Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Mila Morgana

Humain(e)

Petit mode d'emploi avant de commencer la lecture (pour ceux qui auraient besoin d'un Captain Obvious sur pattes) :
La narration normale, donc noir sans italiques, se passe en 2510. Il s'agit du procès et de ses conséquences.
La narration en gris-italique est une scène de la vie quotidienne de Mila en 2013 sur la première partie, puis un flashback de Mila.
La narration en doré-italique fait partie de la vie de Seiker. Attention cependant, il s'agit également de la couleur pour les "paroles" de Mila.

La narration en rouge carmin, italique ou non, est une allusion à la partie de Mila qui se base sur son instinct de survie.

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17 Avril 2510 - 15:30

Dans un vieux palais de justice à l'ancienne, façon vingt-deuxième siècle. Une salle d'audience quelconque, où la prévenue est assise, les mains entre ses cuisses. Deux bracelets énergétiques la maintient attachée ainsi. L'assistance parle, la jeune fille jette des regards désolés à la foule venue voir ce spectacle. Ses longs cheveux d'un blanc immaculé cachent ses yeux d'un rouge légèrement rosé. Deux agents en uniforme sont de surveillance, plus tendus que d'habitude. Leur tension ne vient non pas qu'on y juge une jeune fille, mais qu'on y juge ce qu'elle est. Ce qu'elle est les effraie. Le juge, un jeune homme à la bouille digne et aux cheveux légèrement bleutés, frappe du marteau. Le silence s'installe, un procureur tonitruant prend place à son perchoir. Ses cheveux, entre le gris et le brun, ne laissent pas présager de son jeune âge. Pourtant, il n'est pas si vieux que ça, Evan Rose. A peine trente ans. En face, tournant le dos à la prévenue, se trouve la défense. Un jeune homme qui vient juste de commencer, et à qui on offre un cas indéfendable. Le pauvre se tient la tête et sue à grosses gouttes. Nouveau coup de marteau, la voix de basse du juge s'exprime enfin.

- Nous sommes aujourd'hui réunis afin d'examiner le dossier de mademoiselle Mila Morgana, quinze ans. La défense et l'accusation sont-elles prêtes ?

Monsieur l'accusation hoche de la tête d'un air confiant. Monsieur la défense, cependant, met un certain temps avant d'avaler sa salive et de murmurer sans conviction qu'il est prêt à commencer.

Elle a toujours cette apparence très pure et innocente. Ses yeux, rosés à l'époque, sont devenus totalement rouges. Ses cheveux quant à eux, coupés bien plus courts, reflètent toujours la même couleur neige qu'à l'époque où elle n'était pas là. Ils sont maintenant souvent en désordre et pas un cheveu ne dépasse ses épaules, malgré qu'ils soient coupés irrégulièrement. Sa peau en elle-même reste pâle, sans pour autant être blanche. On pourrait penser qu'elle est albinos, mais elle ne montre aucune difficulté vis à vis du soleil et ses cils sont bel et bien noirs. Elle présente donc une anormalité au niveau de sa couleur de cheveux et d'yeux, que personne n'a su expliquer jusqu'ici. Son corps ne s'est pas énormément développé depuis. Sa poitrine reste discrète, ses épaules ne présentent pas un centimètre de plus en largeur depuis ces six ans d'intervalle entre son exil et maintenant. Ses membres restent d'une finesse qui rend l'apparence de cette fille extrêmement fragile. Cependant, elle reste dotée d'une certaine force étant donné qu'elle peut manier son énorme arme sans l'aide de quiconque.

Il aurait été ironique qu'elle manie cette énorme faux avec l'aide de quelqu'un d'autre. Elle qui a fait graver le manche de son arme afin d'y faire apparaître une phrase ayant un sens bien particulier. Une phrase qui résume bien tout ce qu'elle ressent depuis six ans, la phrase qui a tout son sens lorsqu'on l'associe avec la porteuse de cette arme.

Le destin m'a interdit d'exister... vous ne m'empêcherez pas d'avoir mon Existence.


Ainsi est gravé le manche de son arme. Cette arme qu'elle est en train de faire virevolter entre ses doigts face à des humains qui semblent des plus banals. Eux qui commencent à tourner le dos et fuir. Elle se retourne elle aussi, différemment. le tranchant de sa faux pointe vers le ciel, au bout du manche et des deux bras tendus de la jeune fille qui appuie sur ce qui s'apparente à une gâchette. Sans que quelqu'un ne voit le mouvement, elle est déjà accroupie sur le manche de la faux, qui tire un projectile et dont le recul envoie l'arme et son utilisatrice vers la petite foule, comme une balle ou un missile.


Pas un mot ne sort de sa bouche, la jeune fille qui se tient là. Sa tête est baissée tandis que les plaidoiries ont commencé. D'une oreille distraite, elle écoute le speech du procureur à propos de l'envie qu'il aurait de fermer les yeux sur les faits et laisser une jeune fille ayant une apparence aussi innocente repartir avec un verdict non-coupable. Une pensée amère passe dans la tête de la jeune fille. Si elle ne connaissait pas la réputation du procureur Evan Rose, elle aurait pu se consoler avec ce long discours en pensant que le magistrat faisait juste un éloge signifiant, si on retirait les fioritures, "Si je me l'étais tapée il n'y aurait pas eu de procès". Mais le procureur Rose était connu pour sa droiture et son incorruptibilité.

En réponse à cet éloge, elle laissa échapper un soupir blasé qui lui était plus compréhensible. C'est ce qu'on lui avait déjà dit lorsqu'on l'a arrêtée, c'est ce qu'on lui a dit au centre de détention où elle passa un mois en attente de son procès, et on lui redit aujourd'hui. Ce n'est que la troisième fois qu'on lui tient le même discours, quasiment mot pour mot. A la différence que la deuxième fois, le gardien a vraiment tenté de marchander sa liberté contre une passe dans la cellule. Elle avait refusé, évidemment. Elle s'attendait à rendre des comptes à la Cour un jour ou l'autre, de toute manière. Une pensée amère envahit son esprit. Elle ne peut pas l'exprimer, bien évidemment. Comment pourrait-elle exprimer cette pensée ? Avec quels moyens ? Une pensée d'un noir mélancolique et joyeusement suicidaire.

Parfois, le pire crime imaginable est celui d'exister.

Traitée comme un animal toute sa vie, elle qui était plus humaine que tous ces prétendus humains avec leurs règles très humaines, mais ne perdant pas de leur froideur et de leur droiture pour autant. Pourquoi ces hommes ont-ils scellé leurs sentiments, si l'émotion est ce qui différencie l'homme de l'animal ? Elle repensait à de vieilles littératures datant au bas mot d'un millénaire alors que le procureur continuait de décrire la peine qui l'envahissait à l'idée de devoir condamner la jeune fille. Deux pensées, cette fois, traversèrent son esprit. Une amère, et une assassine.

La première tenait lieu de continuation à ses pensées sur ces vieux contes millénaires qu'elle avait lu. Un des légendaires contes des frères Grimm, la Belle et la Bête. Elle se faisait l'effet d'être les deux à la fois. La belle, et la bête à la fois. Elle pouffa de rire d'une manière très ironique, ses yeux renfoncés et ses lèvres tordues dans un sourire sarcastique étant les seules preuves de cette pensée : tant qu'à choisir, elle aurait presque préféré être le petit chaperon rouge. La seconde pensée elle, était directement adressée au procureur qui continuait de se lamenter à propos du malheur de devoir juger un cas pareil. Si ça te fait si mal que ça, Rose, alors finis ta plaidoirie et abrège tes souffrances. Et abrège les miennes. Allez, mène-moi au peloton d'exécution.

Elle fondait sur le premier d'entre eux, qui ne se retournait pas. Au dernier moment, elle sauta du manche de la faux, qui vint rencontrer le dos de cette pauvre victime entre les deux omoplates. Une main suffisait pour faire ensuite décrire un arc de cercle à cette faux gigantesque qui trancha l'homme en deux, de l'épaule droite à la hanche gauche, sans pour autant créer de sang. A la place, un intérieur noir se révélait dans les deux parties bien distinctes de ce qui avait été un corps humain quelques secondes auparavant. Quelques pétales de roses s'envolèrent de la partie inférieure du corps qui tomba sur les genoux, la tête la première. Le sol se couvrit d'une fumée noire qui n'inquiéta pas la jeune femme, bien au contraire. Elle glissa la main dans sa poche et appuya sur un bouton. Une voix féminine affreusement sarcastique sortit d'un haut parleur de haute qualité.

- On se révèle au final, hein...

Elle se préparait à entrer dans un nouveau monde. Ce nouveau monde, on ne peut le voir que depuis les ombres. Elle l'aimait et le haïssait à la fois. Elle vivait pour ce monde, ou plutôt ces mondes. Elle regarda autour d'elle le décor se former. Elle ne fut pas déçue. Toute une colline verte, couverte de cerisiers en fleur. La beauté de ces pétales roses la radoucit pour quelques secondes, avant de se remémorer certains moments de son passé - ou de son futur ? La notion de temps n'était pas claire en dehors de ces six dernières années pour elle.

Ce qu'elle voyait, c'est des humains. Ou plutôt leurs silhouettes. Peut-on considérer cet amas de matière noire et rougeâtre comme des humains ? Non, c'est ce qu'elle cherche depuis toujours. Les démons internes, la source des maux et des afflictions, ce qu'elle avait fini par nommer Pandora. Encore une allusion à une vieille histoire qu'elle avait entendue, ce mythe de Pandore et de cette fameuse boite. La chère boite de Prométhée... elle avait pour tâche de la refermer à jamais.


Elle écoutait le procureur dresser son portrait en comprenant que tout son speech n'était là que pour justifier sa position par rapport au délit de faciès, en prouvant que l'apparence est souvent trompeuse. Jamais il n'aurait cru que le procureur, en quelques entrevues avec la jeune fille assise entre deux gardes, arrive à cerner une personnalité aussi facilement. Elle aurait voulu nier les propos d'Evan Rose en se levant et en clamant haut et fort le mensonge, mais elle ne le pouvait pas à cause de deux raisons. La première, c'est que le procureur ne disait que la vérité en détaillant la jeune fille tremblant de rage. La seconde, il avait commencé par cette raison en décrivant la jeune Mila.

- Il faut savoir que Mila Morgana n'est pas quelqu'un qui vous embobinera avec un ton doucereux et quelques belles paroles. Tout simplement parce que mademoiselle Morgana n'a jamais eu l'usage de la parole.

Elle écoutait donc avec rage la description que le procureur faisait d'elle, sans pouvoir intervenir. Que pouvait-elle dire face à la vérité ? Oui, elle était bien cette jeune vipère qui semblait rassembler tous les défauts. Elle faisait preuve d'un égoïsme sans pareille, devenait très facilement jalouse. Oui, il était vrai également qu'elle ne manquait pas d'ambition, bien au contraire. Il était vrai qu'elle se laissait aller à la rage sous le moindre prétexte. Tout cela, elle le savait bien. Mais le procureur prononça une phrase de transition qui lui fit relever la tête avec stupeur.

- Mais je doute qu'elle soit naturellement ainsi.

Avec un ton bien plus doux, et en regardant la prévenue droit dans les yeux avec un air de sincère compassion - pas comme tous ces soi-disant humanistes qui n'utilisaient la compassion uniquement pour justifier leur cause - il finit son propos, avec une tirade si tranquille que la clameur qui montait avec la description du procureur s'estompa d'un coup.

- Si nous autres ne l'avions pas rejetée comme nous l'avons fait, sans doute serait-elle d'une gentillesse et d'une sagesse inégalables. Je ne tiens pas à faire le procès de l'humanité, mais nous sommes tous responsables ici pour ce procès. Tous, sauf une personne. Ironiquement, cette personne est mademoiselle Morgana.

Elle plantait la faux dans le sol et ne prenait même pas la peine de viser à travers la lunette faite exprès pour ça. Elle se contentait de tirer dans le tas, la crevasse suivant la lame de la faux se creusant toujours un peu plus après chaque tir. Des pétales rouges se mêlaient aux pétales roses, tandis que des morceaux entiers de ces amas de matière volaient en éclat. Une épaule, une tête, une cuisse. Peu importait réellement, le tout était de créer un trou dans la masse. Il était temps d'y aller à fond.

Sans perdre un instant, elle mit un casque sur ses oreilles et appuya sur un bouton dans une autre de ses poches. Une musique comme elle les aime, bien J-rock, se faisant entendre bien au-delà du casque. C'est au premier coup de batterie qu'elle partit à l'assaut à grands renforts du recul de sa faux. Une fois arrivée en plein milieu de la mêlée, elle tira aussi fort qu'elle put sur ses bras pour transformer le mouvement rectiligne de la faux en un mouvement gracieusement circulaire qui faucha quelques amas de matière au passage dans un océan de pétales de rose. Posant alors le manche de la faux par terre, canon contre le sol, elle commença à faire le poirier sur l'autre bout du manche. Pas bien longtemps, l'un de ses points d'appui étant la gâchette.

Le recul la poussa dans les airs, comme prévu. Elle s'accrocha à la faux, les pieds posés contre le manche pour faire basculer son arme et entamer une série de sauts périlleux en même temps que la faux. Lorsque le moment fut venu, elle stabilisa le manche sur l'épaule d'un de ces amas de matière. D'un geste du pied négligent, elle appuya sur la gâchette, tranchant au passage le bras de cet amas de chair. Il y avait maintenant plus de pétales rouges que de pétales roses. Et elle souriait. Elle était utile, enfin.

Utile.


Le procès continue, cependant elle écoute avec une attention toute nouvelle le procureur parler. Qui est-il, et quel est son but ? Pourquoi a-t-il pris sa défense au point de clouer le bec à l'assistance ? Pourquoi ? C'était une question qui la taraude maintenant. Pourquoi est-il si difficile à cerner ? A peine avait-il accablé la race humaine toute entière qu'il était reparti sur son accusation. Le chef d'accusation, elle le connait enfin, malgré qu'elle s'en soit douté depuis le début. Elle l'avait su lorsqu'on lui avait expliqué ce que représente le fait d'être la dernière de la lignée des Morgana. Ne pouvait-elle pas naître au pire moment, dans la pire famille ?

Le chef d'accusation est tombé comme le marteau du juge sur la tête de Mila. Potentiel danger envers l'humanité. Depuis des décennies, la famille Morgana était basée sur la reproduction des élites. A vrai dire, la famille Morgana n'existait pas à la base. Ils avaient tous un autre nom avant de se nommer Morgana. Des centaines et des centaines de branches de reproduction, fruits de l'élite, puis des fruits de l'élite issue elle-même de l'élite... et caetera. On en était venu à la dernière possibilité pour éviter tout problème de consanguinité dans la famille avec Mila. Elle est l'humaine qui se rapprochait le plus de la perfection physique et mentale. Elle l'avait déjà prouvé plusieurs fois dans son enfance.

Elle la sentait déjà à l'époque, cette froideur sans égal. Ce rejet de sa personne. On avait condamné des personnes pour ne pas avoir assez d'humanité. Elle, on allait la condamner pour être trop humaine. Quelque chose, quelque part, a dû aller de travers. C'était la seule explication qu'elle pouvait concevoir sur le fait que l'on veuille éliminer le fruit de siècles d'élitisme. Élitisme qui n'avait porté ses fruits que sur le physique, par ailleurs. Elle ne se sent pas plus intelligente qu'un autre. Qu'avait-elle fait alors ? Elle existait, et tout était là ? Elle ne pouvait pas s'y résigner. Tout son corps tremble alors qu'elle refoule ses larmes. Elle ne doit pas pleurer. Surtout pas.

Son monde commençait à tomber en morceaux, au fur et à mesure que le nombre d'amas de matière baissait. Comme un vitrail qui se brise, les cerisiers partaient en morceaux. Le tout laissait place à un noir absolu, celui qui ne renvoie pas la moindre lumière. En finir, pensait-elle. Il fallait en finir le plus vite possible. Ses doigts passèrent sous la gâchette, vers un boitier rouge placé dans le manche. Elle le retira avec deux doigts, les deux autres doigts plaçant un deuxième boitier rouge, exactement le même à l'exception d'un mot écrit en blanc sur le nouveau boitier : Overdrive. Une longue expiration par la bouche et un sourire moqueur. Elle était lancée, bien plus rapidement qu'avant. Elle eut à peine le temps de changer un peu l'axe de la faux avant de tirer une nouvelle fois, tournant sur elle-même en fauchant ceux qui passaient à la portée de la lame.

Elle ne se souciait plus d'éviter les masses, ces choses informes qu'elle nommait Pandores. Elle préférait maintenant l'efficacité à la distinction. Il lui fallait en finir avant que tout ceci ne se répande : elle avait déjà perdu trop de temps. Les membres des Pandores volaient et se retrouvaient pris dans un maelström d'acier dont aucune échappatoire ne semblait possible. De plus en plus de morceaux du décor s'envolaient pour se briser en mille morceaux. Elle devait détruire ce champ de cerisiers, comme le procureur Rose avait détruit son propre champ de cerisiers. Il n'avait même pas utilisé d'arme, il ne s'était même pas battu, il avait juste prononcé des paroles qui avaient su l'atteindre.

Elle devait tenir la cadence, que ce rose ne devienne que noir absolu, dérangé par les pétales rouges qui s'envolaient et retombaient en pluie sur elle et sa faux. Elle pouvait compter les Pandores encore en vie. Une vingtaine à vue d'oeil. Sa faux se bloqua entre son dos et ses deux avant-bras tandis qu'elle tournait une nouvelle fois sur elle-même. Appuyant une nouvelle fois sur la gâchette et relâchant immédiatement, elle regarda la lame frôler ses bras et empaler deux nouveaux amas de matière avec la petite pointe sur l'autre bout du manche. Elle courut derrière la faux, l'attrapa et prit appui sur les deux Pandores avant de tirer d'un coup sec sur sa faux. Le reste du manche finit de traverser les deux créatures, suivi de près par la lame qui laissera pour toujours une frontière entre les deux hémisphères, les deux poumons et les deux reins des Pandores s'ils avaient eu de tels organes.


Il se brise.

        Toujours seule. Sous la pluie de roses.

Il fait chaud. Il fait chaud.


        Attendre son arrivée.

C'est chaud.


  Il vient.
Chaleur. Pourquoi tant de chaleur ?

    Il arrive.
Elle étouffe, suffoque. N'en a plus pour longtemps.
      Il approche.
D'où provient cette chaleur ?

        Il est proche.

Pourquoi cette chaleur si inhabituelle arrivait-elle maintenant ?


Monsieur la défense avait totalement arrêté d'espérer dès que le procureur Rose était reparti à l'assaut. Voilà qu'il commençait à décrire le passé de la jeune fille, chose à laquelle elle ne pouvait que se souvenir avec amertume. Cet effet boule de neige qu'elle avait elle-même vécu de manière difficile. Il avait commencé par décrire un début d'enfance tout ce qu'il y a de plus normal, ce dont elle n'avait aucun souvenir elle-même. Cela se compliquait à partir de ses six ans. Depuis tout ce temps, elle ne pouvait que repenser à cette date fatidique où elle avait rencontré d'autres humains.

Le déclin avant même d'avoir une apogée.

L'intention pleine d'orgueil. L'écart entre elle et les autres. Elle dehors, à regarder les nuages d'un air rêveur. Elle n'écoutait pas vraiment ce que murmuraient les autres, elle entendait de vagues bribes comme "pas comme nous", ou "monstre". Elle ne se doutait pas encore qu'on parlait d'elle à l'époque. Elle ne comprenait pas pourquoi on reculait dès qu'elle faisait un pas. Dans l'océan de ses mémoires, elle percevait la voix du procureur comme un écho lointain. Le procureur parlait du témoignage de son institutrice, elle-même ayant pleinement connaissance du projet Morgana. Les souvenirs revenaient, comme une vague particulièrement violente.

Cette institutrice qui ne voulait pas l'interroger, peu importe le nombre de fois où elle levait le doigt pour proposer une réponse. Cette institutrice qui ne voulait pas lui adresser le moindre mot. Elle comparait la déposition de l'institutrice à la réalité qu'elle avait vécue. Si elle avait pu pousser une exclamation outrée, elle l'aurait fait. D'où sortaient ces accusations d'avoir maltraité des camarades, elle qui avait été victime d'un isolement de leur part ? Elle se leva d'un bond, posant ses mains à plat sur la barre qui la séparait de son avocat. Le procureur Rose leva un sourcil devant l'expression enragée de la jeune fille.

- Quelque chose vous dérange dans ce témoignage, mademoiselle Morgana ?

Évidemment, elle ne pouvait pas répondre. Ses mains étaient liées par les bracelets. Elle ne put que refouler ses larmes encore une fois et se rasseoir, en levant ses deux bras joints aux poignets en guise de message au procureur. Aucun geste obscène, rien. Juste ses deux poings serrés aux articulations blanchies. Avec douceur, le procureur lança une réplique qui finit d'achever ses espoirs d'objection. Sa voix était pleine d'un regret moqueur. Ce regret allait envers la jeune fille, et la moquerie envers son avocat. Elle ne savait pas comment, mais elle le savait.

- Bien sûr, si votre procès avait eu une chance de passer aux Assises, vous auriez pu nous donner votre opinion sur le sujet afin qu'elle soit intégrée dans le dossier de la défense. J'ai cru comprendre que maître Brenner ici présent n'a jamais pensé à s'entretenir avec vous... c'est bien dommage. Si nous pouvions continuer le procès, maintenant ?

Il approche. Il est là.

Elle le voyait, aussi net que pouvait l'être un colosse apparemment fait de flammes dans le noir et les pétales de rose. Il approchait, et elle comprenait la chaleur qu'elle avait ressenti et qu'elle ressent encore. Elle respire. Elle a du mal à respirer, elle étouffe. Elle doit en finir au plus vite. Une fois ce colosse à terre, elle pourra revenir dans le vrai monde. Elle avance aussi vite qu'elle peut vers le géant. Elle tire vers le sol, prend appui sur le genou du monstre, tire une nouvelle fois et donne un violent coup de pied dans son avant-bras pour le dernier appui. La lame de sa faux vient rencontrer la nuque du colosse. Elle tire une nouvelle fois. Raté : la lame ne s'est pas enfoncée d'un centimètre dans la nuque du colosse.

L'autre méthode maintenant : elle commence à se balancer lentement, puis de plus en plus fort. Elle tourne autour du cou du géant, la lame sur sa pomme d'Adam et elle sur sa nuque. Elle tire de nouveau. Une légère entaille semble apparaitre, si elle en croit le liquide orangé qui s'échappe de lui avec moult fumée et quelques pétales de rose. La faux ne suffira pas : il était temps de changer. Elle arrache le casque de ses oreilles et débranche la prise jack. Le son qui semblait étouffé prend maintenant l'ampleur de toute cette noirceur. Il résonne dans cette infinité de noir et de rouge.

Elle profite de la diversion pour retirer le petit boitier rouge et placer un énorme boitier circulaire doté de six crans. La musique change d'un seul coup. Grand coup de double pédale en début, puis arrivée de la guitare, aussi brutale que le coup de faux qui vient de percer l'épaule du colosse. Elle prend un petit levier sur le côté du boitier circulaire et le tire. Le boitier tourne, il tourne sans interruption. Elle rabaisse le levier, le manche se divise entre ses mains. Elle se tient maintenant prête à combattre au sol, deux carabines dans les mains.


Pas maintenant. Il attaque.

Une trentaine de boules rouges fondent sur elle. Elle attrape les carabines par la crosse, l'annulaire sur la gâchette. Les deux premières boules rouges sont déviées grâce à deux coups de canon, tandis que deux autres boules sont expulsées plus loin avec un tir simultané des deux armes. Une cinquième boule se voit interceptée par le pied de la jeune fille et écrasée au sol avec force. Son autre pied dévie encore une boule avec le talon, et la crosse dans sa main gauche donne un coup dans une minuscule boule qui approchait de son poignet.

Il faut tenir. Tenir tant qu'elle peut encore.

Elle continue à dévier les boules dans une danse endiablée avec le danger et la mort. Elle prend les carabines par le canon et commence à les faire tourner entre ses mains. Une crosse en frappe une autre dans un grondement de canon : la boule qui grossissait dans son dos se voit éparpillée en une gerbe d'étincelles. C'est partout, c'est envahissant, c'est long. Elle tire sur le levier encore une fois. La roue tourne, et elle l'arrête en rabaissant l'interrupteur. Elle sait déjà ce qui se forme autour de ses avant-bras et de ses poings. Elle donne un coup de poing dans la boule qui arrive droit sur elle, sans réfléchir à quoi que ce soit. La sphère écarlate vient en rencontrer une autre dans une éblouissante explosion. Il y avait de la beauté dans ces assauts, pensait-elle. Oui, de la beauté. Sans doute la même beauté qui fait que le mal attire.


La suite lui importait peu. Elle n'avait pas pu intervenir d'une quelconque manière, et n'écoutait que d'une oreille distraite la suite de son passé et les outrageuses accusations qui étaient faites envers elle. Elle s'était résignée à écouter ces contes de fée en espérant être une sorte de Cendrillon quelque part. Elle se sent un peu à part d'une conversation qui la concernerait. Une manière de parler derrière son dos sans même qu'elle ait besoin de se retourner. Elle n'avait qu'une hâte, c'était de voir la fin de ce procès arriver.

Elle qui se sentait observée commençait à fermer les yeux lentement. Bercée par la voix du procureur, elle s'endormait doucement. Qu'on la réveille une fois le procès fini. Pour elle, le reste du spectacle se résumait à un écran noir. Son accès de rage l'avait fatiguée, et elle était fatiguée elle-même de ne pas pouvoir vivre. Sans doute ne savait-elle pas tout ce que le procureur avait fait pour elle au cours des deux heures durant lesquelles elle fit une sieste fort peu convenable dans la position où elle se trouvait. Elle n'a pas pu entendre le procureur plaider sa cause à la place de son avocat.

Ce qui la réveilla fut un coup de marteau donné par le juge, qui avait décidé de clamer son autorité.

- Je n'ai nul besoin d'examiner le dossier plus longtemps. Les faits sont limpides, et tous les éléments montrent la culpabilité de l'accusée. Si vous le permettez, j'aimerais rendre mon verdict.

Elle émergeait, cependant elle voyait distinctement le visage ennuyé du procureur lorsqu'il entendit ces mots. Il avait la tête baissée, comme soumis à une fatalité alors qu'il donnait son accord au juge. L'avocat de la défense Brenner, lui, ne bougeait pas. Pétrifié depuis le début du procès, durant lequel il n'avait pipé mot. Même lorsqu'il fut temps pour la défense de présenter son dossier. L'expression du procureur lui avait donné espoir, pourtant. Elle allait pouvoir vivre ? Vivre sa vie comme elle l'a toujours voulu ? En tant que Mila, et non pas en tant que dernière de la lignée des Morgana ?

Oh, l'ironie alors que l'espoir remontait en elle ! La voix du juge trancha net ses envies d'idéaux.

- Si personne n'y voit d'objection... la Cour déclare donc l'accusée, mademoiselle Mila Morgana, potentiel danger pour l'humanité. La sanction ici appliquée est la suivante : exécution du prévenu.

Hourras dans la salle, trois coups de marteau et une voix sarcastique qui s'élève depuis le siège du juge, s'adressant directement à elle. Oh, qu'elle avait détesté cette phrase !

- Un dernier mot avant la fin, mademoiselle Morgana ? Oh, pardon. J'oubliais !

Elle ne tenait plus. Elle se leva, écarta les bras et brisa les bracelets. Avant même que quiconque ne puisse la stopper, elle avait déjà enfoncé son poing dans le visage du juge. Elle retourne s'asseoir à sa place et tend de nouveau les bras, l'air résigné. C'est ici que revient la petite pointe d'étonnement qui n'avait pas manqué durant ce procès, alors que le procureur s'approchait du banc des accusés. Il tendait la main vers elle, en s'adressant aux deux gardes.

- Je m'occuperai de mademoiselle Morgana, si vous le voulez bien. Il s'agit de l'un de mes devoirs en tant que magistrat.

Hochement de tête des deux gardes qui s'écartent au passage du procureur. Etait-ce son imagination, ou le procureur Rose venait-il de lui adresser un clin d'oeil ? Au point où elle en était, il ne pouvait pas y avoir de scénario plus détestable pour elle. Il continuait de tendre sa main vers elle, sa paume découverte pointant le plafond. Non, elle était déjà dans le pire des scénarios possibles. C'est pourquoi elle prit cette main tendue vers elle avec un léger sourire. Qui sait ? Peut-être que sa condition s'arrangerait. Ils se dirigeaient tous les deux, procureur et condamnée, vers la sortie du tribunal. Ce qu'elle savait, c'est que cet homme si jeune mais au regard si dur était son dernier espoir.

Elle entrechoqua ses gantelets après avoir dévié toutes ces sphères rouges. Il était temps de repasser à l'assaut. Elle ouvrit ses doigts légèrement, dévoilant un énorme trou au niveau des paumes. Non, ce n'était pas un trou à proprement parler. Elle s'éloigna légèrement en évaluant son angle d'attaque et commença à donner des coups de paume dans le vide. D'ici partirent une dizaine de missiles, qui changèrent de trajectoire assez rapidement et vinrent frapper le colosse à la tête et au torse. Elle avait profité de la diversion créée par les missiles à guidage thermique pour tirer une nouvelle fois sur la roulette et l'arrêter.

Dans ses mains se tenait maintenant un marteau d'une taille gigantesque, dont le manche en lui-même devait faire la taille de celui de la faux. Les poids du marteau, eux, étaient suffisants pour détruire toute la partie supérieure du corps de la jeune fille à la moindre erreur. Ses yeux rouges scrutaient le géant de flammes, guettant un mouvement ou un autre sur lequel elle pourrait attaquer. L'occasion se présenta bien assez vite : un poing colossal vint s'abattre sur elle, ou plutôt à l'endroit où elle était quelques secondes auparavant. Elle courait maintenant sur l'avant-bras du géant, son marteau trainant dans le vide derrière elle.

Avec une grande impulsion, elle amorça une rotation de tout son corps. Le marteau vint se loger dans la tempe du colosse, qui vacilla. Un deuxième coup suffit à le faire tomber, alors qu'un troisième coup, vertical cette fois, vint achever le monstre, qui explosa dans un fouillis de boules de feu et d'étincelles. Le noir se dissipait, son marteau redevenait la faux. Elle revenait à la réalité, assise par terre et exténuée. Du repos, enfin. La visite de chacun de ces mondes étranges, hôtes de créatures toutes différentes et toujours d'un monstre plus puissant que tous les autres réunis, tout cela n'avait qu'un seul but. Et ce but, c'est ce procureur qui lui avait expliqué.


... La vérité ?

Elle écrit sur un bout de papier à l'adresse du procureur. Ils sont dans son bureau, tous les deux. La pièce est fermée à double tour, tandis qu'il lui parle avenir. A elle, qui vient d'être condamnée à mort. Elle avait trouvé ça ironique au début, puis elle avait compris. Le procureur lui offrait un avenir autre part, si elle acceptait de se battre pour la vérité. Évidemment, le choix ne se pose pas lorsque l'on est condamné à l'exécution. Elle avait accepté toutes les conditions. La première était de retourner dans le passé pour échapper à la milice de leur époque, juste avant que le projet Morgana ne soit créé. Elle avait accepté directement, bien évidemment.

La seconde quant à elle, était de ne jamais montrer son arme en public. Il lui avait montré une longue faux rouge et noire, dont la lame était recourbée gracieusement. Un long tube au niveau de la lame et une sorte de gâchette à l'autre extrémité du manche, là où se trouvait également une petite lame de la taille de la lame d'un couteau, lui laissaient présager qu'il s'agissait de l'une des fameuses "gunscythes" que les élites de la milice maniaient. Une faux où on a greffé un sniper à très gros calibre. Elle avait promis, sachant que la faux avait une option pour prendre la forme d'un petit fusil à pompe.

La troisième condition avait été très vague. Il s'agissait de "traquer la vérité" et le procureur Rose ne pouvait pas en dire plus pour le moment. Il affirmait ne pas vouloir gâcher la surprise et que quelqu'un serait là pour lui expliquer en temps et en heure. Elle avait accepté avec un grand sourire. Enfin, elle allait être utile à quelqu'un. Il avait préparé le timer du petit bracelet qui lui permettrait de remonter le temps : elle allait atterrir au début du vingt-et-unième siècle dans une petite ville japonaise, apparemment le point de départ du projet Morgana. Le procureur regarda Mila une dernière fois.

- Mademoiselle Morga... Non, Mila. Tu sais sans doute que toutes les armes qui ont marqué l'histoire ont un nom. Veux-tu donner un nom à ta gunscythe ? La traque de la vérité pourrait entraîner des conséquences comme ta renommée mondiale, et ce sur des siècles. Mila Morgana et sa gunscythe.

Elle avait souri et avait marqué sa réponse sur un bout de papier, de sa si jolie écriture.

On m'a privée d'une existence ici, alors si je dois en avoir une là-bas, je veux qu'elle soit basée sur mon travail et mon outil. Si elle doit être nommée, alors cette arme se nommera Existence.

Il ne lui restait plus qu'à partir avec un sourire éclatant, en remerciant le procureur Rose comme elle le pouvait. Elle avait tendu son petit doigt vers le magistrat dans un mouvement enfantin. Tout le monde connaissait cette "promesse du petit doigt" mais personne ne l'appliquait sérieusement : il s'agissait de serrer l'auriculaire de la personne liée par la promesse avec son propre auriculaire. Celui qui brisait la promesse, à l'origine de cette manière de faire, devait se débarrasser de son petit doigt. Ce sens était tombé dans l'oubli, mais Mila le connaissait et était prête à le faire réellement si elle brisait cette promesse avec Evan Rose : elle traquera la vérité et la trouvera. Leurs auriculaires s'étaient serrés l'un l'autre : il ne lui restait plus qu'à honorer cette promesse.

27 Novembre 2007 - 14:30


Tu n'as pas besoin de t'en préoccuper, je n'ai pas besoin d'être... Combien de fois ai-je prononcé cette phrase dans ma vie ? Combien de fois ai-je tenté d'en mettre d'autres devant moi avec un petit sourire ? Combien de personnes ont vu mes yeux ? Combien de fois ai-je dû me cacher et regarder de loin ? Un animal sans valeur dans un monde où les règles ne sont pas faites pour les monstres. Ce qui m'a sauvé ? Qui sait ce qui m'a sauvé. La chance, peut-être. La chance que ce soit elle qui ait examiné mon dossier et elle qui se soit intéressée réellement à ce qui s'y trouvait réellement. Ce qui se trouvait derrière ce nom qui était mien. Je ne suis pas un monstre, pas vrai ? Je ne peux pas être un monstre. Je n'ai pas besoin d'être. Alors comment puis-je être un monstre ? Ah, comme je souhaiterais être trop mort pour m'en soucier. Je souhaiterais avoir une raison. N'importe quoi, peu importe. Je continuerai de dormir si ils le souhaitent. Mais pourquoi moi ?

Je veux simplement savoir qui est ce monstre qui se cache sous ce masque. Qui suis-je, si ce n'est un humain ? Je ne suis qu'un autre humain parmi tant d'autres. Comme j'aurais préféré être l'un de ces orphelins, qui sourient et disent qu'ils sont bien traités. Alors qu'au fond, ils sont aussi mal logés que moi. Peut-être le sont-ils un peu mieux que moi. Restez solidaires, les enfants. Continuez à haïr cette bête que je suis. Chaque pas que je fais en avant représente deux pas que les gens font en arrière. Et ils entendent tous la même chose. La voix de leur raison, qui leur murmure à l'oreille d'oublier. Ils entendent tous cette phrase. "Oublie."


- Seiker.

Ah, comme mon nom paraît doux à mes oreilles. Peut-être est-ce parce que c'est elle. Elle qui m'a sauvé, elle qui a réussi à garder un lien avec moi malgré les années qui nous séparent. Sans explications mentionnées, sans rien, un choc, un coup. Cachée sous les oripeaux du diable, elle était l'ange qui m'avait protégé lorsque j'ai failli couler moi aussi. Elle avait entendu, elle aussi, cette injonction de sa raison. Oublie. Mais elle n'avait pas cédé. Elle avait secoué la tête et s'était répondue à elle-même. Une pensée tranchée nette, emplie d'une détermination que je n'ai jamais su expliquer. Elle s'était répondue. "Jamais."

- Ouais, quoi ?
- Sois poli, veux-tu ? On dit "Oui madame."
- Oui, madame la procureur Lily ?
- Mieux. Seiker, c'est l'heure.

Il fallait donc que je parte, n'est-ce pas. Il n'est pas trop tard, je peux encore être sauvé. Et c'est cette salvation, cette heure. C'est quelque chose que j'ai attendu toute ma vie. Combien de personnes ont vu mes yeux ? Trois pour le moment. La quatrième personne qui les verra va arriver d'un moment à l'autre. Et je dois être là pour elle, comme elle sera là pour moi. Elle arrive pour m'aider à suivre mon serment, c'est ça ? Un petit pincement au coeur quand j'avais entendu son nom. Il me rappelait quelques souvenirs, pas dans les plus plaisants, pas dans les plus déplaisants. Il me rappelait quelques souvenirs, et c'était déjà déplaisant en soi. Je me lève donc, j'attrape mon fourreau et je remets mon masque. Il faut y aller, maintenant.

- Okay, j'y vais...

Elle était arrivée à bon port, semblait-il. Elle se massait encore les joues avec un air dépité. Le voyage dans le temps était plus désagréable qu'il n'y semblait : elle se sentait comme si elle venait de se faire compresser, puis se faire écarteler par la suite. Elle regardait ses alentours avec un air contrarié, sans ne rien reconnaitre. Comme l'architecture était ancienne ! Aucune des guerres qui avaient laissé le monde en ruines au vingt-quatrième siècle n'avait eu lieu après tout. Il n'était pas étonnant de voir encore des bâtiments qui n'étaient pas d'acier et de verre. Il y régnait une ambiance assez paisible. On lui avait dit de ne pas bouger : quelqu'un viendra à elle.

Était-ce lui ? Un jeune homme venait d'arriver. Vingt ans, vingt cinq au grand maximum. Bien qu'il était difficile de juger avec ce masque blanc à motifs rouges qui lui cachait les yeux et le front. Quatre fentes s'y trouvaient, sans doute pour pouvoir y voir à travers. Il avait des cheveux hérissés d'un rouge éclatant, comme une flamme écarlate qui se serait allumée dans le décor. Plus sobre était sa tenue, un simple veston noir accompagné d'un tee-shirt du même rouge que ses cheveux complétaient un pantalon noir, des chaussures de ville noires et des gants noirs.

Elle regarda à sa ceinture par réflexe : ce qui semblait s'y trouver était une canne. Mais elle connaissait bien le genre et avait une bonne vue. La petite démarcation à un quart de la "canne" laissait clairement voir un katana sans garde, avec une gâchette sur le fourreau. Pourquoi cette gâchette ? Les armes de corps à corps comportant une partie arme à feu n'étaient pas censés exister à cette époque. Elle entendit une voix grave, comme une contrebasse qui se serait mise à parler, s'exprimer avec calme et distinction.


- Ce n'est pas très poli de rester silencieuse lorsque quelqu'un vient vous chercher, mademoiselle.

Elle hésita devant son demi-sourire, puis sortit un petit calepin de sa poche et commença à écrire dessus qu'elle ne pouvait pas parler. Quelque chose alerta cet homme directement, dont le demi-sourire devint étrangement plus amer. Une goutte de sueur coula de sa tempe tandis qu'il posait ses doigts gantés sur son masque. Sa voix de contrebasse céleste fendit une nouvelle fois le silence, alors qu'il souriait comme on se suicide.

- Ah, je crois comprendre... La communication entre nous va être difficile, alors. Enfin, au moins de vous à moi.

Il retira son masque, alors que Mila avait encore son stylo en suspension, laissant le "suis" dans "Je suis muette" inachevé. Il avait ouvert ses yeux par la suite, et il était difficile pour Mila de dire si cet homme regardait quelque part ou non. Ses yeux étaient d'une blancheur éclatante. Il ne restait pas même une pupille, pas même une iris. Non, ces globes qui emplissaient ses orbites étaient d'une blancheur immaculée. Il continuait de sourire, mais ses sourcils et les plis sur son front donnaient bien l'air désolé qu'il avait eu sous son masque.

- Comme vous pouvez le voir, je suis aveugle. En revanche, j'ai une excellente mémoire tactile. Si vous avez quelque chose à me dire, vous pouvez le tracer dans la paume de ma main. Je comprendrai. Maintenant que les formalités sont faites, puis-je savoir votre nom ?

Il avait retiré son gant et laissait sa paume ouverte devant elle. Un peu hésitante au départ, elle prit la main du jeune homme et commença à y tracer quatre lettres avec son doigt. Les quatre lettres de son prénom. Il eut un sourire lorsqu'elle lâcha sa main. Il hocha la tête d'un air entendu et répondit, toujours avec cette voix de basse. Cette voix si grave et douce rappelait un son à Mila. Un son qu'elle avait entendu lors d'un voyage. Cette voix, étrangement, ressemblait au son de Big Ben dans le brouillard londonien.

- Mila ? D'accord. On peut arrêter les formalités, maintenant. Ca te dérange si je te tutoie ?

Elle secoua la tête, et se souvenant que son interlocuteur était aveugle traça le mot "non" dans la paume du jeune homme. Il acquiesça et commença à marcher vers une direction, en invitant la jeune fille à le suivre. Puis il s'arrêta pour remettre son masque, qui restait toujours dans son autre main. Enfin, il s'arrêta comme frappé par la foudre en plein mouvement. Il se retourna lentement vers Mila, sa main caressant doucement sa nuque dans un mouvement de gêne. Son sourire ne s'éteignait pas, comme s'il avait attendu ce moment toute sa vie.

- Oh, excuse-moi. Je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Seiker. Seiker Morgana.

8 Décembre 2007 - 17:55

Sa main tremblait légèrement lorsqu'elle me demanda de confirmer ce que j'avais dit. Oui, je venais de lui parler de la véritable nature de la vérité que Evan Rose et Evelyn Lily recherchent. La "vérité", c'était la quête de la véritable raison pour laquelle le projet Morgana existe. Créer l'humain parfait n'était qu'un prétexte, c'était évident. La preuve en était que ni moi, ni Mila n'étions parfaits. Je suis aveugle, elle est muette, et nous avons des défauts dans notre caractère. Du moins dans le mien. Celui de Mila est d'un autre genre, bien différent du mien. Si je n'avais pas la totale confiance que j'ai en le procureur Lily, je n'aurais jamais cru à ce qu'elle me contait à propos d'une jeune fille égoïste et machiavélique.

Comment Mila a-t-elle pu changer autant en si peu de temps ? Elle est l'incarnation même de la gentillesse et de la dévotion. Je n'ai jamais ressenti une douceur telle que celle qui se dégage d'elle. Moi qui me considérais de droit plus humain que la plupart d'entre eux, je dois dire qu'elle dégage plus d'humanité que n'importe qui. Toujours ce toucher très doux, sans jamais appuyer réellement sur ma paume. Il peut paraître étrange de dire ça, mais je peux ressentir son sourire dans ses mouvements. Elle respirait la joie de vivre, tout simplement. Sa joie m'apportait toujours un petit sourire, en même temps qu'une boule dans la gorge.

J'ai peur que cette joie de vivre ne se brise quand on partira à deux pour notre quête de vérité. En tant que créatures finales du projet Morgana.

Pour le moment, il ne s'agit pas encore de lui parler de Venari strigas. J'ai encore un peu de temps devant moi pour profiter du moment présent et continuer à lui parler comme si de rien n'était, et être à l'écoute - si on peut dire - de ses questions et ses remarques. Pour le moment, il s'agit de la vérité... ou pourquoi le projet Morgana existe. Il me faut quelques secondes pour savoir par quoi commencer. Le sujet est vaste, et ne manque pas de points de départ. J'ai décidé de commencer par les différentes hypothèses d'Evelyn Lily, ainsi que les pistes que j'ai déjà exploré de mon côté, en solo. Ou plutôt sous les ordres de madame la procureur.


- Oui, la vérité se trouve en nous. On trouve plusieurs hypothèses à la raison de l'existence du projet Morgana, en particulier une qui revient souvent. Refermer la boite de Pandore une bonne fois pour toutes, et en finir avec les défauts de l'être humain.

Devant son manque clair de compréhension, je développe le point. Nous deux sommes des exemples de cette fermeture partielle de la boite de Pandore. Je ne suis jamais tombé malade de ma vie, et je me doute que Mila non plus. Des siècles d'élitisme ont fini par créer une défense immunitaire implacable. C'est la première partie de la fermeture de la boite de Pandore. La seconde s'agit de laver l'humain de tous ses défauts moraux. Plus de haine, plus de tristesse, plus rien du genre. Retour à l'âge d'or décrit dans la mythologie grecque, lorsque Prométhée avait enfermé tous ces défauts dans une boite.

Le seul souci dans cette hypothèse, qui est sans doute la bonne, est de connaître le rôle du dernier Morgana. Etait-il celui qui devait refermer la boite de Pandore en chassant tous les défauts de l'humanité, ou bien la preuve que la boite peut être refermée en montrant qu'un humain peut être parfait ? La théorie officielle préfère la deuxième option, bien évidemment. Placer le destin de l'humanité entre les mains d'une seule personne était bien trop. Et pourtant, selon moi c'est clairement la mauvaise réponse. Nous sommes humains, Mila et moi. Et pourtant, nos pouvons entrer dans Venari strigas comme bon nous semble, à condition que nous trouvions une entrée.

J'ai gaffé. Je lui ai parlé de Venari strigas. Voilà qu'elle me demande des détails sur ces deux mots, sortis tout droit de l'ancienne langue latine. Que puis-je faire, si ce n'est lui avouer la vérité sur la raison pour laquelle j'ai Déchéance et pour laquelle elle a Existence ? Calme-toi, Seiker, calme-toi. Respire, de toute manière il fallait bien lui en parler un jour. Ce jour est arrivé, et je le sentais venir après sa surprise quand elle a entendu son nom de famille associé au prénom qu'elle aurait obtenu si elle avait été un garçon. Elle n'était pas au courant de mon existence en tant que son alter ego, alors comment pouvait-elle savoir pour Venari strigas ? Je soupire bien malgré moi.


- Accroche-toi, ce récit va être long...

Et voilà qu'il lui parlait de ce qu'elle avait entendu comme "Venari strigas", deux termes qu'il semblait avoir regretté après les avoir dits. Elle sentait qu'il résumait les choses assez grossièrement, Seiker. Il lui parlait d'un monde en parallèle du leur, bien plus petit et voué à se finir bien plus vite. Les Venari strigas contenaient des dizaines, parfois des centaines de créatures faites d'une matière inconnue de deux couleurs différentes : noir et rouge. Lui et le procureur Lily - la version miroir du procureur Rose, comme Seiker était son propre reflet si elle avait bien compris - nommaient ces créatures "Pandore". Refermer la boite de Pandore consistait également à tuer celle qui pourrait rouvrir cette boite, disaient-ils.

Les Venari strigas se manifestaient de différentes manières, mais en général il était simple de les reconnaitre pour deux raisons. La première étant que le monde grouille de Venari strigas, contenus dans des humains corrompus au possible. Sur sept milliards d'êtres humains, on compterait environ trois millions de conteneurs de Venari strigas. La seconde raison étant que ces humains étaient faciles à reconnaitre. Un détail physique les identifiait directement par rapport aux autres humains. Leurs yeux étaient sombres, mais brillaient d'une lumière intense. Pour quelqu'un de peu habitué à voir un conteneur de Venari strigas, on pourrait croire que ses yeux sont très clairs mais ternes. En vérité, il s'agit du contraire.

La composition d'un Venari strigas était aisée : le nombre de Pandores dépendait du degré de corruption du conteneur. Leur aggressivité dépend de la prédisposition ou non du conteneur à se faire corrompre. La toile de fond variait également selon la personnalité du conteneur. Dans les cas les plus extrêmes, on avait sept types de Venari strigas correspondant aux sept pêchés capitaux, selon celui qui touche le plus son conteneur.

Mammon, l'Avarice, s’avérait être un Venari strigas fait d'un labyrinthe complexe dont les murs bougeaient tous seuls. Ce labyrinthe ne facilitait pas la traque des Pandores, bien évidemment. Il y avait également une autre particularité à Mammon. Il n'avait pas d'entrée ni de sortie tant que ce monde n'était pas détruit, c'est à dire que tous les Pandores étaient exterminés et que la Sorcière n'était pas elle aussi éliminée. Mila voulut poser des questions à propos de la Sorcière, mais Seiker avait dégagé sa main en disant qu'il expliquerait ce détail plus tard. Il en revint à l'explication d'Asmodeus, la Luxure.

Asmodeus n'était pas le plus dangereux de tous les Venari strigas pour rien. Combattre dans une sphère n'est déjà pas évident : lorsque cette sphère contient énormément de pointes parfaites pour empaler quiconque oserait y entrer, il est encore plus difficile d'y combattre. Mais c'était sans compter le fait que la sphère tournait lentement sur elle-même. Seiker savait d'expérience que sortir d'Asmodeus en vie est un soulagement tel qu'il n'en avait jamais connu.

Il continua ainsi en décrivant chacun des sept Venari strigas que l'on retrouve assez peu souvent mais qui sont les seuls à être identiques selon les personnes. Elle écoutait d'une oreille distraite, réfléchissant à ce que pouvait bien être la Sorcière dont il parlait un peu plus tôt. Seiker en vint à celle-ci après avoir fini la description de Lucifer, l'Orgueil. Selon ce qu'elle avait compris, la Sorcière était l'incarnation même de l'humain corrompu dans une bête souvent imposante et bien plus puissante que les Pandores. La bête contrastait toujours énormément avec la toile de fond d'un Venari strigas : dans un champ de flammes, on pouvait retrouver une créature faite de glace, par exemple. La Sorcière est à la fois le dernier bastion de défense d'un Venari strigas et la cible.


- Mais ce n'est pas tout. Le mieux serait d'expliquer comment marche un Venari strigas en y entrant directement...

Sa tête avait pivoté en direction d'un homme d'âge déjà assez avancé, entre la cinquantaine et la soixantaine. Avant même que Mila ne puisse faire le moindre mouvement, il s'était dirigé d'un pas rapide vers l'homme, portant la main à sa canne-épée. Il y eut un bruit métallique accompagné d'une détonation. Le jeune homme avait légèrement changé de position, le fourreau pointant vers le haut et la lame étant légèrement sortie. Dans un petit bruit sec, la lame reprit son apparence de canne. Mila regardait la scène d'un air ébahi. Elle connaissait le iaido, mais ne pensait pas qu'une telle vitesse d'exécution fut possible. Il avait dégainé son arme, donné un coup et rengainé avant même que Mila ne puisse voir le mouvement.

Seiker lui fit signe de venir en vitesse auprès de lui. Elle accourut vers lui alors que la tête de l'homme sautait. Elle ferma les yeux et se protégea des possibles éclaboussures avec son avant-bras, avant de sentir quelque chose de doux et froid glisser sur sa peau. Elle rouvrit les yeux, lentement. A sa grande surprise, ce n'était pas du sang qui giclait du cou de l'homme, mais un véritable torrent de pétales indigo. Elle entendait la voix grave de Seiker qui était plus animée que d'habitude. Une pointe d'excitation se trouvait dans sa voix, tout en gardant une tonalité très froide.


- Lui qui se tient sur notre route... Regarde bien, Mila. Regarde pour moi qui ne puis voir.

A peine eut-il fini sa phrase qu'une fumée noire les isola du reste du monde et qu'un petit bruit similaire à un sifflement se fit entendre.

Il se rapproche. Esquive.

Sans penser à ce qu'elle faisait, elle tenta de pousser Seiker sur le côté, mais ce fut sa main gantée qui s'aplatit sur son épaule et la poussa sur le côté. Seiker quant à lui bloqua une sorte de vrille qui s'était arrêtée à quelques centimètres de son masque. Il luttait contre la vrille avec sa main gauche. Il finit par donner un grand coup de pied dedans, ce qui l'envoya au loin. Elle continuait de tourner, cependant. Elle se redressa, la fumée se dissipait. Avec un pas en arrière, Mila constata les environs et ne pouvait les décrire autrement que "monstrueux". Cette place était faite pour les monstres, pas pour les humains.


Sors ta faux. Vite.

Sa main se glissa à sa cuisse gauche, où elle sortit un petit fusil à pompe rouge. Une pression de bouton plus tard, elle se retrouvait avec la faux dans les mains et deux chargeurs sur les hanches. Elle entendit un autre sifflement, venant de la droite. Elle sauta en avant pour esquiver l'objet qui venait de s'écraser derrière elle. Une vrille, encore une. Il n'y avait pas de fin à leur arrivée. Elle regarda dans le ciel et poussa un cri silencieux : les vrilles se trouvaient partout dans le ciel, par centaines. Elle entendit une voix particulièrement acide dans son dos, au point qu'elle se demanda si il s'agissait bien du même homme à la voix grave.


- Comme si les Pandores n'étaient pas un assez grand problème... On va devoir faire ça de la manière forte. Prépare-toi !

Elle était déjà prête bien avant moi, évidemment. Il s'agit de Mila Morgana, celle qui porte l'espoir de trouver la vérité. De toute manière, je n'étais là que pour l'assister dans ses débuts comme maintenant. Il est temps de commencer. Je n'ai même pas encore repéré les Pandores qu'on a un autre problème. Je n'ai jamais aimé les Venari strigas qui ne se contentaient pas d'avoir des Pandores et une Sorcière. Tous ces autres inconvénients étaient bien plus intéressants dans le cadre de la quête de la vérité dans le sens où ils appartenaient au domaine des Pêchés, ces incarnations même de l'acte de désobéissance envers l'éthique...

Ces choses qui viennent du ciel sont sans doute des vrilles, d'après ce que j'en ai déduit en bloquant la première. La vrille... Adultère, si mes souvenirs sont bons. Un sifflement à droite. Lever le fourreau, bloquer. Elle s'est arrêtée. Trancher la vrille. Ces réflexes ne devraient pas être là. Pourquoi suis-je en train de me battre comme si j'étais seul ? Le bruit du métal contre le métal derrière moi me fait me souvenir. Je ne suis pas seul. Mila est là aussi. Pour un premier Venari strigas, elle était mal tombée. Ce type n'est pas qu'un Corrompu. Il s'agit également d'un Pêcheur. Cette sous-espèce me posait bien des problèmes à cause de leur Sorcière bien particulière... Mais maintenant que Mila est là, cela devrait être plus facile. Concentre-toi, Seiker.

Concentre-toi.

Focalise-toi sur elle. Suis ses moindres mouvements, tu as tout ton temps pour ta propre défense plus tard. Et voilà que la danse endiablée commence : je perçois chacun de ses mouvements, l'air lui-même me guide. Il est temps de commencer. La pression de l'air vient de changer sur ma droite : elle vient vers moi. Sortir le zatoichi de son fourreau. Trancher la vrille en deux. Continuer. Trancher, dévier, couper en deux, recommencer. Se tourner vers Mila. Je dois la prévenir de ce que je vais faire, sinon tout risque de rater. Il est temps de commencer. Le manche du zatoichi tourne : la lame commence à charger. La prévenir, vite !


- Occupe-les un peu ! J'ai besoin de temps.

Elle avait compris le message et hoché la tête, bien que cela ne servit à rien de faire ce geste envers Seiker. Elle avait retiré le chargeur d'Existence et l'avait remplacé par un chargeur circulaire doté d'un levier. Elle avait tiré le levier, Puis l'avait rabaissé. Sans grande surprise, elle vit sa faux se transformer en deux lames de coude qui semblaient creuses. Quelque chose dans le manche était un interrupteur, elle le savait. Elle regardait avec fascination une lumière rouge qui sortait du fourreau de Seiker. Elle secoua alors la tête, se souvenant de son objectif. Retenir ces horribles vrilles assez longtemps pour qu'il puisse faire ce qu'il veut.

Elle appuya sur le bout du manche avec son pouce par réflexe, et entendit une détonation près de son coude. Surprise, elle se retourna. Rien ne se trouvait derrière elle, mais elle avait capté l'attention des vrilles. C'était parfait. Il ne lui restait plus qu'à courir, esquiver, continuer à courir encore et toujours. Les vrilles derrière elle se fichaient dans le sol dans un bruit désagréable, alors qu'elle courait vers une falaise avec une idée en tête. Elle avait essayé de le faire un jour, mais n'avait jamais été bien haut. Elle manquait encore un peu de dosage dans la force de ses appuis.

Elle était à l'exact opposé de Seiker, qui continuait de tenir sa position. La lumière rouge devenait aveuglante : elle décida de regarder droit devant elle, c'est à dire vers une falaise apparemment bien assez résistante pour ses projets. Elle fonça sur la falaise et mit son pied sur la paroi rocailleuse au dernier moment. Elle y était : elle arrivait à courir sur les mus, maintenant. Une vrille se ficha derrière elle, une autre encore, puis une troisième. Le bruit de ses pas continuait à les guider. Elle regarda vers Seiker désespérément : elle était dans sa limite. La quatrième vrille fonçait vers elle dangereusement. La lumière rouge. Elle approchait. Non, Seiker approchait. Il courait aussi vite qu'il pouvait, penché en avant, le fourreau pointant vers le ciel et le manche du katana penchant vers le sol.


Il approche. Fuis. Fuis !

Elle prit un violent appui sur la falaise et sauta par dessus les vrilles et Seiker dans un magnifique saut périlleux arrière, frôlant la tête de l'homme à la crinière rouge avec la sienne. Elle eut à peine le temps de se rétablir qu'elle voyait un grand éclair rouge au loin. Seiker se tenait devant un amas de cubes de tailles variées. Gris et blanc mélangés : concerto pour vrille et falaise en ré mineur. La lame encore sortie, il reprenait son souffle. Il lui fallut une bonne dizaine de secondes pour arriver à ranger son arme dans son fourreau. Juste le temps qu'il fallut à une dernière vrille pour se diriger vers le dos du jeune homme.

Bloquée par une lame de coude, la vrille continuait de tenter de percer à travers l'acier. La roue tourne de nouveau, elle s'arrête sur une case qu'elle espérait voir arriver depuis qu'elle avait commencé à comprendre le fonctionnement de la Roulette. Sur le fond violet de la case se trouvait une épée-tronçonneuse dépeinte en blanc. Lumière blanche, disparition de la lame de coude dans sa main droite. Elle usa de toute sa force pour renvoyer la vrille d'où elle venait et tourna le manche de la lame entre ses mains, comme on le ferait avec l'accélérateur d'une moto.
« Modifié: vendredi 16 août 2013, 17:51:06 par Enora »

Mila Morgana

Humain(e)

Re : Depuis les ombres, à travers le temps...

Réponse 1 jeudi 08 août 2013, 21:29:22

Dans un bruit fort plaisant à ses oreilles, les lames minuscules qui constituaient l'aspect tronçonneuse de cette arme commencèrent à tourner sur la lame dans une ellipse quelque peu envoûtante. La vrille approchait. Elle s'élanca, les bras en arrière. Elle approchait encore.

Maintenant.

Ses bras partirent plus rapidement que la vrille. La coupure n'était pas nette comme le sont celles de Seiker : le résultat espéré avait cependant été atteint. L'horrible engin était par terre, haché en deux. Le brouillard noir, encore légèrement présent, commençait à se dissiper totalement. Il y révélait une bonne centaine de corps humains impossibles à identifier, tels des amas de chair capables de se mouvoir. Des veinures rouges traversaient leur corps, fait d'une matière noire qui ne semblait pas se différencier de la chair. Les créatures de matière noire et rouge... les Pandores.


- Mila !!

La pression de l'air avait changé. L'une des Pandores arrivait vers elle à grande vitesse. Pas par le ciel, ni par un côté... Le sol ! J'espère que j'arriverai à temps pour la dégager de ce qui s'approche... Vite. Elle est là, je sens sa présence. Le contact me vient, je l'ai sentie se dégager légèrement. Il sort. Il est en train de sortir. Sa tête est là, entre mes jambes. Un bon coup de pied devrait suffire à faire voler sa tête... Je me surprends moi-même. D'après ce que j'ai senti, sa tête a volé bien plus loin que ce que je pensais. Elle, elle ne s'en sort pas trop mal non plus. Il est aisé de la repérer : il suffit de suivre le bruit des petites lames qui se prennent dans la garde de l'épée qu'elle a en ce moment. Une épée-tronçonneuse, hein...

Combats, si le coeur t'en dit ! J'y gagnerai quoi qu'il arrive. Une série de combats ne peut que te rendre plus forte, et les Pandores de celui-là sont presque inoffensives. Les sentir bouger est un spectacle dont je ne me lasse pas : ils sont si lents ! J'aurais le temps d'en tuer un six fois que son voisin n'aurait pas réussi à lever son bras jusqu'à ma gorge. Un coup de coude, un coup de talon, un coup de fourreau. C'est une recette qui a toujours porté ses fruits, peu importe l’agressivité des Pandores. Mais là je peux prendre mon temps, et c'est tant mieux. Autant montrer à Mila ce que je peux faire tant qu'on est là à se battre. Et encore un petit coup de pied en guillotine, un appui sur une tête pour envoyer mon autre pied là où je peux, quitte à ce que ce soit dans le vide.

C'est dans le vide. Autant replier ma jambe, si j'ai tapé dans le vide c'est que sa tête n'est pas loin. Un craquement sec et un choc assez dur sur mon mollet m'indique que j'ai fait mouche. Il ne me reste plus qu'à écraser sa tête sur le sol, comme l'autre. Une respiration à gauche : mon fourreau suffira. Un craquement familier, enfin : son nez a dû se briser. Visons un peu plus bas, et enfonçons sa gorge. C'est largement suffisant. Je n'ai pas compté combien de victimes j'ai fait cette fois. Je dois approcher la cinquantaine. Mila ne se défend pas trop mal non plus, à chaque fois que j'en abattais un elle en tranchait un autre.

Puis le silence. La respiration de Mila, la mienne. Plus rien d'autre. Il est temps qu'elle arrive, la Sorcière spéciale. La Sorcière des Pêcheurs. Cette forme étrange que je sais reconnaître à présent. En particulier grâce à cette voix acide qui vient de se déclarer derrière nous.


- Des intrus, hein... Identifiez-vous !

Tous deux s'étaient retournés d'un bloc vers une personne qui semblait tout ce qu'il y a de plus humaine, si on partait du principe que les cheveux bleus pétants qui virevoltaient dans le vent inexistant et les yeux jaunes émettant de la lumière étaient totalement normaux. En dehors de tout ceci, il s'agissait d'un humain des plus normaux. Costume-cravate, chemise bleu ciel et deux haches à la ceinture. Mila regardait Seiker et cet homme tour à tour, et comprit à sa posture - la main sur le manche du katana - qu'il s'agissait de la Sorcière. L'ironie de la Venari strigas : le champ de bataille était monstrueux, rien de tel que de la banalité pour contraster.

Elle regarda Seiker une nouvelle fois. Il se redressait et ne portait que sa main gauche à son katana, avec un sourire qu'elle ne pouvait pas interpréter. Il semblait se rendre, portant le fourreau dans une position presque horizontale, pointant très légèrement vers le haut. Elle mit une fraction de seconde à comprendre ce qui s'était passé lorsqu'elle vit son index se porter à la gâchette sur son fourreau. Une détonation plus tard, le manche du katana n'était plus près de la main de Seiker mais bel et bien à la place du nez de la Sorcière. Dans une gerbe de pétales violettes, le manche avait rebondi contre l'appendice nasal de l'homme en face dans un craquement. Seiker avait suivi juste derrière, tentant de trancher la créature en deux. Sa lame rencontra celle d'une des deux haches de la Sorcière, qui se tenait le nez d'une main en parant le katana avec l'autre.

S'ensuivit un spectacle que les yeux de la jeune fille eurent du mal à suivre. Acier contre acier, les deux haches entamaient une danse endiablée avec l'arme de Seiker et son fourreau. Au rythme des détonations, elle arrivait à comprendre ce qui rendait le iaido de Seiker aussi rapide : le fond de son fourreau était en fait un petit canon qui propulsait la lame et quelques projectiles. Rien d'étonnant à cela au final, pensait-elle. Elle était lui, et il était elle. Ils venaient du même endroit, au même moment ou peu s'en faut. Deux clones inversés par la fantaisie qu'offre la dimension parallèle. Si c'était le cas, elle pouvait se battre aussi bien que lui, voire mieux. Car elle voyait, ce qui lui offrait un sens de plus. La vue. C'est ce qui provoqua le déclic chez elle. Elle s'écarta du combat assez loin pour pouvoir remettre son épée sous forme de faux.

Le déluge de lames continuait. Elle, elle plantait la faux dans le sol, le canon face aux deux combattants. Les gunscythes étaient des faux avant tout, mais aussi d'excellentes armes de sniper. Leur seul inconvénient de ce point de vue était le calibre extrêmement lourd, qui procurait une dizaine de mètres de recul si la faux n'était pas stabilisée. Elle avait stabilisé la faux, tout était prêt. Il ne lui restait plus qu'à attendre l'occasion parfaite, l'oeil dans son viseur. Ils bougeaient énormément, mais elle se focalisait. Le temps lui semblait ralenti sous l'effet de la concentration. Elle attendait. La tête de la Sorcière s'arrête sur le viseur. Plus besoin d'attendre.

Son doigt appuie sur la gâchette, sans qu'elle puisse voir ce qui se passe. Le recul l'avait emportée sur un mètre, même avec la faux plantée dans le sol. Lorsqu'elle releva la tête, elle vit Seiker debout face à un corps dont la tête n'était que pétales de rose. Elle se souvint de manière macabre de la façon dont son père parlait des morts un peu violentes comme celle-ci :"Il a transformé un homme en fleur." Elle ne pensait pas appliquer ceci au pied de la lettre un jour. Elle tomba à genoux. Le monde autour d'elle devenait flou. Elle apercevait par-ci par-là des éléments du monde réel. Ils sortaient du Venari strigas, et sans doute ferait-elle mieux de ranger sa faux.

Pression d'un bouton, la faux se replia pour devenir un petit fusil à pompe qu'elle rangea près de sa cuisse droite. Devant elle se tenait Seiker, qui lui tendait la main. C'était fini. Ils étaient sortis. Elle attrapa la main du jeune homme, qui l'aida à se relever. Elle n'arrivait toujours pas à réaliser ce qui s'était passé. Mais c'était fini.


5 Juillet 2008 - 14:15

La journée était tranquille. Aucun Corrompu en vue, ni le moindre problème concernant leur présence sur le sol japonais ni rien de ce genre. Une journée paisible comme ils en connaissaient assez rarement. Le regard de Mila se faisait plus dur de jour en jour, tout en gardant une certaine somme d'innocence et de naïveté. Un vent frais soufflait à la terrasse du café où ils buvaient leur boisson habituelle. Seiker commandait son deuxième demi et Mila était accoudée à la rambarde du balcon, regardant au loin. Elle avait ce petit sourire des jours heureux, qui faisait tout son charme. Seiker, lui, avait laissé tomber le masque pour une paire de lunettes de soleil.

Tout allait bien, dans un monde qui voulait bien d'eux. Même Seiker consentait à un petit sourire, lui qui l'avait bien vite perdu au fil des Corrompus. Le soleil, comme il leur manquait cruellement en des temps plus agités ! Autant en profiter tant que possible, avant de retourner dans un champ entier de Corrompus. Plus facile que d'écrire dans la main du jeune homme, ils avaient mis au point un code basé sur le morse pour la communication de Mila à Seiker. Elle tapait du pied à des intervalles très réguliers, parfois deux fois de suite. C'était leur moyen de communiquer. Voici, sans avoir à faire la description de toutes les fois où Mila tapa la pointe de sa botte contre le dallage du balcon, la conversation qu'ils entretenaient en ce moment même :


- J'espère pour toi que tu vas être en état. On ne sait jamais quand un Corrompu peut se montrer.
- Oh, ne t'en fais pas. Ce sont pas deux bières qui vont me bourrer la gueule.
- Quand même... je me demande des fois si on n'est pas trop insouciants.

Petit silence. Juste le temps pour Seiker d'attraper Mila par l'avant-bras et l'amener doucement à s'asseoir devant lui. Il avait posé son coude gauche sur la table, la main levée devant Mila dont seul l'auriculaire était déplié. Le petit silence interrogatif de la jeune fille lui fit amorcer une explication rapide.

- Je suis toi, et tu es moi. Par conséquent, si l'un de nous meurt, l'autre a autant de chances de mourir. On a juste à faire la promesse de ne pas mourir avant d'avoir découvert la vérité, non ?

Elle le regardait, avec un petit sourire peiné. Cette vie qui leur échappait et qui s'envolait n'était pas une possibilité, en effet. Ils resteraient les doux rêveurs qu'ils étaient en ce moment même, car il le fallait. Point. Et pour rester les rêveurs, il leur fallait rester en vie. Tous les deux. Elle prit la main de Seiker et la reposa sur la table, avant de prendre sa main droite et la refermer sur elle-même, en laissant le petit doigt déplié. Un serment la liait déjà avec le doigt gauche. Elle referma son auriculaire droit sur celui de Seiker avec un petit sourire. Sourire pour sourire. Sa voix de contrebasse résonne une nouvelle fois, suivi de quelques mesures du pied.

- Je ne mourrai pas.
- Moi non plus.

Lorsque leurs doigts se délièrent, elle ne put s’empêcher de pouffer et Seiker ne put contenir son rire. Ils en étaient arrivés à faire ce genre de promesse. Eux à qui on avait interdit d'exister, les voilà en train de se promettre qu'ils continueraient à exister. Il ne fallait pas baisser les bras, jamais. Il n'était pas encore temps de tirer le rideau sur eux, non. Et cette promesse en était le signe : leurs aventures venaient de commencer, il était hors de question qu'elles se terminent ici. Avec un petit sourire et un haussement et boit une gorgée de son verre avant de la recracher sur le côté.

- Putain, ma bière est chaude !

Elle avala sa propre gorgée de café de travers et faillit s'étouffer en pouffant. Décidément, leur survie devrait commencer par une gestion plus appropriée de leur quotidien.

24 Décembre 2009 - 22:15

- C'est quoi, cet endroit ?
- Cette odeur... Beelzebub, la Gourmandise. L'un des sept Venari strigas récurrents. Il faut dire ce qu'il en est, le Corrompu était quand même vachement corpulent.

Pourquoi je suis en train de sourire en disant ça ? L'odeur de gâteau me prend un sens entier. Je suis incapable de me repérer à l'odeur, maintenant. Espérons que les Pandores seront bruyants ou bougeront rapidement, ça nous permettra d'en finir assez vite. Quand je dois comparer avec avant, je dois dire qu'il n'y a pas photo. Mila s'est énormément améliorée, et me dépasse de loin au maniement de son arme. Je suis devenu celui qui la freine bien malgré moi. Il me parait toujours aussi saugrenu qu'elle veuille toujours arriver dans un Venari strigas à deux. Elle dépasse de loin mon expérience de combat, maintenant.

Enfin, tant qu'elle mène la danse je ne peux que suivre et l'assister. C'est déjà bien assez pour moi. Il nous suffit d'avancer et de détruire toute Pandore qui viendra près de nous. Beelzebub est un chemin rectiligne vers une arène fermée où la Sorcière arrive. Il nous suffira de passer ce long couloir et on y sera. Elle avance, j'entends ses pas. Elle court. Deux bruits familiers de la faux qui se plante dans une Pandore. Une détonation. Deux autres bruits familiers. Ca bouge derrière moi. Se retourner. Dégainer, trancher, rengainer. Les bases du iaido. Il nous suffit de continuer ainsi jusqu'à la fin du couloir, et nous serons en paix. Un élan de liberté peut-être ? Pourquoi me suis-je mis à courir ?

Trois Pandores. Dégainer, trancher. Tirer avec le fourreau, trancher une nouvelle fois. Rengainer. Continuer à courir. En finir vite, et retourner à une vie paisible. Trancher tout ce qui se déplace, déchirer tout ce qui se dresse sur ma route. Espérer une fois dans sa vie, peut-être. Espérer voir le coucher de soleil tel que Mila me le décrit, enfin. Cette vie qui nous échappait et qui s'envolait, serait-il temps enfin de la rattraper et la faire nôtre ? Avancer, encore et encore. Beelzebub ne comporte pas énormément de Pandores. Il ne devrait en rester qu'une poignée. Trois à droite, deux à gauche. Dégainer, trancher. Trancher une nouvelle fois, tirer. Tirer encore. Trancher. Rengainer, accéder à l'arène.

La Sorcière nous attend. Le bourdonnement, je l'entends. Il vient de devant nous. Je connais la Sorcière de Beelzebub. Une sorte de mouche géante plutôt rapide, mais assez peu résistante. Courir. Sauter sur son dos. Elle se débat, évidemment. Je n'entends pas Mila. Je l'ai distancée ? Peu importe. Tenir en équilibre, ne pas se faire désarçonner. Là, nous y voilà. Dégainer. Trancher une aile. Elle penche à droite, reprendre son équilibre. Non, je ne dois pas tomber ! Je dois me rattraper quelque part... Là. C'est fin, ça bouge, c'est empli de vie. L'autre aile. Tirer, tirer... Craquement. L'autre aile a dû être arrachée. Elle est encore dans ma main, mais ne bouge plus. Jeter l'aile. Descendre, et combattre. Passer sous son ventre, dégainer. Tirer trois fois. trancher une fois. Elle s'effondre. Ce fut rapide.

Perte d'équilibre. Détonation. Et une voix, une voix que je n'oublierai jamais. Une voix douce, si douce, déchirée dans un hurlement. Elle vient, elle vient ! Elle peut parler, elle peut même crier. Pourquoi maintenant ? Pourquoi là ? Douleur dans mon dos. Pourquoi maintenant ? Douleur. Elle est intenable. C'est impossible de tenir une telle douleur. Impossible. Tout ce que je peux faire, c'est me remémorer ce cri en m'agrippant à la pointe qui dépasse de mon ventre. Je sais ce qui m'arrive. Je suis foutu. Se rappeler du cri. Ce cri de détresse, qui voulait sans doute m'avertir du danger. Je n'ai pas eu le temps. Se souvenir de ce cri. Cette voix qui me criait, à moi, ce simple mot. Attention. Lumière rouge.

Lumière ? Lumière. Je vois. Mon masque se brise. Oui, je vois. Où suis-je ? Qui est-ce ? Ces cheveux blancs, ces yeux rouges... Comment sais-je ça ? Cet air effrayé et désespéré. Ne pleure pas, Mila. Ne pleure pas. C'est tout ce que je veux. Je l'entends, elle sanglote. Ne pleure pas. Tu n'as pas le droit de pleurer. Cette vie qui m'échappait et qui s'envolait. Peut-être n'avais-je pas le bras assez long. Pourquoi dois-je voir maintenant ? Comment puis-je voir ?

Bah... cela n'a plus d'importance.


Il n'avait même pas fermé les yeux. Que lui restait-il à faire, cette jeune fille qui le tenait fermement, la tête sur ses genoux ? Elle ne pouvait rien faire. Elle ne pouvait que regarder le flou du paysage redevenir la réalité qu'ils connaissaient. Il neigeait. Petite pensée ironique : eux qui avaient eu une histoire hors du commun, voilà que l'un d'entre eux finissait d'une manière stéréotypée. La mort dans la neige. Un honneur et en même temps une malédiction. Deux gouttes brûlantes dans le froid. Deux flaques rouges bien distinctes sur la neige blanche. Deux personnes renvoyées dans le passé. Deux réponses à une même question.

Mais cette question, elle ne voulait pas en entendre parler. Elle ne voulait pas entendre quoi que ce soit à propos de la vérité sur le projet Morgana. Ce qu'elle avait perdu dans cette quête de la vérité était bien pire que son existence dans le futur. La douleur de ne rien avoir dès le départ n'est pas comparable avec celle de perdre un être plus cher que tout au monde. Ses yeux ouverts avaient pris une teinte dorée avant de s'éteindre. Ce sourire serait figé sur son visage pour l'éternité. Pourquoi elle ? Pourquoi cela devait-il lui arriver à lui... à elle ?


- Seiker...

Les mots sortent de sa bouche, mais elle ne s'en préoccupe même pas. Elle n'avait plus à penser à cela maintenant. Elle prit sa main droite, cette main si froide. En voulant la resserrer dans sa main, elle remarqua un détail qui apporta des larmes dans ses yeux. Son petit doigt avait été coupé de manière très nette, typiquement le genre de blessures qu'il infligeait lui-même. C'était son aveu à lui. Sa manière de reconnaitre son manquement à la promesse. Elle, elle se retrouvait seule. Encore une fois seule. Que pouvait-elle faire à part se lamenter ?

Égoïste, pensait-elle. Égoïste. Il avait préféré partir avant elle, plutôt que la voir partir. Elle se souvenait avec peine du moment où elle est arrivée dans l'arène, voyant une énorme mouche sans ailes s'effondrer. L'une de ses pattes, apparemment une lame, tomber sur Seiker dans un dernier mouvement. Elle revoyait tout au ralenti. La lame pénétrer le dos du jeune homme, ressortir de l'autre côté. Son mouvement désespéré de retourner la faux et tirer, profitant du recul pour arriver aux côtés de son double à temps. Sa détresse en voyant qu'il était trop tard. Ce nom, qu'elle criait de nouveau avant d'abandonner.


- SEIKEEEEEEEEEEEEEEEEEER !!

Elle avait parcouru des kilomètres avec l'homme sur le dos. Ca n'avait aucun sens, bien évidemment. Mais elle le faisait quand même. Elle partait en direction de l'hôpital. Cela n'avait aucun sens, elle le savait. Il avait perdu trop de sang déjà. Son corps était déjà bien trop froid. Cela n'avait aucun sens. Elle y allait tout de même, comme un naufragé se cramponne à une bouée bien inutile pour survivre longtemps. Elle marchait, aussi loin qu'elle le pouvait. Jusqu'à ce qu'elle s'arrête. Elle ne pouvait pas réfléchir.

Elle était arrivée devant l'hôpital, marchant d'un pas mort vers le service des urgences. Elle présente le corps au médecin en face d'elle, un jeune homme aux yeux du même carmin que les siens et aux cheveux noirs. Il ne lui fallut pas bien longtemps pour établir son diagnostic, qui tomba comme une évidence.


- Mademoiselle, vous êtes assez âgée pour savoir que lorsqu'un corps est si froid, c'est qu'il n'y a plus de vie, non ? Il est déjà bien trop tard.

Elle regarda sa montre à son poignet en ressortant des locaux. Minuit trente. Une pensée sombre parcourut son esprit, sans plus de sens que ça. Le katana de son double à la main, les yeux rivés sur l'étendue blanche qui se dressait devant elle, elle avait cette pensée amère.

Joyeux Noël, Mila.


8 Mai 2011 - 18:15

Elle regarde Déchéance, puis la foule. Elle a retrouvé sa voix, soit. Mais le prix à payer était trop lourd. Elle ne devait pas s'en resservir. Elle posait sa guitare sur ses genoux, saluant la foule. C'était le seul écart qu'elle s'autorisait. Sans Seiker, elle s'était bien vite retrouvée seule et sans rien. Il lui fallait vivre. Alors elle allait vivre, de sa voix. Être artiste musical n'était pas une chose aisée, et pourtant ses prestations dans la rue l'avaient mené à quelques salles par-ci par-là. Pourquoi faisait-elle encore ça ? Pourquoi ?

Elle agrippa le micro en face d'elle, en souriant tristement à la salle qui demandait un bis. Elle allait le donner, son bis. Elle reprit sa guitare, et commença à en pincer les cordes. Les mouvements lui venaient tous seuls, alors qu'elle chantait doucement une chanson. Ce n'était pas une création originale, soit. Mais il s'agissait d'un texte qui lui tenait à coeur. Sa voix vibrait autant que les cordes tandis qu'elle chantait. Une version accoustique d'une chanson qu'elle avait toujours adorée.


I've been having trouble looking in the mirror
'cause when I do I can't stand the person that I see...
All though my face is still the same, underneath something has changed
From all the shit you've said and done to me...

Oh, no no...

Don't you ever realize the damage you were doing ?
Are you aware of all the mess that I've cleaned up ?
And now I see just who you are, I can't believe it got this far
And it's time to say enough is enough...

So I'll be gone, gone, gone, we started off in heaven...
I'll be gone, gone, gone, we ended up in hell...
So don't waste my time with one more lie, it's too late to apologize
By the time this song is done I'll be gone...

I should have listened when my friends said you were crazy.
I should've shown a little spine and self-respect
But I couldn't see the signs, the so called love had made me blind
And tied me up and left me for dead...

So I'll be gone, gone, gone, we started off in heaven...
I'll be gone, gone, gone, we ended up in hell...
So don't waste my time with one more lie, it's too late to apologize
By the time this song is done I'll be gone...

Don't beg me to reconsider...
Don't bother getting on your knees
'cause there's absolutely nothing you can say to change my mind
So save your breath, save your breath...

'cause I'll be gone, gone, gone, we started off in heaven...
I'll be gone, gone, gone, we ended up in hell...
So don't waste my time with one more lie, it's too late to apologize
By the time this song is done I'll be gone...

Yeah I'll be gone...

Elle posa sa guitare une nouvelle fois. L'ovation ne la sauvait de rien. Elle était occupée à regarder un chien renifler un oiseau qui était tombé, probablement à cause d'une aile cassée. Elle n'en savait rien et ne s'y intéressait pas. Elle voulait juste savoir ce que ferait le chien. Elle avait bon espoir. Peut-être que le canidé offrirait son aide à l'oiseau, comme Seiker avait apporté son aide à la jeune fille ? Peut-être qu'il le sauverait, comme le procureur Evan Rose avait sauvé sa peau en l'envoyant ici. Qui sait, au final ? Peut-être que le monde n'est pas aussi pourri et corrompu que ça.

Et pourtant, elle s'y connaissait en corruption. Elle n'oubliait pas ce qui fait partie de son quotidien. Chasseuse de Sorcières le jour, chanteuse la nuit. Aucun jour de répit ne lui était offert : ce serait trop simple. Elle n'en aurait pas voulu de toute manière. Si elle ne s'occupait pas entre deux, elle savait où ses pensées allaient la mener. Mais au moins, elle essaie d'avancer. Elle a trouvé sa place en ce monde, en un sens. Elle fit des erreurs qu'elle n'avait jamais fait auparavant. Mais cela faisait partie du jeu. Apprendre de ses erreurs, aller de l'avant. Ne pas être la suite de qui que ce soit, mais la première d'elle même. Elle devait détruire le projet Morgana de ses propres mains. Là était la réponse qu'elle avait déterminé.

Alors, qu'allait faire ce chien par rapport à l'animal emplumé ? La réponse ne se fit pas attendre. Il ouvrit grand sa gueule et dévora l'oisillon. Elle n'avait pas parlé une seule fois depuis la mort de Seiker. Elle gardait sa voix pour le chant et rien d'autre. Elle était comme cet oisillon : sans défense, prête à être dévorée par la première bête venant. Éventuellement, elle mourra comme les autres. Mais il s'agit d'une autre histoire. Personne ne s'intéresse à l'histoire d'une jeune femme qui meurt seule, sans personne pour la pleurer.

Son histoire jusque là s'arrête ici. L'histoire d'un quotidien de combats sans saveur et la liste des nuits répétitives n'intéresse pas grand monde non plus. La suite, c'est à vous de l'imaginer. Elle est en vie, oui. Qui sait pour combien de temps ? Elle-même ne le savait pas. Elle se souvenait de la promesse. Si l'un meurt, l'autre a des chances de mourir également. Car elle était lui et il était elle. Éventuellement elle mourra. Mais encore une fois, c'est une autre histoire que l'on ne veut pas voir écrite.






(Merci à ceux qui ont pris le temps de lire. J'applaudis votre courage, sans sarcasme.)
« Modifié: samedi 17 août 2013, 22:32:00 par Mila Morgana »

Leonna

Humain(e)

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  • FicheChalant

    Description
    Ancien humain qui a été changé en une shemale kitsune. Elle est accompagnée par une terranide Fennec et cherche à contrôler ses pouvoirs ainsi que la luxure qui est apparut en elle.

Re : Depuis les ombres, à travers le temps...

Réponse 2 jeudi 08 août 2013, 21:35:40

Bienvenue =^-^=

J'avoue n'être pas allez jusqu'à bout de la lecture pour l'instant, mais j'adore la fiche et aussi le thème.

RWBY best "anime" ever avec une bande son que je trouve géniale surtout le thème de Black ^^
♥ Fiche de Leonna ♥

♥ Demande de rp ♥

/!\ Image dans son plus simple appareil (sans son attribut masculin). /!\


Pour tous RP et reprise de RP avec Leonna, Aril, Prisma et Lunea, veuillez envoyez un mp sur Kagami Laga.

Merci ♥

Benoit181114

Idiot du Village

Re : Depuis les ombres, à travers le temps...

Réponse 3 jeudi 08 août 2013, 21:42:09

Bongeour je suis Benoit je ter envoyer un MP parceque tu est mignone

Mila Morgana

Humain(e)

Re : Depuis les ombres, à travers le temps...

Réponse 4 vendredi 09 août 2013, 00:49:18

Mm. RWBY ne peut pas être jugé à partir de quelques trailers et deux épisodes.

Enfin oui ce fut une source d'inspiration pour Mila. Enfin, surtout pour Seiker.

Soeurs Savor

Re : Depuis les ombres, à travers le temps...

Réponse 5 vendredi 09 août 2013, 09:23:19

Bon, comme promis pendant l'écriture, j'ai tout lu d'un coup et c'est une très bonne histoire et puis cette fin... Vraiment bien, honnêtement.

Alors oui, ça peut faire peur en voyant la longueur mais une fois dedans on ne s'arrête plus (enfin, ça a été mon cas :D) et à la dernière ligne, malgré que l'on puisse voir que c'est la fin de la fiche, je me suis dit "Et c'est tout?". Pas du genre "Quoi, tout ça pour ça?!" non non, plutôt du genre "Quoi et c'est tout? Pourquoi ça ne continue pas? Oo"

Et là, on me dit faut en garder pour les rp... Certes. Bref, très bonne fiche qui ne fait pas sa longueur quand on est dedans ;D

Silence

Légion

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  • FicheChalant

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    Silence, mercenaire, capitaine de la guilde des Griffes d'Ammoth.

Re : Depuis les ombres, à travers le temps...

Réponse 6 vendredi 09 août 2013, 13:01:01

Rebienv'nue. Tu vois, je t'avais dit que t'arriverais au bout :D



Mila Morgana

Humain(e)

Re : Depuis les ombres, à travers le temps...

Réponse 7 vendredi 09 août 2013, 21:52:00

Savor : Bah ouais, faut bien qu'elle puisse RP la Mila. :D

Silence : Je vais t'avouer que c'était plus diffficile encre que ce que je pensais. Oui, diffficile. Avec trois F. Parce que. :D

M'bref merci. :D

Enora

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    J'suis une rapide du katana. Quand je RP.

Re : Depuis les ombres, à travers le temps... [Nora]

Réponse 8 dimanche 11 août 2013, 08:58:36

J'avais dit que je prendrais cette fiche =D

Je suis encore dans mes cartons, je ne sais pas quand j'aurais vraiment le temps de lire attentivement ta fiche, d'ici la fin de la semaine prochaine ce sera fait, bien sûr, je te tiens au courant, cela va sans dire.

Je finirais en te resouhaitant la bienvenue, et surtout en te disant bravo, parce que je sais que tu en as chié XD

Mila Morgana

Humain(e)

Re : Depuis les ombres, à travers le temps... [Nora]

Réponse 9 dimanche 11 août 2013, 10:53:36

Ca marche, ca marche. J'ai de quoi patienter de toute manière. J'étais inspiré hier, j'ai trois projets de texte et un de running gag comic à finir... x)

Et merci. Ce fut dur, ce fut chiant, mais je l'ai fait ! :D

Kyle Macross

Valinichonneur

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    ◄ Sentinel Prime ►
    (En plus d'avoir des plus grosses couilles que ton père, il porte mieux les collants que ta mère.)

Re : Depuis les ombres, à travers le temps... [Nora]

Réponse 10 dimanche 11 août 2013, 10:58:01

Y'a un moment où je lirais.
Forcément.

Sacré boulot en tous cas, de ce que j'ai parcouru  diagonale. 

Superre(×474729)bienv'nue :D

Maelie

Humain(e)

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    "Ce qui n'apparaît pas sur l'avatar du personnage" ;
    Eh ben...
    ♥
    Un corps de rêve,
    une niaiserie intempérer,
    des fautes de participe-passé.
    ♥

Re : Depuis les ombres, à travers le temps... [Nora]

Réponse 11 dimanche 11 août 2013, 12:13:22

tl;dr

Mila Morgana

Humain(e)

Re : Depuis les ombres, à travers le temps... [Nora]

Réponse 12 vendredi 16 août 2013, 12:03:48

Merci, merci.

On en est peut-être pas aux 474 000 persos. Une petite cinquantaine, par contre, c'est pas exclu. :D

Enora

E.S.P.er

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    J'suis une rapide du katana. Quand je RP.

Re : Depuis les ombres, à travers le temps... [Nora]

Réponse 13 vendredi 16 août 2013, 17:50:42

Bon.

A tout luuuu ! \o/ *fière*

Et puis ben... J'ai rien à dire ou redire, alors... VALIDEEEEEE !=D

Mila Morgana

Humain(e)

Re : Depuis les ombres, à travers le temps... [Valilaborieusé !]

Réponse 14 vendredi 16 août 2013, 18:08:05

Merci ! :D

Bon, le deuxième combat sera de trouver des partenaires qui auront la patience de lire la fiche, maintenant... :D


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