« Tu te souviens de la référence au jeu ? Tes créatrices devraient regarder des vidéos du dit jeu... Elle réaliseraient à quel point la ressemblance est frappante. Bon... Il y a seulement une légère difficulté de plus... Et je ne vois qu'un type de matière capable de résister aux coups de jus... »
B-X-003 se rapprocha de la femme.
« Attendez, je dois encore vous donner les instructions pour... »
Le petit robot n’eut cependant pas le temps de terminer. La Terramorphe était déjà passée dans le tapis roulant, contraignant B-X-003 à devoir l’attendre. Elle avait rapidement compris ce qu’on attendait d’elle, mais agit de manière différente que ce qui était indiqué dans les protocoles. Les arcs électriques venaient par intermittence, et l’idée était plutôt que Sakura utilise sa forme de Centaure pour les traverser rapidement, en évitant ainsi les arcs électriques. La jeune femme était particulièrement retorse, irritant un peu les Novaquiennes, notamment Milwën, qui observait la scène en grinçant des dents.
Natasha, de son côté, avait toujours les bras croisés, les décroisant de temps en temps. Elle restait sérieuse et déterminée, observant avec la plus grande attention cette Sakura. Il est vrai que son patrimoine génétique était exceptionnel, mais l’intérêt des Caldwell se limitait-il uniquement à cela ? Pourquoi avoir dit aux Ashnardiens de venir ici ? Milwën n’avait été avertie qu’en dernier, ce qu’elle prenait très mal. A Novac, déterminer qui dirigeait réellement l’Archipel était difficile, puisque le pouvoir était partagé entre plusieurs groupes de personnes : les Prescients, la Baronne, et le conseil d’administration de MERCATEL. Normalement, MERCATEL communiquait à la Baronne les directives de la société, les objectifs de performance à remplir, mais cette dernière, en vertu du contrat qui l’unissait à MERCATEL, conservait une grande liberté d’appréciation. Juridiquement parlant, MERCATEL avait dépassé les termes du contrat le liant à Milwën, en la contraignant à accepter que des Ashnardiens, soit un personnel non habilité, assistent aux tests. Cependant, le conseil d’administration ne l’aurait pas fait sans raison. Ils connaissaient les termes du contrat, ce qu’ils avaient le droit de faire, et de ne pas faire. En somme, ils avaient été forcés, et les seules Tekhanes capables de forcer des femmes d’affaires influentes n’étaient pas les Sénatrices, mais les militaires... Comme Caldwell.
Le lieutenant-colonel était une étoile montante de l’armée tekhane. Son domaine d’activité était très large, et concernait, de manière simpliste, les renseignements. C’était le monde de l’espionnage et du contre-espionnage, mais ses attributions ne s’arrêtaient pas là. Caldwell était aussi responsable de tous les projets expérimentaux tekhans, comme le développement du virus formien, les recherches génétiques, ou Dreamland.
*Même si c’est tentant, je ne gagnerais rien à poursuivre en justice MERCATEL... Et Caldwell est protégée...*
En raison de la guerre contre les Formiens, le Sénat avait pu passer des lois renforçant sensiblement l’impunité du personnel militaire. Condamner un haut-responsable de l’armée était extrêmement difficile. On passait par une juridiction spécialisée, une cour militaire, où le prévenu était jugé par ses pairs, et bénéficiait de nombreuses prérogatives et excuses juridiques à invoquer, comme celle du « secret-défense », ou de la « nécessité d’urgence ». Ce combat était perdu d’avance, et Milwën était condamnée à servir de faire-valoir, en ne pouvant que se rabattre sur les résultats que l’étude du patrimoine génétique de Sakura offrirait. C’était mince, mais c’était toujours mieux que rien. Milwën allait se replonger là-dessus quand elle reçut un message émanant de la part de la tour de contrôle aérien de Novac, à Novac City :
« Vaisseau consulaire en approche, Baronne. Le pilote dispose des codes d’authentification correspondant au lieutenant-colonel Caldwell, et demande le droit de survoler notre espace aérien pour se poser à l’héliport du complexe scientifique. »
Milwën avait encore le choix de refuser, de dire au contrôle aérien de refuser l’approche de ce vaisseau. Elle se mordilla les lèvres, et appuya sur un bouton lui permettant d’émettre.
« Ici la Baronne. Autorisez l’approche du vaisseau. »
La ligne était sécurisée, et trafiquer la voix de la Baronne était particulièrement difficile, même en utilisant des brouilleurs. Novac disposait de protocoles de sécurité renforcés. La mère de Natasha approchait avec les Ashnardiens.
« Je crois qu’on va avoir un problème... » lâcha alors une opératrice.
Soupirant, Milwën se replongea sur les tests, et eut un sursaut d’horreur en voyant que cette bourrique de Sakura était tombée sur le tapis roulant en essayant de revenir en arrière. Ce faisant, le tapis roulant avançait plus vite, et elle était tombée, glissant tout droit vers le téléporteur. Seulement une partie de son corps atterrit dessus, et le téléporteur se mit en marche, absorbant la moitié de son corps.
« Mais putain, quelle conne ! » s’exclama Milwën, irritée.
Avec la moitié du corps en moins, la scène devenait particulièrement gore, et Milwën ordonna rapidement qu’on mette en place un protocole d’urgence. Les signes vitaux de Sakura décroissaient rapidement.
« Par le Grand Créateur, s‘égosillait B-X-003, quelle horreur, quelle horreur ! C’est affreux, c’est affreux, mais qu’allons-nous faire ?! Au secours, au secours, au secours ! Alerte, alerte, alerte !! »
De son côté, Sakura, qui était en train de se vider de son sang, se mettait à faiblement murmurer.
« Haaaaa.... Haaaaaa... D-Désactivez les... les ventilateurs... et le t-t-téléporteur... V-Vite... »
Milwën avait toutefois une autre idée en tête. Même en se transformant en Sylphe, Sakura avait perdu trop de sang, et le protocole d’urgence se mit en place. Des alarmes rugirent dans la salle de tests, et un gaz blanc jaillit dans la pièce.
« Mais vous foutez quoi ?! hurla Natasha, paniquée, en poussant Milwën.
- Foutez-moi la paix !
- Elle ne doit PAS mourir !
- Je n’ai pas l’intention de la laisser mourir ! Nous avions pensé que cette cruche en saurait assez sur les téléporteurs pour ne pas faire de conneries, mais il faut croire que nous narguer l’amusait bien plus que suivre les consignes de sécurité ! »
Le gaz se mettait à tout remplir, obscurcissant les caméras de sécurité. B-X-003 n’émit plus aucun bruit, et les signes vitaux de Sakura se stabilisèrent lentement, tandis qu’une équipe de sécurité constituée de robots et de tentacules se mettait en place pour l’emmener vers les blocs opératoires.
« Elle a été coupée en deux !
- On vous a déjà dit que vous êtes perspicace ?
- Mais merde, ça n’aurait pas du se passer ainsi ! Je suis sûre que vous l’avez fait exprès ! Si elle meurt, je... »
Agacée, Milwën coupa Natasha dans sa tirade en la giflant sèchement. La claque résonna, et toutes les opératrices se retournèrent vers les deux femmes. Le regard de Milwën était aussi dur et acéré que celui de Natasha, les deux femmes se défiant mutuellement du regard. Difficile de dire laquelle des deux haïssait l’autre le plus.
« Nous avons lancé une procédure urgente de cryogénisation, afin de la congeler, et de paralyser son rythme nerveux, de manière à ralentir l’hémorragie, reprit la Baronne en se retournant.
- Vous n’auriez pas du faire ça... glissa Natasha à voix basse.
- Les tests sont terminés pour le moment. Si vous voulez revoir votre chère protégée, je vous conseille d’aller dans l’un de nos cubes de traitement. »
Sakura allait être plongée dans une espèce de liquide amniotique qui permettrait de l’aider à cicatriser, le temps que des chirurgiennes se mettent en place pour pouvoir l’opérer. La reconnecter à ses jambes ne devrait pas être trop difficile, mais il allait falloir lui injecter des Gen-7. A ce niveau-là, même si elle s’était transformée en Sylphe, les dégâts sur son corps étaient trop graves pour qu’elle puisse elle-même se réparer.
« Je vous laisse expliquer à nos invitées ce qui s’est passé. »
Les tests ne se déroulaient pas forcément très biens, malgré toutes les mesures de précaution que les Novaquiennes prenaient. Sakura, entre-temps, se retrouvait, dans le coma, sur la table d’opération. Le passage dans la cuve de traitement lui avait permis de décongeler, et de laisser le temps à l’équipe chirurgicale de se mettre en place. Elle était dans un coma profond, et se réveillerait en observation, avec des perfusions de partout, des bandages autour du bassin, et des nanomachines dans le corps qui se chargeraient de réparer tous les tissus.