[FINI] Une alliance forgée dans la douleur et le sang [Lady Rozalia]

« Non, nooooon... HUAAAAARGHHHH !!! »

Rayne eut une légère grimace en voyant l’arbalétrier qui l’accompagnait se faire presque découper en deux par l’énorme loup-garou, mais elle se rassura en se disant que, vu la vitesse à laquelle le Lycan avait déchiqueté l’homme, il n’avait pas du avoir le temps de souffrir. La partie supérieure de son corps s’écrasa contre un tronc d’arbre, et le Lycan poussa un rugissement terrifiant, avant de se ruer vers la Dhampir. Redressant ses deux lames, cette dernière laissa l’énorme monstre approcher. C’était un loup vraiment gros, presque une espèce de croisement entre un loup lambda et un ours. Elle se laissa tomber au sol, relevant ses lames, et les planta dans le ventre de la bête, perçant sa fourrure, et le faisant rugir de douleur. Le sang tomba sur le corps de Rayne, qui se redressa rapidement. Il en fallait toutefois plus pour vaincre la bête, qui rebondit sur place. Sa gueule frappa Rayne entre les seins, la faisant tomber sur le sol. Elle plaqua ses lames en croix devant elle, retenant ainsi la gueule du Lycan, qui lui montra ses rangées de dents particulièrement longues et tranchantes.

*Gasp ! C’est qu’il a de grandes dents, le bestiau !*

Le Lycan l’écrasait sous son poids, et utilisa l’une de ses pattes pour griffer le ventre de Rayne, déchirant sa tenue, faisant gicler son sang. Elle grogna, et roula sur le côté au moment où le Lycan levait une autre patte. Ses griffes déchirèrent l’écorce, et Rayne se mit à courir devant elle, traquée par le Lycan. Elle courait vite, mais le loup-garou était encore plus rapide, et acharné. Il avait massacré tout el groupe que Rayne avait rejoint. Des guerriers envoyés par une guilde pour honorer le contrat du village d’Eaux-Salés, dépendant de Nexus. Situé près de la mer, les Eaux-Saloins avaient depuis quelques semaines un épineux problème : des Lycans avaient élu domicile chez eux. Rien à voir avec le mythe de l’homme se transformant en Lycan lors des nuits de pleine lune ; ces créatures-là avaient depuis longtemps perdu leur humanité pour devenir des créatures affamées, des loups voraces, sauvages, et extrêmement dangereux. Eaux-Salés n’étant pas un village d’une importance stratégique, les Nexusiens avaient envoyé un chasseur royal qui n’avait de chasseur que le nom. Il passait ses journées à boire dans l’auberge, ses soirées à tenter de peloter les fesses des serveuses, et ses nuits à cuver. Gros et rond comme une barrique, le chasseur était un incapable.

Eaux-Salés avait donc mis une prime très honorable sur la tête du mâle-Alpha qui dirigeait toute la meute. Selon leurs informations, tuer ce mâle-Alpha ferait fuir la meute... Ce qui n’était pas faux. Rayne connaissait suffisamment les Lycans, ennemis héréditaires des vampires, pour savoir qu’ils étaient très territoriaux, et respectaient profondément leurs leaders, lui vouant une dévotion allant parfois jusqu’au fanatisme. La prime était généreuse, puisqu’il s’agissait de 2 000 pièces d’or. Le village avait réuni toutes ses économies, car les villageois étaient excédés par les Lycans, qui allaient jusqu’à chasser au cœur de ce village reclus dans la forêt. La seule et unique ressource d’Eaux-Salés était sa scierie, mas, avec les Lycans, les bûcherons n’osaient plus sortir. La situation devenait de plus en plus dramatique, Nexus refusait d’envoyer une division entière contre des « louveteaux », et le chasseur royal était un pleutre. Si plusieurs malandrins avaient tenté de voler le village, la prime était solidement verrouillée dans un énorme coffre, et bien des gens avaient tenté de tuer les Lycans. Il y avait même eu un sorceleur qui était venu il y a une semaine avant l’arrivée de Rayne. On avait entendu les bruits de la bataille durant toute la nuit, mais, vu que les Lycans étaient toujours là, c’était probablement que le sorceleur avait échoué.

Rayne, maintenant qu’elle avait un Lycan derrière les fesses, comprenait aisément pourquoi le sorceleur avait échoué. Solides, résistants, et agressifs, ces Lycans étaient extrêmement dangereux, mais la perspective d’avoir 2 000 pièces d’ors n’avait pas laissé Rayne de marbre. Elle courait entre les arbres, et finit par en trouver un qui puisse convenir. Elle sauta sur une souche, bondit à nouveau, atterrit sur une branche solide, et s’en servit pour sauter en arrière. Elle tournoya en l’air, sa tête arrivant en bas, et elle planta ses deux lames dans le torse du Lycan. La bête poussa un hurlement de douleur, et sa course frénétique s’arrêta brutalement. Le Lycan glissa sur le sol, entraînant Rayne avec lui. Il reprit ensuite sa course, et Rayne resta accrochée à ce dernier, glissant à côté de lui, ses jambes raclant la terre, les racines, les rochers, heurtant les arbres. Elle était accrochée à ses lames, et elles étaient solidement plantées dans le dos du Lycan, mais il en fallait visiblement plus pour le calmer.

*Tu parles d’une journée de merde !*

Un merdier de plus pour quelques flèches spéciales en moins. Cette fois, la chasseresse en chef des THT était partie en éclaireuse pour savoir ce qui se tramait dans une forêt… Aux allures vachement louches et glauques. Le genre de forêt dans laquelle vous vous attendez sûrement à tomber sur des créatures tentaculaires, des morts-vivant commandé par une liche ou encore des créatures des ténèbres bien planquée… Voire même une fusion des trois. Bref, pour une fois, Shae n’avait pas d’autres choix que de rester à l’orée pour ne pas se faire bouffer. Lady était donc seule, sans personne, dans un bois maudit où le moindre bruit de branche fait frissonner et le vent résonne dans cet endroit damné… Ça c’était il y a quelques longues minutes.

Dans cet instant précis, la demoiselle à la chevelure ornée de plume était dans une mêlée avec un lycanthrope des plus monstrueux, carrément shooté avec les drogues les plus dures. Sa résistance physique était sans pareille sans oublier sa force et sa dextérité. Ses deux yeux étaient crevé mais c’est pas grave, son pif le guidait comme s’il avait jamais eut besoin de ces derniers. Lady n’avait pas le temps de viser à la perfection tout en esquivant de manière millimétrée, comme beaucoup de monde posé dans la même situation d’ailleurs. Ah et ne parlons même pas de la dague… Absolument aucun effet et même si c’était le cas, le corps à corps est complètement à oublier  pour la chasseresse qui n’avait absolument aucune chance dans ce domaine là. Le bestiau finit par rendre l’Âme après un sacré paquet de temps perdu uniquement dédié à lui. Lady partit récupérer ses flèches :

« Nika, j’aurais peut-être dut accepter ton offre cette fois… »

Pensée courte sur son départ. Au fur et à mesure que la miss aux cheveux ornés de plumes récupérait ses munitions, d’autres bruits de combats se firent entendre. Il fallait se dépêcher sans rien oublier. Heureusement, ses flèches là avait été faite exprès pour des créatures dans ce genre là. Soufflante, saignante et partiellement déshabillée, elle se dit qu’il faudrait partir de suite sinon ses chances de survivre étaient aussi basse que…  Qu’on ne pourrait même pas les voir avec le plus puissant télescope du monde. Toutes les flèches étaient là, dans le cadavre du lycanthrope encore fumant. Heureusement, elles étaient toutes intactes. Lady aurait dut donc partir. Mais pourquoi elle ne le fit pas ? Les bruits de combat juste à coté bien sur. Un bref nettoyage de ses flèches pendant une course et la voilà devant la raison de sa non-fuite. Une femme vampirisée en proie avec une autre de ses bestioles. Rapidement, la chasseresse chargea cinq flèches, puis les décocha après être sure de toucher. Les projectiles allèrent se loger dans le crâne de la bête jusque dans sa cervelle. La carcasse finit par s’écrouler sur le poids mort des nombreuses blessures déjà subies.

- Saloperie… On ferait mieux de rebrousser chemin

Puis elle partie récupérer les munitions, tout en bougeant la carcasse couverte de plaies et de trous, permettant à la créature aux cheveux rouges de souffler un peu. Le calme était revenu. Un calme de mort…

Le combat contre le Lycan était très intensif. Il avançait rapidement, et Rayne tenta de reprendre le contrôle. L’une de ses lames dhampir était plantée dans le torse de la bête, lui permettant de se raccrocher à lui, et, bandant les muscles, elle lança son autre lame, profitant d’un choc contre un tronc d’arbre pour rebondir. Ses jambes passèrent de l’autre côté du flanc de la bête, et elle enfonça la seconde lame, poussant un rugissement bestial. Le sang chaud du Lycan explosa, et la bête rugit, avant de s’arrêter, et de remuer de droite à gauche, tentant de désarçonner Rayne. Le Lycan était déchaîné, fou furieux, n’appréciant guère d’avoir sur le dos un passager clandestin qui lui enfonçait des lames dans le corps. Rayne grognait, se tenant aussi fort qu’elle pouvait, ne souhaitant qu’une chose : que cette foutue bestiole crève et rende l’âme sur-le-champ. Mais le Lycan semblait visiblement trop têtu pour accepter l’idée de mourir, faisant pester la Dhampir.

« Mais crève, saloperie !! » pesta la femme.

Le Lycan reprit sa course, courant rapidement, et la tête de Rayne frôla une énorme branche. Des feuilles et des ronces claquèrent sur son visage, la faisant gémir, le sang se mettant à couler de ses joues, et, alors qu’elle envisageait une autre stratégie, elle perçut, à proximité, un groupe sanguin agité, et qui battait toujours. Juste après que la Dhampir se soit fait cette réflexion, elle vit cinq flèches jaillir des arbres, et atteindre, avec une précision redoutable, la tête du Lycan, qui poussa un rugissement avant de s’écraser sur le sol. Rayne retira ses lames, et bondit en l’air. Elle roula sur le sol, rebondit, et se remit en position, avant de brandir ses lames ensanglantées.

Si elle n’avait pas perçu le sang de son sauveur, elle aurait pensé à un elfe, et elle restait sur el coup méfiante, ignorant si les intentions du sauveur étaient belliqueuses ou non. Fort heureusement, quand elle vit le propriétaire des flèches s’approcher, Rayne se détendit... Et se maudit pour son erreur. Le sauveur était unesauveuse, en réalité, et une belle femme, que Rayne reconnut. Elle l’avait brièvement vu au village, mais sans chercher à se rapprocher. Rayne était une solitaire, après tout, et, alors qu’elle se relevait, le nom de la femme lui revint à l’esprit. Rozalia. Elle avait lu les noms dans le registre de l’auberge, par simple curiosité. L’intéressée avait entre-temps récupéré ses flèches.

« Saloperie… On ferait mieux de rebrousser chemin » suggéra la femme.

Souriant, Rayne se redressa, et essuya le sang sur son visage, avant de le lécher entre ses doigts. Pourquoi gaspiller ? Elle s’approcha ensuite de la carcasse du Lycan.

« Rebrousser chemin ?! railla la Dhampir. Je ne t’en empêche pas, humaine, mais une Dhampir ne fuit pas... A fortiori devant des Lycans. »

C’était un raisonnement de bon sens. Même si elle n’était qu’à moitié vampire, elle l’était suffisamment pour être instantanément hostile aux loups-garous. Elle se pencha vers la carcasse du Lycan, et approcha ses lèvres du sang chaud qui s’échappait des plaies de la bête, et commença à boire. Elle n’eut besoin que de boire quelques gorgées, avant de se redresser, et de regarder sur sa gauche. Le sang du Lycan dégoulinait de ses lèvres, mais elle s’en moquait.  Son corps, grâce au sang qu’elle venait d’ingurgiter, se mit à cicatriser, et les plaies sur son visage et ses bras disparurent comme par magie. C’était un puissant Lycan, son sang, bien que mauvais, était efficace.

« Je n’ai pas fait du rodéo sur ce Lycan pour fuir... Grâce à son sang, je peux pister le mâle-Alpha de la meute. Lorsqu’il sera mort, la meute se dispersera... »

Rayne, toutefois, n’était pas idiote. Elle avait vu les compétences impressionnantes de l’archère. Pour une humaine, elle visait avec autant de talent qu’un elfe. Le Lycan était en mouvement, et elle avait décoché à grande vitesse toutes ses flèches dans son museau. Un exploit redoutable. Son aide pouvait lui être précieuse.

« Vos capacités pourront m’être utiles, Rozalia. »

Rayne soupçonnait que Rozalia avait fait les mêmes précautions qu’elle, en se renseignant sur ses éventuels rivaux ou alliés. C’était le minimum, quand on s’engageait dans une traque de cette importance. Rozalia aurait besoin de Rayne pour retrouver le mâle-Alpha, et Rayne aurait besoin de Rozalia pour l’aider contre les puissants Lycans. Au corps-à-corps, ils étaient terrifiants, et le mieux était donc de les affronter à distance, Rayne se chargeant alors de les retenir avec ses lames pour permettre à Rozalia de les tuer. Oui... Oui, ce duo pouvait promettre.

*J’agis généralement en solo, mais elle n’est pas une débutante... Elle ne sera pas un poids mort, mais une aide utile... Et je ne dois pas confondre fierté et arrogance, en sous-estimant ces Lycans... Ils sont puissants.*

Un jour, il faudra que Lady se renseigne sur cette fichue guerre entre Lycanthrope et vampire… Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce que ces deux espèces pourtant opposée et qui n’ont absolument rien à voir entre eux se faisaient la guerre ? C’est comme la sempiternelle question : Pourquoi les humains passent leurs temps à se tuer entre eux à longueur de temps. La réponse est sans doute perdue dans les limbes de l’histoire. Bref, la demi-vampire ne comptait pas revenir en arrière. Enfin "fuir" selon ses propres termes… Ce n’est absolument pas ce qu’elle avait dit mais ce n’est pas grave. Oui, c’est peu important dans le sens où la chasseresse ne comptait pas rester ici longtemps de toute façon :

« Je suis juste ici pour glaner des informations sur mes adversaires. Je n’ai aucune raison d’aller plus loin et risquer de perdre la vie bêtement »

Son raisonnement était parfaitement logique. Elle aussi était blessée, tendue et fatiguée. Enfin beaucoup plus que Rayne maintenant qu’elle avait bu le sang surement dégueulasse de l’animal complètement drogué. Ca par contre c’était facile à prévoir. Sans qu’elle n’ait rien demandé, la demoiselle aux cheveux rouges lui révéla une autre information qu’elle recherchait. Enfin, c’est quelque chose qu’elle savait déjà, mais le fait de savoir que l’autre parti devant elle révéla que le chef de meute mort, les autres serons moins dangereux car dispersé… Ho attendez une minute. Ces créatures sont recherchées par du beau monde pour la prime sur leurs tête. Prime qui n’était pas totalement dérisoire pour quelqu’un de modeste. Et ce n’est pas avec la grosse bébête six pieds sou terre que tout le monde va passer l’éponge. Les hybrides risquent errer un peu partout et même s’ils seront moins agressifs sans l’alpha, les chasseurs de primes continueront de les attaquer et de se faire tuer. Et ça, ce n’est pas envisageable.

Rayne lui fit par de ce qu’elle pensait de ses talents… En précisant que ces derniers pourraient lui être utiles…. Donc, en résumé, elle voulait que Lady reste avec elle ? Elle aurait limite sourit si elle ne l’avait pas appelée "Rozalia", nom que seules les autres membres des THT et ses amies de confiances en dehors du groupe étaient autorisées à lui donner. Outrepassant quelques secondes sur ce léger incident, la miss sortie une flèche de son carquois et attrapa une des plumes insérée dans sa coiffure, et l’inséra au bout de son projectile de manière habile. Ensuite, elle leva sa frimousse vers le ciel en partie caché par les feuillages sombres de cet endroits et se mouilla un doigt de façon relativement aguicheuse, sans le vouloir bien sûr. Elle banda par la suite son arc vers le ciel… Et tira sa flèche après avoir calculé la meilleure façon de tirer. Elle se tourna ensuite vers la demie-vampire :

- Je ne suis là qu’en éclaireuse et j’ai amplement eut ce dont j’avais besoin. En revanche, je ne laisserais une inconsciente partir seule contre des créatures qui pourraient la tuer en petit nombre.

Elle lui sourit doucement après ça, puis reprends de manière plus sérieuse :

- Ah, et mon prénom c’est Lady et non Rozalia. On ne se connaît pas assez pour que tu m’appelle comme ça, Rayne

Entre-temps, la chasseresse pensa que sa flèche avait à peu près atteint sa destination de manière silencieuse et quasi-invisible, autrement dit Shae. Le volatile devait être déjà en route pour prévenir les autres membres du groupe Terra Hero Team. Heureusement qu’elle avait prévu le coup à l’avance. Puis elle repensa à Rayne. Cette demie-vampire qui avait pris sans hésiter cette chasse au loup garou pour se faire un peu d’argent. Solitaire, expérimentée de façon certaines, tête brûlée et femme très sexy de surcroit. Si son analyse serait juste, la demoiselle aux cheveux ornés de plumes ne serait pas de trop pour surveiller cette demoiselle. En fait, c’était plus le fait de l’admirer à combattre plutôt qu’autre chose qui titillait sa curiosité. Mais bien sûr, Lady est incapable de laisser quelqu’un courir à sa perte :

- Donc, par où est-ce qu’on part ? D’après ce que j’ai observé, il y a un nombre plus grand de ces bestiaux par-là *elle montre une direction opposée à celle du village* Le boss y est ?

Rayne était impatiente de repartir en chasse. Le danger, loin de la faire fuir, l’excitait, attisait son appétit de prédatrice. Elle ne fuyait pas devant l’adversité, loin de là, mais préférait l’affronter, en utilisant ses puissantes lames. Sentir le sang de ses adversaires éclater sur son corps, les entendre hurler, se perdre dans les tréfonds de la bataille, quand les tactiques de bataille s’effondraient devant la barbarie et la fureur des batailles... Rayne aimait être là, en première ligne, au contact, à sentir la douleur le long de son corps, et à l’infliger. Elle était ainsi, une guerrière, une femme qui aimait les boucheries, qui avait commis bien des massacres au cours de son existence, et de sa traque contre ses semblables. Et le sang du Lycan l’encourageait à aller dans ce sens, excitant sa bestialité, sa fureur.

Au lieu de ça, elle resta en place, et vit l’archère bander son arc, et se tint prête. Allait-elle l’attaquer ? Méfiante, Rayne se tint prête à attaquer. La jeune femme mouilla l’un de ses doigts, avant de viser le ciel. Rayne n’avait senti aucun Lycan à proximité.

*Mais qu’est-ce qu’elle fout ?*

De manière énigmatique, la femme tira en l’air, et la flèche fusa dans les airs. Rayne leva la tête, ne comprenant absolument rien à ce que la femme venait de faire, puis haussa les épaules. Elle était probablement tombée sur une autre cinglée. Terra comprenait beaucoup de marginaux et de solitaires un peu atteints. La femme ne devait pas faire exception... Ou alors, c’était une technique que Rayne n’avait pas encore compris. Sans importance, de toute manière. L’archère précisa ensuite qu’il fallait l’appeler, non pas Rozalia, mais Lady... Un choix assez curieux, d’autant plus qu’elle avait plus l’air de ressembler à une vagabonde qu’à une noble... Mais, après tout, Rayne était bien la fille d’un ancien seigneur vampire. La Dhampir savait donc mieux que personne que les apparences pouvaient être trompeuses.

Ceci fait, Lady confirma son désir de vouloir voyager avec elle, et la Dhampir hocha la tête.

« Oui, le mâle-Alpha est par là. Ce Lycan que nous avons tué faisait partie des chasseurs de la meute. »

En tant que vampire, Rayne savait plusieurs choses sur les Lycans. Ceux-ci faisaient partie d’une meute beaucoup plus grande, et avaient été envoyés pour chasser, et trouver des terres viables pour le reste de la meute. Si on ne tuait pas rapidement le mâle-Alpha, le reste de toute la colonie allait débarquer, incluant les femelles et les enfants. Les Lycans mâles se contentaient de chasser, de fuir l’hiver pour trouver des terres où le clan lycanthrope pouvait vivre en paix.

« En tuant le mâle-Alpha, la meute se dispersera, et il n’y aura plus que quelques bêtes isolées et désemparées que les chasseurs royaux n’auront aucune difficulté à abattre. »

Trouver le mâle-Alpha ne serait pas trop difficile. Le tuer, en revanche... Ceci serait bien plus compliqué, car il ne serait pas seul. Rayne se mit à marcher, suivant la piste. Il allait probablement falloir traverser toute la forêt, mais la piste était facile à suivre. Le sang du mâle-Alpha était fort, et facile à pister. La Dhampir s’avançait à travers les arbres, et donna quelques précisions supplémentaires :

« Le mâle-Alpha sera bien protégé, et sera un Lycan bien plus puissant que les autres. Comme vous avez l’air de savoir bien vous battre avec un arc, le mieux sera que je vous couvre quand nous tomberons sur des Lycans. »

C’était ce qui apparaissait pour Rayne comme la plus efficace des stratégies, une posture défensive reposant sur les contres et les flèches de Lady. Se ruer au milieu d’une bande de Lycans furieux était la meilleure façon de mourir rapidement, et cette perspective n’intéressait guère la Dhampir.

Lady n’avait absolument aucune envie de combattre. Et quand je dis "aucune" c’est vraiment le bon mot. Autant d’habitude elle n’était pas contre une petite escarmouche amicale ou une échauffourée avec deux-trois saloperies qui avaient sur leurs têtes un contrat, mais là ça sentait le roussi. Un peu trop même. Vous savez, cette sensation qui vous tords les boyaux et qui vous fait pressentir qu’il va se passer un grand malheur. Par exemple faire un combat dangereux dans lequel il serait impossible de repartir indemne. Et bien là, c’est ce que pressentait la chasseresse. Des ennuis à perte de vue… Oui on peut résumer ça comme ça. Ajoutant à ça le sang chaud de la mort-vivante devant elle, ce qui est bien ironique, et l’envie de rentrer est plus forte que tout. Cette nuit quasi noire risquait de lui en faire baver.

Bref, la demoiselle aux cheveux rouge expliqua quelques détails. Et il semblerait que la chasseresse ne s’était pas autant intéressée aux lycanthropes qu’elle ne l’aurait cru. Les jeunes sous l’ordre seraient tant vulnérables que ça après avoir tué le grand méchant leader ? Sans bonne organisation, c’est peu probable. Mais bon, si la garde royale mérite bien son nom cette fois, aucun risque qu’il y ait le moindre problème. Normalement… A cette pensée Lady prit un air de dégoût assez profond rien qu’à l’image ce qui pourrait être dans cette garde. La demie-vampire commença à marcher et la demoiselle aux cheveux ornés de plumes la suivit. Cette dernière donna également quelques autres petites explications, notamment sur la vraie bataille. La chasseresse en profita pour poser quelque chose :

- Tant qu’ils ne sont pas plus de cinq, je devrais pouvoir m’en occuper un par un. Si vous arrivez bien à rester sur la ligne de front sans que je subisse d’attaques de plein fouet. Éviter un maximum d’ennemi sur la route serait une bonne idée aussi

Lâche ? Non pas du tout. Certes Lady n’avait pas envie de se battre pendant des heures, mais elle n’avait pas non plus envie de réduire les chances de survie du duo, et donc de la sienne par la même occasion. Rayne semblait aimer combattre, ça se sentait. Le genre de chose qu’une guerrière comme miss Rozalia pouvait sentir. Un autre problème s’imposait de lui-même, la visibilité. La lune éclairait très bien la zone à elle seule et certaines mousses phosphorescente, ou du moins légèrement brillante, l’aidait à se repérer. Heureusement que les nombreuses fois où l’archère fut partie se détendre à la cambrousse la plus sauvage l’avait aidée. Et heureusement également que ses yeux était habituée à la lumière nocturne :

- De toute façon, j’ai prévenue mes alliées que je restais. Mon petit ange gardien les a sûrement déjà prévenues et il doit être déjà en route pour me retrouver. Si ça tourne mal, il saura quoi faire. Mais je ne compte absolument pas mourir, on compte sur moi

Ah Shae… Ce mystérieux corbeau que seul Lady arrive à comprendre et à donner des instructions. Un lien étrange, voire malsain il y a des moments, mais inébranlable. Ce lien spécial si étrange… Bref, revenons à nos moutons. La chasseresse regardait une des lames de Rayne luire légèrement, ce qui attisa sa curiosité de combattante :

- Dites, ce sont des armes sympathiques tout de même. Et sûrement très pratique au corps à corps. Je serais intéressée de savoir comment ça se manie…

Sincère, car elle et le combat au corps à corps… Ahem

Les deux femmes marchaient donc. Bien que Rayne puisse sentir la piste du Lycan, elle sentait bien que ce dernier n’était pas non plus à quelques mètres. La marche serait longue, et il n’était pas non plus exclu que les deux femmes tombent sur des Lycans en chemin. D’autres chasseurs, des éclaireurs... Sans compter les autres créatures qui vivaient dans la forêt. La prudence était de mise ici pour espérer s’en sortir. Le combat serait difficile, la Dhampir le sentait, mais ça ne l’effrayait pas outre mesure. Pendant ce temps, la mystérieuse Lady recommença à lui parler, et Rayne comprit un peu mieux la fonction de la flèche qu’elle avait tiré en l’air : appeler ses alliées. Comment ? Mystère, mais Rayne n’allait pas le lui demander. L’archère semblait tenir à conserver certains secrets, et la Dhampir était de toute façon trop préoccupée par suivre la piste du Lycan-Alpha pour songer à lui poser ce genre de questions.

*Je me demande toutefois qui est son ange gardien... Je n’ai pourtant ressenti aucune présence sanguine significative à proximité...*

Il y avait bien des mystères autour de cette femme, et elle lui posa alors une question concernant l’usage de ses lames. Rayne, silencieusement, les regarda, puis se retourna vers la femme. Un hibou se mit alors à hululer dans la nuit, et la Dhampir leva ses mains. Ses lames étaient pour l’heure rétractées le long de ses bras.

« Ce sont des lames dhampir, des jumelles, expliqua-t-elle. Elles sont très difficiles à utiliser, mais très efficaces. J’ai pris le soin de les reforger sur Terra, et il suffit de les accrocher autour des poignets. Pour les rétracter, il suffit d’appuyer sur les petits boutons au bout de la poignée qui permet de les tenir. »

Rayne en fit la démonstration, et les deux lames sifflèrent, afin de se dresser devant Rayne.

« Ces lames sont le prolongement artificiel de mes bras. Comme vous avez pu le voir, on ne les tient pas comme des épées normales... Les manipuler demande un entraînement rigoureux, mais, une fois qu’on les maîtrise, elles sont efficaces... Ce sont des épées recommandées pour les vampires, car il faut une grande force physique pour pouvoir les maintenir et les soulever rapidement. »

La Dhampir avait mis des années à les maîtriser, et continuait encore constamment à s’entraîner. Les deux lames étaient particulièrement lourdes, et il fallait oublier les gardes classiques avec elles. Les lames dhampir étaient très spéciales, et, quand on les maîtrisait pleinement, elles révélaient toutes leurs efficacités. Rayne ne se battait pas qu’avec elles, mais elles étaient l’essentiel de son équipement. Elle avait aussi un grappin en acier, et des talons aiguilles particulièrement tranchants. Elle rétracta à nouveau ses lames, puis s’avança encore un peu le long des arbres, avant de se retourner.

Puisqu’on en était à poser des questions, Rayne comptait bien lui rendre la pareille, et rester dans le domaine. Après tout, ce pouvait être utile pour le combat à venir de savoir quelles étaient les compétences de sa partenaire. Ceci conduisit Rayne à présenter brièvement ses autres armes. Elle lui montra son grappin en l’envoyant filer vers une branche d’arbre, et s’en servit pour l’arracher d’un coup sec. Ce grappin permettait de tirer un certain poids, et même de balancer des hommes sur une dizaine de mètres, Rayne étant après tout une Dhampir. Cependant, contre un Lycan, elle doutait que ce grappin soit utile. Elle termina lui montrant ses talons aiguilles, deux petites armes à ne pas négliger.

« Parlez-moi de vous maintenant, Lady... Cet arc que vous utilisez... Je n’ai encore jamais vu une humaine aussi adroite que vous. Et, de ce que je peux en lire, votre sang n’a pas l’air de contenir des gouttes elfiques... Prenez-vous des élixirs pour améliorer votre précision, ou est-ce le fruit d’un entraînement acharné ? »

Rayne doutait qu’il y ait des élixirs ; elle aurait pu ressentir les traces d’empoisonnement dans son sang... Du moins, sauf si Lady s’était faite soigner contre ça. D’où le choix de lui poser quelques questions, afin d’en savoir plus.

La demie-vampire leva les mains peu après que Lady eut fait sa demande. Il y avait de fortes chances pour qu’elle fasse sortir ses armes et qu’elle en sache plus dessus. La demoiselle commença ses explications en commençant par le nom : Des lames Dhampir. Le nom est pas très recherché mais bon passons… En appuyant sur un petit bouton dont elle n’avait pas observé l’emplacement, les lames fusèrent devant dans un léger sifflement de vent. La chasseresse eut un léger sursaut de surprise, mais se reprit bien vite, tout comme Rayne et ses explications. A l’entendre, difficile de ne pas croire qu’elle ne les aimait pas vu la façon dont elle en parlait. Prolongement artificiel de ses bras par exemple. Rien que cette partie signifiait qu’elle les avait suffisamment souvent sur elle pour faire partie intégrante de son corps :

- Dommage. J’aurais aimé essayer de les manier.

Comme elle dit. Le poids devait vraiment conséquent pour que seul les vampires soient vraiment apte à les utiliser, et elle ne devait pas avoir cette force. Les muscles de Lady signifiaient la quantité de force qu’elle possédait. Autrement dit, elle l’était suffisamment mais pas trop. Après tout, manier une arme à distance est moins gourmand en force physique qu’un Zweihander de plusieurs dizaine de Kilos. Après pour la technique c’est une autre histoire… Bref, la demoiselle continua en présentant son grappin et ses talons… Drôle d’arme d’ailleurs. Et enfin, Rayne enchaîna avec un retour de question, dont la fin lui fit perdre un chouïa son sourire :

- Je suis parfaitement humaine, avec tous les défauts associés. Je me suis entraînée encore et encore… Sans relâche et même encore je continue. Je ne pense pas pouvoir davantage affiner ma vue ou améliorer mes réflexes, mais j’essaie de monter au maximum toutes mes possibilités tactique quand je n’ai rien à faire

Puis elle recula et regarda le ciel, puis le sol. Elle ramassa un gros caillou et l’envoya en l’air. Ni une ni deux, elle releva la tête commença à tirer une flèche, puis deux puis trois dans le seul but de stabiliser la caillasse en l’air. Elle arrêta à la cinquième et le caillou partit en poussière. Lady n’eut plus qu’à se pencher un chouïa pour récupérer ses munitions :

- C’était un exemple d’entraînement qu’il m’arrive de faire. Concernant l’arc et bien… On m’a dit une fois qu’il aurait été enchanté mais qu’il aurait perdu tout son pouvoir… Je ne sais pas comment le restaurer et pour le moment, je n’en ai pas besoin

Ce qui n’était pas tout à fait faux, puisque que dans un sens la curiosité de savoir ce qu’il pourrait devenir était forte. Rayne aurait put le sentir d’ailleurs. La demoiselle aux cheveux ornés de plumes rangea ses munitions après s’être relevée, sauf une. Elle expliqua à la Dhampir qu’elle faisait elle-même ses propres flèches, qu’elle en avait plusieurs sortes suivant le genre de mission qu’on lui donne et d’autres choses dans le genre. Elle omit volontairement de parler de son couteau car elle ne l’utilise que très peu et pas forcément très bien. En revanche, elle ne put s’empêcher de faire un passage bref sur ses amies d’ailleurs.

- On compte sur moi pour cette mission et il n’est pas question que je meurs ici.

Ce qui conclut sa petite causette, avec un léger sourire. Elle était très sérieuse mais le fait de penser à Nika qui l’engueulerait dans l’au-delà lui fit tirer ses lèvres gentiment. Ah la la celle-là…

Rozalia se présenta comme une simple humaine, et Rayne, silencieusement, l’écouta. Elle lui fit une petite démonstration de ses talents, et Rayne fut réellement admirative. La Dhampir n’aurait jamais eu la concentration et le rythme nécessaire pour réussir à manipuler avec brio toutes ces flèches. Elle était faite pour le corps-à-corps, le combat rapproché, ce qui était particulièrement dangereux quand elle devait affronter des ennemis rapprochés, notamment des Lycans aussi puissants. Lady Rozalia expliqua également à Rayne que son arc était probablement enchanté, ce à quoi Rayne n’aurait pas pu répondre. La magie était pour elle un domaine assez méconnu, qu’elle n’avait que très rarement utilisé. Les mages se plaisaient à dire que n’importe quel individu avait en soi un potentiel magique plus ou moins fort. Si c’était le cas, alors le sien devait être très faible. Rayne lui aurait bien proposé d’aller voir Lastrim, cette elfe rouge qui était une enchanteresse, mais le chemin vers son harem était long.

« On compte sur moi pour cette mission et il n’est pas question que je meurs ici, lâcha alors la femme sur un ton résolu.
 -  Moi non plus » ajouta Rayne.

Les deux femmes reprirent ensuite la route, suivant les arbres. Un vent frais se levait parfois, et la marche vers les falaises était encore longue. Rayne entendait parfois les oiseaux gazouiller, le bruissement des feuilles. C’était une profonde forêt, mais il n’y avait aucune trace des Lycans. Les abominables loups-garous étaient éloignés. La Dhampir avançait, sentant le sang de Lady derrière elle. Cette femme avait l’air d’avoir un sang fort, vif, très juteux. Pourtant, il ne vint jamais à l’esprit de Rayne de l’attaquer pour le prendre. Elle s’était abreuvée avant ce voyage, et le sang du Lycan était encore dans ses veines, suffisant à tuer en elle toute envie d’hémoglobine. C’était logiquement elle qui menait la marche, l’archère la suivant de près. Tant que le sang du Lycan continuait à produire ses effets dans les veines de la semi-vampire, elle pouvait pister la trace.

Elle s’arrêta soudain en percevant des odeurs diffuses... Du moins, si on pouvait appeler odeurs le goût lointain du sang. Elle bifurqua alors, suivant cette piste qui n’était pas très fraîche, avançant bien plus rapidement, pressentant quelque chose de grave. Ce faisant, elle commençait à progressivement distancer Rozalia, sans tenir compte des éventuels cris que cette dernière pourrait pousser. Elle s’éloignait de la piste des Lycans, mais elle sentait quelque chose de grave. Elle avançait entre les arbres, évitant les branches, les racines, les feuilles, coupant parfois avec ses lames, et finit par atteindre un spectacle assez glauque.

Ce qu’elle avait senti était le sang séché, des flaques de sang qui traînaient près d’un chariot massacré. Les deux chevaux avaient été éventrés et à moitié dévorés, et la porte du chariot de bois avait été brisée, arrachée. Des griffes énormes avaient entaillé le chariot, et, entre les arbres, une flaque de sang témoignait de la carcasse d’un cadavre massacré. Elle s’avança lentement vers la scène. Celui qui avait fui n’était pas le cocher, car il était un peu plus loin sur la route. Le chariot était abandonné sur la route, et plusieurs corbeaux s’envolèrent en croassant. Ceux se tenant autour du cadavre du cocher avaient dégommé l’un de ses yeux. A l’intérieur du chariot, c’était un spectacle de mort qui attendait les yeux de Rayne. Toute une famille avait été massacrée là, et elle comprit que celui qui avait tenté de s’enfuir devait être le frère aîné. Il y avait eu une fille, une père, et sa mère, dont les carcasses puantes dégageaient une odeur exécrable. Des mouches se balançaient dans les os ensanglantés, dans les boyaux à moitié crevés. Lentement, Rayne s’agenouilla, et caressa les flaques de sang du bout des doigts, avant de les lécher, et de les renifler. Le sang était un excellent indicateur, et elle en apprit beaucoup ainsi sur cette scène de massacre.

« Les Lycans sont à l’origine des hommes qui se changent en loups, mais certains abandonnent toute humanité, et deviennent des animaux sauvages... J’aimerais me dire que c’était le cas pour eux, mais ils ne les ont pas attaqués uniquement pour se nourrir. Ils les ont faits souffrir... »

Elle pouvait le sentir à travers certaines tâches de sang... Un arrière-goût, et elle inspecta un peu plus sérieusement les cadavres, les os, les morceaux de peau arrachés. La Dhampir était habituée à baigner dans un tel carnage. Généralement, c’était elle-même qui les provoquait, alors elle n’était pas foncièrement écœurée par ce spectacle macabre qui avait lieu dans ses yeux. Elle eut néanmoins la confirmation de ce qu’elle voyait en voyant, sur les os brisés de la fillette, des tâches blanches.

« Ils ont tué le père en premier, puis ont traîné le frère dans les arbres, afin de s’occuper des deux femmes... »

Ceci expliquait les flaques de sang, les traînées écarlates, près du chariot.

« Ces salopards ont joui en les torturant... Ce n’est pas la faim qui les a amené à agir ainsi, c’est la rage... »

Voilà qui expliquait pourquoi ils étaient tellement dangereux. Tout cela lui rappelait ce roman terrien sur un gros chien inoffensif qui recevait le virus de la rage, et devenait une terrifiante machine à tuer...

« Faites attention à ne pas vous faire mordre. Mes gènes vampiriques me protègent de ce virus, mais vous restez une humaine... »

La marche repris à peine le dialogue bouclé, sou la réponse de Rayne aussi ferme que la sienne. Personne ne devait mourir pour les siens, ou du moins c’est ce que pensait la chasseresse. De son coté, il n’était pas question de passer l’arme à gauche en vue de ce qu’elle devait à Overlord et de ses engagements envers le groupe. Mais Rayne, quelles était ses motivations ? Est-ce que quelqu’un l’attendait ou est-ce que ce n’est qu’un élan de fierté ? Qui sait, peut-être est-ce même encore plus profond ou stupide que prévu mais ça, impossible à trouver.

La chasseresse se sentait comme observée d’une certaine manière. Observée par la demie-vampire de façon plus ou moins directe. Elle ne savait comment sachant que leur position ne le permettait pas. En déglutissant, la demoiselle aux cheveux ornés de plumes sentait quelque chose de lourd et oppressant en face. Et son intuition fut justifiée quand une forte odeur de mort. Le genre à vous déboucher les sinus alors que pourtant vos yeux n’aperçoivent même pas ce qu’il y a en face. Un terrible champ de bataille, pour ne pas dire de massacre gratuit, se trouvait au détour de quelques éléments naturels meurtris. La chasseresse resta tant que possible à l’écart sans non plus aller au confis du bois. Ses sinus lui hurlais d’arrêter de respirer et ses yeux cherchait un échappatoire. Cela lui rappelait trop ce qu’elle avait vécu dans ce bateau. Beaucoup trop.

Pendant ce temps, Rayne parlait de ses conclusions sur la scène et d’autres choses. Lady était sur le point de vomir avec tous ses relents de cadavres en partie décomposé et chassé par les charognards. Elle marchait vers l’avant, plus proche de la suite des événements. Quelque chose la perturbait. Pourquoi ? Cette simple question pouvant prendre diverses formes lui triturais la cervelle. Pourquoi la nature c’était acharné sur ces bêtes, pourquoi passer cette "rage" comme le disais si bien la demie-vampire sur des gens qui n’ont rien demandé,… Lady sortit de ses songes quand Rayne lui fit par d’une précaution :

- Je vais devoir vous demander de rester plus proche de moi que prévu. Je liquiderais ceux qui seront fléchis sous vos coups pour en finir au plus vite…

Elle était blanche, pour ne pas dire livide. Elle s’avança légèrement pour respirer un air moins atteint par la mort, aidée par le vent froid qui souffla comme pour annoncer quelque chose de terrible. Elle ne flancha pas, prête à se battre s’il le fallait et de toute façon, ça allait arriver. Comme pour rester détendue un minimum, elle pensa à quelque chose. Jusqu’où pouvait aller la vitesse de la Dhampir ? Autant être cash :

- J’ai une question à poser. Jusqu’où peut aller ta vitesse de course ? Histoire que je puisse multiplier nos possibilités tactiques

C’est presque si elle voulait de l’action…

La scène était effectivement glauque, mais elle ne choquait nullement Rayne. Elle était une Dhampir, après tout, et elle réalisa tardivement que sa partenaire, elle, ne semblait pas être aussi habituée qu’elle à ce genre de spectacle. La Dhampir se redressa lentement, s’écartant du chariot. Il n’y avait rien de plus à faire ici, et rester trop près de ce sang risquait surtout de lui faire perdre la piste du Lycan. Elle s’écarta des cadavres massacrés, des mouches qui bourdonnaient le long de ces corps déchiquetés en putréfaction, les visages figés en une ultime expression de souffrance. Les corbeaux reviendraient bientôt pour grignoter quelques morceaux de chair encore exploitables, notamment sur le cadavre qui gisait près du chariot.

*Pourquoi s’en sentir choquée ? C’est une chose normale. La vie se nourrit de la mort pour survivre. C’est dans la logique des choses...*

Dhampir, elle voyait cela sous un air détaché et lucide. C’était comme manger de la viande rouge le soir, ou même de simples morceaux de salade. Pouvait-on fustiger les Lycans ? Étaient-ils responsables de leurs actes ? La rage les rendait fous. C’était une forme de pathologie mentale et physique. Ces créatures n’étaient plus des humains. Partant de là, on ne pouvait pas les juger avec des critères humains. Ce serait aussi pertinent que de condamner une araignée qui chassait sa proie... Néanmoins, ce raisonnement avait ses limites. Ces Lycans avaient jadis été des hommes, et on n’oubliait jamais totalement son humanité. Difficile de dire ce qui restait de part d’humanité chez ces créatures, mais Rayne avait bien sa petite idée. Elle connaissait suffisamment les Lycans pour savoir que rester dans cet état pendant une trop longue période ne laissait plus que quelques ersatz d’humanité très négatifs : la haine, la colère, la fureur, la rage...

Il n’existait plus aucun espoir de rédemption pour ces Lycans. Ce spectacle renforçait la conviction de Rayne. Elle y songeait, avant d’entendre l’archère lui parler. Ce fut ainsi que Rayne vit à quel point cette dernière était blême. Son visage était pâle, et elle aurait presque dit qu’elle allait vomir. Rayne songea brièvement à la réconforter, avant de rejeter cette idée. Les deux femmes s’éloignaient lentement de ce spectacle, avant que l’archère, comme pour essayer de penser à autre chose, ne lui pose une question :

« J’ai une question à poser. Jusqu’où peut aller ta vitesse de course ? Histoire que je puisse multiplier nos possibilités tactiques. »

Multiplier les possibilités tactiques... Rayne sourit légèrement devant cette excuse. Il devait surtout s’agir pour elle d’occuper son esprit en pensant à d’autres choses. La Dhampir n’allait toutefois pas la juger. Elle savait que les humains étaient plutôt sensibles.

« Je cours sur une vitesse assez variable, mais disons que ma vitesse de sprint normale, celle où je ne me fatigue pas trop, est d’environ 50 kilomètres à l’heure. »

Le sprint d’un humain lambda était d’approximativement 30km\h. Les plus grands sportifs mondiaux avaient une vitesse de pointe dans les environs de 40 km\h, mais Rayne n’était pas une simple humaine. Elle suivait, de plus, un entraînement rigoureux, qui impliquait de nombreuses séances de courses à pied, afin de réguler son rythme cardiaque et sanguin. Elle n’avait pas obtenu par miracle cette forme svelte et puissante. Il avait fallu un très long entraînement, qui continuait toujours, afin d’éliminer le moindre bout de graisse superflu. La nature faisait plutôt bien les choses, car un corps beau et harmonieux était généralement un corps solide et efficace. Rayne en était l’exemple parfait. Elle avait un corps magnifique, ce qu’elle savait très bien, mais son corps ne se limitait pas qu’à des fonctions esthétiques. Il était aussi solide et puissant.

« En me forçant, je dirais que je peux monter jusqu’à 60 kilomètres à l’heure, mais je n’ai jamais fait de calculs précis. De toute manière, ma vitesse de course serait ridicule par rapport aux Lycans. Ces bestioles sont des chars d’assauts qui sont bien plus rapides que les vampires. »

Elle haussa les épaules, comme pour rejeter cette idée. Elle ignorait en quoi sa vitesse permettrait d’envisager de meilleures possibilités tactiques, mais elle laissait cette réponse à Lady. Elle se rapprocha légèrement d’elle, faisant preuve d’une touche d’affection assez originale chez elle... Mais, bien qu’elle n’osait pas ouvertement se l’avouer, cette archère lui plaisait bien. Elle était belle, argument non négligeable, mais avait également l’air d’être une femme forte.

« Je peux comprendre que ces images vous perturbent. Si vous avez envie de vomir, faites-le maintenant, afin de ne pas le refaire après. Je ne compte pas faire dans la dentelle quand nous affronterons ces Lycans, et, si nous entrons dans leur nid, il est probable que nous aurons droit à des scènes de ce genre. »

Rayne, pour sa part, était relativement blasée. Elle côtoyait des carnages similaires depuis qu’elle avait vu son père violer, puis tuer sa mère, avant de massacrer tout son village. Un traumatisme qu’elle n’avait pas encore totalement surmonté, mais qui al rendait assez imperméable à ce genre de spectacles... Et, à la réflexion, c’était plutôt une bonne chose.

Pas de temps de latence entre la question et la réponse ? Tiens donc. Lady pensait que Rayne aurait dit plus de choses, ou du moins se raillerait de sa faiblesse. Mais non, elle répondit honnêtement en indiquant sa vitesse de déplacement. En gros, elle ne pourrait aller que deux fois plus vite qu’elle ou un peu moins. La demoiselle aux cheveux ornés de plumes était persuadée qu’elle pourrait faire plus mais apparemment non. Elle s’était imaginée tirant une flèche dans une direction et Rayne courant à coté pour la diriger mais apparemment, c’était une idée parfaitement stupide mue par le fait qu’elle se sentait mal. Dommage. Encore qu’heureusement, elle précisa que ses calculs étaient imprécis, donc ça rajoutait un peu de marges mais pas suffisamment pour pouvoir tester cette technique facilement. Sans vent, une flèche peut atteindre voire même dépasser la centaine de kilomètre par heure à sa vitesse maximale, suivant la dextérité de la personne qui tiens l’arc, la qualité de ce dernier et quel type d’arc il s’agit. 

En pleine marche, la demoiselle aux cheveux rouges posa une main sur l’épaule de Lady de façon symbolique. En effet, cette dernière tenta de la "réconforter" à sa manière. Cette attention la fit sourire, mais la chasseresse était plus résistante pour ce genre de choses que pouvait le penser la Dhampir apparemment. Des carnages, elle en avait vue la bougresse. Et ce n’était pas elle qui les causait la plupart du temps. Il suffit de savoir que petite elle vu tout ses amis et camarades se faire tuer, ou presque, sous les coups de feu de l’armée Ashnardienne. Ironie parfaite dans le sens où on lui avait pris ici ses premières années de vie, et après Ashnard on leur envoie tout un bataillon. La solitude… Quelle ennemie cruelle. Bref, l’héroïne se tourna vers Rayne sans s’arrêter de marcher :

- Je vais bien. Autant voir des désastres pareils j’arrive à assimiler avec le temps. Mais l’odeur de cadavres en décompositions… J’ai toujours du mal

Non pas que la vue de cadavres d’innocent la réjouisse hein ! Mais avec son travail, c’est plus facile qu’au tout début, ou moins dur plutôt. D’ailleurs, avec sa nyctalopie la Dhampir pouvait voir qu’elle gagnait un peu de couleurs. Certes, elle n’est pas très colorée de base avec sa peau de nacre, lisse comme une perle, mais au moins elle n’était plus livide. Ce qui est paradoxal quand l’on sait qu’elle passe plus de 80% de son temps dehors, sous le soleil brûlant et rayonnant. Puis elle tourna la tête, essayant de virer certaines pensées sur sa compagne de bataille provisoire. Elle était bien fournie, sportive et donc par déduction attirante physiquement. Certes c’était un petit plus, mais là c’était loin d’être le bon moment pour ce genre de choses :

- Je crois que c’est la première fois que je coopère avec quelqu’un ayant du sang vampirique dans les veines. Cette expérience devrait être… Intéressante.

Sentant le chariot bien loin maintenant, elle préféra faire une pause en s’adossant à un arbre, histoire de vérifier une dernière fois son matériel. Elle avait vérifié qu’aucun bruit suspect ne se faisait entendre avant de s’installer bien sur. Si les lames Dhampir de Rayne sont le prolongement artificiel de ses bras, l’arc de Lady était celui de ses yeux. Il faut chercher loin pour savoir pourquoi les yeux… En tout cas, difficile de ne pas voir qu’elle n’aime pas son arc

Ah, l’odeur... Un élément qu’on négligeait généralement bien trop dans ce genre de situations. La chair putride, le sang qui coagulait... Un corps qui mourait ne dégageait pas une odeur très attirante, c’était un fait incontestable... Même pour une Dhampir. Elle comprenait donc un peu mieux le comportement de l’archère, et n’ajouta rien. Il n’y avait rien à ajouter, de toute manière, et les deux femmes reprirent tranquillement leur route. Elles n’allèrent toutefois pas très loin, s’éloignant tout simplement du périmètre du chariot, avant que Lady ne s’arrête, se collant à un arbre. Elle avait probablement besoin de se reposer, de faire le vide dans sa tête...

*C’est curieux... Pourquoi diable est-elle si éprouvée que ça ? Est-ce elle qui est trop sensible, ou moi qui suis trop habituée à ce genre de spectacles ?*

C’était une sacrée question. Rayne croisa précautionneusement les bras, les deux lames ressortant de part et d’autre de son corps, et se mit à les frotter lentement ensemble. Elle adorait sentir le crissement du métal, les raclements des lames l’une sur l’autre. C’était une sorte de délicieuse et discrète symphonie. Lady se mit alors à lui parler, lui avouant que c’était la première fois qu’elle guerroyait aux côtés d’un individu appartenant à la large famille des vampires. Rayne eut un léger sourire.

« Nous sommes des oiseaux de nuits, expliqua-t-elle en décroisant les bras. Un vampire est une créature très solitaire, qui aime se sentir supérieure aux autres. »

Il n’y avait rien de choquant là-dedans. Les vampires étaient considérés, souvent à tort, comme des créatures maléfiques. La réalité était un peu plus nuancée. Il existait beaucoup de vampires cruels et sanguinaires, mais ils ne constituaient pas la majorité de cette race. Rayne le savait, car elle avait déjà croisé des vampires qui n’étaient pas des tyrans sanguinaires... Et elle-même n’en était pas une. Rayne se rapprocha un peu de Lady, avant de regarder autour d’elle. Elle sentait toujours l’odeur du Lycan. C’était leur piste pour aller à leur tanière, et elle restait fraîche. Il avait un sang assez fort ; le pister était donc plutôt facile.

Rayne reporta son attention sur l’archère. Elle reprenait des couleurs, même si, fondamentalement, elle avait un teint plutôt pâle. Un teint vampirique, aurait-on pu dire. La Dhampir la trouvait très belle. Sa tenue lui allait à merveille, et elle n’était pas que belle, mais également très talentueuse. Une femme très intéressante, indéniablement. La Dhampir marchait rapidement. Il ne fallait pas être particulièrement doué pour voir qu’elle était fiévreuse, impatiente, excitée. C’était la vue de tout ce sang dans le chariot... Le sang avait un rapport particulier avec les vampires. Il ne l’avait pas fait fuir, mais l’avait attiré, reproché, réveillant ses sens, son adrénaline. Ses doigts tremblaient d’impatience. Elle n’avait qu’une envie : aller voir les Lycans, et les massacrer, se repaître de leurs cadavres désarticulés. Elle voulait se battre, sentir le sang éclabousser son corps, se perdre dans cette danse, dans cette transe qui lui permettait de profiter pleinement de la joie de vivre. Indiscutablement, Rayne n’était pas faite pour vivre au foyer.

« Dès que vous vous sentirez prête, nous pourrons repartir. Il vaut mieux atteindre les Lycans avant que la nuit n’arrive. »

La route promettait d’être encore un peu longue dans cette forêt, et, la nuit, les Lycans auraient un indéniable avantage. Non seulement l’archère aurait de plus grosses difficultés à viser, mais il faudrait aussi compter sur le fait que les Lycans étaient également des prédateurs nocturnes. Rayne voyait dans la nuit, mais pas aussi bien que ces sales bestioles poilues. La priorité était donc, pour elle, de les affronter pendant la journée, ou, à défaut, d’attendre le lendemain. Le risque, toutefois, était que passer une nuit dans la forêt offrirait aux Lycans l’opportunité de les attaquer.

*Dormir n’est pas très important pour moi, mais je ne tiens pas à perdre une nuit... Pas dans l’état où je suis...*

Un autre risque était qu’elle n’arrive pas à contrôler son excitation, et ne plante ses crocs dans la gorge de l’archère... Une gorge qui avait l’air très appétissante. Si elles devaient dormir ensemble, Rayne était sûre que la tentation serait fort de se glisser dans le dos de cette femme endormie, et de boire son sang... Pas assez pour la tuer, mais suffisamment pour l’affaiblir un peu, et ternir leurs relations. Rayne ne le disait pas, mais c’était aussi pour ça qu’il n’était pas spécialement recommandé de voyager avec un vampire. La soif de sang d’un vampire n’était pas quelque chose à prendre à la légère, et la vue du sang pouvait facilement la réveiller. Et, quand un vampire commençait à avoir très soif, il devenait relativement incontrôlable.

Rayne devait peut-être penser que l’archère venait de trouver une nouvelle excuse pour oublier l’épreuve des cadavres, mais cette fois non. La demoiselle aux cheveux ornés de plumes détachait certaines parties de son arc pour les remettre en place. Pour la bataille à venir, elle se devait de préparer son armement en fonction de ce qui l’attendait. Ces lycanthropes ayant renié leurs humanité et ruiné leurs vies était sacrément costaux et rapide. Et si Rayne était pratiquement sûre de ne pas faire le poids en vitesse, il fallait régler ça de son coté. En trafiquant son propre instrument de travail régulièrement, Lady savait comment faire pour régler chaque façon de tirer à chaque situation. Même si malheureusement, ce n’est pas le genre de chose que l’ont peut faire en entrainement.

Peu de temps après, et les quelques crissements de métal contre les armes de Rayne, Lady testa dans le vent ses nouveaux réglages. Tout semblait parfait. Certes la dureté de la corde allait inévitablement réduire la vitesse et la facilité de prise en main des tirs, mais la puissance et rapidité de ces derniers seraient bien plus fortes que précédemment. Il fallait juste espérer que Rayne réussisse sans trop de soucis majeurs à gérer le corps à corps. Cette dernière demanda au passage de prévenir quand elle serait prête. Gardant son instrument de précision en main, elle lui répondit dans la foulée :

- Je suis prête. Désolée d’avoir pris un peu de retard avec mon bijou

Si la Dhampir aimait ses armes, l’humaine n’était pas en reste et ça se voyait. En même temps, en tant que guerrière, on fait bien plus confiance à son propre matériel à  de possibles alliés. Car ce sont ces même armes qui servent à les protéger au péril de la vie de celui ou celle qui s’en sert. Et une arme défaillante ne sert à rien même dans les mains les plus expertes possibles. La marche repris rapidement, le pas accéléré mais suffisamment silencieux pour ne pas faire trop de bruit. De toute façon, même en minimisant à mort chaque son, les lycanthropes les entendrait ou sentirait venir bien avant elles.  A moins que le sang bu par sa camarade de chasse ait plus d’effet qu’elle ne le pense… :

- Plus vite nous avancerons, plus vite nous…

Puis elle s’arrêta net dans sa phrase. La sensation malsaine d’être observée par quelque chose de malsain lui vint en plein dans la face, ainsi que des bruits de mouvement à peine perceptible pour elle. Serait-ce ses cibles qui s’approcheraient ? Un simple éclaireur ? Quoi qu’il en soit, c’était loin d’être amical… Arc en main, elle s’apprêtait à tirer s’il le fallait

Un léger sourire amusé vint éclairer les lèvres de la belle Dhampir. Les justifications de Lady trouvaient un écho dans la tête de Rayne, qui prenait également toujours soin de préparer ses lames avant de partir en mission. Elle s’assurait ainsi toujours qu’elles étaient bien aiguisées, bien tranchantes. Rayne glissa donc, avant de reprendre leur route :

« Inutile d’être désolée, nos armes sont nos meilleures amies sur le champ de bataille, après tout... Il est normal d’en prendre soin. »

Rayne parlait en connaissance de cause. Un équipement endommagé était particulièrement traître, et quand, comme elle, on portait les mêmes armes depuis des années, il était facile de négliger cet état de fait. Un champ de bataille appelait constamment à faire preuve de sérieux, et à toujours consciencieusement se préparer à l’avance. Les deux femmes commencèrent à marcher le long des arbres, reprenant leur route vers la tanière des Lycanthropes. Rayne se sentait toujours aussi fiévreuse et excitée. La vue du sang... Oui, c’était quelque chose d’assez terrible pour un vampire, quelque chose qui leur était clairement spécifique. La Dhampir ne pouvait tout simplement pas se contrôler quand elle voyait du sang. Même quand elle était rassasiée, le sang l’attirait.

Les bourreaux le savaient très bien. Pour faire craquer un vampire, il suffisait de l’attacher solidement à un mur, et de mettre devant lui une fiole de sang. Plus le sang était de qualité, et plus le vampire craquerait facilement. C’était probablement la seule torture vraiment efficace. La douleur était difficile à infliger pour un vampire, si on faisait couler son sang, car, dans sa souffrance, un vampire pouvait trouver un certain plaisir masochiste à baigner dans son propre sang... Mais privez-le de sa nourriture, et montrez-lui-là sous le nez, et le vampire craquera tôt ou tard... Qu’il soit âgé de quelques années, ou de quelques millénaires, cette torture était terriblement efficace.

Elle continuait à y songer, quand elle sentit quelque chose. Presque en même temps que Lady, Rayne s’arrêta, ses sens aux aguets... Ou, plutôt, son sens sanguin. C’était encore une autre des caractéristiques propres aux vampires. Il était très difficile de les prendre par surprise. Un vampire sentait le sang de la cible, et le sang ne pouvait que difficilement se dissimuler. Il fallait des élixirs très spécifiques, rares, chers, et onéreux. Dans ce domaine, beaucoup d’élixirs étaient de mauvaise facture. Il n’y avait que dans les films qu’on pouvait surprendre un vampire. Seule l’élite de l’élite pouvait se targuer d’avoir réussi à le faire.

« Qui va là ?! Identifiez-vous ! »

Elle avait brandi ses lames, et entendit alors des bruits de pas rapides. L’un des Lycans ? Peu probable. Elle aurait perçu leur odeur.

« Par Odin et par Thor, vous avez l’ouïe fine !
 -  Oh non... »

Rayne poussa un soupir Presque instinctif en voyant un home massif jaillir des arbres. C’était, tout simplement, un massif Barbare, dont les peintures de guerre bleues ornaient son torse. Le Barbare tenait un énorme bouclier, et un marteau de guerre.

« Vous chassez les Lycans ? »

Le Barbare observait surtout Lady, et tourna son corps vers la vampire.

« J’accomplis le rite de mon clan. »

Pour un Barbare, il parlait bien, avec une élocution compréhensible. Rayne était impressionnée. Le Barbare, sans leur dévoiler son nom, leur expliqua brièvement qu’il ne s’attendait pas vraiment à ce qu’on le surprenne. Force était d’admettre que, pour un Barbare, il avait réussi à faire preuve d’une discrétion légendaire.

« Je suis parti depuis un an de mon clan... Un rite normal pour que je quitte le monde de l’enfance, et devienne un véritable guerrier qui aura le droit à une femme !
 -  Et vous comptez lui offrir une tête de Lycan ?
 -  La coutume préfère des défenses de mammouth, mais... L’originalité est une bonne chose, parfois... J’ai pourfendu un troll, des ogres, une tribu d’Orcs, mais il faut un ennemi qui soit à la hauteur du respect que j’éprouve pour elle. »

Rayne pencha la tête. Après tout... Si elle avait voulu qu’un homme la séduise, elle aurait sans doute préféré une tête de Lycan qu’un paquet de fleurs.

« Je vous recommande la prudence, vous n’avez pas l’air d’avoir beaucoup de muscles, et les bêtes sont à proximité... Je les traque depuis une quarantaine de kilomètres... Et leur tanière est proche. J’aimerais vous accompagner, mais Odin me surveille, et je dois accomplir cette quête seul.
 -  Et bien... Au plaisir de vous revoir... » lança une Rayne assez circonspecte.

Comme quoi, on rencontrait toujours des fous sur Terra. Le Barbare amoureux s’écarta, et Rayne croisa le regard de Lady... Avant d’hausser les épaules. Elle leva ensuite la tête.

« Le crépuscule approche... J’espère que la discrétion raffinée de ce Barbare suffira à faire diversion pour nous permettre d’atteindre le Lycanthrope-Alpha... Mais j’en doute. »

Il était temps de reprendre la route.