

Il s'arrête un instant en faisant stopper l'obséquieux officiel qui leur servait de guide, faisant craquer ses doigts, puis le saisit pour le projeter avec violence contre une fenêtre, ne lâchant pas son col. Aucun carreau cassé : Il utilisera donc la tête de sa victime, en la prenant par les cheveux, pour briser le verre à l'arrière de sa tête, faisant s'écrouler le type au sol, qui glisse et atterrit mollement sur son cul. Deux soldats approchent, véhéments : Law leur fait un geste pour les stopper, puis porte une main à sa ceinture. Ils s'arrêtent effectivement, pensant croiser le fer. Point. Il se contente de jeter quelques pièces à leurs pieds.

Vous direz à votre supérieur de rajouter ça à mon procès. Violences, dégâts matériels sur des biens officiels, et corruption.

Il serre Andrea près de lui et les évite soigneusement. Il connaît le chemin.




Admettons-le : Ils faisaient tâche. Déjà, à l'entrée, devant les fiers majordomes qui faisaient le passage. Oui, il était sur la liste, il pouvait rentrer. Mais... Dans cette tenue ? Le crépuscule était déjà là, il y avait bien peu de monde, mais l'agitation battait son plein chez les serviteurs, ceux qui dans quelques dizaines de minutes deviendront des invisibles, transparents aux invités à qui ils rendront service avec diligence, et un zèle certain. Pour l'heure, les uns installaient des tables de banquets dans les grands jardins, tandis que d'autres arrangeaient les décorations et les autels sommaires consacrés au dieu de la nuit. Ben oui, il ne fallait pas oublier l'excuse qui justifie cette soirée.

Dans l'espèce de manoir où ils étaient entrés, quelques nobles s'y trouvaient déjà, en grande tenue, mesdames avec leurs robes compliquées et froufroutées, messieurs dans leurs tuniques de soirée. Il y avait un haut militaire en bel uniforme. C'est un grand type, un peu bedonnant, à l'air bonhomme et souriant, qui saluait Law, déposant son verre d'alcool sur le piédestal d'une statue qui traînait par-là pour se précipiter sur lui et le serrer dans ses bras, accolade rendue par l'homme d'affaires.

« -Racaille !

Et il riait, visiblement assez copain avec lui pour... le tutoyer. Oui oui.

-Tu vas me filer mauvaise réputation si tu restes ici. Et, oh... mademoiselle...

Il prenait la main d'Andrea et l'embrassait, avant d'incliner le corps entier, son buste presque à l'horizontale, parfaite révérence qui tranchait avec son aspect un peu bourrin. Un vile rustre avec une haute éducation.

-Andrea, je te présente le comte Loeis Cera Makhno. Comte, voici Andrea. Elle est... Disons... La femme qui partage ma vie. Jusqu'à ce qu'elle en ait marre de moi.

Le noble paraissait impressionné, sifflant longuement.

-Et bien, si l'on m'avait dit un jour que tu te pointerais avec autre chose qu'une femme que tu paies... Pas d'offense, mademoiselle, vous n'avez rien à leur envier. Au contraire. Savez-vous combien d'esclaves rêveraient d'être présentées comme madame Raine, hm ?

Gros coup de coude dans le bras de Law, qui levait les yeux au ciel avec amusement.

-Je suis content de te voir, grand, mais tu es là un peu tôt, tu vas te faire chier ici.
-Je ne viens pas pour faire la fête.
-Ah, c'est ta petite histoire qui te fait des ulcères, hein ?
-Pourquoi j'ai l'impression que ça pue, hein ?
-Entre nous ? Ils veulent ta tête. Je sais pas qui a décidé de ça mais je suis sûr qu'ils pensent être des purs génies pour leur plan, mais entre nous, ça casse pas des briques.
-Alors il y a un plan ?
-Bien sûr ! Comment t'expliques que le juge Briss et son ami le rigolo des procédures criminelles étaient déjà dans le bureau de l'autre enculé lorsque ton homme a été chopé ? … Pardonnez mon langage, damoiselle, je parle mieux en société, en général.


Parce qu'il estime des explications nécessaires, Law se tourne vers Andrea en posant sa main sur l'épaule du noble.

-Ici, le baronnat est offert aux officiers les plus méritants. Le sieur Makhno a gagné ses galons par la force, puis a brillé lors d'un coup d'éclat dont peu de gens auraient été capables. Je te raconterai ça une autre fois. Bref, on lui a donné un baronnat histoire que sa retraite soit tranquille. Après quoi son baronnat fut changé en comté, pour le remercier de ses services rendus.
-Il suffit de rendre service aux bonnes personnes.
-Tu le méritais. Bref, tout ça pour dire que, comme beaucoup, c'est un sacré bourrin qui porte des beaux habits pour faire croire que sa noblesse est naturelle, mais personne n'y croit.


Moment de flottement, pendant lequel le comte s'assombrit.

-Toi aussi, tu mérites ce qui t'arrive.
-Dis pas ça.
-Tyler, tu sais ce qu'il a, l'autre bâtard ? Il est dégoûté parce que tu l'as jamais arrosé. Que dalle. Je te l'ai dis y a quelques temps et tu m'as pas écouté : tu te comportes comme un prince. T'arrive chez les gens, t'exiges, tu soudoies ouvertement, tu le revendiques, et t'en rigoles. T'as humilié le trésor public l'autre fois, pendant une réception officiel. D'accord c'était marrant, mais tu dois te rappeler pourquoi tu fais ça : T'es un hors-la-loi. Y a ça, et y a la jalousie. Quand tu files des putes et de l'or à profusion à ces chiens des ministères et qu'ils s'en vantent parce que tu aimes qu'ils s'en vantent, y en a qui veulent leur part du gâteau.
-Tous des chiens, sans exception, je suis au courant. Mais je m'en fous de tout ça, je veux savoir comment me sortir de là.
-T'as pensé à la Reine ?
-Hors de question. J'aurais du mal à regarder de face quelqu'un que je passe mes journées à dénigrer. J'ai un peu d'honneur, tu sais, je travaille pas pour Nexus, moi, au moins.
-Y a que la Reine qui peut te sauver. De ce que je sais, elle n'est pas au courant de toutes les magouilles qui se trament derrière ton dos. Tu sais, elle est mieux que ses prédécesseurs. T'as pas connu ceux qu'il y avait avant...
-Si, j'étais jeune, mais je m'en souviens. Je me suis toujours juré que si un membre de la famille royale devait avoir un quelconque rapport avec moi, ce serait pour me sucer la queue. Pardon Andrea.
-Hm, c'est pas incompatible. T'es pas mal foutu, et ton charme rustre pourrait lui plaire, elle est en âge de se faire tringler tu sais... Pardon, damoiselle.
-Jamais je ne quémanderai au souverain de Nexus. Elle ou un autre. C'est un principe.


Silence.

-T'as pensé à éliminer ton témoin ?
-Ils ont tout ce qu'il leur faut déjà. Même si je le payais pour dire pendant le procès que tout était une machination, le juge prononcerait quand même ma sentence. Depuis quand les procès sont justes à Nexus ?
-Alors retourne à la criminalité. Terre-toi dans ton casino, mène une guerre civile. La révolution est sourde, mais elle est toujours présente... Il ne tient qu'à toi de la soulever de nouveau.
-Les terranides ont failli brûler mes commerces la dernière fois.
-Peu importe. Les révoltes, ça se manipule, et nous le savons tous les deux. Qui mieux que toi peut faire ça ?
-Je vais me retrouver avec quelque chose d'instable sur les bras alors que je suis sûr qu'il y a une faille dans le système. Il y a toujours une faille. Tout a une faille.


Au passage, il se tourne vers sa belle, avec une arrière-pensée fort négative. Il a une nouvelle faille, à cause d'elle. Il a diligemment couvert les autres, mais celle-ci est un peu trop affichée, il va devoir la masquer pour qu'elle évite de paraître sa faiblesse. Le comte réfléchit à ce que venait de dire Law, retraçant les rouages des procédures de justice à Nexus, des personnes impliquées, et d'un moyen définitif d'étouffer cette conspiration contre l'esclavagiste, pas seulement mettre un dôme dessus, mais l'anéantir pour de bon.

-Menace-les tous.
-Je dois avoir tous leurs noms, et espérer qu'ils tiennent tous, et si je me rate, je serais dans une position autrement pire.
-Fuis.
-C'est mon genre ? Et ils vont démonter tout mon commerce, c'est hors de question, je dois rester et faire front.


Il profite d'un nouveau moment de flottement pour prendre la main d'Andrea et la serrer contre sa chemise, la fixant. De toute ses forces, il prie pour que tu lui donnes l'inspiration. Il faut penser plus loin, voir au-delà des limites habituelles. Quelque chose avec l'amour, l'affection, l'attachement... ting, idée.

-Si je prouve que le mort a un lien avec le juge...
-Tu sais qui est le mort ?
-Peu importe ! Des preuves ça se fabrique. J'ai déjà trente témoins qui pourraient jurer sur l'honneur et les dieux qu'ils ont vu la victime rouler une pelle à la femme du juge, par exemple...
-Et ? Tu le fais changer ?
-Précisément. Ordre signé de la Reine, pour que le procès reste régulier. Je fais marcher le haut conseil pour qu'ils abondent dans mon sens. Parce que tout repose sur Briss, et le tuer ne me rendrai que plus coupable, et les autres magistrats ne me soutiendraient pas. Non, je me contente de l'écarter, et m'arrange pour avoir un juge qui est de mon côté. Cassède, par exemple. Et je l'arrose, et je prend mes garanties auprès de lui. Et je suis même capable de faire tourner le procès à mon avantage et de ridiculiser le pouvoir.
-Pas de vengeance. Essaie simplement de t'en tirer.
-La vengeance est mon motif. C'est ma façon de vivre. Je me venge de tout ce que l'on me fait, et c'est pour cela que l'on me craint. Et, entre nous... Le responsable de la police ne restera pas longtemps en vie.
-Tout le monde saura que tu es derrière.
-Tant mieux. Je le livrerai au baron Susa. Une fois que le procès est clos, je suis tranquille, je fais ce que je veux. Ma prudence s'oblige jusqu'à la fin des hostilités légales. Après, je suis libre. Ca rappellera à tous ces fils de pute de conspirateurs qu'on ne m'atteint pas impunément.
-Tu dois être sûr de ce que tu fais. Réfléchis-y.
-Promis.


Un serveur passe et leur propose des verres d'alcool, de différentes sortes. Law refusant de boire, il fera un signe poli pour l'écarter.

-Tu restes faire la fête avec les pétasses de la Cour ?
-Non, Loeis. Je vais dans la rue. Vous les nobles, vous ne savez pas célébrer la gloire des dieux.
-Nous célébrons uniquement notre propre gloire. Je me tiens au courant de tes petites affaires. Mademoiselle...
(il s'incline.) Permettez-moi de vous dire que votre simplicité vous rend somptueuse, et que, même s'il m'a habitué à avoir du goût en matière de femmes, il me montre qu'il sait encore m'étonner par sa clairvoyance. Si jamais il ne vous satisfait plus, sachez qu'aucune de mes amantes ne s'est jamais plainte.
-Elles ne se plaignent que lorsque tu oublies de les payer.»





Trop de problèmes.

Le poids de la fatigue se faisait réellement sentir. Il serrait les dents pour ne rien exprimer clairement de ce qui le tiraille. Il a tellement envie de se lâcher... physiquement. Taper quelqu'un. Lui distribuer tes pains jusqu'à ce que les débris d'os de crâne éparpillés sous la peau du visage lui coupent les phalanges. Torturer un noble, un responsable de ses tourments, le frapper et l'étrangler de ses propres mains, serrer, serrer, jusqu'à ce que les vaisseaux éclatent, que le sang abonde de tous les orifices de sa tête. Il se contentait de serrer ses poings entre eux, longtemps silencieux.

La musique s'élevait de la rue, et plus on s'éloignait vers la grande avenue de tout à l'heure, plus elle était claire. Les tambours battaient à un rythme vif, et de hautes torches étaient dressées. Le soleil était bientôt mort, la soirée est déjà sombre, et les civils ont déjà commencé à faire la fête.

La rue est pleine, noire de monde, mais aussi illuminée qu'en plein jour. Et bien plus chaude, plus vivante. Les nombreuses flammes, les chorégraphies chaotiques et l'alcool réchauffait plus sûrement que l'astre solaire le faisait lui-même. On hurlait pour entraîner les cœurs dans la fête. Sur les peaux de bête tendues, des batteurs frappaient de leurs matraques, marquant le rythme des musiques. On buvait à profusion, et ça coulait de partout. Danseurs – et danseuses, surtout – peu vêtus cheminaient dans les rues avec les sommaires musiciens. De grandes tables étaient dressées devant les commerçants de bouche, l'occasion pour eux de faire du chiffre supplémentaire. Les étals étaient d'ailleurs pour la plupart gardés par des soldats, ce qui n'était normalement pas nécessaire : Quand on célèbre les dieux, les délits sont rares. Et punis plus sévèrement, d'ailleurs, tant l'offense aux divinités est proscrits.

Un mendiant en guenilles porte sur ses épaules une lourde et grossière statue en bois de Dehma, le Nocturne, dont les gravures sur son corps évoquaient le caractère vaporeux de cette entité à forme humaine, accompagné d'un oiseau non-identifiable pour Andrea, et portant dans sa main ce qui semble être une grosse mèche de cheveux.

Au bord de l'avenue, à l'entrée d'une petite rue, sur un amas de tonneau, un couple baise. Les deux ne semblent pas spécialement alcoolisés. La femme assise et l'homme debout, on ne voit rien de leurs parties intimes, par le jeu des vêtements, mais l'action bestiale et les gémissements appuyés ne font aucun doute.

Ah, Nexus...

Hm. Nexus.

En guise de commentaire, il se contente de sourire.

C'est un endroit dix fois plus libre que le tien, tu sais. Enfin... Je ne devrais pas dire ça. Tu es d'ici. Théoriquement. Mais une place à Nexus, ça se gagne.

Sa voix calme était difficilement audible par-dessus la lourde musique. En l'honneur de Dehma, la cour d'une maison avait été couverte d'un drap, pour prévenir une éventuelle pluie, et, dessous, des jeux de foire étaient organisés. Ils débouchaient finalement sur une place, où s'arrêtaient la bruyante fanfare pour se mettre au centre, et redoubler d'effort. À une fenêtre entourant l'endroit, il y a encore un couple qui baise, mais la demoiselle, fort jeune et le cou encerclé, semble être une esclave. Sur une estrade, on avait attaché des condamnés par les mains, suspendus, faisant un numéro d'équilibriste sur leurs orteils. Ils tenaient difficilement debout. Quand ils cessaient de se mettre sur la pointe des pieds, leurs poignets devaient supporter tout leur poids, ce qui devenait tout aussi insupportable : Aussi, ils alternaient entre l'un et l'autre, systématiquement. Des enfants, plus ou moins vieux, leur lançait des petites balles de paille, faiblement lestée de grain gâté, qui éclataient parfois à l'impact. Un genre de tradition.

J'ai entendu dire que tu avais corrigé une esclave. C'est bien. Mais il faut généralement leur glisser un mot. Lui demander gentiment de faire attention la prochaine fois, par exemple. La douceur dans la voix rend tangible le pardon que tu lui accordes. Si la faute est plus dure, il faut au contraire hausser le ton, pour qu'il éprouve un peu plus longtemps sa culpabilité. Les esclaves sont mentalement formatés, vois-tu, et ils finissent par devenir... comment dire... obsédés ? Oui, dans le sens où une chose vient dans leur tête et y trotte pendant des jours jusqu'à avoir une certitude. Quand tu ne prononces aucune parole, l'esclave ne sait pas si tu l'as vraiment pardonné. Auquel cas il peut se monter les nerfs à se demander si tu ne lui en veux pas encore. Ca conduit à être distrait au travail. Et à refaire des erreurs.

Il s'arrête de marcher, entouré par une foule plus ou moins dansante.

Quand on célèbre les dieux, nous sommes libres des lois des hommes. Seuls les dieux te jugent. Et les dieux sont cléments. Éprouve ta liberté. Tu peux rire, jouer, baiser, boire si tu en as envie. Personne, pas même moi, ne t'en tiendra compte. Je te suggère de vivre cette liberté sans moi. Je suis un poids pour toi. Vis, Andrea !
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le vendredi 21 février 2014, 20:55:54
Le palais. Sérieusement, il l’emmenait là-bas dans cette tenue ? Certes il se fichait des convenances, mais allaient-ils seulement réussir à passer les portes de la cour extérieure, vu leur allure ? Andrea n’y croyait pas vraiment. Et vu l’expression sur les traits du garde qui leur ouvrit la porte, il semblait plutôt d’accord avec elle. La jeune femme fut même étonnée de pouvoir finalement entrer. Law devait avoir ses habitudes. Ils passèrent donc les lourdes portes, tandis qu’Andrea se sentait totalement nue sous les regards remplis de jugement qu’elle mit quelques minutes à ignorer avant de marcher la tête haute. Tant pis. C’était bien son style en plus, de se ramener en tenue très populaire au plus chic endroit de Nexus. Si elle avait eu une longue robe bouffante, elle aurait été parfaite dans le décor somptueux, fastueux du palais. Mais Andy se voulait loin d'être parfaite.

En entrant, elle entendit tout de suite la différence. Ses chaussures claquaient soudainement contre le marbre qui habillait le sol, dans des courbes artistiques et des dégradés de beige et marron clair, rendant l’immense pièce lumineuse. Les hautes fenêtres étaient larges, laissant entrer une clarté à toute heure du jour comme de la nuit, la Lune pouvant parfaitement exercer son influence jusque sur les colonnes des arches, elles aussi en marbre, encadrant la pièce. Ici, il était totalement illusoire d’espérer traverser le palais sans être vu. De plus, des gardes se tenaient de chaque côté de la porte et Andrea doutait que cette dernière soit à un moment ou à un autre laissée sans surveillance. Les fuyards, malfrats et autres esclaves rêvant de liberté ne prenaient certainement pas cette voie-là pour échapper en douce à l’emprise du palais. Il devait probablement y avoir des passages oubliés, portes dérobées et autres secrets comme au sein de tout château.

Sous les arches, des statues évoquaient plus encore le luxe de ce lieu par leur couleur dorée, alors qu’au plafond s’étalaient des gravures, elles aussi dans ce métal précieux. Andrea l’ignorait, mais le palais portait bien son nom puisque les fenêtres étaient faites de cristal avec, entre chacune, les armoiries de la famille royale sculptées dans des bustes d’ivoire représentant les différents monarques à travers les âges. Les fresques visibles lorsqu’elle leva les yeux lui enseignaient des images d’une histoire dont elle ne connaissait encore rien. Dans la salle suivante où ils furent conduits à travers des couloirs chargés de tableaux et de statues, laissant une atmosphère oppressante derrières elles, Andrea fut subjuguée par le nombre de chandeliers qui éclairaient la pièce et faisaient danser les ombres sur les murs. Des fauteuils plus esthétiquement élégants que confortables les attendaient, artistiquement disposés en fonction des lourds rideaux de la même couleur qui tombaient aux coins des fenêtres.

Jamais Andrea n’avait assisté à un aussi lourd déballage d’argent et de richesse. Cela en disait long sur les priorités de la couronne, et sur l’image qu’elle souhaitait renvoyer au reste du monde. Ne sachant pas combien Terra était étendue, la jeune femme ne savait pas si cette influence, cette publicité ostentatoire, touchait son but et aveuglait les esprits des contrées voisines. Fronçant les yeux devant la personne qui reçut Law, la jeune femme partit du principe qu’il avait l’air déjà décidé de la tournure que prendrait cet entretien. Elle resta silencieuse, observant le moindre de ses gestes pour y chercher un peu de surprise ou de nervosité. Elle n’en trouva pas. Cet homme savait pertinemment pourquoi ils venaient, et ce qu’il allait répondre à la défense de Law. Andrea n’intervint à aucun moment, et se contenta de grimacer quand il tenta de négocier. Il était acculé, et elle détestait cela pour lui. Imaginant parfaitement la situation où rien d’autre ne pouvait être tenté, échouer à cette ultime tentative était encore pire. Pourtant, quand on veut réellement mettre la main mise sur une ville comme Nexus, Andrea se doutait bien qu’il fallait parfois plier pour mordre encore plus fort.

Elle sourit dans un masque de cire parfait à celui qui l’avait insultée, heureuse de se faire passer pour une femme de petite vertu et non pour une amie de « sire Raine ». Moins elle se faisait remarquer, mieux c’était. Si on la prenait pour sa pute du jour, alors parfait. Elle s’en félicitait même.

« Il ne t’a pas accueilli pour négocier, en tout cas. Le fait qu’il ne veuille rien de toi, même des propositions généreuses montre bien qu’il compte avoir mieux. L’être humain va toujours là où son intérêt est le plus grand. »


Changement de décor, tenue toujours aussi inappropriée. Andrea commence à s’y faire, et s’amuse du regard choqué des dames sur son passage. Elle leur fait un clin d’œil, alors qu’elle sourit à leurs hommes qui suivent des yeux ses jambes totalement livrées à leurs regards. Envoyant même un baiser du bout des doigts à un jeune noble de son âge, elle eut le plaisir de le voir rougir tandis que sa mère le reprenait. Amusant spectacle. Une fois présentée, Andrea plia un instant les genoux en inclinant légèrement la tête en avant. Tout juste ce qu’il fallait de politesse pour rendre son salut à ce qui paraissait être un ami. Elle ne garda pas totalement son calme toutefois, rougissant légèrement aux paroles des deux hommes. Celle qui partageait sa vie ? C’était vrai, et pourtant cela lui faisait plaisir de l’entendre. Glissant son bras sous le sien, elle hocha la tête en souriant à la remarque de l’autre homme. Oui elle imaginait bien que ce n’était pas tous les jours que Law ramenait une femme qu’il considérait ainsi. Du moins l’espérait-elle.

« Je vous en prie. » répondit-elle en rigolant quand ils s’exprimèrent en des mots plus crus.

Amusée de voir que, soudainement, Law la ménageait, la jeune femme resserra sa main sur le tissu sombre de sa chemise, oubliant le reste en plongeant dans ses yeux. Le remerciant sans un mot de l’avoir emmenée, de prendre le temps de lui montrer son quotidien, son monde. Le regard des nobles l’amusait, l’éclat d’envie dans les pupilles de l’interlocuteur de Law la faisait sourire, le palais la fascinait, les questions sur la politique nexusienne affluaient alors qu’elle les notait dans un coin de sa tête pour questionner Isaac par la suite.

« Je vous promets de penser à vous ce jour-là. Mais je vous préviens, la comparaison risque d’être difficile à vivre. »

Prenant les compliments pour ce qu’ils étaient, à savoir de simples mots dont elle avait trop eu l’habitude et qu’elle ne retenait pas de la part d’un homme si prompt à tenter de charmer, Andrea ne fut pas un instant déstabilisée par son attitude très pompeuse et respectueuse à son égard. Et ils partirent, enfin, pour leur destination initiale. La rue, le domaine de Law, et là où elle se sentait le plus à l’aise. Ici, elle pouvait maintenant se couler dans le paysage, disparaître aux yeux de tous. Une parmi tant d’autres, sa peau blanche dénotait malgré tout parmi toutes ces personnes au teint hâlé, mais son allure n’avait rien d’étrange. La plupart des femmes étaient en jupes, mais certaines tenues étaient si extravagantes que son pantalon en devenait banal et son corset à la limite de l’habituel.

Un peu plus tôt dans la soirée, Andrea avait joué, s’était amusée des ronds de jambes, rebondissements et déroulements de ce qui n’était, elle le savait, qu’un ennui passager pour son compagnon. Mais ici, au contact de monsieur tout le monde et des citoyens de mauvaise fréquentation ou de petite vertu, elle savait que tout serait plus authentique, honnête dans le bon comme dans le mauvais. Quel meilleur endroit pour faire la fête ? Immédiatement, la musique envahit sa poitrine et ses pieds esquissèrent sans s’en rendre compte quelques pas de danse. Elle se heurta à un couple qui s’embrassait avant de filer en direction des places, réquisitionnées comme piste de danse pour l’occasion. Tous les âges étaient représentés dans cette foule hétéroclite qui venait célébrer la divinité et leur amour de la nuit. Par-là, des enfants jouaient avec des lanternes, par ici, un vieillard soutenu par son fils atteignait difficilement un coin plus tranquille pour participer au spectacle de loin.

« Sur Terre, c’est pareil sauf que c’est plus souvent dans un établissement à quatre murs. La présence d’autres personnes n’est un obstacle nulle part… »

La vision des pauvres bougres qui devaient alterner entre hisser leurs corps et trouver un juste milieu à la douleur ne lui serra même pas le cœur. Elle imagina un instant Seiji à leur place, et se dit qu’il manquait à la Terre une petite dimension de torture pour extérioriser les pulsions des humains. La catharsis, c’était bon pour l’équilibre. Trop de violence refoulée, de frustration amenait à davantage de comportements déviants et dangereux pour la société.

« Désolée, c’était la première fois. Déjà, si je ne l’avais pas fait, je pense qu’Isaac m’aurait fait la leçon en trois langues, au moins. Histoire que je retienne bien. Mais c’est compris, je le ferai à l’avenir. J’ai encore du mal avec ce genre de raisonnement mais je vais m’y faire. »

Elle l’imite dans son arrêt net, sans cesser d’ouvrir grand les yeux de tous les côtés pour ne jamais laisser son esprit se reposer. Et à ses mots, sa décision est prise. Claire. Le fixant en prenant sa main, elle hausse un peu la voix pour qu’il l’entende.

« Je crois surtout que ce soir tu n’as pas besoin de moi. Que tu as d’autres choses à faire. Et que tu préfères que je ne sois pas là. A plus tard, alors. »

Non, il n’était pas un poids pour elle. Mais s’il préférait le croire pour se sentir plus libre, ça ne la dérangeait pas. Andrea sentait qu’il bouillonnait. Homme à action, comment pouvait-il rester aussi impassible toute une journée ? Ne comptant pas le priver de ce qu’il voulait, que ce soit une bagarre, du sexe, une vengeance, elle préférait le laisser y aller. Non pas qu’elle ne puisse pas affronter cet homme-là, loin de là. Mais il se sentirait sûrement limité, entravé si elle était là. Il ne pourrait pas être libre. Et la jeune femme refusait par-dessus tout d’être les menottes de quelqu’un. Elle se hissa sur ses pieds pour embrasser sa joue, presser sa main une dernière fois et disparaître dans la foule. Il n’avait pas besoin d’elle, et Andrea se sentait parfaitement capable de survivre ici toute seule. C’était un test. Voir si elle se sentait chez elle, même sans sa présence à ses côtés.

Rapidement, elle s’éloigna de lui, se rendit sur la place la plus proche et se lança au son de la musique. Le feu autour duquel ils dansaient tous chauffait fort, la faisant transpirer alors qu’elle passait de bras en bras, apprenant les pas au fur et à mesure, imitant les autres filles et invitant certaines personnes du public à la rejoindre le temps d’un instant. Presque aveuglée par les flammes, la jeune femme n’était plus totalement maîtresse de son corps. Les percussions l’avait possédée et elle laissait les cris rythmer ses sauts autour du feu. Au bout de plusieurs heures, quand ses pieds crièrent grâce, elle se laissa tomber sur un banc en bordure d’une zone de jeux, enlevant ses chaussures et regardant autour d’elle. Le front perlé de gouttes de sueur, elle chassa ses cheveux qui retombaient devant ses yeux pour admirer une femme d’une cinquantaine d’année qui jouait à cherche la carte, lire l’avenir et tout autre tour d’une fausse magie de foire. Un des deux yeux était fixe, et Andrea comprit rapidement qu’elle n’en avait plus qu’un seul lorsque celui-ci se fixa sur elle et qu’elle l’invita à la rejoindre.

S’exécutant avec plaisir, la jeune femme regarda son manège un moment. Elle admirait son habileté et sa constance dans sa réussite. Ses clients ne misaient pas grand-chose, parfois même des petits objets insignifiants.

- C’est pour le plaisir de gagner, vois-tu. C’est le seul domaine où je peux encore soumettre un homme, si tu vois ce que je veux dire. Pas comme toi, avec un corps pareil tu dois en faire tourner des têtes.

Andrea l’ignora et sourit en se levant et en commençant à rabattre des clients. Les petites filles s’attroupaient autour d’elle, la suppliant de pouvoir jouer avec ses cheveux, tandis que les hommes s’arrêtaient et demandaient en gage de leur victoire un baiser d’Andrea. Celle-ci acceptait sans hésiter, convaincue de l’adresse de la vieille femme malgré la volonté accrue des adversaires de remporter leur prix.

- J’ai jamais eu autant de clients, ma fille. Le succès pourrait être dangereux.
« Je pars, si vous n’en voulez plus. »
- Oh que non. Et puis tu pourrais p’têtre bien t’trouver un homme, si l’un d’eux te plaît.
« Ne gâchez pas tout alors que je m’amuse. Pas besoin d’homme pour sublimer la femme. »
- En voilà de grandes idées. Oh, on dirait que celui-ci a gagné. Tu as le droit de fuir, si tu veux.

Andrea haussa les épaules, rigola expressément et se leva. Elle saisit le col de l’heureux gagnant, un maigrichon que la nature n’avait pas gâté. L’embrassant sans hésiter, sans aucun sentiment, elle acceptait sa part du marché et cela valait bien de l’amusement. Oui, comme ça elle avait l’impression de revivre ces années passées à faire plaisir aux hommes à leur demande. Sauf que là, c’était volontaire et elle n’utilisait que ce que la Vie lui avait donné pour tirer profit d’une situation. L’autre voulu porter sa main à ses fesses, elle cessa le baiser et lui administra une claque retentissante qui fit rigoler ses admiratrices miniatures, qui applaudirent son geste alors que le gagnant filait la queue entre les jambes.

« J’espère que vous avez conscience que c’est moi qui paye vos erreurs, là. »
- Et qu’est-ce que tu veux que tu n’as pas déjà, gamine ?
« Ton jeu de cartes, et la certitude que tu ne vas pas envoyer un de tes protégés m’égorger dans une ruelle pour mon argent. »

Elle resta interdite, fixant cette fille à peine entrée dans l’âge adulte qui venait de percer sa véritable activité de la soirée. En jouant, elle repérait ceux qui avaient la bourse bien remplie. Et depuis tout à l’heure, certains de ses gestes se répétaient, puis des hommes d’une bonne stature disparaissaient pour réapparaitre. Le reste n’était pas bien difficile à comprendre. Sous ses airs fragiles et de bonne vieille femme, elle se servait de la fête pour en tirer profit. Sûrement quelqu’un qui ne venait pas d’ici ou qui avait vécu toute sa vie dans l’illégalité, pour bafouer ainsi une fête dédiée aux dieux. Andrea restait de marbre, tendant la main, son regard glissant parfois sur les gardes non loin qu’elle aurait tôt fait de prévenir. Il ne fallut pas bien longtemps pour que, maugréant, la vieille femme lui donne son jeu, son moyen de subsistance, et fit un signe agacé à ses fils pour qu’ils se dispersent. Elle se leva, et Andrea n’aurait pas été surprise de la voir enlever son œil de verre. Mais elle s’éloigna tout simplement.

Andy, récupérant ses cheveux joliment coiffés après l’effort de la danse qui avait eu raison de sa tresse, remercia les enfants en leur donnant une pièce chacune, et reprit ses errances à travers la fête, toujours attentive aux dangers qu’elle ne soupçonnait pas encore.

Ce n’est qu’au petit matin, quand les rires s’éteignirent avec le lever du soleil, qu’elle quitta les festivités, abandonnant la statue du dieu derrière elle. Pieds nus, la peau marquée d’ampoules, Andrea retrouva son chemin après quelques hésitations. Epuisée, elle rentra dans le casino sans aucun problème. Law avait dû donner des ordres. Se dirigeant vers la seule chambre qu’elle connaissait, elle enleva ses vêtements un à un avant de se glisser sous les draps et de s’endormir sur l’instant. Demain était un autre jour. Un jour de travail. Il ne lui restait sans doute que deux ou trois heures de sommeil, mais tant pis. La soirée avait été bonne. C’est sur une dernière question qu’elle sombra dans l’inconscience : est-ce que Law avait pu faire ce qu’il voulait ?
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le samedi 22 février 2014, 21:39:38
Il l'avait regardé partir avec un certain regret, poussant un vague soupir que personne n'entendra. Puis il se retourne, fendant la foule, attrapant un homme par le col.

« -Tu réponds de sa vie. Tu surveilles le moindre de ses faits et gestes, et si quelque chose de louche lui arrive, tu mets les moyens pour t'assurer de sa sécurité.
-Oui, Maître. »


Il lâche une tape sur la joue de son employé, avec gentillesse, puis le serre contre lui un bref instant, avant de s'éloigner. Moui, il se sent d'humeur affectueuse.

Il ne savait pas si il avait encore une protection, du coup. Normalement, deux hommes séparés étaient après lui, mais dans la foule, il ne voyait pas le second, et peu lui importait. Il espérait presque le semer. La foule se faisait bien vite plus éparse, et les célébrations plus discrètes. Tout un quartier de Nexus s'était réunis autour d'une fontaine, quelques deux-cent personnes, chantant en choeur, plus conviviaux, plus civilisés. Law comptait les éviter aussi. Plus loin, plus loin. Il marchait sans but. Le soir s'assombrissait sérieusement. Il devenait difficile de se repérer. Les pavés étaient plus irréguliers. Une taverne aux portes grandes ouvertes, enfin. Au nom de l'établissement, il se savait revenu dans les bas-fonds. Personne derrière lui. On ne le suivait pas.

Certains types, profitant de la lumière de deux lampions, buvaient à une table au-dehors, ne craignant pas le froid. Law sentait la fatigue, l'exaspération. De nouveau cette chaleur dans les yeux et l'attention au ralenti. Il toussait en se rapprochant pour signaler sa présence aux alcoolisés, avant de poser les deux poings sur la table.

Salut, bâtards d'esclaves à Tekhans.

On se dressait sur son siège, fronçant les sourcils. Dans la taverne, certains penchaient la tête, intrigués.

J'ai envie de coller des pains. Et après, vos femmes me suceront la queue.

Il espérait les provoquer... Mais non. Les types pensaient sans doute à une blague, à un défi, ou à une quelconque célébration en rapport avec la fête de ce soir. Ce n'était pas le cas. Et l'esclavagiste n'avait pas envie de faire mumuse pendant dix ans, aussi, il saisit le rebord de la table et la balance contre le mur, puis s'écarte. Combat engagé. Les pains fusent, les esquives avec, un joyeux bordel où il se retrouve vite à 12 contre 1, le seul sobre, mais ça ne suffira pas pour vaincre facilement. Il veut du challenge, et il en aura : Certains sortent des lames, on lui envoie une carafe pleine vers la tronche, on utilisera même le mobilier comme arme improvisés. Il lui faut valser avec la gravité, jouer avec les corps, monter sur le dos de l'un pour frapper sa nuque avec puissance, briser le genou d'un autre qui tente de lui mettre un coup de chaise, et la chaise lui atteint la tête, mais il encaisse, roule, se redresse, essaie d'amortir un poing visant son bide, cajole le bras pour répliquer d'un direct du droit en pleine face, et hurle un « YIIIIHEE ! », grand sourire aux lèvres, se faisant ensuite prendre le bras d'un côté, les vêtements de l'autre, il tente de repousser, se prend des phalanges sur un côté de la face, riposte en amenant l'un contre l'autre les deux qui le tiennent, frappe à tout va pour les dégager, recommence avec celui qui l'avait frappé, sa botte heurtant les mols abdominaux d'un type particulièrement imbibé, le faisant décoller du sol sous la force du choc, et il le rattrape pour le jeter sur ses potes.

Il n'y aura pas de « dernier debout ». Une bonne moitié sera plus ou moins d'attaque quand il décidera finalement de grimper sur le toit avec une agilité déconcertante. Une larme sera jetée, qu'il esquivera tel un toréador. À la lumière du lampion, perché à ses pieds, il vérifie que sa chemise n'a rien, et la rajuste. C'est Andrea qui l'a choisie, se dit-il. Je suis immortel dedans. Et il plonge dans la fouille, donnant un coup de pied dans un poignet pour empêcher le couteau de transpercer, et s'écraser mollement sur eux. Choc à la hanche lors de la chute. Il se marre, se redresse, en saisit un tout sec, le traîne un peu à l'écart, et lui distribue mandale après mandale.

Criminels ! Tous !

On se jette sur lui, il n'évite pas, préférant foncer tête baissée pour heurter tel un rugbyman l'abdomen de l'agresseur, et l'emporter dans le sens inverse de sa course, jusqu'à le plaquer contre un mur. C'est seulement maintenant qu'il décide de partir en courant. Un sprint fou, jusqu'à ce qu'il soit hors de portée. Course à perdre haleine. Lorsqu'il s'arrête enfin, il est exténué, il a mal partout... Mais il se sent tellement mieux.



« -Ces chiennes de Nexus ne m'auront pas, Isaac. Tu m'entends ?
-Oui, Maître. Tempérez-vous.
-Attends... Rend-moi un service. Tu mets ces vêtements quelque part. À l'abri. Tu ne les laves pas. À un endroit où ils seront.. tiens, met-les dans un petit coffret, que tu planqueras dans la salle à reliques.
-Bien. Apportez-lui un thé.


Les deux jeunes esclaves – un terranide, une humaine – finissent de le déshabiller lorsqu'il s'écroule enfin sur un amas de coussin. Ses yeux sont clos. Il est complètement nu, affalé.

-Andrea n'est pas rentrée ?... Isaac ?
-Monsieur Isaac est partie ranger vos affaires, maître.
-Ah. Hm.


Ses membres étaient écartés. Armés de petits seaux d'eau chaude et d'un savon précieux, ses deux esclaves, diligents et soigneux, frottaient son corps, avec une patience qui trahissait une certaine affection pour le tyran qui leur avait personnellement mis ce collier de cuir autour du cou.

Le jeune garçon se risque à lui parler. Risque, car c'est une attention qu'il apprécie parfois, et récompense... sauf quand il est dans ses mauvais jours – auquel cas, il leur assène un sec « Ne parle qu'avec permission », et en vient parfois à sentence.

-Votre journée s'est bien passée, Maître ?
-Pas du tout. Mais... Les lendemains sont toujours plus beaux. Vous aimez quelqu'un ?


Les deux esclaves se regardent, perplexe.

-Nous n'avons pas le droit d'aimer, Maître. Vous nous l'interdisez.
-Je sais. Je sais aussi vos restrictions vestimentaires et alimentaires, et je sais que les employés réguliers vous aident à les transgresser quand même. Et je ne lutte pas activement contre, n'est-ce pas ?


Nouvel échange de regard, lavant toujours le pacha. Partout. Sans pudeur, ni hésitation, ni sous-entendu d'aucun genre. Décomplexés. C'est la demoiselle qui parlera, avec un léger accent roulant.

-Nous n'aimons que vous, Maître.
-Hmf... Je vois. Savez-vous pourquoi je vous interdit d'aimer ?
-... Au cas où l'un des deux est vendu ?
-Précisément. Si seulement les acheteurs avaient un cœur tendre, ils accepteraient de vous acheter en couple systématiquement, mais ils sont pragmatiques, ils savent que ça ne peut être qu'un nid à problèmes, et refusent... Et ils ont raison.
-Certainement, Maître.
-Vous l'avez vu ?
-Qui ça, Maître ?
-Andrea. La jolie fille qui m'accompagnait.
-Non. On nous en a parlé.
-Vous allez l'adorer. Elle est si...


Les mots lui manquent. Beaucoup de qualificatifs lui viennent, mais rien qui n'arrive à traduire exactement sa pensée. La fatigue, peut-être.

-Vous verrez ! Soyez bons avec elle. Elle le sera avec vous. Elle sait ce que c'est qu'être une esclave.
-C'était une esclave, Maître ?
-À mes yeux, oui... Mais pas comme vous. Elle était prisonnière d'elle-même. Un jour, elle a décidé que ça suffisait. Elle a entrevu la liberté et l'a saisie. … Dit comme ça, ça ressemble aux histoires qu'on raconte aux enfants pour les endormir. Tss.
-Qu'est ce que c'est, prisonnière d'elle-même ?
-C'est quand on s'oblige à faire ou à ne pas faire quelque chose soi-même, ou être, ou penser... Et qu'un jour, on découvre qu'on a été dans l'erreur.
-Maître ?
-Hmm ?
-Vous êtes amoureux d'une ancienne esclave ?


Aussitôt la question posée, le jeune homme s'attendait à une pluie de claques. Son geste de frottement de la jambe de Law se stoppe, en sentant ce dernier se tendre. Les doigts crispés sur sa douce serviette humide qui nettoie le big boss, il n'ose plus bouger. Le regard le foudroie un instant... Avant qu'il ne referme les yeux. Profond apaisement.

-Elle vaut mieux que moi, vous savez.

Le thé arrive, posé à ses côtés. Le terranide abandonne sa tâche, nettoie ses mains sur son pantalon, et lui remplis sa tasse pour lui tendre, que Law boit immédiatement. Il fait confiance à ses gens pour que le breuvage soit buvable sur l'instant. Pile à la bonne température. Grandiose. Quant à sa collègue, elle arrête de le laver à son tour, puis ouvre le petit nécessaire de soin pour étaler un peu d'onguent sur une belle plaie à sa mâchoire, avant d'y appliquer un peu de toile pour couvrir ce pansement généralement fort efficace sur lui, fixé avec quelques petites bandes collantes. Elle s'assure que ça ne bouge pas, puis lui sourit et baisse la tête.

-Maître ? (http://www.gamalive.com/images/fiches/8689-cosplay-trinity-blood.jpg)

… Wo.

-Jana.
-Je me suis faite belle exprès pour vous.


Les Privées. La plupart servaient de rabatteuses. Elles étaient tout simplement les plus belles, et, souvent, les plus douées. À la différence des autres, personnes ne pouvait les toucher. Ce club très privé et très restreint était le buffet personnel du patron, qui en usait pourtant sans abus, avec une certaine raison. Ancienne esclave, Jana est vite montée dans la hiérarchie lorsque Law a remarqué cette beauté surnaturelle. Trois heures avec elle avait suffit à le convaincre qu'elle était exceptionnelle, en-dehors de toute considération humaine.

-Peut-être auriez-vous besoin d'un peu de réconfort, hmmm ?

Elle s'approche, roulant des hanches, aguicheuse, et soulève sa robe pour la faire s'abattre sur le corps nu de son idole (censément ; un culte de la personnalité ça ne marche pas à tous les coups), et pose ses fesses sur son bassin, en amazone, l'écrasant à peine. Elle tend sa main vers le pansement et fait une légère grimace.

-Vous avez dû avoir mal... Mais vous êtes le plus fort.
-Il y en a certains au Palais d'Ivoire à qui tu devrais l'apprendre...


Elle se penche, langoureuse et sensuelle, et embrasse son menton, puis son cou. Ses yeux brillent d'admiration, et les doux gémissements qui s'échappent de ses lèvres témoignent de son envie.

… Ah, oui : C'est aussi une merveilleuse actrice.

-Vous voulez que je sois la Reine, ce soir, Maître ? Vous pourriez me faire mal, très mal... Vous m'utiliseriez... M'humilierez... Ma royale déchéance entre vos mains... Vous seriez plus grand qu'un Roi... Mon Maître...

Il fond. Elle le connaît si bien. Tellement que la frontière entre son scepticisme et sa crédulité devient floue.

-Tu veux me rendre un service, Jana ?
-Je ne vis que pour ça, Maître.
-Dégage.


Elle se redresse, un peu surprise. Le mafieux n'avait pas l'air de mauvaise humeur : Il semblait disposé, et c'est pour cela qu'elle s'était permis d'attaquer. Elle signe ici son premier échec. Une humiliation profonde pour elle.

-M...
-Si tu as tant envie que ça, je te ferais tringler par Kaylan, voire même par Isaac... Enfin... Ce serait toi qui le violerai, pour le coup... Mais ce soir, je te prie, va voir ailleurs.


Elle ravale sa fierté, se relève, signe avec déférence, et disparaît. Law soupire. Trois esclaves se tiennent encore autour de lui : Deux accroupis qui l'entourent, une troisième, terranide aussi, debout, ayant apporté le thé.

-Vous... Vous allez vous attacher au service d'Andrea. Vous allez répartir votre temps entre moi et elle. Cécile arrangera ça, vous lui demanderez. Votre nouvelle maîtresse sera grandiose avec vous, sans aucun doute...  Et vous serez dévoués envers elle. Compris ? Dites aux cuisines que je vous accorde un repas supplémentaire. Mangez bien, dormez bien.
-Oui maître. »


Un choeur d'acquiescement, et ils disparaissent. Il s'endormira au bout de dix bonnes minutes, affalé sur le dos, comme si il venait tout juste de s'écrouler.



Le lendemain.

Le soleil était levé depuis plus de trois heures. Nous n'étions pas loin du milieu de journée, mais c'est un petit déjeuner qu'elle verrait apparaître. Quatre personnes autour : Deux à genoux, un troisième qui s'agenouillait après avoir posé le plateau aux côtés de l'endormie, et un debout. Ce dernier tournera la tête pour que son long bâillement reste discret, puis se retourne vers elle.

-Tirelle, Resed et Amara. Les trois sont désormais à vous. Tirelle excelle dans les massages, et elle connaît Nexus. Amara parle assez mal notre langue, il est conseillé de lui faire la conversation, même pour ne rien dire. Et elle connaît la cité aussi. Resed a longtemps servi d'esclave sexuel, il a donc certains talents dans ce domaine malgré son jeune âge. Vous pouvez leur demander absolument ce que tu veux. … Absolument tout. Ceci (il désigne trois gros dossiers de cuir) sont les comptes du mois. Rien de compliqué, il suffit d'ajouter tout ce qui vous parviendra, de recouper et de vérifier les chiffres entre eux pour contrôler que rien ne manque, quant aux analyses tendancielles, je le ferais moi-même à mon retour. Vous ne serez payée que deux heures par jour, veillez à ne pas dépasser ce seuil. Tous les dossiers doivent être rangés dans son bureau, c'est très important. Quant à ça (Il désigne une autre chemise bien plus fine), c'est tout ce que j'ai pu réunir d'instructions. Il y a les panneaux d'affichage de demandes de travail, les meilleurs endroits où se sustenter, acheter de quoi s'habiller, s'équiper en général. Vous n'êtes pas à l'abri de tomber sur un commerce que M. Raine finance en sous-main, mais peu importe, il a dit qu'il n'interférerait en rien. Pour finir, son procès est à 7 heures, ce soir. Il sera normalement expéditif. Nous ne savons pas si nos arrangements vont réussir, nous le découvrirons dans la journée. La Grande Cour de Justice a été réservée, non-loin du Palais. Une demande a été envoyée au comte Makhno, qui vous fera entrer et vous accompagnera si vous tenez à y assister. Il n'a pas encore répondu mais il acceptera sans doute. Je vous conseille de vous présenter près de chez lui. Pour finir, un peu d'or et d'argent pour vous aider dans vos frais de départ. Parce que je sais que vous n'allez pas l'accepter facilement, convenons quelque chose : C'est un prêt sans intérêt que vous font les finances de M. Raine, et que vous rembourserez en temps voulu.

Une pause. La tristesse s'installe sur l'habituellement inexpressif visage d'Isaac.

J'écoute vos éventuelles questions. Après quoi je partirai... en congés.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le dimanche 23 février 2014, 00:05:10
Sa première nuit à Nexus fut, malgré ses belles paroles et certitudes, agitée. Sans en avoir conscience, Andrea se débattit dans son sommeil, poussant contre un mur invisible, donnant des coups de pieds au fantôme de son demi-frère qui revenait la hanter. Cela faisait des années qu’elle n’avait pas eu sa visite impromptue en plein rêve. Habituée, acceptant sa situation, même son inconscient s’y était fait et ne la laissait plus revivre cet anniversaire où tout avait commencé. Et il avait fallu que ce soit ce soir-là, alors qu’elle goûtait à sa liberté, que le sourire et les ordres de Seiji la rattrapèrent. Il la fit se mettre à genoux, ignora ses pleurs, lui répétant que c’était de sa faute. Qu’elle était trop jolie et qu’elle lui donnait envie, jour après jour. Transpirant dans son sommeil, Andrea tentait de rejeter le cauchemar de toutes ses forces et pourtant, la torpeur ne voulait pas la lâcher, l’emprisonnant dans un miasme cotonneux dont elle ne pouvait se défaire. Sans doute cria-t-elle dans son sommeil, les yeux s’agitant derrière des paupières closes. Sourcils froncés, gémissements aux lèvres, elle réalisa en dormant ce qu’elle n’avait jamais eu le courage de faire avant son départ. Affronter Seiji, se débattre, dire non. Prendre sa liberté, ne pas plier devant l’esclavage moral auquel il l’avait condamnée. Rejeter de tout son être une soumission et un abandon qu’elle n’avait pas désirés.

Ce sont sûrement les odeurs qui la réveillèrent. Encore à moitié endormie, Andrea plissa le nez et reconnut l’odeur d’un sachet de thé qui infuse, du pain chaud et probablement encore craquant. La boulangerie envahissait ses narines, alors qu’elle poussait un long baillement avant d’enfin papillonner des yeux. Pour voir quatre personnes toutes dévouées à sa présence. Elle se redressa prestement, récupérant le drap au passage afin de couvrir sa poitrine. S’étant entièrement déshabillée la veille au soir, elle venait de se rappeler ce détail, juste à temps pour ne pas exposer sa nudité aux personnes qui attendaient sagement son réveil. Quand elle reconnut Isaac, Andrea rougit d’autant plus d’apparaître ainsi devant lui. Bien entraîné ou alors habitué à la présence de femmes dans le lit de Law, le fidèle bras droit du maître des lieux ne broncha pas et déballa son discours. La jeune femme se concentra pour suivre ses paroles, hochant la tête aux explications, en serrant davantage ses doigts sur le tissu, faisant blanchir ses phalanges.

Alors que la veille elle s’était dévêtue à plusieurs reprises devant le personnel ou Law sans rien avoir à cacher, la présence d’Isaac était suffisante à lui rendre un semblant de notion d’intimité. Elle l’estimait, l’appréciait, et retrouvait donc un comportement normal à son approche. C’est sans doute parce qu’elle n’avait pas croisé homme plus banal, plus ancré dans la réalité depuis longtemps. Les esclaves n’étaient qu’une figure abstraite pour elle, mais elle s’en faisait une idée précise : des êtres faits pour servir et ne pas réagir selon la logique des actions humaines. Isaac était différent, à son niveau, un ami malgré leurs fréquentations trop rares. Et il lui faisait retrouver un peu de retenue. Surtout qu’elle ne pensait pas qu’il allait la réveiller en personne.

Elle qui s’attendait à voir revenir l’esclavagiste au moins pour quelques heures de sommeil, voilà qu’elle était bien surprise. Il n’était pas rentré ? Andrea comptait sur lui pour la réveiller, histoire de ne pas trop dormir et de se mettre au travail sur le champ. Elle avait l’air de quoi, là, s’éveillant à une heure certainement bien trop avancée ? Ses pommettes déjà bien colorées rosirent d’une autre forme de honte, donc, dépitée de voir le soleil éclairer la chambre et la journée déjà bien entamée. Elle n’aurait pas dû rentrer si tôt ce matin et se montrer raisonnable. Mais la fête avait été une réussite même si, amère, Andrea aurait aimé découvrir ce nouveau visage, festif et joyeux, de la ville avec son bienfaiteur.

« Bonjour Isaac. Je te dirais bien de remercier Monsieur Raine pour moi, mais tu ne vas pas pouvoir avec tes vacances. C’est une excellente idée. Sans doute pas la tienne. Comme toujours, tu es d’une efficacité exemplaire et d’une précision rare. Mais il y a quelque chose qui ne va absolument pas. »
- Quoi donc ?
« Arrête de me vouvoyer je te prie. Ça en devient agaçant. »
- Impossible, c’est mon rang.

Andrea poussa un soupir à fendre l’âme, bien consciente qu’elle n’y arriverait probablement jamais et que la guerre à qui abandonnerait le premier était déclarée entre Isaac et elle. Se drapant dans le tissu pour ne pas avoir à le retenir, Andrea se saisit d’un des dossiers de compte et le parcourut rapidement pour déceler d’éventuelles questions qui lui viendraient à l’esprit. N’ayant pas envisagé l’éventualité d’être seule à ce poste aussi rapidement, elle angoissait un peu quant à ses soudaines responsabilités. Foutu réflexe de se sentir bonne à rien. La jeune femme n’en laissa pourtant rien paraître, puisqu’il était évident que si Isaac décelait de l’inquiétude, il ne la laisserait pas et resterait dans les parages. Après lui avoir posé deux trois questions sur la signification de certaines annotations et sur la valeur d’une pièce d’or comparée aux autres pièces, Andrea lui sourit et referma l’objet de son attention.

« Je vais bien m’occuper de tout cela, c’est promis. Repose-toi, on dirait un fantôme. A mon retour tu m’apprendras à en faire plus. Merci pour tout. »

Elle récupéra la clé du bureau de Law qu’il lui laissa après lui avoir expliqué son emplacement, et prit congé. Alors seulement, l’attention d’Andrea se reporta sur les trois personnes qui étaient manifestement là pour son service. Une première dans sa vie. Et pourtant, elle savait que leur dire qu’elle n’avait pas besoin d’eux serait une insulte empreinte de mépris envers eux. Prenant une grande inspiration, elle s’adressa donc à eux en buvant son thé et en grignotant quelques fruits.

« Vous pouvez utiliser mon prénom. Andrea. A partir de maintenant je vais souvent vous voir. Si vous obéissez comme vous le faites avec votre maître, alors tout ira bien. Travaillez correctement et je saurais me montrer généreuse. Tirelle, fais-moi couler un bain. Resed, tu vas aller me chercher de quoi m’habiller. Quelque chose d’approprié pour travailler, et pour me rendre à un rendez-vous important ce soir. Juge par toi-même ce que cette ville a l’habitude de voir. Amara, raconte-moi Nexus et parle-moi de la géographie de ce monde. »
- Bien, maîtresse Andrea, acquiescèrent-ils tous d’une même voix en s’exécutant sur l’instant.

Satisfaite, la jeune femme se délassa un instant dans son bain alors qu’on la lavait, chose dont elle était encore peu familière. Tendue et crispée, elle dut à plusieurs reprises les rassurer quant à leur travail, inquiets qu’ils étaient de la voir aussi peu disposée à la détente. Elle se familiarisait avec eux, apprenant à réagir comme ils l’attendaient de sa part. S’accordant à leurs faits et gestes, les félicitant quand ils répondaient à ses attentes. C’est ainsi, qu’un peu plus tard, elle était fin prête, et les congédia afin de se rendre jusqu’au bureau utilisé par Isaac afin de se plonger dans ses livres. Plus de deux heures. Bien plus que prévu. Mais les chiffres l’amusaient, et elle jonglait avec facilité. Isaac ne lui avait vraiment rien laissé de bien compliqué. Sur les coups de quinze heures environ, bien que ce soit une approximation au vu de la course du soleil, Andrea s’étira, rangea l’ensemble et sortit pour chercher un atelier de couture qui pourrait la prendre à l’essai.

Perdant beaucoup de temps à admirer, découvrir, visiter, se perdre, Andrea n’eut pas beaucoup de succès mais n’était pas pressée. Demain était un autre jour. Son argent, elle le garda soigneusement, en cas de réel besoin. Il était inutile et stupide de dépenser quelque chose qui n’était même pas encore vraiment à elle. C’est sans repasser par sa nouvelle demeure qu’Andrea changea de quartier pour retrouver tant bien que mal, selon les indications des passants, la demeure du comte. Il était encore bien tôt lorsqu’elle se présenta à sa porte, y voyant là l’occasion de converser avant de se rendre au lieu du jugement.


 « Comment les choses s’engagent-elles, réellement ? »
- Pas très bien, mademoiselle. Un homme frustré et blessé dans son ego n’abandonne pas facilement. Même la stratégie de prouver le coup monté n’a pas toutes ses chances. Notre ami commun est, disons… connu pour ses embrouilles avec la justice. Il flirte avec, la baise comme une catin un jour et lui promet la Lune le lendemain. Vous voyez, il refuse l’aide de qui pourrait l’aider.
« La Reine ? Je pensais que le système était pourri en son centre et qu’elle en était le ver malade. »
- Comme toujours, c’est sa vision des choses. Celle-ci n’est pas si mauvaise et attache de l’importance à la transparence de son gouvernement. Elle n’accepterait pas un procès bâclé et rempli de zones d’ombres.
« Mais comment prouver qu’il a donné un ordre ? C’est une parole contre une autre. Rien de valable. »
- Je ne sais pas d’où vous venez, mais ici, si un gars aussi haut placé décide d’avoir raison, alors il orientera la chose en sa faveur.

C’est donc malgré tout un peu inquiète qu’elle suivit son guide jusqu’à l’immense bâtiment, lui aussi plein de faste et de dorures montrant la puissance du pouvoir qui y siégeait. Elle aurait aimé pouvoir faire quelque chose, mais quoi ? Tuer de sang-froid cet homme si détestable alors que Law serait clairement vu et reconnu ailleurs ? Dangereux, et inefficace. On l’accuserait une fois de plus d’avoir commandité le geste. Tenter de corrompre ce même homme ? Elle n’avait pas suffisamment d’argent, et il n’en avait pas voulu. Il préférait sa vengeance aux cadeaux et aux présents pourtant alléchants. Elle devait se contenter de laisser Law mener à bien son plan de défense, probablement en prouvant que le meurtre ne lui était pas profitable à lui mais à d’autres. Une ébauche d’idée lui vint à l’esprit, mais elle ne pouvait la concrétiser. L’homme rencontré au palais l’avait vue, il la connaissait et cela lui enlevait tout effet de surprise sur un faux témoignage qui aurait pu être poignant. Elle devrait donc rester simple spectatrice et croire que Law était bien au-dessus des machinations qu’on lui prêtait.

- Regardez. De gauche à droite, le président du tribunal, ce qui sert d’avocat à la partie civile. Autrement dit, celui qui va essayer de le faire tomber. Le scribe, ensuite, qui va retranscrire chaque parole énoncée durant le procès. Vu l’accusé, je pense que ça ne manquera pas de piquant.
« Il va s’en sortir, ça ne fait aucun doute. Les autres ne le valent pas en matière de discours. »

Une pause, un sourire amusé de l’homme qui la couve du regard en regrettant qu’elle soit déjà prise. Froide, inaccessible et pourtant si attirante. Perle rare, sans doute, qui s’ignore alors que son détachement et sa naïveté font tout son charme.

- Que diriez-vous si nous allions plutôt fêter une victoire hypothétique autour d’un verre, vous et moi ? Vous ne pouvez pas être amoureuse d’une racaille pareille sans la moindre distinction.

Andrea plissa le nez dans une moue amusée, sans quitter la porte des yeux pour lui faire comprendre, quand il entrerait, qu’elle l’attendait.

« Pourquoi tout de suite employer de grands mots ? Je dirais plutôt qu’il n’y a qu’avec lui que je me sens entièrement libre. Là où l’amour attache, il me laisse sans aucune contrainte, confrontée à mes propres choix, maîtresse de mon monde. On ne peut faire de plus beau cadeau, ne croyez-vous pas ? Je ne pense pas que vous comptiez m’offrir autre chose qu’une aliénation, en passant par votre lit et pourquoi pas par votre bras comme un trophée que l’on expose. Alors ce verre, ce serait avec plaisir si j’appréciais de boire. Quel dommage, n'est-ce pas ? »

A ces mots, la jeune femme ne fit plus attention à l’homme qui l’accompagnait, et se recentra sur les préparations du procès. Quelque part, elle avait hâte d’y assister. Elle l’imaginait déjà, grandiose, se jouant des mots et des accusations pour ridiculiser tout le monde, s’en tirer haut la main et cracher sur leurs pieds avant de disparaitre en riant.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le dimanche 23 février 2014, 12:09:07
« -Appelons le prévenu, Tyler... …

L'assesseur, censé assister le président du tribunal, rajustait ses petites lunettes pour lire la note remise par la défense.

-Tyler Avicenni Pardès Marshak Dearborn Aix Aslan Raine-Cross. … Sieur Raine-Cross ?

Il se tournait vers les gardes. On n'avait personne à amener, aucun détenu enchaîné qui n'était censé se faire traîner jusqu'à la barre. Le juge commence à ouvrir son dossier, ayant dans l'idée de statuer en l'absence de l'accusé, visiblement absent.

… Mais ça bouge dans l'audience. Une main se pose sur l'épaule d'Andrea, et l'homme juste derrière elle s'enfuit en fendant la foule, s'avançant vers le prétoire. Il passe au-dessus d'un muret de séparation d'un petit saut, et ôte sa capuche.

-C'est moi. On est parti.
-Vous êtes sieur Raine-Cross ?
-Ouip. Tyler suffira.
-Prenez place, sieur Raine-Cross.
-Tyler, j'ai dit. Bon, Raine tout court, d'accord ? Je viens ici simplement, sans chichis, me défendre contre la haine.


Ceux qui le connaissent ne s'étonnent pas de ces manières dans une enceinte censément sacrée. Le président soupire, puis fait signe à tous de s'asseoir. Law saisit ce moment pour défaire l'attache au niveau de son cou, lui permettant d'enlever sa toge, découvrant son corps entièrement nu. Entièrement. Nu. Recouvert des pieds à la tête de peintures rituelles d'un bleu très foncé et d'un rouge tout aussi sombre, dessinant tantôt des entrelacs s'entrechoquant, graphant d'autres fois des glyphes dans une langue qui sera, là encore, inconnue à ses yeux. Si sa mémoire est bonne, elle aura des réminiscences des symboles gravées sur certaines statues divines. Il s'assied ensuite. Le juge se penche.

-Sieur Raine, veuillez vous rhabiller.
-La nudité n'est nullement interdite en ce tribunal. J'ai des précédents.


Il claque des doigts et un fonctionnaire approche, lui tendant un dossier de cuir qui fut précédemment examiné par la cour. Il l'ouvre, en compte les feuillets pour vérifier que rien ne manque, puis en sort deux.

-J'ai ici une liste de procès s'étant déroulé avec l'un des concernés nus. Invoquant des traditions religieuses, le plus souvent.
-Votre foi vous impose de venir nu ici ?
-Non... Mais j'ai dit « le plus souvent », ce qui implique que ce n'est pas la règle. Je tiens d'ailleurs à noter qu'il n'est en rien interdit aux esclaves de venir nus ici, la cour ayant déjà eu à statuer qu'elle ne s'immisçait pas dans la façon qu'ont les propriétaires de traiter leurs esclaves, et que, partant de ce principe, ceux-ci peuvent accomplir l'acte qu'ils veulent et venir dans la tenue qu'ils veulent tant que ni les lois ni le Maître ne l'interdit.
-Vous n'êtes pas esclave.
-Si c'est nécessaire, je peux déclarer ma possession envers quelqu'un. Lui, là, pourquoi pas.


Il désigne du doigt un employé du ministère public, celui-ci semblant plus qu'étonné. Il ne sait que dire. Le président coupe court à ce manège.

-Très bien, très bien, nous avons compris que vous étiez un excentrique... Pourriez-vous, s'il vous plaît, couvrir au moins vos parties génitales ?

Law semble contrarié, mais accepte... utilisant le dossier pour le poser sur son bassin. Lourd soupir du juge.

-Commençons.


Un grand homme, plutôt altier, d'un verbe haut, s'était levé, et, dressé devant le juge, expliquait à quel point l'autre homme, opposé à Law dans la salle, était la véritable victime : Oui, il avait tué un homme, mais nous n'étions pas à son procès, mais à celui de Law : Law, connu comme étant un honnête esclavagiste, mais déjà cité de nombreuses fois par des détenus comme commanditaire de leur crime ; Law, qui corrompt les hommes pour s'assurer des marchés ; Law et son armée dissidente, son économie dissidente, sa morale dissidente ; Law qui surpasse les lois parce que certaines autorités ont peur de lui, parce qu'il fuit, manipule les lois ; Mais aujourd'hui, c'est l'occasion, avec un grand O. Il est là, devant eux, et un courageux mercenaire, ayant commis un crime contre sa volonté mais uniquement par la nécessité, a enfin brisé l'omerta, et vient mettre un nom sur la plaie qui ronge Nexus. C'est lui, ce « Tyler Raine », qui a toujours échappé à la justice et peut enfin être condamné. Les preuves sont tangibles, les suspicions sont pleines, et l'homme est moqueur, hautain, comme si il était au-dessus de tout.

Trente ans demandés, rien que ça, et l'appropriation de ses biens illégalement acquis par l'Etat. Le juge sourit, puis l'invite à se rasseoir.

-Sieur Law. Vous n'avez personne pour votre défense ?
-Non. Et vous ?

Rires dans la salle.

-Vous souhaitez vous défendre vous-même ?
-Bien sûr. Permettez-moi une question d'abord... Pourquoi est-ce que ce n'est pas le juge Briss qui est assis à votre place ?
-Ce sont des questions de procédure qui n'ont pas leur place ici. Je suis le juge désigné pour ce procès, c'est tout ce qu'il y a à dire. Veuillez plaider ou vous taire.
-Hmmm... Bien.


Il se lève, jetant le dossier de cuir  sur la table devant lui, puis se met droit, debout devant le magistrat.

-Je demande solennellement la permission de prier.
-Faites vite.


Il s'accroupit, lève les paumes vers le ciel, baisse la tête et ferme les yeux. Quelques secondes où ses lèvres s'agitent, et où il sera le seul à entendre ses murmures.

Leur vengeance est illégitime. Je conduis la mienne en ton nom. Je te laisserais guider ma lame pour savoir si je dois leur rendre les coups portés. Ô Dieu, j'exécuterai ceux qui offensent ta justice, seule légitime en mon cœur. Je suis un acteur traîné de force sur scène. Si, en ce jour, tu choisis de m'exécuter, sacrifie ma dévotion pour protéger ceux que j'aime.

Il finira par ses mots rituels, et se redresse, queue à l'air, tout sourire.

Je dédie ces mots à toutes les femmes présentes dans la salle. Sauf une, qui mérite mieux que ça.

Balayant l'assistance, il se retourne ensuite vers le boss du prétoire.

Je n'ai pas grand-chose à vous dire, en vérité. Relevons d'abord les arguments relevés par mon adversaire : Des prétendus citations de mon nom par des détenus qui n'ont jamais été poursuivis. Ma façon d'éviter les tribunaux et de rire des lois alors même que je suis toujours venu ici avec le plus grand respect pour cette cour, me défendre des fallacieuses accusations et en est toujours été blanchi. Invoquer cela ne relève donc d'aucun fondement recevable.

Il se penche ensuite sur ses documents. Il cherche. Cherche. Puis...

Putain... C'est chiant, le droit, hm ?

Il envoie chier son dossier, littéralement : Le prenant, il le balance dans l'air, les papiers s'envolant et retombant dans une jolie pluie blanche.

Non non, on va faire autrement. On va plutôt parler de corruption. Combien le juge Briss a-t-il reçu du Sieur Utsaah, responsable de la police, pour me déclarer coupable avant même que le procès ne commence ? Combien fut payé le seul tueur de cette cour, celui qui m'accuse d'être son commanditaire, lui, là, pour prétendre qu'il me connaissait, alors même qu'il n'a aucune preuve, absolument AUCUNE ! Qui le relie à moi. Mes employés, tous mes employés, ont un papier signé de l'un de mes assistants pour certifier qu'il travaille pour moi. 4 500 personnes à Nexus environ. Un marché totalement transparent. Et de ces 4 500, tous pourront jurer sous serment qu'ils ne connaissent pas cet homme non plus. Continuons. Combien monsieur l'avocat machin a-t-il reçu pour faire exprès de perdre ses trois derniers procès, dans l'unique but de faire condamner des criminels que certains fonctionnaires voulaient voir en prison ? Combien le duc Hamada a-t-il payé pour que nos autorités législatives offrent à lui et sa famille une exception dans les restrictions de construction autour du palais ? Combien avez-vous reçu l'année dernière, monsieur l'assesseur ? Et toi, petit enculé qui défend l'Etat de Nexus, elle s'élève à combien ta prime pour venir raconter des conneries contre moi ?

Notons que sa nudité n'enlève rien à sa verve. Il se calme, se rapproche du juge.

-Je n'accuse pas Nexus. J'accuse certaines autorités qui sont en son sein. Rappelons que la corruption est d'abord possible parce que des gens acceptent les subsides qui leur sont offert. Attention, je ne dis pas que j'ai donné : Je réfute toutes les accusations portées contre mon honnête personne. Je dis simplement qu'il y a largement plus pourri que moi ici. Il suffit que chaque personne regarde à sa gauche, et à sa droite ensuite. Les coupables sont partout. Et honnêtement, je m'en fous. Je ne jette la pierre à personne, tant que personne ne vient me casser les burnes. Je suis un commerçant honnête. Par mes mains transitent 13 % de l'économie de Nexus... Et... Euh... J'avais la preuve dans le tas de feuilles qui est maintenant par terre. C'tait ptet pas une si bonne idée de tout jeter... Bref.
-Sieur Law, simplement... 13 % ?
-Oh, oui. En comptant large, avec ce qui passe par mes bateaux, l'utilisation faite de mes employés, les marchés dont je suis l'intermédiaire... J'vous ferais parvenir ça. Je peux finir ?
-Je... vous en prie.
-Bon. J'en étais à... Oui. Les choses sont ce qu'elles sont. La personne qui a été tuée est reliée au juge Briss, pas à moi. Je ne connais ni le tueur, ni le tué. Une justice impartiale reconnaîtra sans mal que tout n'est que, au mieux, un égarement de certaines personnes, au pire, une grosse machination d'une belle bande de fils de putains des bas-fonds.
-Votre langage ! Je suis déjà fort clément de tolérer votre tenue pire qu'indécente...
-Pardonnez-moi.
-Finissez.
-Bof, vous m'avez coupé dans mon élan. J'suis triste. J'ai fini.
-... Bien. Un mot de la Reine ?


Celui qui fut précédemment traité de petit enculé se dresse.

-La Reine s'associe aux conclusions de l'accusation et demande la condamnation du Sieur Raine.
-Je demande la parole.
-Je vous en prie.
-Est-ce vraiment la Reine qui vous a dit ça ? J'ai cru comprendre que la Reine était introuvable depuis deux jours par les autorités, elle semble s'être absentée. Or, le crime eut lieu hier. Notons la rapidité de la justice, au passage.
-J'agis au nom de la Reine.
-Je demande qui a signé la délégation qui justifie vos conclusions d'aujourd'hui.


Silence.

-J'aimerais savoir de même.
-Nous n'avons rien de cette sorte à justifier. J'agis au nom de la Reine, ainsi est mon sacerdoce.

-Parce que nous savons tous que c'est le responsable de la police, messire Utsaah, le même qui a une dent personnelle contre moi, qui vous mandate, et qui est derrière tout ce procès.
-Plus une accusation, Sieur Raine, je considèrerais toute parole supplémentaire de ce genre comme de la calomnie et rajouterai cela à votre charge.
-Vous me semblez si tolérant et juste, je me permet, excellence. »



La cour a remis le délibéré au lendemain, ayant provoqué une réaction des deux opposants de Law, ceux-ci s'étant précipités pour demander un rendu express. Il convient pour cela de demander l'accord de toutes les parties, accord que l'esclavagiste a donné sans mal, d'un geste désinvolte. Il ira donc se rasseoir et patientera.

Quinze longues minutes. Il ne se tourne pas, se contentant de fixer le mur devant lui.

Ce serait mentir que de prétendre qu'il n'appréhende pas la chose. Cette attente fait partie des rares moments dans sa vie où il a vraiment, vraiment peur. Pas la douce et délicate petite frousse qui saisit les vies chaque jour, mais le frisson glaçant, paralysant, qui menace de faire s'arrêter les cœurs. Il a foi en lui, et à tout ce qu'il a fait de sa journée. Un employé du tribunal a ramassé les papiers pour les donner aux magistrats. Il ne prend donc pas la peine de se couvrir, pas même avec sa toge.

Le juge rentre, suivi d'un assesseur et de ses assistants. On se lève. On se rassied.


« -La Cour a statué. Ce fut un avis unanime d'admettre que les soupçons pesant sur le dénommé Tyler Raine-Cross, commerçant de son état et déjà maintes fois impliqués de près ou de loin dans des affaires de justice, pèsent lourdement sur son cas. Néanmoins... Malgré sa tenue déplorable dans ce procès, qui confirment son mépris de nos procédures, il ne saurait lui être tenu grief de soupçons extérieur à ce procès en particulier. Concernant, donc, les faits reprochés en particulier, rien ne permet de relier sieur Raine-Cross à l'assassinat qui eut lieu la veille. Celui qui est accusé et a reconnu avoir commis ce crime ne saurait être déchargé de sa responsabilité à ce titre ; Son procès aura donc lieu dans, précisément, vingt-quatre jours. Quant au sieur Raine-Cross, la Cour s'étant réuni et ayant statué dans un délai beaucoup trop court, elle invite les parties demandeuses à former de nouveau un recours devant le tribunal avec de nouvelles pièces permettant d'étayer leurs accusations. Le dénommé Tyler Raine-Cross est donc libre, sous réserve d'une procédure future. Au nom de la Reine et de Nexus. »





« -Makhno... Fils de pute.

Law crachait le sang à terre, s'en mettant partout sur le torse. Pas pratique d'être attaché à un gros X en bois, un peu en biais à l'arrière.

-Depuis le temps que je rêve de te baiser, Tyler...

Andrea ne se souviendra que d'une carriole qu'avait fait venir le Comte, où Andrea était monté le temps que Law ne s'en vienne. Sa libération demandait quelques formalités administratives, et un siège confortable était bien venu. Makhno lui avait d'ailleurs proposé un verre d'une boisson typiquement Nexussienne – pas de l'alcool, un simple breuvage très sucré, essence d'une haute herbe sèche poussant en masse dans les terres à l'est. Il était ensuite parti dans une explication de la justice du pays, particulièrement les rapports de connivence entre les pouvoirs judiciaires et ceux de l'administration, par des placements hiérarchiques confus.

Et Andrea s'était sentie fatiguée. Rude journée, n'est-ce pas ?

Elle ne se souvenait pas avoir vécu un réveil. Elle a juste ouvert les yeux. Elle était déjà debout, tenue par le bras par un molosse. En se débattant un peu, il la lâchait sans problème.

Petite salle, genre cellule. Plusieurs hommes, visiblement la sécurité du comte. Quelques instruments de torture sur une table. Tout ceci était très... très Law. Sauf que, malheureusement, c'était lui le supplicié. Il s'était pris des coups dans le ventre, et dans la gueule. Sale ambiance. Makhno se salissait les mains lui-même, et c'était une force brute, le garçon.

-Dire que t'as réussi à t'en sortir... Putain... Je t'aurais éliminé définitivement, et proprement. T'aurais rien soupçonné, hein ? Mais non, tu n'as pas abandonné ! Je n'en attendais pas moins de toi, cela dit.

Un violent direct du droit dans la gueule de Law, sa tête partant sur le côté, manquant de s'arracher. Il retient un hurlement sur le coup, mais ne peux s'empêcher de grogner.

-Mais y a pas que toi que je rêve de baiser. Ta p'tite donzelle là... Tu l'as ramassée sur Terre, pas vrai ? Ouai ouai... Des jolies comme ça, on en trouve plus sans collier à Nexus... Dis-moi, toi, t'as la mâchoire endurante ?... C'est pas si important cela dit, je me rattraperai en te démontant le cul quand t'en pourras plus.
-Tu la touches, je t'éclates les couilles... Je te rends eunuque et te crucifies dans une chambre où toutes mes meilleures putes se feront tringler devant toi toute la journée...
-En attendant, c'est l'inverse qui va se passer. Toi, petite, tu vas être gentille et mettre ma queue dans ta belle petite gueule, ou je lui arrache un membre.»
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le dimanche 23 février 2014, 15:27:00
Ce n’était pas de gaieté de cœur qu’Andrea était montée dans la voiture affrétée par le comte. Elle ne comprenait pas son insistance de la maintenir à distance du tribunal, de Law. Il lui avait expliqué que la libération demanderait quelques formalités qui traînaient souvent en longueur. Andrea était prête à attendre et à partager son soulagement avec le principal intéressé, mais Makhno eut raison de sa résistance quand il lui suggéra que partir était plus prudent. Ce n’était pas la peine de montrer à toute l’assistance, et surtout à ceux qui voulaient la fin de Tyler Raine, qu’il avait quelqu’un de proche qui se souciait de lui. Offrir un moyen de pression à un ennemi, dévoiler une faiblesse et une relation si précieuse n’était pas une bonne idée. Le comte avait insisté durant de longues minutes, arguant qu’il était plus prudent qu’elle rentre seule, et qu’elle soit vue comme son accompagnante à lui et non celle de Law. Personne ne s’en prendrait à elle, ni même ne soupçonnerait son attachement à l’accusé. Trouvant le raisonnement logique, Andrea sentait pourtant un détail qui la chiffonnait. Comme si l’évidence était sous ses yeux mais qu’elle ne pouvait la voir. Qu’avait-il dit qui devrait retenir son attention ?

Incapable de s’en souvenir, la jeune femme se laissa porter par les sursauts de la voiture sur la route pavée et inégale. Plongeant son regard par la fenêtre, elle souriait, soulagée. Law était libre, alors même que c’était manifestement loin d’être évident. Aller le chercher en prison aurait été un détour des plus incommodants. Il aurait sûrement réussi à s’enfuir, et elle l’aurait bien évidemment aidé, mais les choses auraient alors été nettement plus compliquées. Il était important qu’il soit publiquement reconnu comme innocent, pour conserver son empire, ses privilèges, sa liberté d’aller, venir, réussir à Nexus. Une vie de fugitif n’était pas le meilleur moyen de faire prospérer un commerce aux mille facettes. Bon, peut-être aurait-il pu mettre encore plus de chances de son côté en se montrant respectueux, presque soumis à la cour. Mais comment imaginer un instant cet homme faire profil bas, ramper devant une autorité qu’il ne reconnaissait qu’à peine tant elle était corrompue ? Il leur faisait déjà l’honneur de se montrer devant eux, c’était plus qu’ils ne méritaient.

Evidemment, il avait dû se mettre nu et faire preuve d’un étalage consciencieux de son insolence. Andrea s’était retenue d’applaudir tout le long du procès, toujours admirative de ses pulsions les plus folles. Tout était dans le spectacle, pour rester fidèle à lui-même mais surtout pour bousculer les prévisions et habitudes du tribunal, les laissant face à l’improvisation et à l’imprévu. Il les obligeait à réagir sur l’instant à ses plus folles requêtes et apparitions, leur coupant l’herbe sous le pied, empêchant toute réflexion et anticipation. Un n’importe quoi parfaitement calculé, donc.

Elle n’écoutait déjà plus Makhno que d’une oreille. Pourtant, ses paroles étaient chargées d’intérêt. Mais Andrea sentait son esprit comme embrumé. Sa tête était soudainement lourde, et elle la laissa reposer contre la porte branlante de leur carrosse improvisé. Ses yeux se fermaient, et c’est sur une seule pensée qu’elle sombra dans un sommeil sans rêve. L’idée que celui qui avait dit que la savoir proche de Law était un atout précieux pour un potentiel ennemi était le comte lui-même. Et qui mieux que lui connaissait leur relation, l’avait devinée en un regard ?

Droguée.
Quelle idiote d’avoir accepté un rafraichissement. Mais la journée passée sous le soleil de Nexus, en plus de la confiance qu’elle avait en lui, avaient suffi à endormir sa vigilance. Ne jamais donner sa confiance, Andrea. Elle le savait pourtant. Grossière erreur.

Qu’elle constata d’autant plus à son réveil, retenue par un homme de main, ses yeux s’ouvrant sur la vision d’un comte très satisfait de lui-même et de la vision d’un Law attaché, sanguinolent et manifestement en train de passer un sale moment. Gardant autant que possible son calme, la jeune femme regarda autour d’elle. En plus du comte, trois hommes. Un qui la tenait, et deux autres encadraient la porte du minuscule sous-sol qui avait dû faire office de cave avant de se transformer en chambre des tortures. Regarder autour d’elle lui permit de remettre ses idées en place, toute confuse qu’elle était après la boisson qui l’avait assommée un peu plus tôt. Décidément, on ne pouvait faire confiance à personne. Grossier personnage.

Les pierres recouvrant les murs étaient lisses et l’humidité ne parvenait pas à y accrocher ses gouttes, laissant des flaques d’eau croupie au sol. Le plafond était bas, à peine assez haut pour laisser Makhno se tenir debout. Au mur et sur la table non loin d’elle, des instruments divers et variés dont Andrea ne souhaitait pas connaître l’usage. Ici une pince à métaux, là des épingles qui ne devaient pas servir à l’acupuncture, une espèce de marteau… Et bien d’autres choses dont l’utilisation lui était inconnue. Mais cela ne lui disait rien qui vaille. Sur sa gauche, une cage de fer qui montait jusqu’en haut de la salle, enfonçant ses barreaux épais dans la terre du sol et la roche du plafond. Trois murs inviolables, donc, et seul un des pans créé par l’homme. Pas évident de s’en libérer. Et juste à côté de la cage, Law était comme écartelé, en train de recevoir des coups d’une précision et d’une violence qui relevaient de la haine.

La voyant réveillée, Makhno s’intéressa soudainement à elle et lui ordonna de le satisfaire. Le cerveau d’Andrea tournait à plein régime, alors qu’elle n’avait qu’une envie : vomir de dégoût, et jurer aux grands dieux que jamais elle ne ferait une telle chose. Admettons. Elle lui crache à la gueule.

Un rire éclate.
Un craquement sinistre retentit. Fracture ouverte du radius. Infection. Probabilité de décès : 76%.
Un premier cri. Torsion de l’épaule, qui cède sous la tension. Compression des vaisseaux sanguins, irrigation des tissus du bras quasiment réduite à néant. Nécrose. Probabilité de décès augmentée à 91%.
Un second cri. Refus, encore. Probable démonstration de puissance avec de multiples blessures faites avec une lame sale traînant sur la table. Espérance de vie réduite au miracle.

Andrea afficha donc son plus beau sourire.

« Mais avec plaisir. C’est pas comme si je lui étais exclusive, et vu son état il ne me sert plus à grand-chose. Les hommes à pouvoir m’ont toujours excitée. Vous en avez bien plus que je ne pensais. »
- Voilà qui est bien parlé. Viens là ma belle petite chienne.

La jeune femme reprit son bras de force, se libérant de l’homme de main qui la retenait. Frottant son poignet endolori par la pression du colosse, elle s’approcha de Makhno et vint caresser d’une main qui se voulait envieuse le torse du bonhomme. C’était la seule solution à envisager. Il ne la connaissait pas, ne pouvait pas savoir qu’il était absolument hors de question qu’elle se soumette de nouveau un jour à un homme. Leur faire plaisir en oubliant de penser à elle, c’était une époque totalement révolue. Et elle lui ferait payer l’idée même d’avoir essayé.

« Il ne m’a encore jamais touchée, j’espère que vous ferez mieux que lui »
- Allez, à genoux. Qu’il nous voie bien. T’es vraiment sa pute, alors, pour espérer le sauver comme ça. Je vais le finir de toute façon. Si t’es bonne, je le ferai peut être plus rapidement. Regarde Tyler comme elle se donne à moi sans hésiter. Tu les dresses mal.

Classique. Tellement d’ego, tellement de satisfaction et de pouvoir qu’il en oubliant qu’Andrea était spéciale. Qu’elle n’était justement pas ce qu’il prétendait. Elle s’agenouilla pourtant, le laissant défaire la boucle épaisse de sa ceinture et faire choir son pantalon bien taillé sur ses chevilles. Il révéla un sexe à moitié dur, un peu excité par la situation sans qu’Andrea ne puisse dire si c’était la fellation ou sa domination sur Law qui lui plaisait autant. Le comte glissa une main dans les cheveux blonds, refermant ses doigts dessus et lui collant le visage contre un bas-ventre impatient. Andrea déglutit, gardant son sourire pour empêcher à son estomac de rendre le contenu de son dernier repas. Elle posa les mains sur le ventre trop développé de l’homme, ouvrit la bouche et vint envelopper le membre palpitant qui se durcit à son contact. La gorge d’Andrea se serra instinctivement alors qu’elle retenait un haut le cœur tandis qu’il enfonçait en elle un sexe enfin soulagé.

Evitant soigneusement le regard de Law, la jeune femme laissa son cœur se calmer, et bougea légèrement le pied pour constater l’absence de sa lame dans sa botte. Il avait dû lui enlever un peu plus tôt. Tant pis. D’un coup et sans prévenir, elle mordit de toute ses forces dans la chair. Un hurlement lui répondit, alors que le comte resserrait sa main sur ses cheveux et tentait de la tirer en arrière, lui arrachant quelques mèches blondes au passage. Andrea tint bon, les dents fichées dans la peau, sentant le sang se répandre dans sa bouche. Elle allongea la jambe, pour venir rapprocher une pince à métaux qui traînait comme instrument de torture. L’attrapant du bout des doigts sans lâcher sa proie, comme un chien enragé, Andrea la plaça maladroitement à la base du sexe de l’homme pour la refermer sans la moindre hésitation. Le hurlement s’amplifia, alors qu’elle retirait sa bouche, se relevait pour attraper une lame sur la table et venir trancher, enfin, la queue qui avait osé vouloir la soumettre. Morceau de chair en main, Andrea se releva instantanément pour placer la dague sur la carotide de l’homme qui pleurait, hurlait, se débattait en essayant d’éviter l’arme.

« Vous bougez, je le tue. » lança-t-elle à l’intention des hommes qui venaient de dégainer leurs armes. « Et maintenant, gros porc, tu vas bouffer ton ego par la racine. Tu sais que sans ça, tu seras nettement moins imposant ? »

Elle agita ce qui se trouvait dans sa main, lui mettant sous le nez puis l’enfonçant dans sa bouche, ouverte sur un long cri de douleur et de peur.

« Maintenant, à ton tour de la bouffer. Estime-toi heureux que je ne la mette pas dans ton cul. Tu as voulu me la faire avaler, eh bien je t’en laisse l’honneur. Tu l’aimes tellement, alors savoure, enfoiré ! »

Attendant sagement qu’il s’exécute, elle continuait à maintenir les gorilles à distance de par sa simple lame appuyée contre la peau fragile. Une entaille à cet endroit, et le comte ne serait pas seulement émasculé mais mort. Ils comprenaient ce simple message. Makhno n’eut d’autre choix que d’avaler sa propre chair pour ne pas s’étouffer, malgré la douleur qui l’évanouissait. Andrea le giflait pour le réveiller, le gardant conscient pour qu’il finisse son œuvre. Après seulement, elle le laissa sombrer dans l’inconscience. Tout de suite, elle libéra Law tandis que les hommes de main du comte se jetaient sur eux. Elle s’occupa de son geôlier de tout à l’heure, dansant autour de l’arme qu’il agitait dans tous les sens, esquivant les attaques malgré quelques estafilades qui fleurirent sur ses flancs. Elle réussit à l’amener jusque dans la cage de métal, la refermant derrière elle avant de se faufiler jusqu’à la sortie. Vérifiant que Law était juste derrière, encore debout malgré ses blessures, elle s’élança et referma la porte.

Ils remontèrent jusque dans la demeure du comte, tournèrent à droite vers la sortie, et Andrea s’arrêta de justesse avant de renverser une femme se tenant devant elle. Une femme richement vêtue, et dont la couronne ne laissait aucun doute quant à sa situation. La Reine, rien que ça. Elle avait failli renverser la Reine. Sentant encore le sang couler de son menton et goutter sur sa poitrine, Andrea pencha très légèrement la tête en avant.

« Majesté, je suis navrée mais je pense que le comte n’est pas en état de vous recevoir. Il est légèrement abîmé. Au plaisir de vous revoir. »

Et elle repartit, avant de s’arrêter de nouveau. Faire demi-tour, tirer sur la cape faite de velours et de broderies de la souveraine de Nexus. La récupérer, essuyer son visage et sa bouche emplie du goût métallique du sang. S’en draper, et reprendre sa route. Un bon torchon, et une parure agréable pour cacher les dégâts sur ses vêtements.


Une bonne heure plus tard, Andrea se cachait avec Law dans une petite ruelle, toujours dans le même quartier. Presqu’invisible, cette sortie n’avait pourtant aucune issue. Les soldats qui passaient sans interruption devant leur cachette les empêchaient d’esquisser le moindre mouvement. La Reine avait en effet été fort peu satisfaite de perdre un tel atour, et attirée par les cris elle avait découvert un sous-sol, et surtout le spectacle de ce qu’Andrea avait laissé derrière elle. Ses hommes avaient été prompts à réagir, et étaient à présent à leurs trousses. Serrée contre Law, la jeune femme ne bougeait pas et attendait qu’on les trouve ou qu’ils se fatiguent.

« Une journée normale à tes côtés, je suppose. Il faudra revenir pour accomplir ta promesse. Il n’est qu’eunuque, tu lui as fait voir bien d’autres finalités, il me semble. Tu vas bien ? »

Finalement, et sans prévenir, le passage des gardes s’atténua et disparut. A la place des soldats qu’Andrea s’attendait à voir, apparut au bout de la ruelle une vieille femme avec un œil de verre qu’elle connaissait bien.

- Je les ai orientés sur une mauvaise piste mais ils ne vont pas tarder à revenir. Il vaudrait mieux attendre à l’abri qu’ils se fatiguent. Allez dépêche-toi, idiote. Vous n’avez pas beaucoup de temps.

Andrea la suivit avec peu d’hésitations, bien consciente qu’un jour ou l’autre un des gardes trouverait la ruelle et leur tomberait dessus. Elle suivit donc la vieille femme jusque chez elle, la laissant fermer à clé derrière eux.

- Tu l’avais déjà trouvé alors, ton prince, sale gamine. Vous êtes tranquilles ici jusqu’à ce qu’ils se calment et arrêtent les poursuites. Notre hystérique de Reine va bien finir par rappeler ses chiens et oublier sa cape. D’ailleurs, ce sera mon moyen de paiement.
« Heureusement que je l’ai volée, sinon tu ne nous aurais pas aidé, je me trompe ? »
- Evidemment. Tu crois quand même pas que je l’ai fait pour tes beaux yeux. Allez, envoie le pactole. Restez ici tant que vous voulez.

S’exécutant, la jeune femme tendit le tissu à présent tâché de sang à la maîtresse des lieux, certaine qu’elle les abriterait. Le jeu en valait bien la chandelle, la cape de la Reine, tout de même.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le dimanche 23 février 2014, 16:55:20
Law restait étonnamment passif, se contentant de suivre sa sauveuse, un peu hagard. Une détermination braisait encore au fond de ses yeux, mais si faiblement qu'on n'aurait pu croire à un avatar du passé, présent encore pour la forme, faire bonne figure et basta. Traîné par une femme qui fait la moitié de son gabarit, l'esclavagiste n'avait d'autre choix que de suivre, comme prisonnier de sa volonté infiniment supérieur en cet instant.

« Qu'est ce que tu vois ? »

La parole s'envole, brumeuse et lointaine, puis s'échoue, sans réponse. La Reine. Mignonne. Pas le temps de lui parler. Ils fuient la soldatesque. Andrea vole sa cape... Bon sang, c'est tellement lui. Cette façon dont il déteint sur elle lui déplaît et l'enchante en même temps. Le paradoxe arrache un sourire à son calme visage, secoué par le voyage.

Une vieille. Il ne la connaît pas, bien qu'elle lui dise quelque chose. Elles parlementent. Vénale... C'est bien. La recherche du profit ne fait parfois pas de mal.

« Non, Andrea. Un tel objet... rejoindrait ma collection. »

Aussitôt, Law se redresse, soudain d'aplomb. Il saisit sans grande résistance l'arme qu'Andrea porte encore sur elle et se précipite sur l'ancêtre pour l'égorger net. Une large incision sans aucune bavure, et la victime, ayant poussé un petit cri qui fut coupé net, comme ses cordes vocales, s'écroule à terre. Elle ne bougera plus du tout dans trois secondes.

Elle l'a sauvé. Elle a manqué de crever... et de le tuer, aussi, mais elle fut héroïque. Au mépris de toute considération de prudence et de sécurité. Elle a été merveilleuse. Elle a été comme il pensait qu'elle serait. Il n'est pas déçu du voyage. Il lui faut prendre une grande inspiration pour pouvoir continuer calmement.

Le temps de cligner des yeux, le cadavre de la vieille a disparu. Law fixe Andrea avec gravité. Il a l'impression de n'avoir jamais été aussi sérieux de sa vie. Il est sûr de ce qu'il va dire. Sûr de ses pensées et de ses émotions. Il a fallu que tout cela arrive, que toute sa vie le mène à cet instant précis. Un moment qu'il lui faut savourer.

« Je vais te le dire ici. Parce que plus je vieillis et plus ça devient dur de rester moi dans la vie. Je t'aime. Je ne comprends pas pourquoi. Je suis... un adepte du rationnel. Et tout cela n'a rien de rationnel pour moi. Oh, tu peux me parler de mes dieux mais... c'est plus rationnel que les sentiments. Sparshong peut me parler et venir me voir. Mais l'amour... C'est...

Il fait une pause, s'apercevant que ses blessures ont toutes disparues, sinon celle sur sa mâchoire, résultat d'un coup porté la veille. Comment le voyait-il, sans miroir ? Mystère, mais il le savait. Il se penchait pour récupérer la cape. Elle aussi est devenue propre. Il lui tend les deux objets, lame et tissu.

Je voudrais te garder pour l'éternité près de moi mais c'est impossible. Parce que je suis invivable, d'abord, et parce que je serais sans doute bientôt mort. J'ai fait mon rôle ici, j'ai servi mes principes. Un jour, j'abolirai l'esclavage, et la monarchie devra plier face au pouvoir du peuple. Peut-être serais-je déjà dans l'autre monde quand mon dessein s'accomplira, mais c'est moi qui l'aurait fait. Je ne veux pas que tu luttes pour mon œuvre. Je veux que tu luttes pour toi. Gagne ton immortalité. Gagnes ta vie. Quand tu voudras, quitte-moi sans regret. En attendant, je veux que tous les deux, nous profitions du peu de temps qu'il nous reste.

Encore un arrêt. Andrea peut bien avoir envie de répondre, quelque chose l'en empêche pour l'instant. Il paraît tout penaud, le grand patron du crime. Faible comme un gosse.

Tu es la première femme que j'estime comme moi-même. Tu es la seule déesse en qui je crois. Et c'est grâce à toi que je m'en suis sorti aujourd'hui. J'espère que tu m'acceptes dans ta vie. Enfin... Disons qu'on s'est déjà accepté tacitement... Mais j'en fais le serment aujourd'hui : Mon cœur, si tant est qu'un criminel esclavagiste tel que moi puisse en avoir un, t'es offert à jamais. Et quand je mourrais, ce sera ton nom que je prononcerais en dernier. »

Il ouvre ses bras et avance vers elle.



« -Tu vois quoi ?
-Tu n'aimerais pas savoir.
-Racaille. Dire que je vous transporte. Tu sais ce que je risque, à ce qu'on me voit avec toi ?
-Je ne vois pas le rapport.


Il ouvre les yeux vers lui.

-Merci.
-De ? Vous transporter ?
-De t'être arrangé avant le procès avec le juge.
-Je l'ai fait pour elle. Pas pour toi.
-Tu sais que si tu m'avais éliminé, elle se serait jeté dans tes bras ?
-... Vraiment ?
-Non. Mais je te laisse penser à cette éventualité histoire que tu puisses regretter toute ta vie de m'avoir sorti de cette merde. »


Il referme les yeux pour retourner parler à Andrea.




Quelques minutes plus tard, dans la réalité, elle sent la main de Law quitter son front, sur lequel celle-ci se reposait depuis le début du voyage. Son réveil est instantané. Elle est allongée dans la large carriole, la tête posée sur l'un des genoux de celui qui lui parlait, sa toge négligemment ouverte sur son corps nu et recouvert de ses dessins rituels. Makhno écarte les rideaux d'une portière.

-Voilà ta ratière.
-Ce casino est le plus respectable de tout Nexus, monsieur le comte suceur de boules.
-Suce les miennes.
-... Très honnêtement, non merci. Et évite de lui demander à elle, t'aurais une mauvaise surprise. Viens, Andy.


Il la fait se relever lentement et sort de la voiture en lui tendant la main. Le crépuscule s'étend sur Nexus, couchant ses couleurs pastels sur le ciel d'une Cité-Etat dont l'éclat n'avait rien à envier à l'astre solaire lui-même.

-Avant que tu ne demandes : Oui, j'étais là. J'avais besoin de m'assurer de quelque chose. Un dernier détail. Maintenant, je suis sûr … J'ai adoré ce que j'ai vu, tu sais. »



Il remontait dans ses quartiers, ordonnait qu'on lui prépare un bain dans l'immense ouvrage de marbre qui lui servait de baignoire, celle-ci, au rez-de-chaussée, engoncée dans le sol, dans une large pièce assez sombre où étaient disposée de nombreuses bougies sur des petites étagères fixées çà et là contre les murs. Il s'asseyait tandis que les esclaves se succédaient pour remplir d'eau brûlante le réceptacle, eau ponctionnée dans un large bassin chauffé au charbon dans une pièce plus souterraine. Le bain de Law coûte... immensément cher.

Demain, je bosse. Après-demain aussi. Et après-après-demain, quand Isaac reviendra, aussi. Si tu veux économiser un peu, profites de ce temps-là. Après, je t'emmène dans des contrées plus lointaines. Sans mes soldats, sans protection, et sans mon nom comme laisser-passer. Je te montrerai ce que je fais de mes vacances. Ce ne sera pas de tout repos, tu sais.


Il ôte son unique vêtement lorsqu'une esclave approche avec un linge et un plus petit seau. Elle le frotte diligemment, pas pour le laver, mais uniquement pour enlever les peintures fixées sur son corps.

Sauf si tu préfères rester à Nexus. Oh, au fait.

Il retire de son doigt une bague en bronze, avec des petites pierres fixées dessus. Des pierres genre... cailloux, gravillon. Un objet qui manque sérieusement de classe en société.

Ca te permet de manipuler les rêves des gens. D'en être un acteur, même. Utilise-le sur moi un de ces quatre si tu en as envie, ce ne serait que justice. La question va te sembler idiote mais... j'aimerais bien qu'on dorme ensemble, ce soir.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le dimanche 23 février 2014, 18:45:26
Une gerbe de sang jaillit de l’artère tranchée. Andrea se mordit la lèvre, aurait voulu intervenir, le retenir. Comprendre pourquoi il faisait cela. Elle n’en fait rien pourtant, incapable de bouger, étonnamment prise par le décor dont elle ne peut se défaire. Ses yeux fixent le corps à terre. Elle voit l’expression résignée de la vieille, son œil de verre encore ouvert sur son meurtrier. Son esprit se tourmente, Andrea ne sait pas ce qu’il vient de se passer. Pourquoi la tuer ? Elle n’était rien de plus qu’une saltimbanque un peu portée sur le crime. Ils n’étaient pas en danger. C’était presqu’une bonne connaissance, maintenant. Pas dangereuse, pas contre eux. Andrea est absorbée par la gorge ouverte, le spectacle de ce corps abandonné sur le tapis qui s’imbibe de sang. Le corps comme désarticulé, tombé au hasard sans soigner sa dernière révérence. Et puis soudain, plus rien. Le tapis est impeccable, sans la moindre marque de souillure. La cape aussi. Law n’est plus blessé.

La jeune femme a envie de crier d’incompréhension. De se révolter, de se débattre. Quelqu’un manipule les faits, le temps ou son esprit. Des choses impossibles se produisent. Elle ne comprend pas, et pourtant tout à coup, sa peur se calme et son cœur stoppe son emballée. Il n’est pas nécessaire de s’affoler. Cela ne fera que la desservir. Mais c’est surtout comme si une main d’une douceur infinie venait de s’infiltrer dans sa poitrine pour caresser son palpitant et le forcer à cesser sa course folle. Murmurant des mots doux à son esprit, quelque chose la calmait alors qu’elle avait des raisons de s’affoler. Andrea resta immobile, incapable de bouger, de parler, alors que Law se fichait bien des altérations de la réalité.


Elle se réveilla alors que son monde s’écroulait, s’étiolait comme une photo que l’on brûle. Ayant l’impression de mourir quelque part, quelque part qui n’était pas ici, Andrea se redressa et tomba nez à nez, avant Law, avec Makhno. Elle laissa échapper un petit cri de surprise, avant de le saisir par le col et de murmurer tout bas à son intention.

« Je pensais t’avoir laissé pour mort ! Ne t’avise pas de croiser ma route ! »

Encore sous le coup de son expérience, elle aurait presque pu l’égorger sur place si l’étrangeté de la situation ne lui avait pas sauté aux yeux. Reprenant peu à peu ses esprits, elle fit le lien avec sa position dans la voiture. Un rêve. Ce n’était qu’un rêve. Law lui confirma qu’il en avait bel et bien fait partie. Mais dans la tête d’Andrea, tout ce qui tournait en boucle était qu’elle avait rêvé. Ne pas lui envoyer une claque magistrale se joua à presque rien. Aveuglée par la luminosité, épuisée de ce qu’elle venait pourtant de vivre, la jeune femme le laissa la reconduire chez lui, chez elle. Elle n’était pas énervée qu’il ait manipulé son sommeil, non. Ça, elle le lui pardonnait. Il avait ses raisons. Même si, soit dit en passant, elle avait eu horriblement peur et avait dû sucer la queue de…

Yeurk. Rien que d’y penser elle eut un haut le cœur. Elle aurait dû lui en vouloir horriblement pour l’avoir fait rêver de ça, et pourtant non. Parce que quelque part, elle était fière de ce qu’elle avait fait dans ce rêve. Fière d’avoir réussi à désamorcer la situation. Fière de lui prouver, aussi, qu’elle valait quelque chose. Mais surtout de se prouver à elle-même qu’on ne jouait plus d’elle aussi facilement. Mais elle lui en voulait sans aucun doute pour lui avoir dit ces choses dans un satané rêve ! Bouillonnant intérieurement, Andrea prit sur elle et patienta. Elle attendit d’entrer dans le casino, puis de se rendre dans la pièce où il allait se faire laver. Elle attendit même que la porte soit refermée derrière eux. Avant de le fusiller du regard.

« Tu voulais vérifier quoi, au juste ? Et avant que tu le demandes, oui je suis en colère. Tu as intérêt à me répéter ça dans un autre contexte qu’un rêve où tout n’est qu’illusion, mensonge et mise en scène. Je ne pouvais même pas te répondre. »

Pourtant, elle n’était pas vraiment en colère. Notant dans un coin de sa tête qu’il lui faudrait aller s’excuser auprès du comte malgré le dégoût qu’il ne manquerait pas de lui inspirer, par simple réflexe d’une expérience beaucoup trop réaliste pour elle, Andrea saisit la bague qu’il lui tendait. Elle l’observa un instant, avant de la passer à son doigt. Juste pour être sûre qu’il ne lui referait pas le coup. Elle se calma par la suite, essayant d’oublier ce qui s’était passé de manière si réelle, pour elle. Andrea enleva également ses vêtements et entra la première dans la baignoire, avant lui qui finissait de se faire enlever ses peintures rituelles. Elle sentait encore le sang dans sa bouche, sur son cou, et se mit à le frictionner comme un réflexe, pour essayer de s’en nettoyer.

« C’est un oui. Débrouille-toi pour savoir à quelle question je te réponds. »

S’immergeant entièrement dans le bain aussi longtemps que sa respiration le lui permettait, comme elle le faisait si souvent sur Terre ces derniers temps, Andrea finit par remonter et accepta qu’un esclave détache et lave ses cheveux, consciencieusement. Les doigts sur son crâne l’apaisaient peu à peu, alors qu’elle essayait de penser à autre chose. Vacances. Le mot la fit sourire malgré sa résolution de paraitre fâchée. Cela voudrait dire qu’elle pourrait le voir plus régulièrement. Qu’il allait lui faire découvrir un peu plus que simplement Nexus. Ce serait sûrement fait d’explorations, de fuite, de bagarres… Bref, le paradis. Elle y voyait en plus une excellente occasion de se perfectionner, autant dans ses connaissances de Terra que dans sa maîtrise de la dague et son agilité. Elle partait de si bas qu’elle ne pouvait que progresser, et à ses côtés elle savait qu’elle ne risquait rien.

« Et que ce soit bien clair. Je ne compte pas te laisser agir tout seul en héros, tu m’entends ? Abolir l’esclavage, l’histoire de ma vie. Alors ne dis pas qu’il ne nous reste que peu de temps. Dire que c’est moi qui pensais que tu te lasserais de moi en premier, que je n’étais qu’un divertissement. Il semblerait que je ne dois plus y croire. Enfin, si je peux croire ce que j’entends dans un rêve. Et si tu attends une réponse à ton discours, eh bien tu peux toujours l’espérer. Je ne réponds pas à un fruit de mon imagination. »

Elle cherchait surtout à cacher ce que ces paroles avaient eu comme effet sur elle. Andrea était partie du principe qu’elle ne resterait pas ici indéfiniment, parce qu’il en aurait marre de se traîner une gamine ne connaissant rien à la vie. Qu’il se lasserait d’elle. Après une telle déclaration, elle ne pouvait être que rassurée, même si cela continuait d’être anxiogène de ne l’avoir entendu que pendant son sommeil. Elle savait ce qu’il allait lui répondre, mais l’onirisme est trompeur, se cache, se transforme. Toutefois… Savoir qu’il pensait qu’elle allait le quitter un jour lui serrait le cœur, autant de plaisir que de tristesse. Ne comprenait-il pas que, malgré sa liberté retrouvée, et son profond attachement envers elle-même, il restait la personne la plus importante dans sa vie ? Bien sûr, personne ne peut promettre l’éternel. Pourtant, Andrea était certaine que c’était ce qui s’en rapprochait le plus. Et savoir qu’elle était ce reflet à ses yeux la rassurait.

« En plus, j’ai déjà volé le manteau de la Reine. C’est un bon début pour la renvoyer dans les bas-fonds, non ? »

L’adrénaline de toute sa journée, de ses deux journées même, retombait doucement. Fermant les yeux, Andrea faisait le point de tout ce qui venait de chambouler sa vie en si peu de temps. De ses progrès, de ses expériences. Deuxième jour à Nexus, et elle arrachait une verge avec les dents avant de se voir dire par l’homme le moins romantique qu’elle connaissait qu’il l’aimait. Le constat était plutôt amusant, et elle étouffa un rire alors que l’éponge glissait sur son corps. Law venait de la rejoindre, et elle se tourna vers lui avant d’arrêter la main de l’esclave pour lui prendre le savon qu’elle s’apprêtait à poser sur le corps de son maître.

« Je vais m’en occuper, Amara. Tu comprends ? Bien. Je te remercie. Tu peux porter ces vêtements à laver, maintenant. »

Et c’est aussi dépourvue de la moindre connotation que l’aurait fait l’esclave qu’Andrea prit le temps de laver presque religieusement le corps de Law, encore étonnée de ne pas voir la marque des blessures auxquelles elle était sûre d’avoir assistée. Pour lesquelles elle avait eu peur, et mal avec lui.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le vendredi 28 février 2014, 10:51:13
La culpabilité. Quelque chose qu'il ressentait assez peu. Après tout, on ne se sent coupable que d'un acte qui n'est pas justifié par un code, un principe. Si possible les deux. C'est ainsi que quand il fait tuer, il assume totalement sans trop de remords. Il supporte la responsabilité du fait sans problème ; néanmoins, il sait agir pour le bon, pour le bien. Parce que l'activité commerciale de Nexus nécessite ses petites opérations. La vie dans les bas-fonds s'est améliorée depuis qu'il est là, c'est un fait indéniable. En tranchant la gorge d'un adversaire et de ses sbires, il rend la Justice. C'est elle, celle de Sparshong et celle, quand elles n'entrent pas en conflit, de Nexus, qui lui permet de bien dormir la nuit sans trop de cauchemars.

Et il ne ressent pas plus de culpabilité envers Andrea. À défaut d'agir comme bras armé de son Dieu, il a agit pour son propre intérêt, pour la sauvegarde de sa petite personne. Cet égoïsme rationnel lui donne une certaine légitimité à se comporter comme un vil bâtard.

… Mais il se sent coupable de ne pas se sentir coupable. Il baisse les yeux à de nombreuses reprises, un peu dans son monde, se demandant si il devrait se forcer à se penser mauvais, et de demander pardon solennellement. Parce que ce n'est pas n'importe qui qu'il semble avoir blessé, pour le coup. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Arrive donc un moment où il plonge dans ses souvenirs : A-t-il déjà dénaturé ses principes avec Isaac ?

Cependant, quelque chose le heurte : Ce n'est pas ses principes qu'il dénature, c'est son personnage. Il oublie régulièrement qu'il joue un personnage. Qu'il n'est pas comme ça en réalité. Qu'il est plus calme, moins sauvage, plus vertueux. C'est un acteur qui est allé trop loin dans son rôle, à tel point qu'il en a oublié ses frontières originelles. Alors, dénaturer son personnage ou pas ? Ça le taraude sérieusement. Plongeant dans l'eau après elle une fois débarrassé de ses peintures, il s'appuie contre le marbre et l'observe.

Tu peux être en colère. Je ne m'excuserai pas. J'ai fait ce qui était nécessaire, et ce sans te mettre en danger. Par ailleurs, concernant l'esclavage, je ne t'impliquerai que si je suis sûr qu'il ne puisse rien t'arriver. Je serais un héros tout seul si il le faut, et t'écarterai soigneusement. Je refuse que tu finisses dans une cellule, torturée, violée pour finir démembrée. Les crimes de lèse-majesté sont généralement punis de la pire des façons. Et si tu te fais attraper, c'est probablement que j'aurais échoué d'une manière ou d'une autre, et qu'ainsi je serais incapable de te sortir de là.

Elle s'approche, repousse l'esclave. Il admire la façon qu'elle a de, déjà, comprendre comment ils marchaient. Tant mieux... C'était le genre de choses nécessaires en ce monde.

Et je n'arrache pas une nana à son monde après avoir bouleversé sa vie il y a plusieurs années pour la traîner ici et la dégager au bout de deux semaines juste parce que je me lasse d'elle. Je te fais confiance pour que jamais je ne sois lassé, déjà.

Il n'avait pas eu à mentir, où à se forcer. C'est donc sereinement qu'il se laissait se faire laver par elle, tandis que l'esclave s'était reculée pour exécuter les ordres de Drea. Et... c'est bien moins plaisant quand c'est elle. Dur aveu. Non pas qu'elle s'en sortait particulièrement mal, mais moralement, il ne voyait pas pourquoi elle exécutait la tâche habituellement dévolue à un esclave ; mais ce n'était pas si dérangeant que ça. Non, la vraie gêne, c'est qu'elle le faisait elle-même.

Raaah ! Ma belle, on a un sérieux problème.

Il lui arrache le savon des mains et le jette à l'eau, celui-ci remontant bien vite pour flotter à la surface, comme désirant être témoin de cette scène.

Au début j'ai refusé de te faire des avances simplement pour, d'une part, te montrer à toi que je n'étais pas comme les autres, et d'autre part, pour me montrer personnellement que je ne te considérais pas comme les autres. Il faudrait qu'on sache se comporter un peu normalement... De base, nous n'sommes pas normaux, c'est entendu. Mais... mais merde, quoi !

Ca devient sérieux. Il écarte ses bras pour l'empêcher de le repousser, se colle à elle et la prend par la taille, afin de la pousser contre l'une des parois, les jambes de la demoiselle par-dessus les siennes, lui-même accroupi sur ses propres genoux. Bras dans le dos, prise par la nuque.

Et l'embrasse. Pour de vrai. Peut-être pour la première fois pour de vrai. Avec affection, envie, passion. Un employé arrive et dépose derrière eux une lettre qui fut déjà ouverte. Ah, oui... Il avait oublié... Bref regard sur l'objet, avant de séparer ses lèvres de celle d'Andrea.

Des nouvelles de Seiji. Désolé de briser le moment. Tu n'es pas obligée de lire.

La lettre était en deux pages, rédigées sur du papier au format terrien. Dans un japonais plutôt correct, la personne parlait de soins intensifs, de multiples fractures, de troubles intellectuels, de pronostic vital engagé et d'optimisme du médecin, dans des mots peut-être un peu moins clairs. On parlait aussi de recherche d'Andrea. On parlait d'absence de soupçon quant à un meurtre, et que la tentative de suicide semblait tant acceptée que tous étaient dévastés. Il n'avait pas parlé, avait passé une bonne partie de son temps dans un genre de coma, finissait le mot.



Justement, à son chevet, à Seikusu, arrivait un visiteur. Ce dernier savait qu'il s'engageait dans une discussion unilatérale, puisqu'avec son tuyau dans la bouche, il serait difficile au blessé de parler normalement. Peu importe : Il lui suffira de poser une question pour que la réponse, même mentale, soit entendue.

-Je viens ici pour savoir si tu te sens coupable.

Sa voix était rauque, mais douce. Il sourit. Deux crocs très pointus apparaissent de ses lèvres lorsqu'il recommence à parler.

-Et pour savoir si tu souhaites mourir. Pense, je t'écoute.

Il abandonne la capuche de sa toge et se penche sur lui. Ici, le temps s'est arrêté. Il n'y a qu'eux dans un monde en-dehors de toute autre dimension. Il lui fait d'ailleurs savoir en posant sa main froide et écailleuse sur celle du patient.

-Prend ton temps.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le dimanche 02 mars 2014, 01:16:14
Une machine sonne, un cri strident à trois heures du matin. Une infirmière s’est renversée sa tasse de café sur la blouse, elle jure mais s’en moque et attrape le bras de sa collègue. Elles se précipitent dans la chambre quatre. Le scope a montré que le cœur s’emballe. Fibrillation ventriculaire. Le médecin arrive, attache son masque, lance déjà des ordres. Choquer à 200. Reculer. Choquer. Pas de réaction. L’infirmière change le tube du respirateur artificiel, tandis que l’autre prépare de l’adrénaline. Injecte. Noradrénaline. Injecte. Le massage reprend, tandis que le médecin réanimateur jette un coup d’œil aux derniers relevés sanguins du patient. La CRP crève le plafond, la troponine est en augmentation depuis les cinq dernières heures. Le cœur est en souffrance. Un coup d’œil à la fonction rénale, fichue. Il hésite, doit prendre une décision tandis que son équipe s’affaire, ne pense qu’à la vie. Que faire ? Quelle décision prendre ? Il regarde ses deux infirmières, sait qu’elles seront chamboulées par ses paroles cette nuit. C’était une mauvaise nuit pour mourir. Une bien triste nuit pour s’éteindre. Et pourtant…

- On arrête. Heure du décès, trois heures douze.

Les mains cessent de s’activer, les respirations haletantes des infirmières se calment. Celle qui est en charge du patient reste pour éteindre une à une les machines, finissant par le scope qui hurle, affichant sa ligne droite comme la preuve de leur échec. La seconde va prévenir l’aide-soignante pour préparer la toilette mortuaire, puis va appeler la famille. Leur annoncer, toujours le plus difficile. Ce jeune homme ne méritait pas de mourir. Il était bien trop jeune pour laisser la vie quitter ses veines. Et pourtant. Le médecin réanimateur écrit un mot dans le dossier, pour les archives, et va se resservir une tasse de café tandis que les soignantes s’activent pour nettoyer le corps vide et bientôt rigide de leur patient. Ex patient. Ce n’est plus qu’un tas de viande, et il le sait. Sans doute abandonné par son âme depuis bien longtemps, maintenu en vie par des machines, des tuyaux et des fils. C’est à chaque fois une torture et un soulagement, pour lui. Encore une vie qu’il n’a pas pu sauver, une âme qui a préféré s’en aller. Serrant le poing, il exauce une prière rapide avant d’aller voir un autre patient.

Dans la chambre d’à côté, quelque part, Seiji a assisté à la mort de ce jeune homme, la trentaine. Accident de deltaplane. Enfermé dans son corps qui ne fait que dormir, Seiji ne ressentait même pas la douleur de ses jambes brisées. Il ne ressentait plus grand-chose de physique. Pas même la raideur de ses membres, le pansement autour de son crâne. N’ayant aucune idée de son état, son esprit s’était recroquevillé loin, très loin dans sa conscience. Pour ne pas avoir à vivre cela. Pour s’échapper de la peur, de la souffrance. Et pourtant, quelqu’un était venu l’en déloger. Une silhouette incertaine que son esprit ne voulait pas matérialiser. Une voix profonde, rocailleuse et pourtant chantante. Un accent étranger qui lui parlait avec les mêmes intonations que sa propre mère. Quelqu’un qui lui paraissait familier, et pourtant si différent.

Quelle question ! Evidemment qu’il avait envie de vivre. Hors de question de faire plaisir à Andrea alors qu’elle lui avait menti. Elle lui avait promis une mort confortable contre son silence. Il n’était pas mort, pas encore. Et refusait de prendre une telle décision sans la contrainte de sa sœur. Maintenant que le destin l’avait épargné, il devait se servir de cette situation. En pensant à sa situation actuelle, Seiji rassembla ses quelques forces et imagina sa demi-sœur comme il l’avait vue juste avant de tomber. Belle, forte, intraitable. Il briserait cet air fermé et sûre d’elle. Il casserait cette arrogance sur son visage. Elle était à lui, à personne d’autre, et il ne la laisserait pas s’en tirer aussi facilement. Elle l’avait fait vivre ? Soit. Elle le regretterait. Andrea allait payer pour ce qu’elle avait fait. Il suffisait qu’il la trouve, libre de cet espèce de fou qui la protégeait, et alors il reprendrait l’ascendant sur elle. Andrea était une chose qu’il avait exigé obtenir, qu’il avait eue, et qu’il posséderait à nouveau. Il s’en faisait la promesse.

Le jeune homme sentait la colère bouillir dans ses veines, accélérant son pouls et laissant la machine rythmer un peu plus fort son cœur. Des bip qui lui parvenaient à présent qu’il avait doucement conscience de son environnement, sans pour autant se réveiller. Cette voix, en boucle, qui lui demandait s’il regrettait ou s’il voulait mourir. Seiji aurait aimé pouvoir lui rire au nez, mais tout ce qu’il put faire c’est songer de toutes ses forces à sa motivation. Vivre et faire regretter sa très chère sœur de lui avoir laissé une chance de s’en sortir. Il allait s’en saisir.

Le Dieu secoua doucement la tête, atterré de constater la stupidité humaine. Ce cercle vicieux n’en finirait donc jamais. Il ne laisserait pas cet impudent agir en son nom, trahissant les principes sacrés de la Vengeance. Il ne lui donnerait pas l’occasion de gâcher la vie de celle qui l’avait prié quelques heures auparavant. Il aurait pourtant pu se repentir et chercher la rédemption. Il aurait pu vivre heureux, malgré ses jambes brisées. Aimé et entouré, Seiji aurait été diminué mais néanmoins satisfait de sa condition. La petite blonde, amie d’un certain fidèle qu’il suivait avec attention et dont les prières étaient toujours entendues et considérées, ne méritait pas qu’un idiot lui gâche l’existence. Et puis, c’était une question de fierté personnelle. Il n’allait pas le laisser cracher sur son nom et ce qu’il représentait.

Un souffle plus tard, les machines reliées au corps de Seiji se calmèrent, témoignant du repos de son activité cérébrale. Le Dieu venait de lui retirer ses fonctions cognitives. Ce corps ne renfermait plus qu’un légume, à peine capable de parole, mais pas de pensées. Il bégaierait baverait plus qu’il ne parlerait. Un enfant de trois mois ferait mieux.

- Tu auras à peine conscience de ton état. Regrette éternellement d’avoir voulu souiller mon nom avec ta quête sans fin. Je te condamne au repos forcé. Et sache qu’elle est heureuse, et que tu aurais pu l’être.




Andrea ne le repoussa pas. De surprise, d’abord. Laissant ses bras l’accueillir, ses jambes se plier à sa volonté. Le contact de son corps contre le sien, tout aussi nue que lui, la fit enfin rougir. Parce que jusqu’ici, elle ne considérait plus ce corps comme un objet de désirs, un moyen de transporter des envies. Elle le réalisait maintenant, alors que Law l’embrassait. L’instant ne dura pas, pourtant Andrea eut l’impression que des heures passèrent. Elle sentait son torse écraser sa maigre poitrine, ses bras faisant sans mal le tour de sa taille trop fine. Sa main dans son cou pourrait la briser d’une simple torsion, alors que ses cuisses accueillirent un corps trop peu familier. Mais surtout, leurs lèvres se soudèrent comme jamais. Elle lui répondit comme elle put, déjà haletante du manque d’air, ne sachant comment réagir. Elle avait envie de ne jamais cesser de l’embrasser, et pourtant son corps repoussait cette intrusion honnie, inattendue. Tendue et raide dans ses bras, son recul fut vécu comme un soulagement.

Pas qu’elle n’apprécie pas son contact. Mais elle ne savait pas quoi en faire, était terrifiée à l’idée de ne pas lui convenir, qu’il en attende trop. Qu’il remarque qu’elle n’avait rien de spécial, en fin de compte. Elle restait spéciale justement parce que, comme il le disait, ils n’étaient l’un pour l’autre pas comme les autres. Si elle le devenait… Rien que l’idée la terrifiait. Le toucher lui faisait du bien, l’embrasser emplissait son corps d’une chaleur agréable et peu commune. Mais aller plus loin, c’était… dangereux. Risqué. Et beaucoup trop précoce. Elle ne voulait pas. Elle se releva d’ailleurs, après s’être vaguement savonnée et rincée dans une certaine hâte.

« Je nous enlève la tentation alors. Désolée. »

Les pommettes un peu rouges, les cheveux défaits et collés dans son dos et sur son front, Andrea sortit de la baignoire et attendit qu’un esclave vienne enrouler une serviette autour de son corps. Elle l’attacha, tandis qu’elle en saisissait une autre pour éponger sa crinière blonde. S’occuper les mains lui permettait de ne pas songer au malaise qu’avait provoqué son corps contre le sien, alors même que ce premier vrai baiser était si agréable. Etait-elle condamnée à ressentir ces deux sentiments si contradictoires à l’avenir ? Law avait peut-être finalement envie de plus. Et elle ne savait plus vraiment quoi en penser. Se forcer était totalement inenvisageable. Malgré cela, Andrea espérait de toutes ses forces qu’il n’attende pas ce genre de choses de sa part. Pas maintenant.

« Oh, lui. Je m’en fiche. Ce n’est plus mon problème maintenant. Je sais qu’il a été puni. Peu m’importent les détails. »

A ces mots, elle prit la lettre et fit quelques pas pour aller la jeter dans la cheminée dont les flammes réchauffaient son corps, cette fois caché dans le tissu éponge. Elle resta là un moment, interdite. Caressant la bague nouvellement acquise, y voyant une possibilité d’échapper, peut-être, à l’embarras de tout à l’heure. Manipuler les rêves, hein ?

« Rêver que je te sauvais la vie m’a épuisée. J’espère que tu n’as pas prévu un autre procès surprise, ou une embuscade avant la chambre. Parce que je compte bien égorger la moindre personne qui m’empêchera de te traîner au lit. »

La jeune femme s’empara des vêtements ramenés par Amara, et enfila la longue robe qu’elle lui avait ramenée. Un habit de nuit qui aurait pu paraître tenue de soirée avec quelques accessoires, et Andrea soupira. Elle allait devoir lui expliciter les significations des mots « simples » et « pratiques », qu’elle affectionnait dans sa garde-robe. Elle laissa finalement l’esclave reprendre le travail initié par Amara, puisqu’une autre de ses tentatives réveillerait de nouveau Law. Elle ne tenait pas à le provoquer. Même si elle donnerait cher pour l’embrasser à nouveau comme cela. Lui jetant un regard en coin alors qu’il se faisait laver et qu’elle finissait d’égoutter ses cheveux, elle s’approcha et s’amusa, assise sur le bord de la baignoire, à l’éclabousser de quelques gouttes sur le haut du torse et le bas du menton.

« Allez. Ça va probablement être la seule nuit où je t’aurais avec moi jusqu’à ces fameuses vacances, je me trompe ? »
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le dimanche 02 mars 2014, 12:27:52
Il y avait un courant philosophico-religieux, appelé « l'utilitarisme », dont les partisans pensaient que les dieux, en tant qu'entités à la fois concrètes et abstraites, étaient en réalité dépersonnalisés ; que seul le culte donnait une identité à ce Dieu, ou, à défaut du culte, des traits de caractère et d'affectation qui font sa personne. De ces théories découlaient un principe plus général : Il n'y a pas tant de dieux que ça ; en vérité, les gens priaient souvent les mêmes personnes, mais sous des aspects différents.
Comme toutes les théories, celles-ci furent d'abord moquées, avant que des gens y adhèrent par un certain aspect pratique qu'ils y trouvaient, notamment pour éviter d'avoir à prier souvent. Ainsi, il n'y avait pas, comme le prétendaient les cultes, d'une déesse de l'érotisme, d'un dieu de l'orgasme masculin, d'une déesse de la fécondation : Le tout pouvait être plus ou moins assimilé à Aphrodite, et puis basta, on n'en parle plus.

Les plus extrémistes de ce mouvement en ont d'ailleurs conclus que, d'assimilation en assimilation, on pouvait réunir tous les dieux en un seul ; d'où il suit que ceux-là ont rejoint l'ordre immaculé, où ils se sont fait proprement massacrer pour hérétisme, puisqu'ils priaient les dieux en un dieu, un genre de concept selon lequel le Seigneur serait à la fois unique et pluriel. Les fous.

En publiant son « Catalogue Général des Divinités », fascicule qui a beaucoup tourné sous le manteau pendant un temps à Nexus, Simon de Barrière, depuis sept ans prêtre au Grand Temple Oriental de Nexus, espérait que les gens renoncent à leurs trop nombreuses célébrations et reviennent à une foi plus épurée. Dans ce livre imprimé clandestinement, il publie une liste de dieux « réels », qui, eux, sont censés vraiment exister ; en-dessous de chacun se trouvent les dieux « conceptuels », ceux qui ne sont en fait que des avatars des premiers, et dont le nom doit être oublié au profit des seuls vrais dieux.

Le courant utilitariste a échoué dans son entreprise. Néanmoins, les dieux n'ont pu que se pencher dessus, et pendant un certain hiver, l'on trouvait autant de fascicules de Barrière sur l'Olympe et ses environs que dans les cheminées de Nexus.

Lured, Dieu reptilien des phobies, de la sournoiserie et de la mauvaise foi, nain filiforme, à la peau d'écailles et à la voix insupportablement aiguë, a très mal supporté ce livre. En effet, dans celui-ci, il était réuni avec d'autres sous la bannière de Sparshong, non seulement en tant que divinité aux traits de serpents, mais aussi à cause de ses traits divins, qui sont plutôt négatifs. Lorsqu'il en a parlé à son homologue de la Juste Violence, celui-ci lui a répondu, plein de son habituel orgueil : « Tu ne sers à rien, de toute façon, et les hommes auraient raison de te supprimer ». Lured en a gardé une rancune sans bornes, et il passe la plupart de ses journées à espionner Sparshong, à guetter une erreur fatale de celui-ci.

C'est donc un Lured excité et gai qui courait vers Zeus. Se plantant à ses pieds, il lui annonca qu'il avait surpris le Vengeur en train d'interférer sérieusement dans la vie des hommes, à la fois sur terre et sur Nexus. Le Roi n'avait pas envie d'intenter une quelconque représailles envers Sparshong, dont les colères paralysaient les cœurs et faisait s'écrouler les édifices. Perplexe, il lui demande donc d'expliquer l'affaire dans le détail, ce que fait le Sournois. Zeus réfléchit, et s'en sortira par un simple pirouette.

« Et ben ? C'est le Dieu de la Vengeance, non ? Il est dans son rôle, voilà, fous-moi la paix maintenant. »

Hop, de quoi éviter de déclencher un conflit inter-divin, que le Souverain de l'Olympe voulait éviter à tout prix, d'autant plus que le concerné était un caractériel et qu'il valait mieux le laisser faire ses p'tites affaires dans son coin.


Sparshong était le Law des cieux.


Et, de la même façon que Law laissait toujours un banc de frustrés derrière lui qui rêveraient de le voir mort lorsqu'il réussit à se tirer de ses mauvaises passes, Lured s'éloigne en pestant, jurant qu'il allait bien trouver un moyen de se venger du Vengeur. Et ça fait tilt. Lui aussi va descendre parmi les humains, tiens.




La gêne d'Andrea aurait pu le vexer. Pour commencer, il détestait naturellement que l'on se refuse à lui : Il a tout gagné, tout pris à la sueur de son front, en étant plus malin que les petits malins, plus dur que les gros durs, et en restant droit et carré dans sa vie. Il a travaillé plus que certains ne bosseront jamais dans leurs misérables vies, parce que le travail est la vertu cardinale de l'homme libre, et il estime donc que tout lui est dû, justification à ses crimes réguliers, perpétrés personnellement ou par délégation.

Mais non. S'il se crispe un peu, au début, mêlé entre la tristesse et la déception, il se contenta finalement... de rire. Oui, ça l'amuse beaucoup, de la voir ainsi, telle une pucelle pas sûre d'elle, est-ce que c'est le bon, est-ce que ça va faire mal, est-ce que je vais aimer ça ? Presque hilare dans son coin de la baignoire, ayant fait signe à un esclave pour qu'il revienne le frotter.

Andrea, tu n'as pas à avoir peur de moi, tu es au courant ?

Il laissait tomber sa tête en arrière et souriait lorsque l'esclave s'attardait sur son buste. Celle-ci se penche à son oreille et lui glisse quelque chose, ce à quoi Law rit de nouveau, de son rire si masculin, dont il force un peu la virilité.

Il profite avec bonheur, et réagit à peine quand elle l'éclabousse. Fais donc, il est déjà trempé de toute façon. Le serviteur lui demande d'ailleurs de plonger sa tête dans l'eau pour mouiller ses cheveux, qu'il lavera avec le même savon, avant de sortir une lame pour le raser. Certes, nous sommes le soir, mais le matin il n'a généralement pas le temps, et de toute façon, il se fout des conventions.

Tu tiens donc tant que ça à utiliser ton nouveau jouet ? Fais gaffe, And – aie ! – Pardon, c'est moi qui ait bougé, j'avais oublié que j'étais blessé ici... Fais gaffe, l'utilisation d'un objet magique pour un novice ne coule pas de source. Il faut de la concentration, et une certaine maîtrise de ses propres sentiments. De mon côté j'en ai fini avec les péripéties : Je vais aplanir toute ma vie pendant les jours à venir, en espérant que tout ne s'effondre pas pendant mon absence, et nous partirons l'esprit tranquille. J'espère que Terra te plaira. C'est un monde magnifique, qui cache... tellement de surprises.

Le serviteur lui tend un petit miroir finement poli, dans lequel Law regarde sa face, particulièrement là où la plaie peine à se refermer.

Cataplasme ?

L'esclave se retourne vers un petit coffret, qu'il apporte près de lui. Il sèche son visage avec une serviette, délicatement, s'assurant du revers de la main que celui-ci ne soit plus trop humide, il lui applique avec l'index une fine pâte verte, qu'il recouvrira d'une petite bande de tissu qui restera collée à sa peau. Nouveau coup dans le miroir.

Parfait. Merci beaucoup, mon garçon.

Il lui fait pencher la tête pour embrasser sa chevelure, puis sortira de l'eau, attrapant une serviette pour se sécher sommairement, sortant ensuite dans les couloirs entièrement nu, en train de frotter ses cheveux qui commencent à se faire sérieusement trop long.

Je tiens à signaler que, malgré Sieg et Law, je n'ai aucune tendance exhibitionniste IRL. Je comprends que ça puisse être douteux, cependant.


Sa chambre. Il y fait un peu frais : Une main passée devant le régulateur de chaleur rendra celui-ci un peu plus rouge, et la pièce mettra quelques minutes à se réchauffer. Il n'y a plus qu'Amara avec eux. Il s'assied sur le lit, tandis que sa sub-sub-subordonnée (elle est très bas dans la hiérarchie...) fini de lui sécher les cheveux. S'engage une courte discussion sans une langue qu'Andrea ne connaît pas. Amara semble plus à l'aise pour parler. L'esclavagiste fini par regarder Andrea.

-Amara, est-ce que tu ne trouves pas ta maîtresse ravissante ?
-Qu'est ce « Ravissante » ?
-« Lecan'ta ».
-Oh. Si, Maîtresse ravissante.


Sa naïveté rend le compliment à la fois plus beau... et plus froid. Instant réflexion.

-Je n'ai pas dormi dans un lit depuis... Je ne sais plus. Une semaine, peut-être.
-Avez-vous encore besoin de moi, Maîtres ?
-Non, tu peux y aller. Dane, Amara, si me latle sui, mes lare partio.
-Dane, Maître. Au revoir, Maître. Au revoir, Maîtresse.


Elle plie la serviette, l'abandonne sur la commode, au cas où Law en aurait de nouveau besoin, et disparaît. L'esclavagiste tend la main à sa belle pour la faire s'asseoir près de lui, puis l'allonge brusquement sur le lit, la chevauche, ses deux poignets coincés par ses mains au-dessus de sa tête.

Et l'embrasse de nouveau. Ses doigts coulent, se mêlent aux siens. L'entrave devient plus douce. Sa tête se relève, et il se rend compte qu'il lui met sa chevelure mouillée sur le visage... Aussitôt, il remue vivement de droite à gauche, de quoi éclabousser sa face. Sourire.

C'est normal que tu ne sois pas à l'aise. Je m'en fous, j'ai le temps. Sache que tout cela n'a rien d'absolu pour moi. Ce n'est pas un but. Détend-toi, hm ? Je n'attend rien des femmes libres.

Il roule sur le côté, s'allonge en travers du lit, dans le sens où... où il n'est pas normal de s'allonger, en fait. Mais ça lui ressemble plutôt. Il arrache l'un des oreillers du bout du lit, où il avait été soigneusement placé, pour le mettre sous sa tête, restant sur le dos.

En mettant cette bague sur ma tête, tu risques de me faire m'endormir. Je ne me souviendrais même pas que tu l'as fait : la bague fait oublier les moments précédant son utilisation. Le reste appartient à ta volonté. Lutte contre le monde qui t'entoure et centre-toi sur ta vision. L'exercice est difficile mais la mécanique s'acquiert vite. Si ça se trouve, mes souvenirs se sont déjà stoppés, et je ne me souviendrais pas de ce que je suis en train de raconter.

Petite pause, et il tourne son regard vers le plafond.

Autant que je te le dise maintenant alors, il est possible que nous dormions ensemble ces prochains jours. Mais dix minutes, pas plus, le temps pour moi de t'utiliser comme objet sexuel par surprise dans ton sommeil, puis de récupérer un peu à tes côtés avant de repartir. Oui, je suis un rapide. Et un salaud. Et un étalon, d'ailleurs : Cela risque d'arriver plusieurs fois par nuit.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le dimanche 02 mars 2014, 14:31:17
Peut-être qu’elle se trompe, mais elle sent le rire un peu forcé. Comme s’il se sentait obligé de s’amuser de la situation, de se moquer de sa retenue. Une fine carapace qui recouvre sans doute autre chose. Andrea grimace alors qu’elle lui tourne le dos, s’en veut un peu. En même temps elle ne s’y attendait pas. Il ne l’a jamais embrassée ni tenue de cette manière. Les choses ont changées, et il lui faut le temps de l’intégrer. Elle n’était juste pas prête à réagir comme il l’entendait. Mais elle comprend parfaitement qu’il puisse s’en offusquer. Et ce rire est sûrement la preuve qu’il est, quelque part, un peu blessé. Est-ce son orgueil ou ses sentiments qui sont le plus atteints ? Andrea hésite, mais ne relève pas vraiment sa remarque. Bien sûr que non elle n’a pas peur, pas de lui. Elle est plutôt terrifiée d’elle-même. De ses réactions, de son vécu de la chose. Est-ce qu’elle sera capable de réagir convenablement ? Est-elle encore en capacité de pouvoir faire l’amour, plutôt que de forniquer en attendant que cela se termine ? Elle n’en est pas sûre, loin de là. Elle doute de son corps et de ses réactions. Et c’est bien évidemment cela qui l’enferme encore plus, qui la restreint et l’attache d’elle-même à ses doutes.

La jeune femme soupira, déçue de constater qu’elle se dessine encore des limites, qu’elle se découvre des hésitations là où elle clamait être libre et forte. Ce n’était pas si simple, évidemment. Elle aurait dû le savoir, pourtant, que l’amour ce n’était pas seulement se regarder dans le blanc des yeux et se dire que l’on s’aime. Le comprendre, voir en lui ce qui subsistait de bon, de fragile même, ne suffirait pas. Epouser son mode de vie, se révéler à ses côtés, tout ça une camarade pourrait le faire. Andrea savait qu’elle n’était pas là pour imiter Isaac et être un compagnon agréable et apprécié. L’amour n’est pas seulement platonique. Et elle s’était voilée la face, avait reporté ça à plus tard. Si elle n’était pas capable de surmonter ce détail, elle n’aurait pas dû revenir. Au moment où il lui avait proposé de ne pas le suivre, de rester sur Terre, Andy aurait pu sauter sur l’occasion et se cacher bien à l’abri.

Parce qu’à présent, elle allait le blesser. Peut-être l’avait-elle déjà fait.

En se mettant à sa place, c’était d’ailleurs évident. Law, toujours froid, méthodique, solitaire et égoïste qui tombait amoureux. Qui le lui avouait. Qui jurait que sa vie ne se conjuguait plus seulement au singulier. Qui l’élevait au rang de déesse de son monde. Avait-elle le droit de le décevoir ainsi ? Il lui dirait sûrement qu’il n’attendait rien en retour, pourtant Andrea eut été prête à lui confier l’entièreté de sa vie, de ses sentiments. Bien sûr qu’il attendait, au fond. Si c’était la première fois, il avait sûrement envie de le lui montrer, de l’étreindre. La jeune femme avait été bien naïve de penser que le laisser soulager ses envies avec des esclaves ou des filles de petite (ou grande, d’ailleurs) vertu lui suffirait. Law avait probablement changé, ses besoins aussi. Elle le frustrait sans doute, et venait en plus de le blesser en le repoussant. Elle qui n’avait même pas répondu à ses mots, qui à présent le rejetait. Il n’était pas bien difficile de deviner ce qu’il pouvait penser, même inconsciemment.

C’était vraiment dégueulasse de sa part. Andrea regrettait d’autant plus qu’elle avait pensé à le faire rêver de cela. Elle lui en voulait d’avoir parlé de ses sentiments dans un rêve, et elle voulait le contenter oniriquement pour fuir l’idée de devoir le faire dans la réalité ? C’était stupide et insultant. Elle rougit à cette idée, honteuse d’avoir pu penser à une telle éventualité. Depuis quand se montrait-elle si détestable et horrible envers lui ? Lui donner un os à ronger, comme à un chien impatient et fougueux, le privant d’un véritable repas. C’était totalement hors de question. Andrea serra ses poings, laissant des marques rouges dans ses paumes, griffées par des ongles un peu trop invasifs. Elle se serait bien collé deux tartes pour son manque de tact, ses idées plus stupides les unes que les autres, et le mal qu’elle avait dû lui faire.

« J’ai pu discuter un peu avant de me rendre à ton procès. Je suis tombé sur un musicien itinérant qui voyage souvent dans tout Terra. C’est bien un artiste, il m’a parlé d’une cascade qui faisait trois fois la hauteur du Palais d’Ivoire, des landes dévastées, et de tellement de lacs, de paysages, de villages insolites que je ne me souviens qu’à peine de leurs noms. Il paraît que rien n’est comme Nexus, cependant. Je sens le dépaysement. »

Changement de sujet. Gênée par la présence des esclaves, Andrea ne veut pas revenir là-dessus maintenant. Elle ne va pas laisser passer, cependant. Hors de question de le laisser dans une fausse croyance selon laquelle elle n’aurait pas envie de lui, jamais. La subtilité sera peut être difficile à lui expliquer, mais après tout, elle a toute la vie pour la lui montrer. Andrea le suivit donc, amusée des regards habitués de son personnel qui, contrairement à elle, ne cherchait pas à où regarder, où ne pas regarder. La jeune femme le laissa discuter avec Amara, tandis qu’elle brossait sa tignasse avec un peigne que l’esclave qui avait lavé Law avait laissé à son intention. Grimaçant sous les nœuds qu’elle tirait sans pitié, elle s’arrêta un instant pour poser sa main sur l’épaule de la jeune femme présente avec eux.

« Merci, Amara. Tu sais merci. Je suis contente de toi, que tu sois à mon service. »

Elle la gratifia d’un sourire avant de la laisser partir, saisissant la main de Law sans trembler, cette fois. Elle s’y attendait et avait prévu sa réaction, à présent. Elle se laissa donc tomber sur le matelas avec lui, lui laissa ses mains. Son regard ne cilla pas et se planta dans le sien, avant de se fermer le temps du baiser. Ses lèvres s’entrouvrirent volontiers, pour laisser sa langue venir, sans plus de timidité, rencontrer la sienne. Elle referma ses doigts sur les siens, les serrant fortement. Son corps était maîtrisé cette fois, et aucun signe de rejet ne transparaissait. Au contraire, elle se pressa contre lui, incapable de faire un tout autre mouvement. Quand il mit fin au baiser, Andrea accompagna sa bouche pour se séparer le plus tardivement possible.

Un rire amusé franchit ses lèvres, rougies par l’étreinte, alors que des gouttes tombaient sur son visage et qu’elle fermait les yeux un instant pour les éviter. Elle les rouvrit sur son sourire, dégageant une main pour la poser sur sa joue et la caresser un instant. Jusqu’à ce qu’il s’éloigne.

Andrea se redressa, ses jambes laissées sur le côté alors qu’elle l’observait. Reportant son attention sur la bague, elle secoua la tête et la retira avant d’aller la poser à côté du lit, cachée dans le petit coffre qui y reposait. Elle ne voulait pas qu’il croie qu’elle allait l’utiliser sur lui.

« Je ne vais pas m’en servir pour ce genre de choses. »

Elle n’eut le temps de répondre que cela avant qu’il ne reprenne la parole. Andrea haussa un sourcil et se rapprocha un peu plus de lui, avant de grimper à son tour sur lui. Ses cuisses enserraient son bassin, limitant ses mouvements. Elle se pencha, ses cheveux passés sur son épaule retombaient, frôlant la poitrine de Law. Sa voix se fit très basse et elle murmura, ses yeux perdus dans les siens.

« Parce que tu crois vraiment que je vais te laisser faire ça ? Que si jamais tu dérives je vais accepter cela de toi ? Tu n’es pas cet homme-là, Law. Et il est hors de question que j’accepte que tu le deviennes. Je ne te laisserai pas la moindre chance. »

Et à ces mots, elle releva sa robe et tira sa dague de la protection de cuir qu’elle avait attachée à la jambe. Elle l’avait cousue elle-même et enfilée grâce à Amara, à qui elle avait donné consigne de ne jamais l’en séparer. Quand Law se faisait laver les cheveux, elle l’avait enfilée et le tissu était si fin qu’il ne se sentait pas. L’arme, tournée à l’intérieur de sa cuisse, était invisible d’un œil extérieur. Elle vint poser la lame contre le cou de Law. Son regard était déterminé mais son attitude pas menaçante.

« Je vis, je dors avec. Alors essaye toujours de devenir un salaud. Tes chances sont faibles. »

Elle ne retirait pas l’arme, profitant de ce moment pour mettre un détail au clair. Un détail des plus importants. Du genre d’informations qu’elle préférait qu’il n’oublie pas. Et là, il avait toute son attention.

« Je suis désolée d’avoir mal réagi tout à l’heure. J’étais simplement surprise. Je sais que tu ne me feras rien que je ne veuille pas. Détail important, je le veux. Laisse-moi juste un peu de temps. Et arrête-moi si j’en fais trop pour toi. Ou pas, au choix. Je t’ai déjà dit que tu serais le seul à qui je donnerai ce corps. Pas parce que tu le mérites, que tu l’attends ou que mes sentiments m’obligent à le faire. Parce que j’en ai envie et que ton contact m’électrise. Et oui je suis pire qu’une petite vierge innocente à prendre mon temps, à sacraliser le truc. Je m’en fous. Ça prendra le temps que ça prendra, parce qu’il est hors de question que ça arrive trop tôt et que des putains de souvenirs viennent tout foutre en l’air. »

Andrea se pencha, sa main libre passant dans les cheveux humides de Law pour tenir son visage et l’embrasser d’elle-même cette fois, retrouvant le contact avec plaisir. Elle voulait être sûre d’avoir toute son attention. Il allait lui falloir jongler entre son état d’esprit propre, et la frustration de Law. Mais surtout, elle refusait de lui faire croire qu’elle le rejetait d’une quelconque manière. Enfin, elle retira l’arme doucement et la rangea le long de sa cuisse, sa main à présent libre venant chercher une de celles de l’esclavagiste pour la porter à sa taille.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le lundi 03 mars 2014, 12:34:28
Pour commencer, Drea : Je n'ai peur de rien.

Il ment, parce que justement, il a peur d'elle. L'une de ses seules faiblesses, qui, avec Isaac, pourrait le faire flancher devant n'importe quelle menace. Il a une deuxième personne en qui il doit prendre soin, et c'est un fardeau, mais un fardeau qui vaut le coup. Law aime peu, mais il aime bien.

Cependant, il lui faut appuyer ses dires, et passer pour un mâle viril, qui ne craint rien. Sa main s'enferme sur la lame – sur la lame – et il poussera dessus pour la repousser. Andrea peut, si elle le souhaite, forcer dans le sens inverse, ce qui précipitera le tranchant de son arme à déchirer la peau de la main de Law, chose pour laquelle il ne se formalisera pas de toute façon, si d'aventure elle devait le tenter. Qu'elle résiste ou non, il supprime la menace. C'est après seulement qu'elle pourra l'embrasser, puis la ranger. Que ce soit dit : il ne se laissera pas égorger dans son sommeil, tout comme elle ne se laissera pas prendre sauvagement par ce monstre de masculinité, dont toutes les femmes rêvent d'avoir la visite en pleine nuit. Mais si, mais si, toutes. Même les hommes, en fait.

Le baiser a un goût nouveau – comme chacun de leurs baisers, qui intervient dans un état d'esprit différent à chaque fois, faisant jaillir des sentiments uniques et partagés. Sa main sur sa taille ne se posera pas sur le tissu de sa robe, non non : Ses ongles feront se relever la robe, tassée au creux de sa paume jusqu'à ce que les hanches soient libres. À ce moment-là seulement, il accepte d'y laisser reposer ses doigts. Soulagement de sentir sa peau au toucher.

Tu n'as pas compris. Je m'en fous. Peu importe que ça mette des années. Peu m'importe d'être le seul, d'ailleurs. Je veux juste que tu éprouves du bonheur à tout ce que tu fais. Si je dois attendre une dizaine de mois, j'attendrai. Si tu veux te rassurer ou t'amuser auprès d'autres, je ne peux pas t'en empêcher. Tu fais ce que tu veux, Andrea. J'aime prétendre que le temps et les événements n'ont pas d'impact sur moi. Je serais toujours là quand tu te décideras, d'accord ?

Il soupire avec un léger sourire, puis l'embrasse de nouveau, brièvement, avant de rejeter les cheveux mouillés de sa belle en arrière, d'une main, les dresser pour qu'ils évitent de lui retomber dessus. Une mèche s'échappera : Il la met dans sa bouche, puis mâchonne bêtement.

Le jour où je fais une connerie, je t'invite à aller voir au-dessus de nous. Mon dieu sera ravi de me punir, pour une fois, je pense.

Encore faudrait-il qu'elle croit en lui. Law va devoir se charger de cela. Il la relâche, étend ses bras sur le côté, s'arrachant au passage un bâillement qu'il tentera d'étouffer sur son épaule, par politesse. Ses yeux clignent, son regard paraît soudain plus fatigué.

J'aimerais que tu réfléchisses à ce qui te fait envie.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le lundi 03 mars 2014, 14:30:33
Sa résistance ne l’étonna pas. Andrea eut été surprise s’il s’était laissé faire à la menace, même totalement dénuée de danger comme la sienne. Law n’était pas du genre à accepter une telle provocation, même de sa part. Surtout de sa part, peut-être. Elle n’insista pas, le laissa la contrer sans jamais appuyer pour ne pas le blesser sans raison. Rangeant l’arme, docilement, elle le laissa prendre possession de sa peau avec plaisir. Elle, les mains sur son torse, ne semblait même pas remarquer qu’il était toujours nu et qu’elle était assise sur une zone quelque peu dangereuse dans son désir de se restreindre pour le moment. Elle s’en fichait. Du moment que ce n’était pas difficile pour lui, elle s’en moquait. Le caractère sexuel de la situation ne lui apparaissait que de manière trouble, dans un coin de son esprit. Elle avait conscience que cela pouvait prêter à confusion, mais ne se sentait comme pas concernée. Pas tant qu’elle ne lèverait pas le levier de sa conscience.

« Chut. »

Elle le fit taire d’un nouveau baiser, n’appréciant pas certains de ses mots. Elle savait bien qu’il s’en fichait et voyait les choses bien différemment d’elle. Mais malgré tout, elle n’aimait pas qu’il lui parle de cela.

« Si je te dis que tu seras le seul ce n’est pas pour flatter ton ego ou te rassurer. C’est parce que je ne veux pas qu’il y en ait d’autres. Il y en a déjà trop eu. »

La jeune femme avait conscience que cette discussion était stérile tant qu’elle ne le lui montrerait pas dans les faits. Il penserait toujours qu’elle pouvait changer d’avis, se trouver quelqu’un avec qui se divertir le temps de quelques heures. Il ne comprenait pas qu’elle n’en avait absolument et définitivement pas l’envie, et que ce n’est probablement pas quelque chose qui reviendrait comme cela. C’est sans doute quelque chose qui ne répondrait jamais à la définition de l’amusement, pour elle. Pour ça, elle avait le jeu, la découverte, et bien d’autres activités. Mais pas ça.

Ses yeux se firent rieurs. Il avait l’air d’un gamin, comme cela, abandonné et taquinant ses cheveux, sa peau. Un petit garçon amoureux. Elle ne le lui dirait jamais, il lui en voudrait très certainement de briser son image de mâle viril. Et pourtant, dans les yeux de sa reine, le roi a toujours l’air d’être encore un adolescent incertain craignant la couronne. On ne changerait pas le monde de sitôt.

« Pour l’instant, que tu dormes. Demain, je vais me plonger sérieusement dans le travail d’Isaac et l’apprentissage des rouages de Nexus. J’irai rendre visite à un certain comte pour m’excuser de mon attitude de tout à l’heure, également. Ensuite, je verrai. Oh et, dis-moi si c’est trop pour toi, surtout. »

A ces mots, Andrea enleva sa robe, restant en sous-vêtements. Elle détacha sa dague, la glissa sous l’oreiller qu’elle approcha de celui de Law, et s’allongea contre lui, sur le côté, un bras glissé sur sa taille. Il se soulevait à chacune de ses respirations, en rythme avec son ventre. Et vu la journée qu’elle avait passée, Andrea ne tarda pas à s’endormir.



Pourtant, contrairement à ses mauvaises habitudes des derniers matins passés à Nexus, cette fois-ci elle se réveilla avec le soleil, alors qu’il commençait à peine à montrer ses premiers rayons. Elle se leva doucement, essayant de ne pas réveiller le dormeur à ses côtés. Pour une fois qu’elle se levait avant lui… Souriant de le voir enfin se reposer un peu avant des jours de travail qu’elle imaginait déjà bien remplis pour lui, Andrea appela des esclaves et leur demanda de préparer un repas habituel pour leur maître. Des fruits, du thé, en profusion, le connaissant. Après une douche rapide, elle s’habilla avec les vêtements qu’Amara vint déposer à son intention. Elle était décidément très serviable. Elle songerait à la récompenser pour sa prise d’initiative. Enfilant une tenue fonctionnelle et se fondant dans les habitudes nexusiennes, la jeune femme laissa l’esclave lui attacher les cheveux, comme elle faisait dans son pays pour sa petite sœur.

Elle se sentait entièrement chez elle. Et la journée allait être un enchaînement de choses à faire absolument. Heureusement qu’il était tôt et qu’elle pouvait se permettre de ne pas s’inquiéter de l’heure à laquelle Law finirait. Elle se doutait bien que l’esclavagiste ne pouvait pas se permettre de quitter son royaume sans faire de longs préparatifs, de tout prévoir, tout organiser. Sans quoi, l’entreprise, les bas-fonds et une bonne partie de la haute société de Nexus allait s’effondrer sur eux-mêmes.
Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Law le jeudi 06 mars 2014, 13:09:47
J'aurais aimé dire qu'il était resté ainsi allongé sur le dos, remuant ses pensées avec inquiétude, pensant à tout ce qui l'attendrait dans sa vie, à tout ce qu'il s'était passé depuis son dernier sommeil, maintenant qu'enfin il était libre de se parler à lui-même, dans un environnement apaisé, propice à ses réflexions. J'aurais aimé dire qu'il fixait le plafond tandis que les flammes autour se réduisaient, qu'il était parfois animé de sourires ou de grimaces, en fonction du chemin que prenaient ses idées. J'aurais aimé, oui, qu'il puisse envisager son avenir sous bien des aspects, du positif au négatif, soupirant de se voir au bord d'un gouffre si grand que, pour une fois, il ne parvient pas à en distinguer le fond. J'aurais aimé dire qu'il s'était tourné vers Andrea, dormant paisiblement, et qu'il s'était dit que tout n'était pas si vain en ce monde.

Mais il s'était endormi à une vitesse éclair, exténué par sa journée et sa nuit précédente.

Il réserva toutes ces pensées à ses rêves.



Il était réveillé. Seul. Il détestait quand un matin ressemblait aux autres matins, que la fille avait dû fuir, appelée par son devoir. Lui qui était d'habitude si prompt à se dresser de son lit, comme éjecté, en pleine forme, prêt à affronter la journée qui l'attend, cette fois-ci, il lui faudra cinq bonnes minutes pour se traîner difficilement hors des draps. Il commence par aller ouvrir la porte, constatant comme chaque matin qu'on l'y attend.

« -Tu es là depuis longtemps ?
-Moins d'une heure, Maître. »


Il grogne. Il sait qu'il ne doit pas, mais il se sent mal pour l'employé. Bon, il est payé à ça, en même temps. Regard dans le miroir. Bâillement.

-Putain mais c'est scandaleux, mes cheveux au réveil. Bon, je t'écoute.
-Vous avez reçu un courrier. C'est une amende.
-Fait voir ?... Hmm... « Exhibitionnisme », « Outrage à la cour » et « Nudité dans un bâtiment officiel ». Il y a une infraction qui s'appelle comme ça ou ils viennent de l'inventer ?... Bon, je dois bien ça au juge. Payez l'amende. Et rajoutez un petit quelque chose pour le magistrat, il m'a acquitté après tout. L'argent ne l'intéresse sans doute pas...
-Des jetons ?
-Oui. Bonne idée. Cent jetons de cinq d'argent. Ca lui permettra de venir dépenser ici. Et euhm...
(Il écarte son pansement et se saisit d'un petit linge dans un tiroir pour essuyer le baume, qui commence seulement à sécher) … Tiens, une invitation pour l'ouverture de l'arène. Cela pourra lui plaire. Et rédigez un petit mot.

L'employé notait diligemment.

-Qui dira ?
-Pas un truc du genre « merci de la relaxe », plutôt quelque chose comme... « merci de votre clairvoyance dans cette affaire », un propos détourné, pas trop direct. Léchage de bottes sans soumission. Et que je serais ravi de le voir dans le casino, où je lui réserverais...
-« La meilleure nuit de sa vie » ?


Law sourit. C'est une formule qu'il utilise souvent lorsqu'il invite quelqu'un.

-C'est ça. La meilleure nuit de sa vie. »


L'arène était à plusieurs quartiers du Casino, dans une place commerciale, relativement peu peuplée. Il ne savait pas pourquoi il n'avait jamais eu cette idée auparavant. Un ami – un partenaire commercial de longue date, plutôt – venait de faire faillite et il avait eu cet endroit pour une bouchée de pain. Le commerce était racheté dans son entièreté, avec ses combattants... et les dettes attachées. Il ne voyait aucun problème à rembourser les créanciers, d'autant qu'il se trouvait quelques uns de ses propres débiteurs parmis eux. Les dettes s'annulent, pour le plus grand bonheur des deux parties.

Assis sur un haut canasson à la robe d'un élégant brun clair, il écoutait le maître d'oeuvre lui expliquer où en étaient les réparations et rénovations. Il l'amenait vers la grande arche d'où les combattants entraient, et lui expliquait une certaine vétusté que l'architecte venait tout juste de découvrir. Mêlant les termes techniques et la vulgarisation nécessaire au profane, il lui montrait que le portage n'était pas optimal, et que les pierres du sommet subissaient une pression inégale qui risquait de les faire flancher.

« -Détruire et reconstruire ?
-Ouaip, m'sieur.
-Ca coûte ?
-Un peu. C'est surtout la structure temporaire à caler pour éviter que tout l'édifice ne s'écroule qui va faire chier. Mais si vous m'permettez d'employer deux nouvelles paires de bras et que vous m'les payez, j'vous l'offre.
-Si vous me promettez de leur payer leur salaire après avoir fini votre travail et pas les foutre à la rue, j'accepte.
-Vendu, m'sieur Raine. J'dois vous parler des gradins aussi, v'nez voir. »




« -Et sinon, qu'avez-vous fait avant-hier ?
-Comment ça ?
-Pour la fête !
-Oh, ça. Et bien... Le travail. Et vous ?
-J'étais chez vous. Comment s'appelait-elles déjà ?... L'une s'appelait Lynnea, ou quelque chose du genre. J'ai oublié le nom de l'autre.
-Comment était-ce ?
-Magistral. J'ai mangé aussi. Et j'ai assisté à un spectacle. Vous savez recevoir.
-Mes clients sont des amis. Et je sais traiter des amis.
-C'est ça, c'est ça. Que puis-je ?
-Je veux une délégation de la part de la cour.
-Une délégation ?... Vous savez que ces temps-ci, on parle beaucoup de vous à la cour. Mais pas en bien.

-Je m'en doute. Et nous savons tous les deux que tout cela est d'abord une cabale de quelques hauts fonctionnaires qui abusent de leur sacerdoce.
-C'est vous qui le dites. Une délégation, donc ?
-Oui. J'ai décidé de construire un tribunal dans les bas-fonds.


Gros blanc.

-Un tribunal ?
-Un tribunal.
-Vous n'êtes pas sans ignorer que la Justice est rendue par l'Etat.
-Je suis au courant, j'y suis passé. Je sais aussi que ce pays fut presque fondé par un juge, grand homme si il en est, et qu'en ce sens notre Nation est très portée sur le concept de Justice. Et c'est pour cela que je vais entreprendre cette construction. Vous n'ignorez pas, vous, que votre « Etat » tout-puissant s'arrête justement à l'entrée des bas-fonds, et que l'armée n'y fait plus son travail. Le pouvoir est tenu et organisé par les criminels.
-Dont vous faites partie.

-Oui. Et cela ne peut plus continuer, soyons honnête ! Aussi, je veux y rétablir un tribunal. Il m'appartiendra, je le protègerai autant qu'une autre de mes possessions. Les magistrats y seront nommés par Nexus, et ils seront sous ma bonne garde aussi. Les crimes commis aux bas-fonds pourront être jugés sur place, dans l'heure. Quitte à ce que les auteurs d'infraction soient aussi conduits par mes hommes.
-... La justice des bas-fonds va devenir la vôtre. Payée par Nexus.
-La justice des bas-fonds est celle que je fais appliquer, déjà. Mais cette fois-ci, ce seront les lois de Nexus qui s'appliqueront. Je continuerai à faire régner ma propre loi à côté, et si l'armée le souhaite, elle pourra tenter de m'arrêter et de me traîner devant mon propre tribunal. Je ne m'y opposerai pas. Ai-je précisé que les magistrats seront nommés par Nexus ?
-Il est inc...
-Je vous signe ce que vous voulez. Je vous donnerai toutes les garanties que vous demanderez. Je jure sur ma vie de ne jamais atteindre à l'intégrité physique des juges et représentants de la Reine qui seront placés là, et que j'empêcherai quiconque de le faire.
-Ecoutez...
-Entre nous, je suis fatigué de négocier, alors allons droit au but. Vous êtes quelqu'un que j'apprécie plutôt dans ce palais, ce ce doit être assez rare pour être noté. Je vous offre une entrée illimitée à mes maisons de plaisir. Illimité. Toutes les putes que vous voudrez, toutes les représentations et tous les repas. Je sais ce que vous avez demandé à Lynnea pendant que Cytherea dormait. Je ne juge pas, n'est-ce pas ? Chacun nos perversions. Mais les deux m'ont dit que vous avez été agréable avec elles, et j'apprécie ceux qui évitent de brutaliser, surtout moralement, mes filles.
-Vous saviez que j'étais chez vous ?

-Voyons, je le savais avant que vous n'entriez. Peu importe. Entrée illimitée, et consommations illimitées. Chaque année, nous remettrons à plat nos relations, mais je ne pense pas avoir un jour à vous retirer ce cadeau, car nous resterons toujours en bons termes, n'est-ce pas ?
-Sieur Raine, vous me faites l'effet d'un... serpent...


La comparaison décroche un sourire à Law.

-Merci, j'apprécie. Je veux une réponse maintenant. Vous devenez un adversaire, ou quelqu'un envers qui j'ai une dette à vie ? »



Les entrevues et les responsabilités se succédaient. Repas en fin d'après-midi, dans une taverne très en vue au coeur de Nexus, avec un autre esclavagiste. La discussion était amicale, mais déviait bien vite sur une future cargaison d'esclave provenait du nord par bateau. L'autre voulait sa part, et il n'était pas le seul. Il était prêt à payer cher pour avoir de ces marchandises censément de qualité, et assez jeunes pour représenter un investissement correct. Law lui accorderait une part, en échange d'une somme conséquente.
Il fallait ensuite régler les salaires des employés. Isaac s'occupait de cela d'habitude. Avec l'un de ses pairs, ainsi étaient nommés les lieutenants de son empire, Law composait l'habituel tableau des paiements, base de calcul sur lesquels étaient indexés les versements aux employés en fonction de leur rang, ancienneté et pénibilité de leur travail, et ce pour les vingt jours à venir, base dégagé  du rendement collectif estimé ressortissant des chiffres exprimés par les gains du mois. Il y passait une bonne heure, après quoi il abandonnait les détails à son subordonné. C'est par un étonnant réflexe qu'il s'était dirigé vers la chambre de Jana, sans trop réfléchir, faisant demi-tour en s'en rendant compte. Mais le voilà en plein milieu d'un couloir, debout, à se demander ce à quoi il pourrait occuper les trentes minutes qui viennent. Il a envie de se détendre, mais n'a aucune idée de comment faire, à vrai dire. A cette heure-ci, la Favorite serait déjà à genoux à détacher sa ceinture. Il soupire. Non, ça ne lui manque pas. Il n'a pas envie que ça lui manque, bordel. Non, ça ne peut pas lui manquer. Voir cette petite bouche avide s'ouvrir en grand pour saisir, entre ces lèvres outrageusement apprêtée, son vit dressé et tout aussi hâtif, sentir la chaleur et l'humidité emprisonner le pieu qui ne rêve que de lui transpercer la gorge, et gémir des caresses de langue qui s'étend longuement sur le dessous de sa verge, si sensible... Non, non. Il s'en fout, hein, vraiment.

Bordel, bis.

Il faut travailler plus, pour compenser.


Beau garçon était Kaylan. Acheté jeune, totalement dévoué. Un terranide-tigre de deux mètres cinquante au bas mot, à peu près deux-cent kilos de muscle, belle gueule noble, et un air un peu naïf. Des sangles de cuir nouaient, à chacun de ses bras, des ballots de lin rectangulaires garnis de plumes épaisses, qui servent à encaisser les coups que Law porte. Il frappe avec le plus de force possible, tentant de déjouer l'attention de Kaylan pour le toucher frontalement, mais celui-ci, diligent, des réflexes surdéveloppées par sa condition animale, paraît tout les coups, qui finissait irrémédiablement par s'écraser dans les boucliers de tissu, dans un lourd « Pof » qui se succédait à des tas d'autres « Pof ».

« -Ensuite ?
-Quatre cent mercenaires ont débarqué, venant de l'est. Ils ont été accueillis par Masi Sist.
-Le lieutenant de... de...
-Du notable Ation.
-Oh. Ensuite ?
-Hmm... Nexus a obtenu une réduction du prix de ses exportations de grain auprès de la principauté de Tourange.
-Ensuite ?
-Hmm... Un attentat à Tekhos. Quatre blessés seulement, la bombe n'a pas explosé à l'endroit prévu apparemment.
-Des informations ?
-Aucune.

-Tsss. Ensuite ?
-Le duc...
-Non, non. Laissez tomber, c'est fini. On continuera plus tard.


Emportant son calepin, l'interlocuteur s'incline et sort. Law reste avec Kaylan, seul. Un pas en arrière, de quoi lui envoyer un violent coup de pied visant le bide, que le tigre pare sans mal, en s'inclinant un peu et en opposant ses deux bras rembourrés pour le bloquer.

-T'as pas baisé depuis quand, mon joli ?
-La dernière fois que vous m'avez donné une femelle, Maître.
-Ce qui signifie ?
-78 jours.
-Pfouh.


Lui qui était repassé aux poings voit une nécessité de reprendre les coups de pieds, dont il change la trajectoire à chaque fois, pour se rendre un peu plus imprévisible, avant de retenter à la main, puis aux coudes.

-Tu te rappelles que tu n'es plus esclave ?
-Oui, Maître.
-Alors tu n'as plus à vivre ainsi.
-Je ne sais vivre qu'ainsi.
-Tsss. Agis en homme libre !
-J'essaie, Maître.


Dernier assaut de ses poings. Il accélère, tente de percer le lin, force, y met plus de rage, jusqu'à s'arrêter, brusquement, les muscles de ses avant-bras criant leur douleur.

-Bonne nuit, Maître.
-Hm hm.




Dodo.



Réunion dès le réveil. Tous les pairs avaient été convoqués il y a quelques jours, pour que les plus lointains puissent venir. Autour d'une table carré, Law au bout, il avait rédigé une liste de ses directives pour les jours à venir.

C'était délicat pour lui. Chaque instant de sa vie, il craignait la trahison, et ce sera sans doute sa paranoïa constante lors de son absence. Il avait donc inséré, dans ses dossiers, des informations divergentes. Toute prévarication sera repérée, et comme à son habitude, il punira la déloyauté avec sa fermeté habituelle. Au fond, il est content de laisser la charge du royaume à sa cour : A son retour, il fera le tri entre les fidèles zélés et ceux qu'il pourra affecter loin du pouvoir.

Alors que chacun parle, exposant ses différents objectifs dans leurs domaines respectifs, Law se saisit d'un bout de papier, sur lequel il griffonne rapidement un mot, avant de le passer à un serviteur. « A Andrea », lui dit-il. L'autre acquiesce et s'évapore.



« -Quand suis-je devenu un bureaucrate ?
-La bureaucratie est un outil de pouvoir. Il me faut une signature ici aussi. »




Il a ensuite fallu faire le tour des employés. Leur parler, à presque tous. S'assurer de leur fidélité, son obsession constante. La journée avait été faite d'allers et de retours entre le Casino, les maisons de passe, les ports de Nexus où se tiennent ses agents commerciaux, les tavernes et restaurants, les différents commerces qu'il possédait. Une tournée infernale, alternant le cheval pour les longues distances et les petons pour furter dans les avenues bondées lorsqu'il n'y a que quelques mètres à parcourir, traînant avec lui quelques mercenaires et des employés.  Passé 19h, ayant parcouru l'essentiel de son empire à Nexus, il était retourné squatter le casino, faire un léger somme assis sur son bureau, avant de se décider à passer en revue toute la documentation comptable, technique et humaine de ce dernier mois. Tout analyser, comme le ferait Isaac avec un talent infiniment plus grand et une rapidité sans doute considérable, annoter ce qu'il faudrait améliorer, dresser une éventuelle liste d'économies à faire. Travail éprouvant pour ses nerfs, qui demandaient généralement un peu plus d'action ; alors qu'approchait le milieu de la nuit, il finissait par abandonner. Silence de mort dans les couloirs. La maison de jeu commence à se vider. Du haut de son escalier de marbre blanc, il jette un regard sur les clients encore présents. Il sait qu'au moins, il peut compter sur eux pour ne jamais le lâcher.



Bien qu'il fasse frais, il lui fallu faire un tour dans la cour intérieure de son casino, carré de verdure avec vue sur le ciel étoilé, entouré de galeries à colonnes, donnant sur des chambres et des couloirs où s'étendaient les ramifications nombreuses du bâtiment. Au milieu de l'herbe, des chemins de pierre donnaient accès à des tables de jeu éparses. Une pute, acharnée au travail, en était déjà à son dixième client. Elle cherchait le suivant, le bras posé sur l'épaule d'un joueur qui défi le froid. Un petit tour entre les croupiers, leur faisant signe qu'il va falloir rentrer, car il ne souhaite pas qu'ils soient malades. Il contemplait ensuite la lune, et bâillait. Demain, dernière journée de travail.




Couché aux aurores, levé un peu avant le repas. On lui avait disposé un déjeuner très copieux, qu'il avait expédié seul, sans le moindre esclave pour lui faire la conversation, debout au-dessus de son bureau, réglant les détails de son voyage à venir. Il ne s'agissait pas d'un parcours millimétré et horairé, ne laissant aucune place aux surprises : Il tenait juste à s'assurer que son anonymat était toujours garanti, qu'aucun bouleversement géostratégique ne viendrait entraver son avancée, qu'il ne manquerait de rien qui ne lui soit nécessaire. Il extrayait deux feuillets déjà remplis d'écrits, sur lesquels il griffonait quelques mots, avant de jeter tout le reste dans sa cheminée. Il laisse ça dans une lettre scellée, « à l'attention de Kaylan », et abandonne le tout sur son bureau. Glissé dans les mains d'un serviteur en sortant, et les dés étaient jetés.



Temple ! Des remerciements du Haut-Prêtre pour avoir financé l'autel de Sparshong, dieu qui manquait cruellement en ce lieu. C'est bien naturel, la foi est au-dessus de l'argent, n'est-ce pas ? Il demande alors si c'est dans ses projets de construire une église qui lui serait uniquement consacrée ; Law répond par la négative, rappelant que ce Dieu aime à rester secret. Politesses, discussions futiles, et le voilà e nouveau seul. Agenouillé.

Il était venu demander protection, bien entendu, mais c'était secondaire : une divinité ne nous doit rien. Nous devons aux dieux. Aussi, il était présent pour demander au reptilien si celui-ci désirait qu'il se venge de ceux qui ont conspiré contre lui. Cette entreprise serait d'importance, et elle nécessitait donc indubitablement l'accord du serpent pour pouvoir être menée. Ses chuchotements demandaient ardemment un signe, une indication, quelque chose qui lui certifie sa volonté que Law ne tue, au moins, le responsable de la police Utsaah. Rien ne venait. La réponse se faisait parfois attendre, ou ne venait jamais. Après de longues minutes, le fidèle se relevait, pas plus avancé qu'en arrivant, et partait.



Un nouveau mot pour Andrea, laissé à un mercenaire, avant d'enfourcher son cheval et de galoper vers le port.



Arrivait le crépuscule. Son moment préféré de la journée, celui où le soleil, se masquait derrière de cotoneux nuages à l'horizon, semblait se muer en une boule de feu, tantôt pourpre, tantôt améthyste. C'est à cette heure-là que Nexus lui appartenait, quand le crime est à son zénith, que le jeu tourne à plein régime, que ralentit jusqu'à l'agonie le travail légal, remplacé par les activités les plus sombres, dans des rues mal fréquentées. C'est la période de la journée où l'on s'assied autour d'une table fort garnie, et où l'on discute stratégie, commerce et finance, et où les pots-de-vin vont bon train.

Un grand cheval blanc pour Andrea, appreté en plein milieu de la rue, sorti de l'une de ses écuries privées. Un canasson majestueux, un peu fougueux, mais qui savait se tenir en société, et doté d'une solide endurance. Law avait repris, pour lui, l'étalon de robe baie cerise, son meilleur destrier, propre aux galops sauvages, qui savait distancer n'importe quel autre bête de course.

Les selles étaient sommaires. A l'arrière étaient nouées un paquetage qui suffirait à sa survie pendant un certain temps.

Au-delà des remparts de Nexus, s'étendait une longue plaine, parsemées d'immenses fermes et de quelques hameaux sans prétention. Après quelques minutes de trot, une bifurcation sur un sentier de terre menait dans un petit bois dense. Passage nécessaire, que Law comptait traverser pour reprendre, à la sortie, une autre grand-route, et s'assurerait ainsi de ne pas être suivi.

« -Pas de trace de monsieur Isaac, Maître.
-Putain... Dites à mes pairs de le retrouver. Priorité absolue.
-Bien. »


Il n'avait pas envie de remettre en cause son voyage. Mais son ami... pour ainsi dire, son seul vrai ami, était perdu dans la nature, avec une heure de retard. Isaac ne pouvait pas être en retard, il ne savait pas l'être. La ponctualité était inscrite dans ses gènes, avec la rigueur et le pucelage. Bon, pour ce dernier point, la légende est entière.

Titre: Re : A Human I Should Turn To Be
Posté par: Andrea Leevi le jeudi 13 mars 2014, 21:37:00
« Je crois que vous ne comprenez pas. Je le connais. Allez lui annoncer Andrea, et tiens dites-lui au passage que vous êtes viré ! »

L’homme qui lui faisait face continua de s’esclaffer grassement comme il le faisait depuis au moins cinq minutes. Ce n’était manifestement pas un esclave, puisqu’il se permettait de prendre des libertés et se montrait même impoli face à une possible invitée de son maître. Cela devait être un domestique employé librement. Qu’importe, Andrea lui aurait bien mis deux gifles en travers de son visage trop maigre, longiligne et pointu. Ses yeux, plissés, ne laissaient plus que deux fentes sur son visage qui faisaient écho avec les lèvres minces et pincées dans un amusement tout relatif. Car si l’attitude de l’homme était moqueuse, ses yeux restaient froids et alertes. Il préférait ne pas se relâcher devant cette souillonne, juste au cas où elle se montre dangereuse et donc désespérée.

- Ecoutez, je me répète mais je ne pense pas que vous connaissiez mon maître. Il ne fréquente les dames de votre extraction que pour ses plaisirs personnels, et dans ce cas c’est lui qui vient à vous. Votre place n’est pas dans cette maison.

 Il n’en fallut pas plus pour réellement énerver la jeune femme. Baissant un instant les yeux sur son accoutrement, elle faillit lui pardonner. Elle avait, par-dessus sa tenue très simple composée d’un pantalon de toile un peu trop large et d’un haut cintré mais très basique également, un tablier de couturière. A sa ceinture, une pelote d’épingle traînait encore, illustrant la blancheur douteuse de l’habit de travail qu’elle avait enfilé depuis midi. Sa matinée avait en effet été remplie par les charges laissées par Isaac. Andy avait compté, répertorié, classé, et ce depuis les premières heures du matin, déjà habituée à une vie bien chargée là où avant elle passait des journées à ne rien faire. Comme si la jeune femme avait dormi pour les dix années à venir, et qu’il était à présent de rattraper son retard. Sans cesse sur le qui-vive, jamais en manque d’occupation, elle abattait même un peu plus que ce que le bras droit de Law lui avait demandé. A cela se rajoutait un peu d’organisation, la jeune femme donnant du travail aux esclaves qui lui étaient plus spécialement dévoués. Elle employait notamment avec facilité Amara, à qui elle faisait volontiers pratiquer la langue d’ici pour la faire se perfectionner. En échange, elle lui apprenait quelques mots simples de son dialecte qu’Andrea écorchait joyeusement avec un accent des plus incompréhensibles.

Elle appréciait la jeune femme, et avait toujours un peu de mal à la réprimander quand elle faisait quelque chose de travers, avant de lui pardonner. Parce qu’Amara était elle aussi un peu perdue dans un univers auparavant inconnu, et elle avait dû s’adapter à un langage qu’elle ne maitrisait pas pour survivre. Tout comme Andrea découvrait chaque jour des coutumes essentielles à son quotidien au sein de Nexus. La jeune fille ne réalisait pas qu’elle s’attachait de plus en plus à l’esclave. Si cela avait été le cas, elle s’en serait séparée pour s’empêcher de dériver. Il n’était certainement pas bon de franchir les limites maître / esclave. La distance sociale qui les séparait ne devait pas être franchie, au risque qu’un empire entier, un château de cartes s’effondre en avalant dans sa chute les conventions qui faisaient tenir la société debout.

Après s’être appliquée à ranger tous les livres de comptes, Andrea avait filé en ville tous les jours. Au bout de 48h seulement de supplications et de négociations, elle avait décroché un travail à l’essai. Couturière, rien de bien glorieux. Pourtant c’était toujours quelque chose à faire de ses dix doigts. De quoi remplir la bourse qu’elle mettait un point d’honneur à alourdir. Et puis elle chercherait autre chose plus tard. En attendant, raccommoder les pièces et participer à l’élaboration de nouvelles robes ne la dérangeait pas. De plus, cela avait un avantage certain. S’infiltrer dans le quotidien des nexusiens. Les conversations étaient bien plus triviales et terre-à-terre que dans le casino au-dessus duquel elle vivait. Il y avait une réalité dans la rue et dans les habitudes, les discours de politesse, qu’elle ne retrouvait pas ailleurs. En se roulant dans la boue de Nexus, Andrea avait l’impression de semer des graines, de sentir ses racines s’infiltrer dans le sol. Elle épousait de plus en plus cette société, cette cité, cette vie. Rire d’une idiotie, prendre des nouvelles d’une cliente fidèle. Elle apprenait vite et reproduisait à la perfection les attitudes et les conventions sociales qui régnaient en maître dans le quartier modeste mais animé de la boutique qui l’employait.
 
Mais son allure n’avait rien de soigné, il fallait en convenir. Et se présenter ainsi devant le comte, cela avait quelque chose de ridicule en effet. Toutefois, ce domestique outrepassait ses fonctions en jugeant du caractère inopportun d’une visite, et refusant d’en informer son maître. Et ça, elle ne pouvait pas le laisser passer.

« C’est la dernière fois. Conduisez-moi à lui, immédiatement. »
- Voyons, ma dame, il est temps de partir à présent. La farce a suffisamment duré.

Oh que oui. Andrea le poussa contre le mur de l’entrée, par surprise, et vint chuchoter à son oreille quelque chose qui le fit blêmir.

- Il… Il fallait le dire plus tôt, Madame Raine. Le comte va vous recevoir. S’il vous plaît, ne lui dites rien…
« A qui ? »
- Aux deux, ma dame.

Andrea soupira et prit seule la direction des appartements du comte. Elle devait encore se servir du nom de Law, et cela l’attristait. Elle aurait préféré qu’il la prenne au sérieux immédiatement. C’était à elle de se forger un nom, de sortir de l’ombre peu à peu. Elle comptait bien réussir, d’une manière ou d’une autre. Pas pour briller à ses côtés, non. Juste assez pour qu’elle n’ait pas à se cacher derrière lui pour ouvrir les portes.

- Andrea Raine, sous mon toit, quel honneur !

A peine se fut-elle retournée qu’il se fendit d’un baisemain de circonstance. Il en rajoutait un peu sur la politesse, mais la jeune femme laissa un sourire fleurir sur ses lèvres.

« Comte Makhno, quel plaisir. Je ne reste pas. Je voulais simplement m’excuser pour mon attitude de la dernière fois. Je me réveillais d’un mauvais rêve où vous n’aviez pas le plus agréable des rôles. Ceci étant fait… » déclara-t-elle, sur le point de partir.
- Allons, vous resterez bien le temps d’un verre ! Laissez-moi au moins une heure ou deux pour vous prouver que vous faites erreur auprès d’un vaurien pareil, et que je suis un bien meilleur parti à exploiter.
« C’eut été une proposition alléchante, si tant est que je cherche un parti à exploiter. Non merci Makhno, je ne marche pas. Et les yeux doux sont de trop. Je me répète, mais vous n’avez pas la moindre chance. Par contre, je pense que cette demoiselle aurait grand plaisir à ouvrir les cuisses pour vous laisser vous y glisser. Je suis certaine que rien que cette idée, que je viens d’insinuer dans son imaginaire, lui fait mouiller ses langes. Amusez-vous bien, gardez mes excuses et ne vous avisez pas de me reproposer un diner ou un verre, à moins que vous ne teniez à ce que je vous les rende par un des orifices, au choix, de votre corps. »
   
Là-dessus, Andrea fit demi-tour et abandonna un comte de plus en plus charmé aux joues écarlates de la jeune fille qui avait fait son apparition, sans doute pour lui demander de rejoindre son père au petit salon. Sans plus se soucier d’une quelconque réponse, Andy ressortit en faisant mine de mordre lorsqu’elle passa devant le domestique, qui ne sut jamais si son maître avait été indulgent ou si cette femme s’était finalement tue à son sujet.

C’est à ce moment précis qu’elle reçut le premier mot de Law. Elle le lut en retournant à l’atelier, amusée, avant de le ranger dans une de ses poches. Voilà qui était inhabituel le connaissant. Andrea se replongea dans les chutes de tissu, triturant un instant un morceau de cuir souple, doux et élastique. Elle le fourra dans sa poche également, avant de reprendre le travail. De quoi gagner tout ce qu’elle pouvait pour ne pas dépendre de lui, même s’il était évident que ce serait trop juste pour participer réellement aux frais de leur voyage imminent. Depuis qu’ils avaient dormi ensemble, Law et elle ne s’étaient presque pas vus. Ils ne dormaient pas aux mêmes heures, ne faisaient que se croiser. Elle aurait aimé se rendre plus disponible, mais refusait de l’attendre sans rien faire, guettant les rares moments où il rentrerait se changer ou se laver. Elle préférait prendre son mal en patience et attendre le départ.

Le signal de ce dernier ne tarda d’ailleurs pas, alors qu’elle rentrait juste au casino. Elle y passa rapidement, pour vérifier une dernière fois le travail qu’elle allait rendre à Isaac. Une fois satisfaite, Andrea lui laissa quelques annotations griffonnées à la va vite sur son bureau, détaillant là où elle avait pu prendre un peu d’avance et les difficultés qu’elle avait rencontrées. Puis elle fila se changer, prenant une tenue de voyage adaptée et un sac avec de quoi varier les tenues pour eux deux. En chemin pour le rejoindre, Andrea s’arrêta un instant chez un forgeron. Profitant de leur ambivalence qui les rend aussi forts que précis, elle demanda à l’artisan de graver sur le fin morceau de cuir une représentation symbolique de Sparshong. Aux extrémités, la lame avisée et agile dessina des dés, représentant cette part de hasard qui guidait la vie des hommes, sous le regard des dieux. En espérant que cela lui plairait, elle paya avec sa maigre cagnotte du jour avant de le rejoindre au port. Elle flatta l’encolure des chevaux puis finit de relever ses cheveux en un chignon serré.

« Je voulais attendre Isaac pour lui dire où j’en étais, mais je me suis dit qu’il y avait plus de chances de le trouver vers toi. Bien que plus rien ne sois sûr, depuis que tu m’as demandé un collier. Je ne pensais pas qu’un jour tu te résoudrais à en porter un. »

Andrea fixa le sac à dos qu’elle avait pris avec elle sur la selle sommaire et utilitaire du splendide cheval qui lui était réservé, avant d’aller lui caresser doucement les naseaux pour l’habituer à son odeur alors qu’il renâclait, semblant s’impatienter.

« Je pense que je vais perdre mon premier travail à Nexus avec ces vacances. J’ai gagné à peine de quoi tenir quelques jours. Avec les pourboires. Par où on commence ? »