Alastyn résuma plutôt bien la situation. Un piège, ou Orphée... L’un dans l’autre, Nariko ne savait pas quoi en penser, mais elle avait confiance en Heavenly Sword. L’épée magique la protègerait contre tout adversaire. Elle avait triomphé du Roi Bohan, de son palais, de ses sbires, et même de son armée. Ce n’était pas quelques gredins qui allaient pouvoir l’effrayer. Elle était au-dessus de ça, mais, pour autant, elle savait que, à Nexus, il ne fallait surtout pas se fier aux apparences. Ce n’était pas une erreur qu’elle comptait réitérer.
«
De toute manière, ce n’est pas comme si nous avions le choix... -
Nariko sent bon, intervint alors Kaï.
Kaï aime cette odeur, elle est reposante. »
Sa remarque fit sourire Nariko. Les réflexions de Kaï avaient toujours le don de surprendre Nariko, que ce soit par son matérialisme étonnant, ou par ses remarques décalées, qui se raccrochaient curieusement au sujet actuel. Nariko se mit en marche, voyant plusieurs gens les regarder. Il y avait essentiellement des loubards et des bandits, des individus qui, en temps normal, finissaient aux cachots, mais qui, vu les circonstances, étaient de glorieux révolutionnaires. La manière dont certains les reluquaient en frottant leurs lames signifiaient clairement qu’il ne valait mieux pas trop s’attarder. Pour l’heure, les révolutionnaires étaient encore trop agités par la riposte future de l’armée nexusienne pour songer à se défouler sur les femmes, mais il pouvait toujours y avoir des exceptions.
Nariko retourna vers l’auberge. Elle était plutôt grande, et le trio l’atteignit par l’arrière, cherchant la ruelle. L’auberge était une belle bâtisse, comprenant plusieurs bâtiments, avec de nombreux gardes, que ce soit des patrouilles au sol avec de féroces chiens, ou des archers postés aux balcons. Des drapeaux flottaient ici et là, probablement le symbole du mouvement révolutionnaire. Sur des tables, on distribuait des tracts, et des affiches propagandistes vantaient les mérites de la Révolution. Sur une image caricaturale d’un tract flottant au sol, Nariko vit, sur une enluminure, l’image d’un gros cochon et de souris volant le fromage que ce dernier réunissait. Le dessinateur avait été inspiré, car il y avait quantité de détails. Le gros cochon était assis sur une espèce d’usine très petite, où des rats apathiques travaillaient d’arrache-pied pour engraisser ce gros lard libidineux et moche. La gravure présentait un texte :
« Ils nous prennent pour des rats et des pestiférés !
Mais, sans nous, ils ne pourraient pas avoir d’aussi gros culs !
Revendiquez un système juste et représentatif !
DÉMOCRATIE !! »
Nariko déposa le tract, et continua à marcher, longeant l’auberge, jusqu’à voir ce qui semblait s’apparenter à une ruelle. Une petite impasse sombre avec des canalisations puantes, là où on balançait les déchets. Pour éviter de nouvelles épidémies de peste, la municipalité nexusienne avait revu tous les systèmes de voirie et d’évacuation des eaux usées. Nariko s’avança le long de la ruelle, ne voyant personne. Il y avait plusieurs portes, et elle remarqua que l’une d’entre elles était entrouverte.
«
J’ai l’impression d’être une espionne… » maugréa-t-elle.
Elle se dirigea vers la porte entrouverte, et pénétra, avec Alastyn et Kaï, dans une antichambre en bois, avec une autre porte, accessible par un petit perron de trois ou quatre marches. Celle-ci était fermée, et Nariko tapa à la porte en bois. A côté, il y avait une petite lampe à huile, éteinte. C’était probablement une entrée latérale, et, quelques secondes plus tard, un petit volet en bois s’écarta, révélant deux yeux bleus, avant de rapidement se refermer. Nariko s’impatientait, rejetant l’envie de s’emparer d’Heavenly Sword pour défoncer la porte, mais cette dernière s’ouvrit rapidement. Il y avait un homme patibulaire derrière, une sorte de géant chauve avec deux yeux s’enfonçant dans ses orbites, et des mains énormes. Il s’écarta lentement, et, derrière lui, comme dans un conte de fées, la belle se trouvait là.
«
Je vous souhaite la bienvenue. »
Orphée était effectivement une très belle femme, qui faisait plus penser à une courtisane de luxe qu’à une prostituée de bas étage. Elle avait de superbes yeux noisettes plongeants, hypnotiques, allant à merveille avec sa peau chocolatée. Une beauté des îles qui leur fit un léger sourire, tandis que le colosse à côté d’elle referma la porte.
«
Ne vous en faites pas, Balleor est un garde fidèle, qui s’assure de ma protection en ces temps compliqués. »
Nariko la considérait avec scepticisme.
«
Vous... Vous êtes vraiment une Sœur ? »
Orphée haussa les épaules.
«
Toutes les sœurs ne vivent pas recluses dans des couvents en devenant nonnes. Certaine préfèrent l’action à la prière. Je suis une Sœur, et, si j’ai bien compris, vous êtes ici pour supprimer DeathClaw ? »
C’était une question rhétorique, et Orphée enchaîna rapidement :
«
Le trajet s’est-il bien passé ? »