Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Rencontre officielle

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Princesse Alice Korvander

Humain(e)

Re : Rencontre officielle

Réponse 15 vendredi 04 mai 2012, 12:06:30

Après le départ de William, Alice s’entretint un peu avec Coehoorn. Le feu continuait délicieusement à crépiter dans l’âtre, et elle n’avait pas énormément sommeil après ce qui s’était passé.

« Il ne m’inspire pas confiance...
 -  Les Nexusiens sont ainsi... Ils ne sont pas si différents que nous, à la différence que leur Reine est encore vierge, et est encore bien trop jeune pour les gouverner. L’Empereur nous dirige et nous unit. S’il n’était pas là, l’Empire connaîtrait les mêmes soubresauts que Nexus.
 -  Si vous le dites... »

Alice en doutait, mais, après tout, Coehoorn passait plus de temps qu’elle à la Cour. Le Maréchal allait se retirer, quand la Princesse lui posa une question :

« Est-ce que... Est-ce que ça ne vous choque pas ? »

Coehoorn s’arrêta sur le palier de la porte. Il tourna la tête, et se mit à parler :

« Il y a cinq mois, j’ai du organiser un siège contre un fort dans les profondeurs de l’Empire. Des rebelles sécessionnistes. Le fort était perché dans les montagnes, et nos renseignements indiquaient clairement que le seigneur local soutenait des milices rebelles, et utilisait ses geôles pour créer des Lycans et des goules afin d’attaquer les villages du coin. Ses propres sujets.
 -  Pourquoi massacrer ses propres sujets ?
 -  Parce qu’il était fou ? Et que, dans sa logique démentielle, il voulait pousser le peuple dans un tel état de terreur que ce dernier se révoltait ? Ou simplement parce qu’il préférait avoir comme sujets des Lycans, plutôt que des fermiers ? Ses mobiles m’intéressaient peu. J’ai vu des femmes éventrées, des bébés dévorés, des villages rasées. J’ai entendu les pleurs d’une mère mourante. J’ai vu un Lycan qui avait encore entre les dents la petite jambe d’un nouveau-né.
 -  Vous avez occis le seigneur ennemi ?
 -  Pour le remplacer par un de ses lieutenants, tout aussi cruel, mais moins pervers. La guerre, Majesté, ça vous apprend à rester de marbre, et à relativiser. Dolan est aussi froid qu’un glaçon, mais il n’est pas fou. Alors, pour répondre à votre question, que ça me choque ou pas n’entre pas en ligne de compte. Dans les négociations, tout ce qui importe, c’est de donner l’apparence que rien ne vous choque. Nous n’obtiendrons pas de Dolan sa confiance, car c’est quelque chose qui ne veut rien dire pour lui.
 -  Oh... Je fais une bien piètre négociatrice, alors... »

Le Maréchal haussa les épaules.

« Si les Rois étaient de fins diplomates, le monde entier vivrait dans la paix éternelle. Il y a pire que vous. Vous êtes juste jeune. »

Le Maréchal se retira ensuite. Pensive, Alice resta dans la pièce plusieurs minutes, avant d’aller dans sa chambre.

*
*  *

Elle fit un rêve. Un rêve qui la réveilla en pleine nuit, un curieux rêve, où elle entendait des hurlements, les dragons rugir, le souffle ardent des flammes. Elle entendait sa femme hurler, elle voyait un gantelet noir, brisé, ensanglanté, tenir la manche en or du Marteau de Sylvandell, et un enfer chaotique de flammes, où une ombre noire avançait à travers les flammes.

Alice se réveilla ensuite, tremblante. Sa chambre était plongée dans la pénombre, à l’exception du feu qui crépitait dans la cheminée, afin de réchauffer la pièce. Elle porta instinctivement sa main à côté d’elle, mais ne sentit personne. Elle ne sentit pas le corps chaud et réconfortant de sa bien-aimée, et finit par sortir de son lit. Dans sa robe de chambre fine et blanche, elle sortit de ses appartements. Le Château était plongé dans la pénombre, mais des gardes continuaient à se promener. Elle atteignit ainsi une petite cour interne, un délicat jardin.

Sortir dehors n’était pas recommandé. Des vents glaciaux s’abattaient sur toute la région, mais, ici, le froid polaire des nuits était sensiblement tempéré par les hauts murs entourant cette petite cour. Traversant les arcades, Alice s’approcha de la fontaine centrale. Au centre de la fontaine, une statue en forme de dragon crachait des jets d’eau. Elle se mit à genoux devant la fontaine, et commença à prier. Son rêve était un signe : l’expédition militaire de son père rencontrait des difficultés.

« Ô dragon d’Or, Patriarche, Dieu de Sylvandell, veille sur Mon Père, sur Notre armée, comme tu veilles sur les tiens... »

Alice murmurait à voix basse, tenant entre ses doigts une petite croix aux formes courbées. Elle était une fervente croyante, comme tous les Korvander. Les gardes, quant à eux, savaient que, généralement, Alice écourtait ses nuits en allant prier, ce qu’elle faisait de plus en plus depuis qu’elle était mariée. Ils avaient donc pris coutume de ne pas la déranger dans l’enceinte du parc, tout en restant proche, pour agir si jamais une menace avait lieu. Elle ne savait donc pas qu’elle était observée.

Quand elle entendit la voix de William, Alice poussa donc un petit cri de surprise et tomba par terre, avant de se retourner précipitamment. Elle sursauta, et se calma en reconnaissant le visage du Nexusien. Respirant longuement, Alice entreprit de se relever, et réalisa que sa croix était tombée près des pieds de William.

« Je... Il n’y a rien de mal, Sire Dolan... Vous... Vous êtes insomniaque ? Est-ce que... Ma croix, s’il-vous-plaît... J’y tiens... »

Un peu surprise, Alice avait du mal à reprendre le courant normal de sa pensée. Quand elle priait, elle entrait parfois dans un état de transe second, où plus rien d’autre ne comptait. Mais, pour l’heure, récupérer sa croix la tentait bien. C’était un outil très précieux, pour elle. Elle priait avec depuis qu’elle avait reçu sa première onction par l’Omniprêtre.

William Dolan

E.S.P.er

Re : Rencontre officielle

Réponse 16 samedi 05 mai 2012, 19:09:26

William leva doucement les bras pour assurer de ses bonnes intentions. Un sourire contrit naquit alors sur son visage comme la jeune femme le reconnaissait enfin. C’est la malédiction des dirigeants que de toujours craindre que les ombres de la nuit surgissent un poignard à la main pour écourter leur glorieuse vie. Glorieuse… mais tout aussi vulnérable à l’acier que celle du dernier des bouseux. Heureusement, William n’ourdissait pas de tel plan. La vue du sang d’une femme lui était insupportable…

Il avisa alors la petite croix qui avait chu à ses pieds, sa propriétaire la lui réclama du bout des lèvres, et il se pencha donc pour la ramasser. Il jeta un bref coup d’œil au bijou qui reposait dans sa paume puis s’avança vers la princesse, de sa démarche fluide et impérieuse. Sa main se tendit et relâcha la croix dans celle de la jeune femme. Il n’en avait pas profité pour lui effleurer la main, ne se sentant pas d’humeur charmeuse ce soir. William était venu dans ce jardin pour réfléchir, quoiqu’avoir de la compagnie ne le dérangeait pas pour cela. Bien au contraire. Malheureusement, il avait bien conscience de ne pas être de très bonne compagnie pour la jeune dame. Hé bien, il ferait de son mieux…

-Non, je ne suis pas insomniaque, la détrompa-t-il. Je suis juste loin de chez moi… Très loin.

Le « très loin » prenait tout son sens puisque William ne parlait pas de la pathétique Nexus, mais du merveilleux monde qu’était la terre. Il eut alors un petit sourire triste et s’assit sur un des bancs de pierre blanche qui ceignaient la fontaine. Le jeune homme écouta pendant un moment le clapotis de l’eau avant de reprendre la conversation là où elle s’était arrêtée.

-J’espère que vos problèmes seront entendu par votre dieu, déclara-t-il tout simplement.

Lui, n’était pas un bon croyant, contrairement à la princesse, mais il tolérait. Pas au point de le respecter mais disons qu’il essayait de ne pas rentrer dans des débats théologique. Bien sûr, il n’était pas stupide au point de nier leur existence, mais des êtres pourvus d’une conscience, de désirs, et de besoins, ne méritaient en aucun cas d’être vénérés selon  lui.

-Les méthodes pour apaiser ses soucis sont divers et variés, mais je dois reconnaitre que la votre est sans doute la seule qui serve à quelque chose.

Il tourna alors son regard, dont l’éclat d’émeraude était invisible dans la pénombre, vers elle et hocha la tête d’un air apaisant.

-Je suis sûr que votre père se porte bien, lui assura-t-il avec douceur. Et j’espère simplement que je serai parti loin lorsqu’il reviendra armé du fouet dont j’aurais surement gouté s’il avait été avec nous ce soir.

Les yeux de William se plissèrent légèrement et on pu voir son expression rieuse suite à sa petite plaisanterie qui faisait bien sûr référence à l’accès de colère de la princesse. Le jeune homme était comme cela, n’hésitant pas à tourner à la dérision les sujets ou les évènements qu’il valait mieux ne pas rappeler ou aborder. Peu importe, car, on peu plaisanter sur tout lorsque rien n’a d’importance.

-A propos, n’hésitez pas à me renvoyer si ma présence vous empêche de vaquer à vos occupations.

Une façon élégante de lui dire qu’elle n’avait pas à supporter sa compagnie si elle n’en avait pas envie. Ce qu’il comprendrait plutôt bien. Le fait qu’il ait surpris sans le vouloir les quelques bribes de prières que la jeune femme avait prononcé pouvait déjà être un bon motif d’exclusion.

Princesse Alice Korvander

Humain(e)

Re : Rencontre officielle

Réponse 17 samedi 05 mai 2012, 21:27:43

Se remettant de ses émotions, Alice récupéra son collier, et le remit autour de son cou, contemplant entre ses doigts la croix avec une forme de dragon.

« Merci... » glissa-t-elle.

Elle releva ensuite la tête. Le Nexusien alla s’asseoir sur un banc, semblant plongé dans ses pensées. Ne sachant pas quoi lui dire, Alice regarda la fontaine. Entendant un rugissement, elle leva la tête, et vit un dragon passer, ses ailes se découpant dans l’obscurité. Il s’éloigna rapidement. Qu’il faisait jour ou nuit, les dragons volaient toujours, se relayant entre eux. Alice entendit alors William lui parla. Vu ce qu’il disait, elle doutait qu’il soit croyant. Elle doutait encore plus qu’il n’avait l’air d’avoir aucun respect pour personne d’autre que lui-même.

*Celui qui ne respecte personne ne peut pas se respecter lui-même songea pensivement Alice en regardant sa croix. Est-ce qu’un homme capable de trahir son propre sang est capable d’éprouver de l’amour ?*

William lui parla alors, lui affirmant qu’il était sûr que son père allait bien. Comment pouvait-il le savoir ? Elle avait envie de lui balancer cette question, mais elle se retint, se disant que ce ne serait guère courtois. Dans le fond, il n’y était pour rien. Il essayait de la rassurer, mais il ne faisait que l’irriter, car elle avait l’impression qu’il lui avait parlé avec le même dédain habituel. Mais c’était sans doute elle qui était fatiguée. Elle hésita effectivement à la laisser en paix, mais se ravisa. Elle avait fini de prier. Et dormir ne la tentait pas plus que ça.

« Si vous aviez eu mon père en face de vous, je ne pense pas que vous lui auriez suggéré de s’éloigner » lâcha-t-elle tout simplement.

Alice connaissait suffisamment les hommes pour savoir qu’ils avaient généralement tendance à sous-estimer les femmes. Sans doute parce qu’elles étaient celles qui portaient l’enfant, et que l’imaginaire collectif les rapprochait plus de la douceur, de la tendresse, d’une espèce de sensiblerie typiquement féminine. Ce n’était pas Alice, avec son petit corps, qui pourrait lutter contre de tels clichés, mais elle était plus ou moins sûre que, si William avait été en face de ce colosse qui était son père, il n’aurait fait aucune remarque désobligeante. Contrairement à sa fille, le Roi de Sylvandell avait cette faculté de se faire respecter au simple regard, ou dès qu’il commençait à parler. Pour Alice, il était indéniablement un grand Roi, au sens sylvandin du terme.

« Et puis rajouta-elle avec un léger sourire, s’il y en a un qui a intérêt à partir rapidement, c’est plutôt le Maréchal Coehoorn. Quand mon père saura que ce dernier a organisé des négociations impliquant le royaume dans son dos, il sera furieux. »

Ce en quoi on ne pouvait pas vraiment lui donner tort. Alice regarda la fontaine, avant de tourner la tête vers lui, parlant désormais sur un ton plus doux.

« Nexus vous manque ? Je ne souhaite pas tout ça, vous savez... Cette guerre... J’espère que ces négociations finiront un jour par aboutir à un état de paix. On dit que Nexus est la plus belle ville de tout Terra. Et, même si la beauté est un concept qui est parfois difficile à saisir dans l’Empire, la destruction absolue n’est pas ce que nous recherchons... »

Elle pouvait tout à fait comprendre les problèmes de William. Nexus était, politiquement parlant, dans un état catastrophique. Et il n’allait pas arranger les choses, en précipitant une guerre civile. Il y aurait des morts, et l’homme en aurait les doigts couverts de sang. Mais c’était sans doute préférable à ce que l’Empire attaque en force. La Princesse connaissait suffisamment les stratégies ashnardiennes pour savoir qu’ils n’hésiteraient pas à incendier toute la ville, afin de neutraliser Nexus. De deux maux, il fallait choisir le moindre.

Néanmoins, Alice savait qu’elle n’était pas inquiète pour cette campagne. Elle savait que son père reviendrait indemne. D’autres soucis la préoccupaient, bien plus importants, mais elle ne comptait pas vraiment se confier à William. Elle regarda la fontaine, et un petit vent frais la fit frissonner, l’amenant à frotter ses bras., afin de se réchauffer un peu. Elle s’agenouilla près de l’eau claire de la fontaine, se rappelant quand elle avait jeté une pièce à l’intérieur pour la toute première fois. Son premier vœu avait été d’obtenir une bonne note de la part de son instructeur à un examen.

« Que pensez-vous de nos croyances, M. Dolan ? lui demanda-t-elle d’un coup en se redressant. Pour beaucoup, les croyances et les rites de Sylvandell sont stupides. Croire en la divinité d’un dragon, c’est, pour bien des gens, absurde, que ce soit des Nexusiens ou des Ashnardiens. Personnellement, je trouve que les dragons sont des êtres bien plus divins que de simples humains. Qu’en pensez-vous ? »

Une question qui pouvait paraître assez surprenante, relativement intime, mais, dans la mesure où William l’avait surprise en train de prier, la question restait bien ancrée dans son contexte... Du moins, Alice le croyait.

William Dolan

E.S.P.er

Re : Rencontre officielle

Réponse 18 dimanche 06 mai 2012, 18:04:16

Ce que William lui avait dit à la réunion, la princesse l’avait toujours en travers de la gorge. Il n’estimait pas l’avoir sous-estimé ou insulté. C’était de la pitié qu’il avait éprouvé pour la jeune femme qui avait été obligé d’assister à cette débauche de violence et vilénie. D’ailleurs, il se serait senti mal à l’aise de ne pas lui proposer une échappatoire, et puis peu importe qu’elle l’ait mal pris. Si c’était à refaire, il le referait de la même manière.

Le jeune fronça les sourcils tandis qu’elle lui expliquait que son père ne savait rien de la réunion qui l’amenait ici. Dans ce cas, qu’est-ce qu’il faisait ici s’il n’avait pas l’approbation dur roi ? Pourquoi organiser une négociation à Sylvandell si le pays n’avait absolument rien à voir avec les tractations, et du coup, pourquoi la princesse avait-elle dit que les accords devaient être validés par le cachet royal ? Ces informations étaient contradictoires. Il y en avait donc forcement des fausses ou des mal comprises. Dans la pénombre, on voyait difficilement le trouble que la princesse avait jeté sur lui, mais il ne l’exprimait pas pour autant, se contentant de la laisser parler sans l’interrompre.

Il répondit toutefois à sa première question en secouant lentement de la tête. Non, Nexus ne lui manquait pas mais il ne pouvait pas non plus lui dire quel foyer qui lui faisait réellement défaut. Toujours pensif, il réagit toutefois à l’espoir de la jeune femme. C’était touchant de penser comme elle et parfois William aimerait avoir ce même optimisme.

-Il n’y aura pas de paix, déclara William en tournant ses yeux vers elle. Jamais. Il y aura toujours des conflits et la guerre continuera quoique que nous fassions. Si un jour, l’empire parvient à conquérir Nexus, l’écart géographique entre les deux nations est trop important pour apporter la stabilité. Cela pourra prendre un an ou un siècle, mais la révolte renversera le régime et Nexus sera de nouveau libre. Un empire trop vaste ne peut survivre. A chaque fois qu’un conquérant idéaliste tente de faire cesser les guerres en fédérant toutes les nations sous un même drapeau, au mieux, il meurt avant d’avoir vue son œuvre éclater en morceaux. Nous les humains sommes fait pour vivre ensemble, mais pas tous ensemble.

C’est sur cette vision peu optimiste de l’avenir que William se mit à fixer la petite croix que la princesse portait toujours. Elle lui parlait des dragons. Pour William s’était de gros lézards volants qui crachaient du feu. La vision simpliste de l’ignorant. Il ne savait absolument rien de ces créatures, mais une chose était sûr, c’est que la conception de la divinité de la princesse était très éloignée de la sienne. Une fois qu’on le réalisait, il était beaucoup plus simple de comprendre ce que voulait dire la jeune fille. William haussa donc les épaules et inspirant lentement suite à sa question, tout en cherchant les mots qu’il allait employer pour y répondre.

-Qu’est-ce que Dieu, Princesse ? Demanda-t-il. Pour moi, il s’agit de notre créateur, mais pour vous, je pense qu’il s’agit plus d’un protecteur. Du coup, vous comprendrez que je ne puisse pas avoir de réelle opinion sur votre culte puisque nous n’avons pas la même conception de ce qu’est la religion. Je pense que c’est mieux ainsi de toute façon. Si vous êtes heureuse en priant votre dieu, s’il répond à vos prières, alors je ne peux que vous approuver. Du haut de mon ignorance, je n’ai pas de jugement à apporter.

Voila, William était tolérant. C’est tout ce qu’il faut retenir. Malgré qu’il ait le sourire narquois facile, son mépris n’était pas aveugle. Les gens pouvaient croire à ce qu’ils voulaient tant que cela ne les faisait pas agir de façon stupide et incohérente. Cependant, il n’avait pas réellement répondu à la question de la jeune fille. William avait effectivement une opinion sur la question du dieu dragon de Sylvandell mais à aucun moment il n’oubliait qu’il parlait avec la princesse de ce royaume. Ses mots étaient choisis et il n’exprimait ses pensées que lorsque ceux-ci restaient assez vague sur les sujets délicats. Pourtant, si la princesse tenait vraiment à la vérité, William avait peut-être un petit jeu intéressant, qui bien entendu, ne serait pas à sens unique.

-Nous sommes seuls, il fait nuit et nous n’arrivons pas à dormir, constata-t-il avant de lui décocher un regard en biais. Ca vous dirait de faire un petit jeu ?

Cette fois, William tourna totalement la tête vers elle pour ne pas manquer le spectacle qui allait poindre sur son visage. Les phrases ambiguës sont toujours très amusantes et le jeune homme ne s’en lassait jamais. Cependant, il ne valait mieux pas trop jouer avec la Kovander, aussi, il s’expliqua rapidement.

-Vous posez une question et je dis la vérité, puis c’est à mon tour, et ainsi de suite, fit-il. C’est simple et ça fait passer le temps. Cela vous tente ?

Princesse Alice Korvander

Humain(e)

Re : Rencontre officielle

Réponse 19 lundi 07 mai 2012, 20:13:34

William avait en lui la force de déprimer tout un régiment. Il ne croyait visiblement pas à la paix. Alice était personnellement plus réservée, mais elle choisit de conserver pour elle ses propres pensées. Pour elle, la guerre entre Nexus et Ashnard ne pouvait pas connaître de fin, surtout pour l’Empire, dans la mesure où l’économie impériale était essentiellement guerrière. Elle reposait sur la production militaire, et sur l’or que les pillages rapportaient. Partant de là, la fin de la guerre signifierait un changement total dans l’économie. Les esclaves seraient bien plus difficiles à récupérer, et, avec la chute de l’ennemi traditionnel de l’Empire, l’unité politique et militaire de l’Empire s’affaiblirait progressivement. Dans la mesure où cette unité reposait à la fois sur le charisme de l’Empereur et sur la haine commune contre l’ennemi, si on enlevait l’un de ces éléments, l’autre s’effondrerait également. Alice y réfléchissait, et elle savait que Sylvandell aussi. Contrairement aux apparences, Sylvandell rêvait de devenir un jour un royaume réellement indépendant, afin de pouvoir pleinement se concentrer sur sa foi envers les dragons, et non plus se mêler à des guerres qui, dans le fond, ne concernaient que fort peu le royaume. Les guerres impériales n’étaient que l’occasion d’entraîner les dragons et les soldats pour se préparer à la véritable guerre qui, selon la légende, les attendait dans les profondeurs des montagnes.

*Si Nexus disparaît, si l’Empire l’avale, alors les Ashnardiens se tourneront logiquement vers les Tekhans... Mais la supériorité militaire tekhane est incontestable...*

L’Empire était bien trop expansionniste pour ne pas rêver de s’emparer également de Tekhos, et ce même si c’était impossible. L’armée tekhane était technologiquement parlant bien plus évoluée. Mais les Impériaux devaient probablement l’envisager, en faisant des stratégies militaires complexes, qui ne pouvaient qu’impliquer les Formiens. Sylvandell était loin de tout ça. Si l’Empire s’affaiblissait suffisamment, elle savait que les Sylvandins rêvaient d’y voir là l’occasion de pouvoir enfin devenir autonome. L’indépendance de Sylvandell était un mythe très difficile à concevoir en pratique. Beau sur le plan de la théorie, mais, en pratique, Sylvandell dépendait bien trop des importations ashnardiennes pour réussir à s’en sortir. Le statut de royaume suzerain offrait des privilèges non négligeables.

Naturellement, elle n’envisageait nullement d’en parler à William. Il lui expliqua qu’il concevait de manière assez différente qu’elle la religion, en ce sens qu’il voyait les Dieux comme des créateurs, et elle comme des protecteurs. Alice tint cette fois à lui répondre, avec un léger sourire :

« Le dragon d’Or a fondé Sylvandell. Il a offert à Erwan le soutien de sa horde, et ce soutien a permis au Premier Roi d’obtenir l’assistance de l’Empire pour forger le royaume de Sylvandell. Mais en quoi création et protection devraient être séparés ? Une divinité ne devrait-elle pas chercher à protéger ce qu’elle a créé ? Le dragon d’Or veille sur nous, mais il tient à ce que nous soyons aussi aptes à nous débrouiller par nous-mêmes. Ceci ne m’empêche pas de louer sa force. Il est en nous. En moi. Il végète dans mon sang. »

Elle s’arrêta là, conscient que, pour un incroyant, elle pouvait paraître pour une folle. Tout ce qu’on pouvait en dire, c’est qu’Alice prenait la religion très au sérieux. Elle n’était pas de ces pseudo-croyants qui se contentaient de croire pour pouvoir se faire bien voir, et bénéficier d’avantages, ou de privilèges. La foi de la Princesse était honnête, sincère, ce qui en faisait une jeune femme relativement idéaliste. Croire que les Dieux veillaient sur les espèces inférieures, c’était idéaliste. Elle y songeait lorsque William lui proposa « un petit jeu ».

Arquant un sourcil interrogateur, la Princesse ne dit rien, ce qui était en soi une confirmation. Dormir ne la tentait effectivement pas. Elle se réveillerait encore à midi, mais c’était quelque chose d’assez habituel chez elle. Coehoorn le savait. William avait attisé la curiosité de la jeune Princesse, et il ne tarda pas à lui expliquer la teneur de ce jeu. Un jeu qui la fit sourire. La vérité... La vérité dans la bouche d’un Nexusien... Ne disait-on pas qu’un bourgeois ignorait ce qu’était le mensonge et la vérité ? Que la vérité n’existait pas ? Alice s’humecta les lèvres, réfléchissant, et un léger sourire éclaira ses lèvres. Ce jeu lui rappelait celui qu’elle faisait jadis, quand elle était petite, et qu’on la conduisait dans les manoirs des grands barons sylvandins.

« Pourquoi pas... finit-elle par lâcher. Honneur aux femmes, je présume... »

Plusieurs questions vinrent naturellement à l’esprit de la Princesse, qui les tria dans sa tête, les répertoria, et finit par en lâcher une, qui lui semblait être la plus pertinente en guise d’introduction. Elle la prononça en fixant soigneusement l’homme, croisant les bras. Rien n’encourageait ce dernier à lui dire la vérité, mais Alice voulait croire que, dans le manteau de la nuit, il ferait « comme si ».

« Aimez-vous Nexus, Messire Dolan ? »

William Dolan

E.S.P.er

Re : Rencontre officielle

Réponse 20 mardi 08 mai 2012, 20:47:21

L’éternelle question. Si Dieu nous a créé, est-ce qu’il nous protège ? Et si oui, qu’est-ce qu’il le fait mal ! Les Sylvandins avaient bien de la chance d’avoir un dieu qui les garde mais pouvait-il les protéger de tout, sachant que lui-même avait été créé par une puissance supérieure à la sienne ? Et en aurait-il seulement l’envie jusqu’à la fin des temps ? Finalement, on ne se pose pas la question du manque d’intérêt qu’un dieu peu développer pour ses créations. Bref, c’était beaucoup de question que William aimerait bien que la princesse se pose, si seulement elle en avait envie. La foi a la fâcheuse tendance de nous persuader intimement que les dieux sont bienveillants, alors que tout ce qui se passe dans le monde tend à prouver le contraire.

Cependant, William n’avait pas très envie de débattre de théologie, car il était évident qu’à la fin des quelques théories lancées à la figure de l’autre et des rhétoriques sèches, aucun des deux n’aurait changé d’opinion. Ce qui est, pour William, le but d’un débat. Il se fichait bien de faire changer l’autre d’avis pour la gloire de son ego, l’essentiel était de faire évoluer sa propre vision de la chose, et William avait le sentiment que la princesse ne pourrait le faire changer sur un aspect de la vie auquel il avait déjà longuement réfléchi.

D’ailleurs, son jeu commençait. La princesse semblait s’y prêter avec un certain enthousiasme, à moins qu’il ne sache pas interpréter son sourire correctement. Toutefois, le jeune homme ne criait pas victoire trop vite, car même si son petit jeu semblait anodin au premier abord, il devenait cataclysmique dans les mains du noble nexusien. Aussi, si la princesse semblait encline à y jouer, encore fallait-il qu’elle le soit après sa première question. Cependant, William était prêt à montrer le bon exemple puisque c’était à elle de commencer. En  effet, contrairement aux apparences, William adorait la vérité. Lorsqu’il ne sert pas des intérêts concrets, comme avec Elias, le mensonge est sale et méprisable. C’est la solution de la facilité et de la faiblesse. William préférait de loin la vérité qui pouvait également être un outil amusant lorsqu’on savait en jouer. Ambivalences, non-dits, allusions et diversions étaient les pièces du jeu de la parole qui pouvaient très bien s’accorder avec la vérité.

Ceci étant dit, la question de la princesse n’était pas encore trop indiscrète pour que William ait besoin de déployer tout son talent d’orateur. En fait, c’était une question plutôt facile lorsqu’on a des facilités à dire ce que l’on pense.

-Un homme qui trahit son pays peut avoir deux raisons de le faire, commença le jeune homme en s’exprimant posément. Soit il fait valoir son profit personnel devant l’amour de son pays, soit il déteste ce dit pays. Dans mon cas, altesse, ce sont les deux à la fois. Non, je n’aime pas Nexus. J’exècre sa noblesse dont le seul mérite est d’être née avec des couverts en argent dans les mains et qui se croit supérieur aux autres, alors que ce ne sont que des consanguins abruti par leurs protocoles.

La voix de William s’était élevée alors qu’il crachait sur ses origines, pour finalement exprimer une pointe de colère qui s’évanouit bien vite, laissant la place au silence d’une courte pause.

-J’abhorre cette soi-disant supériorité morale de Nexus sur Ashnard, qui nous fait presque croire que le bien est incarnée par une cité-état qui ne vit que grâce à ses monopoles commerciaux et le trafic de civilisations dites inférieurs, incapables de se défendre contre une race avide et belliqueuse. Et enfin, je déteste la magie qui rend toute action et tout plan finement calculée, totalement voué à l’échec devant l’imprévisibilité d’un sortilège exécuté à coup de moulinets avec les bras.

William se rembrunit et observa la princesse avec un sourire satisfait. Voila comment on jouait à ce jeu. Ou du moins, comme lui y jouait. Le jeune homme se fichait éperdument que son interlocutrice sache ce qu’il venait de lui dire puisqu’il y avait peu de chance qu’elle puisse s’en servir contre lui.

Dolan réajusta sa position sur le banc et fit mine de réfléchir à la question qu’il allait poser, les yeux en l’air, car c’était bien son tour. Finalement, son regard d’émeraude se fixa sur la princesse, un air totalement neutre étalé sur son visage.

-Dites-moi, comment la princesse de Sylvandell compte-t-elle donner un héritier à son royaume vue qu’elle a épousé une femme ?

En effet, William n’arrivait pas bien à saisir le concept du mariage Sylvandins. Il avait cru comprendre que la lignée royale n’avait qu’un seul enfant pour faire perdurer son nom, et jusqu’à preuve de contraire, les femmes avaient un peu de mal à faire un enfant seules. Mais ce qui l’étonnait le plus, c’est qu’un homme comme Tywill tolère cela. Bref, il avait besoin d’éclaircissements.

Princesse Alice Korvander

Humain(e)

Re : Rencontre officielle

Réponse 21 mardi 08 mai 2012, 22:37:04

Comme Alice l’avait présupposé, William n’éprouvait aucun amour pour sa patrie. Pourquoi vouloir en devenir le Roi, alors ? Pour couler encore plus son pays ? Il ferait, de son point de vue, un bien piètre roi, s’il n’aimait pas sa nation... Mais elle devait reconnaître que ses raisons étaient assez valables. Par rapport à l’Empire conquérant, Nexus se présentait comme la cité de la liberté, de la paix et du commerce. Un havre de paix et d’égalité, bien loin du fléau ashnardien, de la dictature et de la tyrannie impériale. Un conte de fées, naturellement. Seuls les niais croyaient encore au mythe de la Nexus heureuse, de la Nexus bienveillante. La réalité, naturellement, était bien plus nuancée, ce qui amenait finalement à considérer que, entre Nexus et Ashnard, il fallait, de deux maux, choisir le moindre. Ashnard était un empire cruel, militaire, brutal, un Empire qui marchait avec une cadence terrifiante. Ceux qui s’opposaient contre l’Empire étaient piétinés et écrasés, et l’Empire accordait bien trop de libertés à ses seigneurs, ce qui engendrait bien des injustices. Mais, d’un autre côté, l’Empire apportait aussi une forme de sécurité et de stabilité. Si Alice avait connu Machiavel et ses théories excessives, elle aurait sans doute trouvé une très bonne application dans la politique ashnardienne. La fin justifiait les moyens, et l’Empire n’avait pas le choix. Terra était un immense univers de souffrance, d’injustice et d’inégalités perpétuelles. L’Empire arrangeait les choses, fédérant et unissant les hommes sous le respect de l’Empereur. Tout le monde était égal devant la supériorité de l’Empereur et de son armée.

C’était en somme deux visions qui s’opposaient. Un Empire autoritaire qui bafouait les libertés au profit d’une espèce d’égalité d’un côté, et un royaume libre, mais constamment déchiré par les rivalités politiques entre les puissantes familles de nobles. Des valeurs qui s’opposaient. Deux idéologies qui se faisaient face. Dans le fond, William n’avait pas fondamentalement tort. Même s’il devait un jour s’avérer que l’Empire contrôle Nexus, il faudrait réussir à obtenir la soumission de chaque noble, et ce serait long. L’Empire enverrait des colons dans chaque ville, afin de progressivement réussir à faire d’une majorité contestataire une minorité qui serait perçue, non plus comme l’expression de la résistance à l’oppression, mais comme des agissements terroristes envers une réalité solide et établie. Mais Alice ne verrait pas ça de son vivant. Il faudrait des siècles pour que tout ça se réalise, et c’était de toute manière hautement improbable.

En définitive, elle vit à travers cette réponse un homme qui semblait bien moins froid et détaché que ce qu’elle avait pu croire. L’inégalité de Nexus semblait le choquer. Mais qui se souciait d’égalité, de nos jours, si ce n’est ceux qui avaient à cœur le bien-être de la population ? La Princesse ne savait pas quoi en penser. Accessoirement, William lui avoua détester le concept de la magie, ce qui la fit hausser les sourcils. La magie était naturelle sur Terra... Pourquoi y être contre ? Alice n’était pas sans ignorer que la magie n’existait pas sur Terre, ce qu’elle avait toujours trouvé curieux. Si William avouait ne pas aimer la magie, était-ce parce qu’il avait vu un monde où la magie n’existait pas ? Alice n’eut toutefois pas vraiment le temps d’y songer, car William alla finalement lui poser sa question... Une question qui concernait sa mariage, et la succession. Un sujet qui embêtait toujours un peu la Princesse, car, quand elle aurait un enfant, elle ne serait plus une Princesse, mais une Reine. Une Reine ! Tywill ne serait plus là, et elle devrait assurer par elle-même la direction de ce royaume. Une tâche qui lui semblait presque insurmontable.

La Princesse devait toutefois répondre, et elle le fit donc :

« Le mariage est une chose difficilement concevable à Sylvandell, Sire Dolan, commença-t-elle, préférant commencer par des généralités. S’il est admis entre nos vassaux, ou envers de simples paysans, Erwan Korvander, le Premier des Rois, l’a proscrit pour tous ses héritiers. Pour le comprendre, il faut déjà comprendre ce qu’est le mariage. D’un point de vue formel, le mariage est une reconnaissance administrative d’une union entre deux êtres. D’un point de vue religieux, le mariage est un sacrement divin entre deux êtres. Et, d’un point de vue bourgeois, le mariage est une alliance politique entre deux maisons. »

Alice avait brassé à peu près toutes les conceptions du mariage qui existaient, et elle poursuivit sur ses explications :

« Pour nous, aucune de ces trois conceptions n’a de sens. L’amour entre deux êtres est quelque chose de privé, d’intime, qui ne concerne pas le monde des relations publiques. L’amour relève de la sphère de l’intimité, et, partant de là, une reconnaissance administrative, publique, est vide de sens. D’un point de vue religieux, le seul lien sacré qui ait pour nous de l’importance soit celui qui unit les Korvander au Patriarche. Tout autre lien est sacrilège. Et, d’un point de vue bourgeois, nous préférons forger nos alliances dans la bataille, pas dans un lit. Et nous avons déjà le soutien de l’Empire Ashnard. Que demander de plus ? Partant de là, Sire Dolan, vous comprenez sans doute mieux pourquoi le mariage n’est pas une coutume admise dans la famille royale. »

Si Alice devait s’arrêter là, on comprendrait à vrai dire mal pourquoi elle s’était mariée. La Princesse continua donc, bien lancée :

« Mon mariage est une exception, et mon père l’a vu d’un mauvais œil... Comme bien des gens. Paradoxalement, le fait que je me sois mariée avec une ancienne esclave qui n’ait aucun titre de noblesse a probablement fini par le convaincre. Si ma dulcinée aurait été une riche duchesse, le mariage aurait été encore plus difficile. Père y aurait vu une basse manœuvre d’une quelconque famille de nobles de s’emparer de Sylvandell. Et vous avez du remarquer que nous avons notre fierté. Seul un Korvander peut diriger le royaume. »

La Princesse s’arrêta un peu, laissant le temps à William de tout comprendre. Elle était debout, marchant, faisant plus ou moins les cent pas. Parler du mariage revenait naturellement à songer à Sakura, à sa femme, et au fait qu’elle ne soit pas là en ce moment.

« Si ce mariage a pu être toléré, c’est parce que ma femme a été choisie et bénie par le dragon d’Or. Nous avons dès lors perçu cette dernière comme une espèce... D’envoyée. C’est à ce titre qu’elle a été affranchie de son statut d’esclave, qu’elle a acquis la nationalité sylvandienne, et que nous avons pu nous marier. De même que l’Ordre considère le mariage comme le lien entre l’Homme et Dieu, de même nous avons considéré cette union comme le lien entre l’Homme et le Dragon d’Or. »

Après ce long exposé, Alice répondit finalement à la question posée :

« Je crains que vous n’ayez été induit en erreur par ce lien que les gens font entre le mariage et le fait de fonder une famille. Rien ne m’oblige à avoir un enfant de la part de ma femme. Ma mère à moi était une prisonnière de guerre sans envergure. Erwan recommande même d’avoir un enfant avec un individu qui ne soit pas de haute naissance, afin que le sang des Korvander ne soit pas concurrencé par un autre sang puissant. Je n’aurais donc aucun problème à me trouver un amant, mais j’ai envie que mon enfant soit le fruit de l’amour... »

Elle avait dit ça en touchant son ventre. Sa mère, elle n’avait jamais su son nom. Elle était morte en accouchant. Officiellement. En réalité, elle supposait son père de l’avoir fait exécuter, afin qu’elle ne vienne pas leur nuire. Elle tenait à changer les choses. Elle était convaincue que, si le dragon d’Or avait désigné Sakura, c’était pour qu’elle lui fasse un enfant, ce qui l’amena tout naturellement à conclure :

« Et je pense aussi que vous manquez de connaissance sur Terra. Sans vouloir vous offenser, naturellement, mais ça fait maintenant des siècles que les Tekhanes se reproduisent entre elles. Cette magie que vous n’appréciez pas permet de faire bien des choses, tout comme la technologie. Et Sakura est tout à fait capable de m’enfanter. Elle sera sûrement celle qui m’enfantera. »

A cette idée, Alice était autant rêveuse qu’angoissée. Avoir un enfant... On disait que c’était, pour une femme, la plus terrifiante et la plus belle des expériences. Mais, lorsqu’elle aurait un enfant, un pas serait franchi... Elle ne pourrait plus revenir en arrière. Impossible.

« Mais nous avons le temps avant ça... Alors, dites-moi... Quelqu’un qui n’aime pas son pays natal, qui n’aime pas Terra, et qui ne semble pas connaître grand-chose sur Tekhos est quelqu’un qui a forcément du trouver quelque chose d’autre à aimer... Comme il ne s’agit probablement pas de l’Empire, permettez-moi de vous demander si vous connaissez l’existence d’une autre planète, et si, dans le fond, vous n’estimez pas, contrairement à ce que nous estimons habituellement, que c’est cette autre planète, la Terre, qui est la normalité, et Terra l’anormalité ? »

Une question assez longue, mais Alice avait parlé sur le fil de l’inspiration, sans vraiment réfléchir à formuler une phrase construite et réfléchie. Elle l’estimait compréhensible, et c’était tout ce qui comptait.

William Dolan

E.S.P.er

Re : Rencontre officielle

Réponse 22 dimanche 13 mai 2012, 22:49:57

William écoutait avec intérêt les explications de la princesse. C’était un peu étrange par rapport à sa conception du mariage, mais ce n’était pas dénué de logique non plus. A Nexus, le mariage est la manœuvre politique la plus importante qui soit. Cela servait à unir deux familles, deux royaumes, deux domaines et créer des liens qui rendaient difficile les guerres entre différents membre de la noblesse. En effet, un noble lambda n’aurait jamais trahi son cousin comme William l’avait fait. Ce genre de liens était construit par les mariages arrangés. En effet, il y avait très peu de mariage d’amour étant donné l’importance de ces unions pour la noblesse Nexusien. Le seul moyen qu’un noble se marrie par amour était qu’il ait de la chance et que ses sentiments concordent avec les intérêts de sa famille. On était donc bien loin de Sylvandell.

Quant au couplet sur Tekhos, William haussa un sourcil vexé. Elle ne voulait pas l’offensé mais l’avait tout de même fait. La technologie Tekhos permettait, en effet, de faire se reproduire deux femmes même si ce procédé n’était pas systématique dans cette civilisation. Mais de toute façon, depuis quand Tekhos avait-elle la moindre considération pour ce qui se passe autour d’elle ? Pour des raisons évidentes, la technologie Tekhane ne sortait pas de Tekhos et les rares exceptions étaient pourchassées par le gouvernement. William ne doutait pas des contacts que la princesse avait pu instaurer avec cette civilisation. Ce n’était sans doute pas très difficile d’émouvoir ces amazones en leur infligeant l’histoire tragique de deux femmes voulant enfanter. Pourtant, il y avait quelque chose qui gênait William sans qu’il puisse mettre le doigt dessus. C’était… de la triche.

Cependant,  William oublia bien vite ce petit passage qui lui laissait un curieux sentiment de frustration. Suite à la prochaine question de la princesse, le jeune homme se leva du banc et s’approcha de la princesse pour la dominer de toute sa hauteur. Sa bouche pincée recouvrait sa mâchoire inconsciemment serrée, tandis que ses yeux verts tentaient de percer l’esprit de la petite femme. Il n’était pas surpris de rencontrer quelqu’un d’autre connaissant la terre, mais il était choqué qu’elle ose lui en parler ouvertement et surtout comment elle pouvait savoir qu’il était également au courant. Sa question était une source d’eau claire, limpide et sans la moindre subtilité. Pour William, cela voulait dire clairement qu’elle savait qu’il connaissait l’existence de la terre. C’était fâcheux et très dangereux. Dommage qu’il ne puisse la tuer sur le champ, sans mourir lui aussi. Ce n’est jamais bon de réveiller les secrets de quelqu’un, en particulier ceux de Dolan.

Avec une douceur toute relative, il lui attrapa l’épaule, puis se pencha sur elle, de manière à ce que ses mots trouvent directement le chemin de ses oreilles.

-Je vais répondre à votre question, miss Korvander, puisque je n’aurais pas l’audace de me soustraire à mes propres règles, fit-il d’un ton à demi sec et amusé. Ensuite, nous aurons une petite discussion sur ce sujet. La terre est un monde imaginaire et parfait dont on ne devrait pas parler aussi ouvertement que vous le fait, au risque que la crasse de notre monde ne corrompt celui-ci. La normalité, c’est l’endroit dans lequel on est née et on a grandi, donc pour répondre à votre question, non, la terre est l’anormalité et terra la normalité. Toutefois, vous conviendrez que l’anormalité est souvent mieux que la normalité. J’aime ce monde car il est miraculeusement simple. Là-bas, pas besoin d’être reconnu par un dragon d’or, d’être née noble, avec un don en magie, ou dans une ville de haute-technologie. Ce qu’on est n’a que peu d’importance car seuls nos actes guident notre destinée. L’argent est le seul Dieu qu’il convient d’appeler comme tel et il n’y a que le talent qui permet de nous élever. Ca a un nom vous savez. Les terriens l’ont appelé : le Capitalisme. Et pour de nouveau répondre à votre question : j’aime ça.

William se rendit alors compte que sa position était peut-être un peu trop agressive. Sa main enserrait l’épaule de la jeune femme avec une autorité qu’il ne pouvait peut-être pas se permettre. Sa prise se fit donc un peu moins sévère et devint une simple caresse qui glissa sur elle tandis que ses doigts s’écartaient pour se risquer sur les reliefs de son cou gracile. Dolan n’appréciait pas que terra empiète sur la terre et c’est exactement ce qu’il craignait de la princesse. Comment connaissait-elle ce monde et comment avait-elle su qu’il y avait affaire lui aussi ? Sa question n’était pas un hasard, ou du moins, c’est ce qu’il osait croire, car dans le cas contraire, William l’aurait pris pour une folle à ainsi parler de mondes imaginaires. C’est ce qu’il fallait comprendre maintenant.

-J’aimerais bien savoir ce qu’on vous a dit sur moi, princesse, déclara-t-il. Comment vos sbires vous ont-ils peint mon portait avant que je ne me présente devant vous ? M’ont-ils si bien décris pour que vous me posiez votre question avec tant d’assurance ?

La main de William restait où elle était, et il n’y avait qu’un mouvement à faire pour l’en déloger. Il se rapprochait d’elle ; toujours plus. Pourtant, cette initiative avait toutes les raisons d’être considéré comme dominatrice, ou menaçante alors que le regard vert de William n’exprimait que la douceur qu’il avait jusque là dirigée vers la jeune femme.

Princesse Alice Korvander

Humain(e)

Re : Rencontre officielle

Réponse 23 lundi 14 mai 2012, 14:55:22

Avait-elle touché un point sensible ? Alice se le demandait, alors que William se rapprochait d’elle, pour lui répondre. Il posa une main sur son épaule, et ses yeux fixèrent intensivement la Princesse. Si elle put avoir peur pendant une seconde qu’il ne la moleste, cette sensation disparut bien vite. Dolan était un calculateur. Porter atteinte à la Princesse de Sylvandell au cœur de son château, c’était prendre le risque de passer de sales mauvais jours en perspective. Le sujet semblait donc lui tenir à cœur, ce qu’il ne tarda pas à dire en faisant de la Terre une espèce de planète merveilleuse, et de Terra un monde qui l’était un peu moins.

*Une chose est sûre : il a l’air de mieux connaître la Terre que moi...*

La Terre, Alice en avait logiquement entendu parler par son épouse, puisqu’elle émanait après tout de ce monde, et elle l’avait plus ou moins découvert par hasard en tombant dans l’un des multiples portails éparpillant la surface de Terra. Ce qu’elle n’av ait jamais compris, c’était qu’apparemment, tous les portails de Terra renvoyaient à un endroit géographiquement précis de la Terre : Seikusu. De la Terre, ceux qui la connaissaient lui en renvoyaient des images négatives. Un « mouroir puant », comme l’avait tout simplement l’Omniprêtre quand Alice lui en avait parlé. Du peu qu’elle avait eu l’occasion de voir de la Terre, elle était loin de ressembler à un « mouroir ».

Quant au capitalisme... Alice en avait entendu parler, mais sans plus. Elle ignorait donc tout des théories libérales et ultralibérales, et, tout ce qu’elle en savait pour l’heure, c’est qu’il s’agissait d’une doctrine économique reposant sur la propriété privée, l’individualisme, teintée d’une forte hostilité à l’égard des pouvoirs publics, de l’État. Autant dire que, pour une Princesse, et, qui plus est, pour une citoyenne d’un Empire dictatorial, une doctrine prônant la méfiance des pouvoirs publics, et la limitation du rôle de l’État aux fonctions régaliennes, avait toutes les chances d’être déclarée comme une doctrine sécessionniste, rebelle.

Alice n’en savait pas assez sur la lecture des expressions faciles des gens pour déterminer ce qui traversait l’esprit de William, mais elle pouvait au moins se féliciter d’avoir déstabilisé cet homme. Paradoxalement, ceci encourageait la Princesse à faire preuve d’un grand sang-froid, même si son visage s’étirait parfois maladroitement en l’ombre de sourires pour exprimer sa fierté. La manière dont il serrait l’épaule d’Alice traduisait un homme assez musclé, ce dont Alice n’avait toutefois pas douté en le voyant rosser un garde. Il lui faisait presque mal, et William sembla s’en rendre compte. Il s’approcha du cou de la Princesse, qui sentit un léger frisson la parcourir, alors qu’il lui posait sa question. Décrire ses informateurs comme des « sbires » était un choix de mots assez curieux, donnant à Alice l’impression d’être à la tête d’une espèce de complot à son encontre. Se permettant alors un léger sourire, elle écarta du dos de sa main celle de William, qui était, à son goût, un peu trop proche de la sienne. Croisant les bras au-dessus de sa poitrine, elle entreprit ensuite de lui répondre :

« Si cela peut vous rassurer, mes informateurs ne m’ont pas dit que vous connaissiez la Terre. Ceci était une simple supposition de ma part, qui s’est avérée exacte. On vous a décrit comme un homme froid, détaché de tout, qui avait l’air de s’intéresser autant à la politique de Nexus qu’à l’évolution du cours des betteraves sur les marchés agricoles. D’autres rapports ont émis l’hypothèse que vous soyez une espèce de puits magique, quelqu’un annulant les effets de la magie. Le profil-type du bourgeois arrogant, nihiliste, qui ne croit en rien, et même pas en lui, et qui préfère passer son temps à séduire le beau sexe pour se donner l’impression d’exister. Un individu qui ne s’identifie à personne, soit parce qu’il s’estime différent, soit parce qu’il estime supérieur, soit pour ces deux raisons. Ce profil était séduisant, mais plusieurs choses ne collaient pas. »

Alice poursuivit donc, sur sa lancée :

« Pour commencer, si vous n’étiez qu’un simple notable en manque de sensations fortes, Coehoorn ne se serait jamais intéressé à vous. En toute logique, il doit savoir sur votre compte des choses que j’ignore... Ou que j’ignorais, apparemment. Du reste, j’imagine mal en quoi un simple bourgeois nexusien désœuvré viendrait se mêler de la politique étrangère ashnardienne en proposant de devenir un rebelle. Ça ne colle pas avec le profil. En clair, vous êtes une énigme, Monsieur Dolan. »

S’interrompant, elle se mordilla les lèvres, comme si elle réfléchissait sur la manière d’organiser de manière cohérente sa pensée, avant de lui glisser :

« Partant de là, j’ai fini par comprendre que vous aviez des choses qui vous tenaient à cœur. Et, comme la magie semble vous fuir, j’en ai déduit que vous la fuyiez également. Or, la magie est présente partout sur Terra. Que ce soit à Nexus, à Tekhos, ou à Ashnard, on en trouve des émanations partout. Seule la Terre fait exception. J’ignorais totalement que vous connaissiez la Terre, mais, si vous ne la connaissiez pas, je crois que vous m’auriez pris pour une cinglée en train de divaguer. Votre réaction indique que la Terre semble bien plus vous importer que Terra. Et vous avez l’air d’en savoir plus sur ce monde que moi... Tous ceux à qui j’en ai parlé m’ont dit que ce monde était sans intérêt. Officiellement, la Terre n’existe pas, mais la vérité est parfois plus complexe que ce qu’on aimerait en dire... Quoiqu’il en soit, tout ceci m’amène à me demander ce que vous faites là, Monsieur Dolan. Vous vous livrez à un jeu dangereux en essayant de trahir vos proches, et en le faisant auprès d’individus qui n’hésiteraient pas une seconde à vous égorger comme une poule de basse-cour si cela nous permettrait d’affaiblir un peu Nexus. Et, vu que les rapports entre Ashnard et Nexus me semblent assez éloignés des préoccupations terriennes, pourquoi vous trouver ici ? Pourquoi êtes-vous en train de risquer votre vie pour une guerre qui, fondamentalement, ne vous concerne pas ? »

C’était du moins l’impression qu’on avait. Il suffisait de prononcer le mot « Terre » pour que William devienne nerveux. Alice en déduisait donc que la Terre semblait bien plus lui importer que Terra. Dans ce cas, pourquoi se mêler d’une histoire qui ne concernait pas ses intérêts ? Par altruisme ? Par volonté de promouvoir la paix entre Nexus et Ashnard ? Il aurait fallu être le plus grand des niais et des idéalistes pour croire que cette guerre, ancestrale, se terminerait par de simples négociations politiques. De ce qu’Alice en savait, l’Histoire terrienne allait également dans ce sens.

William Dolan

E.S.P.er

Re : Rencontre officielle

Réponse 24 samedi 19 mai 2012, 14:54:30

Le sourire de la princesse trouva un écho déformé sur les lèvres de William. Elle se croyait toute puissante entre ses murs. Et pour cause, elle l’était. D’un seul mot, elle pouvait lui faire subir tout ce qu’il voulait et si les doigts du jeune homme se resserraient autour du cou de l’impudente, il serait transpercé avant que la vie n’ait eu le temps de s’échapper d’elle. Il n’aimait pas ce sentiment d’impuissance auquel il n’était pas vraiment habitué. Surtout que son égo avait du mal à accepter qu’une petite blondinette ait plus de pouvoir que lui. Tsss ! Vivement qu’il retourne sur terre !

Quant aux informateurs de la princesse, disons qu’ils étaient bien prolixes. William était bien surpris de tout ce que des Ashnardois pouvaient dire de lui. Par contre, son profil lui plaisait plutôt bien. Ce serait tellement plus simple que la princesse le considère comme on le lui avait décrit. Ses mystères n’en seraient que plus difficiles à percer. Le jeune homme se demandait bien d’où ces informateurs avaient-ils bien pu tirer qu’il était une sorte de séducteur frénétique sachant qu’il n’avait jamais pris femme sur Terra, que ce soit par amour ou par désir. Sans doute son profil et son allure le laissait-il penser. Une erreur…

-Une énigme aspire à être résolue, souffla-t-il alors que la mention de ce mot par la jeune femme attira ses mires sur elle.

« … mais ne le sera peut-être jamais ». Ensuite, la princesse expliqua le cheminement de sa pensée. Il y avait beaucoup d’hypothèses et de déductions, mais cela semblait satisfaire le jeune noble qui se détendait légèrement. William était également content d’apprendre que ses connaissances considéraient la terre comme sans intérêt. C’est comme constater avec soulagement que la part de gâteau que vous convoitez n’intéresse personne.

Ensuite, on en venait à se questionner sur les motivations de William Dolan. Cette fois, la princesse n’aurait pas sa réponse. Le jeu était peut-être amusant mais il ne fallait pas oublier le contexte dans lequel il s’inscrivait. Il était en ambassadeur et ne devait pas s’exposer plus que de mesure, surtout lorsque cela concernait des sujets aussi sensibles que ceux qui l’amènent ici. C’est pourquoi la conversation, bien que plaisante, devait se terminer ici.

-Sachez que je ne risque jamais ma vie, altesse. Le risque est un luxe que nous, mortels, ne pouvons nous permettre. Une leçon que certains n’apprennent que trop tard.

Pas vraiment un avertissement, mais juste un conseil. William savait très bien ce qu’il faisait et personne ne l’égorgerait comme une poule de basse-cour. Tout simplement parce que même le dernier des idiots ne tue pas ce qui lui est utile.

-Quant à ce que je fais là ? Demanda William qui avait retrouvé son petit sourire que certains trouvent si irritant. Je suis venu pour sauver une princesse prisonnière du méchant dragon afin de lui avouer mon amour.

Le sourire de William s’élargit devant sa propre bêtise, puis il jeta un léger coup d’œil au ciel. Les étoiles s’éteignaient les unes après les autres et même si la voûte était encore noire, on pouvait apercevoir une lueur rougeâtre se propager dans l’obscurité. Un éclat irradiant de l’est commençait à faire apparaitre quelques silhouettes nocturnes. L’aube arrivait. Un jour de plus arraché à la mort.

-Pardonnez-moi princesse, mais je vais prendre un dernier moment de repos avant que les rayons du soleil n’atteignent ma fenêtre. Vous noterez que je ne vous conseille pas d’aller vous coucher cette fois.

Avec un autre de ses sourires, il s’inclina pour finalement se retirer tout en accordant quelques secondes à la princesse pour répondre à ses facéties.

* * *

William ouvrit un œil, espérant avec ardeur que les coups qu’il venait d’entendre n’étaient qu’une partie plutôt réaliste de son rêve. Pourtant, ils furent réitérés tandis que quelqu’un tambourinait de nouveau à sa porte.

-Seigneur, il vous faut vous préparer, fit la voix fraiche et dispo de Thomass à travers la porte.

Comment faisait-il pour être réveillé à cette heure-là alors qu’il s’était assommé au vin pendant toute la soirée ? William poussa alors un grognement pour exprimer sa jalousie, ce que Thomass interpréta comme un signe qu’il était réveillé. Il n’insista donc pas plus longtemps et partit voir ailleurs.

Le jeune noble finit par se redresser et attrapa la dague dissimulée sous son oreiller et la remit dans le fourreau attaché à sa ceinture. Il s’habilla rapidement et passa à peine dix secondes devant le miroir pour secouer ses cheveux qui prirent très naturellement leur place habituelle. De toute façon, la coquetterie est l’apanage de ceux qui n’ont que cela à faire valoir. William hésita quelques instants avant de sortir de sa chambre, déterminant s’il n’avait rien oublié. Il tourna finalement les talons et sortit de son armoire un petit coffret. Celui-ci contenait un simple anneau. Sa matière était semblable au saphir mais l’absence d’arêtes montrait qu’il n’avait pas été taillé pour obtenir sa forme actuelle. Au lieu de le mettre au doigt, William le glissa dans la poche de sa jacket qu’il referma avec un bouton en argent.

Lorsqu’il sortit de sa chambre, Thomass était dans le couloir et observait avec ennui les diverses décorations qui l’ornaient. Il se retourna donc avec impatience lorsque la porte claqua et s’approcha de William avec un sourire nauséeux. Comme quoi, il avait toujours quelques séquelles de la veille, ce qui fit plaisir au jeune homme.

-Alors ? La soirée d’hier à portée ses fruits ? Demanda Thomass avec curiosité.

-Nous avons avancé, fit un William peu bavard.

-Ahah ! J’aurais bien aimé voir la tête d’Elias !

-Qui te dit que je ne te réserve pas le même sort ? Gronda le noble avec un regard aussi sombre que semblait l’être son humeur.

Thomass se tut et fronça légèrement les sourcils, se rendant visiblement compte que la conversation avec Dolan était des plus déplaisantes.

-Que faisons-nous maintenant ? Demanda-t-il avec plus de retenu.

-Nous attendons que sa majesté daigne nous accorder de l’attention. Comme son père est en compagne, je suppose que la régence doit lui accaparer la plupart de son temps. Des Nexusiens comme nous ne sont sans doute pas en tête de la liste de ses priorités.

-Ah ? Et… Qu’est-ce qu’on  fait en attendant ?

-JE me promène, JE visite, JE fais connaissance avec le beau sexe du château pour entretenir ma toute nouvelle réputation, et TU fais autre chose. Reste tout de même disponible.

Sur ce William, croisa les mains derrières son dos et s’éloigna sans un regard pour le pauvre Thomass qui regardait autour de lui en espérant trouver quelque chose qui soit digne de lui faire passe le temps.

Princesse Alice Korvander

Humain(e)

Re : Rencontre officielle

Réponse 25 samedi 19 mai 2012, 20:42:07

Ce n’était pas ce soir qu’Alice aurait sa réponse. William choisit de mettre fin à son propre jeu, et c’est à peu près en même temps que lui que la Princesse remarqua que la nuit était plutôt bien avancée. L’aurore commençait à pointer faiblement dans le ciel, quelques rayons éclairant paresseusement le ciel, comme pour chasser l’obscurité ambiante. William se contenta d’affirmer que risquer sa vie était quelque chose qu’il ne faisait pas. Affirmation assez curieuse, quand on savait qu’il se tenait dans un endroit où il n’était pas forcément le bienvenu. Loin de là, même. Les Ashnardiens n’hésiteraient pas une seule seconde à l’enfermer dans leurs geôles sinistres si jamais il devait s’avérer que William tentait de les doubler. Alice ne pensait toutefois pas que l’homme était suffisamment téméraire pour risquer de se mettre à dos, non seulement Nexus, mais aussi l’Empire d’Ashnard. Elle se contenta d’hausser les épaules quand il lui lança qu’il était là pour la sauver d’un méchant dragon, ce qui amena toutefois Alice à rapidement répliquer, avec un léger sourire :

« En réalité, William, je crois que c’est plutôt moi qui vous sauverai des méchants dragons. »

Une manière de lui rappeler que c’était elle qui détenait le pouvoir ici. Elle connaissait suffisamment les hommes et leurs instincts pour savoir qu’ils n’aimaient pas se voir rappeler leur position d’infériorité. Elle ignorait si c’était le cas pour William, mais il était de toute manière toujours bon de rappeler à un invité qui avait le pouvoir ici... De surcroît quand l’invité en question n’hésitait pas à trahir sa propre famille.

Pour Alice, la fin de nuit fut assez tranquille. Elle retourna dans sa chambre, et le sommeil finit par la trouver Il fut désormais sans rêve, et elle fut, comme en chaque fin de matinée, réveillée par ses servantes.

« Hnnnn... protesta la Princesse. Je veux dormir…
 -  La Princesse devrait savoir qu’on ne peut pas dormir en se promenant dehors la nuit répliqua Loãra, sa fidèle femme de ménage et nourrice depuis d’innombrables années, en faisant les draps.
 -  J’ai été priée pour que mon père revienne sain et sauf, prétexta Alice.
 -  En plein milieu de la nuit ? Les dragons aussi ont besoin de dormir.
 -  Mouais... Ça ne les empêche pas de gueuler toute la nuit, pourtant. »

N’ajoutant rien, Loãra regarda Alice. Chaque jour apportait à une Princesse son lot d’occupations. Elle sortit du lit, et, quand elle fut prête, elle alla sur une terrasse, observant un peu la région, en compagnie de plusieurs gardes. Coehoorn s’était levé aux aurores, et se trouvait dans la partie haute de la ville, s’entraînant avec les soldats, ou essayant d’en savoir plus sur Sylvandell et ses coutumes. Alice n’était pas dupe. Ses négociations avaient aussi pour objet d’éprouver la loyauté des Sylvandins à l’égard de l’Empire, ainsi que la capacité militaire du royaume, si jamais ce dernier devait se retourner contre l’Empire. Un scénario hautement improbable, naturellement, mais pas impossible. Rien ne l’était, et, dans une telle situation, mieux valait avoir quelques informations importantes sur les capacités militaires du royaume.

« Aujourd’hui est un grand jour, Votre Altesse, lâcha un homme à côté d’Alice.
 -  Hum ?
 -  Auriez-vous oublié ?! Il y a une intronisation ! »

Alice rougit légèrement, et regarda un autre des soldats, qui confirma. Une cérémonie d’intronisation était toujours un grand évènement, mais Alice l’avait, en effet, totalement oublié ! Entre son père qui était parti, et les négociations, elle avait oublié. Elle se reprit rapidement. Ce n’était pas trop grave.

« Il faut donc se rendre à la Cathédrale. »

Une cérémonie d’intronisation désignait tout simplement le moment où un apprenti dragonnier avait fini son entraînement, et pouvait rejoindre le plus haut rang militaire de Sylvandell : l’ordre des dragonniers. Rejoindre cet ordre était extrêmement difficile, car il fallait un entraînement rigoureux sur tous les aspects : physique, magique, et mental. C’était donc un entraînement long et complexe, où le dragonnier devait également se faire accepter par l’un des nombreux dragons de Sylvandell. Chacun y trouvait son compte. Les Sylvandins disposaient d’un dragon supplémentaire, tandis que les dragons pouvaient former l’un des jeunes dragons. L’intronisation d’un dragonnier dans l’ordre était toujours un grand évènement, à laquelle le peuple était convié, et qui était autant une cérémonie religieuse que militaire.

En l’occurrence, le dragonnier en question s’appelait Rohn, et, en l’absence du père d’Alice, c’était elle qui présiderait la cérémonie. Cette dernière commençait dans la cathédrale, et se terminerait ensuite par une démonstration de vols. La plupart des dragonniers n’étaient pas là, de même que les soldats, mais il en restait malgré tout suffisamment pour pouvoir organiser la cérémonie.

*Je suis sure que le Maréchal le savait, et qu’il a organisé ces pourparlers avec les Nexusiens pour avoir l’occasion d’assister à ça…*

Rares étaient en effet sur Terra les ordres de dragonniers aussi nombreux L’ordre de Sylvandell comprenait bien quelques centaines de dragonniers, ce qui était très impressionnant. L’armée en elle-même comprenait des milliers de troupes, ce qui ne rendait l’ordre qu’encore plus prestigieux. Les secrets de cet ordre se perdaient dans les prescriptions et les manuels qu’Erwan Korvander, le Premier Roi, avait jadis écrits, et qui n’étaient accessibles qu’à une petite partie des habitants du royaume.

« Quand la cérémonie aura-t-elle lieu ?
 -  Nous ne sommes pas en retard... Mais pas non plus en avance.
 -  Alors, il faut s’y rendre sans plus tarder, trancha Alice.
 -  Et... Au sujet des Nexusiens, que fait-on ?
 -  Ils sont libres de vaquer à leurs occupations. Je ne vais pas les forcer à assister à une cérémonie s’ils n’en ont pas envie. Assurez-vous juste qu’ils ne mettent pas leurs nez dans des zones privées. Je peux vous faire confiance pour vous occuper de ça ?
 -  Majesté » confirma poliment le garde en s’inclinant.

Une colonne de feu vert s’échappait de la cathédrale, et de plus en plus de gens venaient. Il n’y avait pas que des dragonniers, mais aussi des dragons qui volaient dans le ciel, des dragons libres. Pour eux comme pour les Sylvandins, une cérémonie signifiait beaucoup. Quand un dragonnier rencontrait un dragon, les deux se formaient. Le soldat, et le jeune dragon. La cérémonie récompensait donc autant les petits humains que les massifs dragons, et voir des dizaines de dragons voler dans le ciel en rugissant et en crachant des jets de feu, c’était un spectacle que la populace, et à raison, appréciait.

Deux individus assisteraient Alice : l’Omniprêtre, qui dirigeait le clergé de Sylvandell, et Loden, le Grand Maître des Dragonniers. Ils étaient bien à Sylvandell. L’Omniprêtre ne se déplaçait que rarement, tout comme le Grand Maître. Ils ne participaient qu’aux campagnes militaires de grande envergure. Voilà au moins qui donnerait à Alice l’occasion de changer un peu de registre. Quant aux Nexusiens... Et bien, William était libre de faire ce qu’il voulait, après tout. Après leur conversation nocturne, Alice ne savait toujours pas trop quoi penser de cet homme. Elle restait convaincue qu’il lui cachait quelque chose, mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

*Tant pis... Je verrais ça plus tard...*

William Dolan

E.S.P.er

Re : Rencontre officielle

Réponse 26 dimanche 03 juin 2012, 22:20:42

William observa attentivement la jolie brune qui se tenait bien droite face à lui. Son visage neutre et solennel contrastait avec sa bouille douce et juvénile. Elle était vêtue d'une jolie robe de soie bleu ciel, ceinturée par un ruban crémeux. Sa coiffure rabattue en un chignon sophistiqué laissait s'échapper quelques mèches noisettes qui cascadaient sur ses épaules nues. La jeune femme s'inclina délicatement devant le Nexusien, puis se releva avec la même lenteur. Son air sérieux s'évapora alors bien vite et céda la place à un magnifique sourire.

-Et voici, la révérence de Sylvandell, déclara la jeune femme avec entrain.

William lui rendit son sourire. Comme prévu, il s'était promené dans le château, suivi de loin par quelques gardes qui s'assuraient sans doute qu'il ne fourre pas son nez dans les zones sensibles. Il avait visité les lieux, et enfin, avait fait connaissance avec le beau sexe. William s'était demandé si les femmes nobles de ce pays n'étaient toutes des garçons manqués semblables à des ours des montagnes. Ce qui expliquerait peut-être les banquets remplis de braillards mal élevés, ainsi que le fait que la princesse était le seul et unique joyaux de Sylvandell, les autres femmes ne pouvant guère rivaliser. De toute évidence, il semblerait que non. Il y avait des femmes, elles portaient des robes et pouvaient même être très ravissantes. Quelle surprise!

La petite brune qui accompagnait William était apparemment la fille d'un comte. Elle lui avait bien dit son nom de famille mais le jeune homme ne voyait pas bien à quoi il correspondait. Quoiqu'il en soit, cette dernière était jeune et éprouvait plus de curiosité à l'égard du Nexusien, que de méfiance. Dolan, quant à lui, profitait de cette opportunité pour s'imprégner des protocoles et des coutumes du pays afin que l'incident d'hier ne se reproduise pas, et, il semblerait que ça ne dérangeait pas du tout la damoiselle qui répondait à toutes ses questions.

-Dites-moi, Éléonore, commença William en jetant un regard distrait au ciel visible à travers les fenêtres du corridor. Ça ne vous gêne pas de ne pas avoir de prince et de savoir que le trône sera régit par un couple de femmes lorsque votre roi rendra l'âme?

Éléonore fronça les sourcils et jeta au jeune homme un regard interloqué. Le Nexusien avait pourtant été très agréable jusqu'à maintenant.

-Non, je ne vois pas en quoi cela change quoique ce soit, fit-elle avec force persuasion. Je vous trouve très peu... ouvert d'esprit sur ce point, sire Dolan.

William acquiesça et lui offrit un sourire félin.

-Merci.

La jeune noble ouvrit la bouche pour poursuivre le débat, mais une ombre qui passait par la fenêtre, sauva le Nexusien de justesse. Elle s'approcha aussitôt de la vitre et y colla presque son nez pour chercher la source de cette ombre fugace, et elle la trouva. Dans le ciel, un dragon opérait des manœuvres complexes tout en crachant son feu, laissant des boules de fumée opaque, vite dispersées par les tourbillons d'air que formaient ses puissantes ailes.

-Oh! J'avais complètement oublié l'intronisation! S'exclama Éléonore.

William haussa un sourcil interrogatif, mais la jeune femme renonça à lui expliquer, glissant plutôt son bras sous le sien pour l'entrainer derrière elle, aussi rapidement que ses petits pas le lui permettaient.

-Il faut absolument que vous voyez cela, sire Dolan, asséna-t-elle pour palier à toute éventuelle protestation.

N'ayant de toute façon pas le choix, William se laissa emmener à cette intronisation, espérant seulement qu'il ne s'agisse pas d'un équivalent de la fête de l'huitre, célèbre dans tous les trous paumés du globe. Mais de toute évidence, William était bien loin du compte. La colonne de feu vert qui s'échappait de la cathédrale vers laquelle Éléonore s'échinait à trainer William, semblait peu rassurante, mais très distrayante.

Tandis qu'elle l'emmenait vers une place d'où on pouvait bien voir la cérémonie, Eléonore lui expliqua ce en quoi l'intronisation consistait. Autant dire que la symbolique et l'aspect sacré d'un jeune soldat se liant avec un lézard volant cracheur de feu, passaient bien au-dessus de la tête du Nexusien, qui assimilait les informations sans les commenter. William aperçut alors la princesse et se mit à la fixer avec attention. Il avait éprouvé sa harangue en privé. Il était maintenant curieux de voir ce qu'il en était devant un publique... Son peuple.

-Merci de m'avoir emmené ici, Éléonore, fit-il à la jeune femme qui l'accompagnait. Je sens que ça va être instructif.

La petite brune ouvrit la bouche pour répondre, mais se contenta finalement d'un ravissant sourire à l'adresse du jeune homme. Il ne le vit pas ; son regard émeraude fixé sur le joyaux de Sylvandell.

Princesse Alice Korvander

Humain(e)

Re : Rencontre officielle

Réponse 27 lundi 04 juin 2012, 18:22:33

La cathédrale de Sylvandell bouillonnait de vie. C’était toujours impressionnant de voir tant de monde. Alice ne se faisait pas d’illusions ; la plupart des Sylvandins ne connaissaient pas Rohn, mais venaient surtout pour avoir l’occasion de voir des dragons. Ces bestioles constituaient après tout l’attractivité touristique majeure de Sylvandell, bien devant les paysages montagneux ou l’observation du décolleté de la Princesse. S’il y avait une foule impressionnante à l’intérieur, c’était encore plus vaste dehors. Les premiers bancs étaient tous occupés par des militaires, Commandeurs comme dragonniers, ou encore certains barons qui s’étaient donnés la peine de venir. Alice se tenait sur le grand autel de la cathédrale, debout dans une belle robe blanche. Elle avait une chevelure complexe, et portait une couronne sur sa tête.

*Voir tant de monde, ça m’échauffe toujours un peu...*

Alice tourna la tête vers Loden. Le Grand Maître était dans son armure de dragonnier. Il avait une barbe grise et de longs cheveux. Il était assez âgé, parcouru de rides, mais ses yeux étaient encore vifs.

« Rohn ne tardera pas à sortir, Votre Altesse. »

Rohn était dans la Cathédrale depuis hier soir. Pour lui, l’intronisation avait déjà commencé par une nuit entière à méditer et à prier dans les salles de prières silencieuses et isolées de la Cathédrale. Une nuit entière à récapituler l’état de sa vie, les étendues de ses serments envers Sylvandell et la patrie des dragons. Il ne tarderait pas à sortir d’une grande porte à double battant dans un coin, qui se situait derrière le Grand Feu, cette espèce d’immense brasier dans le chœur. En sortant, Rohn devra contourner le Grand Feu, longeant ainsi les immenses statues en marbre représentant les plus grandes personnalités de Sylvandell : Erwan Korvander, le Fondateur de Sylvandell, Premier Roi, et Premier Grand Maître, Noruah Säarthrell, l’Omniprêtre qui avait permis il y a plusieurs siècles d’empêcher une guerre civile entre Sylvandell et l’Empire d’Ashnard, Karin Korvander, la « Reine Rebelle », dont le visage était coupé en deux par une cicatrice, et qui s’était fait connaître en rejoignant la rébellion contre l’Empereur Fou... Il y en avait tant. Ils étaient le poids de l’Histoire, et Alic,e comme tant d’autres, étaient leur héritage. Dans le ciel, ils les observaient, et Alice sentait leur regard peser sur elles.

Les portes finirent par s’ouvrir, et, dans les recoins de la nef, des tambours se mirent lentement en marche. Il y avait deux rangées de soldats, et on intima un silence absolu, les mères faisant signe aux enfants de se taire. Lentement, les portes immenses s’ouvrirent, et un petit homme en sortit. Petit, par rapport aux massives statues. Rohn ressemblait à une espèce de nain, qui s’avança tout droit. Une courte chevelure noire. Des yeux bleus reflétant une assurance inébranlable, mais aussi une vive émotion. Il avança au milieu des statues, dans l’ombre verdoyante des flammes, et contourna le Feu pour atteindre l’estrade. Sentait-il derrière lui le poids de Sylvandell ? Tout le royaume le regardait, et son regard restait surtout concentré sur celui du Grand Maître, qui affichait un très léger sourire. On disait de Rohn qu’il était du genre assez effacé, plutôt timide. En le voyant se rapprocher, Alice vit que ses yeux étaient légèrement rougis, signe qu’il avait du verser quelques larmes d’émotions.

Il se rapprocha de l’estrade, et le Grand Maître, comme la coutume l’exigeait, prit la parole :

« Chevalier Rohn, en ma qualité de Grand Maître de l’Ordre des Dragonniers de Sylvandell, j’ai l’immense honneur de vous décerner la Croix de Feu. »

Rohn inclina poliment la tête, alors que le Grand Maître, dans un silence religieux, recevait de la part de l’Omniprêtre un coffre ne bois, comprenant la Croix de Feu. Il s’agissait d’une médaille, une distinction qu’on ne distribuait qu’aux dragonniers. Alice restait en retrait, les observant silencieusement. Elle parlerait plus tard, mais, pour l’heure, elle ne faisait qu’observer. Loden avait une longue cape écarlate, et descendit vers Rohn, lui mettant la Croix de Feu sur le torse, à l’emplacement de son cœur.

« Relevez-vous, lança Loden d’une voix forte. Relevez-vous, Dragonnier Rohn ! »

Rohn obtempéra, et ce fut l’heure des vivats, des sifflements, et des applaudissements. Se retournant, ému, avec un sourire aux lèvres, Rohn ne tarda pas à être serré dans les bras de sa mère, qui en avait les larmes aux yeux. Son père avait un fier sourire sur les lèvres, et le petit-frère de Rohn le regardait avec des yeux admiratifs. La famille pouvait se permettre d’être heureuse ; les dragonniers étaient l’élite du royaume. Loden et Rohn remontèrent alors le long de la Cathédrale, traversant la nef et les bancs, sous les applaudissements. Rohn serra quelques mains, reconnaissant des camarades. Derrière eux, Alice remontait, l’Omniprêtre suivant de loin. C’était lui qui détenait les Croix de Feu, et son rôle était donc officiellement terminé. Il suivit toutefois la procession. Deux gardes entouraient Alice, qui vit, dans un coin, le Maréchal Coehoorn, observant silencieusement la scène, bras croisés.

La Princesse sortit de la cathédrale, tandis que le public se relevait et sortait également. Elle avança sur un perron, et vit une impressionnante foule. Une estrade avait été dressée pour l’occasion au centre de la cour, et les dragons volaient dans le ciel. Plusieurs s’étaient posés sur les tours et les colonnes de la cathédrale, crachant du feu. Alice alla sur l’estrade, émue. Se mordillant les lèvres, elle attendit que les vivats s’affaiblissent un peu. La foule hurlait, scandant le nom de l’homme :

« ROHN ! ROHN ! ROHN ! ROHN ! ROHN ! »

Alice souriait. Rohn la rejoignit, les joues rouges, et elle alla l’embrasser sur la joue.

« Princesse... soupira ce dernier.
 -  C’est le moins que vous méritiez, Dragonnier. »

Retournant la tête, la Princesse dévisagea le peuple, et s’éclaircit la gorge, avant de parler d’une voix forte, amplifiée par la magie :

« Sylvandins, Sylvandines, c’est avec une grande joie que je vous annonce que l’Ordre des Dragonniers de Sylvandell vient de se doter d’un nouveau membre, en l’illustre personne de Rohn !
 -  ROOOOOHHHNNNN !!! »

Alice ménagea volontairement une petite pause, avant de reprendre :

« Le dragonnier Rohn est né sur nos terres. Il y a grandi, et suit depuis l’âge de ses treize ans une formation militaire couronnée de succès. C’est pour moi, en l’absence de notre Roi, un immense honneur, une grande fierté, que d’annoncer officiellement son intronisation au sein de l’Ordre ! »

Il y eut de nouveaux applaudissements, amplement mérités, et Alice s’effaça ensuite, afin de laisser parler Rohn. Ému, ce dernier remercia beaucoup de gens : sa famille, sa formatrice, le Grand Maître, ses amis... Rohn balbutiait, ne sachant pas trop quoi dire, et les applaudissements finirent par le faire taire, ainsi que les rugissements des dragons.

« RRRROOOOAAAAAAARRRRRRRRR !!! »

On n’entendit dès lors plus que les rugissements tonitruants des dragons. Certains enfants gémirent en portant leurs mains sur leurs oreilles, mais les dragons étaient extrêmement bruyants. Tous hurlaient et volaient, crachant des jets de feu, volant parfois près de la foule, renversant parfois quelques humains. Ils n’étaient pourtant pas agressifs, et, au bout de plusieurs minutes, Alice vit la raison de toute cette agitation. Un dragon s’approchait. Il avait de belles écailles rouges sombres, et Rohn le reconnut. On comprit alors la raison de son approche, et les gardes se mirent à hurler :

« Écartez-vous ! Vite, écartez-vous ! »

Le dragon rouge approchait en rase-mottes, et les Sylvandins se bousculèrent en s’éloignant, afin de lui laisser un passage. Plusieurs tombèrent par terre dans la précipitation, mais il n’y eut aucun blessé. Tous les dragons se turent alors, et le dragon rouge s’écrasa dans un nuage de poussières devant l’estrade, sa tête atterrissant devant Rohn. Avec un large sourire, ce dernier tendit ses mains, et caressa son museau avec ses mains gantées. Le dragon le fixait avec ses yeux de reptile, et Rohn descendit alors. Les ailes du dragon étaient recourbées, et Rohn grimpa sur son dos. Le dragon n’avait pas sa selle. Jambes écartées, Rohn se mit au milieu de son dos, et le dragon s’élança alors. Les dragonniers devaient tous maîtriser cet art magique si particulier qui leur permettait de communiquer avec les dragons. Le dragon rouge s’envola comme une flèche, et les autres le suivirent. S’envolant presque à la verticale, le dragon de Rohn décrivit ensuite une boucle enflammée dans le ciel, avant de descendre en piqué, plongeant vers la masse de dragons. Tous s’écartèrent alors, formant une espèce de long et impressionnant tube d’ailes et de queues tournoyantes entre elles, des colonnes de feu jaillissant de ce tube tournoyant, jusqu’à ce que le dragon de Rohn en ressorte, pour s’envoler au-dessus de la Cathédrale.

Se remettant de sa surprise, la foule ne tarda pas à hurler plusieurs noms, les dragons assurant un show aérien et enflammé.

« ROHN ! ROHN ! ROHN ! SYLVANDELL ! SYLVANDELL ! ROHN ! »

D’autres dragonniers apparurent alors. Ceux qui n’étaient pas partis en campagne. Une formation de cinq dragons, avec, au centre, le Grand Maître. Ce dernier s’était en effet éclipsé, et les cinq dragons rejoignirent Rohn, avant de se séparer en deux formations de trois dragons chacun, l’ensemble formant un fascinant ballet, une danse de feu et de pirouettes.

« Impressionnant, non ? »

Tournant la tête, Alice vit l’Omniprêtre. Mains derrière le dos, le vieil elfe observait la scène.

« Très » dut admettre Alice.

L’Omniprêtre parla alors d’un tout autre sujet :

« Méfiez-vous.
 -  Que voulez-vous dire ? »

Le vieil elfe fit une moue sur les lèvres, avant de lâcher, sur un ton sibyllin, trois mots qui restèrent dans l’esprit de la Princesse :

« Ashnard nous craint. »

William Dolan

E.S.P.er

Re : Rencontre officielle

Réponse 28 samedi 16 juin 2012, 12:40:29

-Les lézards ont l’air content, fit remarqué William.

En effet, les dragons rugissaient tout leur saoul en crachant de puissants jets de flamme. Ils n’avaient pas une grande considération pour le publique qui était bousculé par les bourrasques produites par leurs immenses ailes membraneuses. Cela accompagné de grands claquements sonores. Toutefois, ça n’avait pas empêché Eléonore d’entendre la remarque peu respectueuse du nexusien.

-Ce sont des dragons, clama-t-elle d’un air outré. Pas de vulgaires animaux !

Elle jeta alors un regard furibond au jeune homme pour le défier de la contredire ou pour le menacer d’ajouter tout propos irrespectueux. Ce dont ce garda bien William, qui se contentait d’avoir une nouvelle fois fait sortir la jeune femme de ses gonds. C’était tellement amusant ! Et puis, ça lui donnait un peu d’occupation dans cette cérémonie auquel il ne comprenait pas grand-chose.

-Les « dragons » ont l’air content, se corrigea William.

La jeune fille lui lança alors un regard soupçonneux, comme pour tenter de deviner s’il se moquait de nouveau d’elle, puis redirigea son attention sur la cérémonie avant de s’exprimer d’une voix fière et solennel.

-C’est un grand moment pour eux comme pour nous, expliqua la jeune femme. C’est aussi leur intronisation.

William ne fit aucun commentaire et se contenta d’écouter le discours de la princesse. Dieu merci, il n’avait rien de pompeux ou d’exagéré. Et puis, à entendre les gens qui scandaient le nom du dragonnier, elle avait un bon retour de son publique. A croire qu’il s’agissait d’un royaume stable et prospère. On en oubliait presque que ce peuple était pauvre et que sa seule chance de survivre était d’aller parasiter les autres nations pour leur soutirer leur richesse. Une richesse qu’ils étaient incapable de produire eux-mêmes. A vrai dire, William n’osait pas pronostiquer de l’avenir d’un tel fonctionnement, puisque dans ce monde, les parasites se nommaient « les forts » et les autres s’appelaient « les faibles ». De toute évidence, les forts sont toujours les derniers à mourir… à moins de se faire dévorer par plus gros qu’eux.

-Pourquoi Ashnard ne fait-elle pas exécuter la famille royale de Sylvandell et ne met pas l’un de ses fidèles sur son trône, demanda William bien qu’il connaissait déjà la réponse.

En fait, il voulait juste s’assurer que la noblesse avait conscience de la raison pour laquelle elle était toujours en vie et que leur tête n’ornait pas les portes de la cité. La question parut choquée une nouvelle fois la jeune noble qui regardait le nexusien avec des yeux ronds. En gentleman, William lui donna tout le temps de répondre, attendant avec patience.

-Par…Parce que… les dragons ne s’allieraient qu’à un Korvander… balbutia-t-elle très justement.

William acquiesça silencieusement, puis s’excusa auprès de la jeune fille avant de prendre congé.

-Mais la cérémonie n’est pas terminée, protesta-t-elle faiblement.

Le jeune homme invoqua une affaire pressante pour ne pas lui avouer qu’il en avait assez vu, ainsi que pour se débarrasser élégamment de la collante jeune femme.

* * *

William tambourina à la porte de la chambre de son homme de main et attendit en tapant du pied. C’était la fin de journée et il espérait avoir une entrevue avec la princesse avant d’avoir à subir un nouveau diner avec toute la clique de pue-la-sueur qui compose son armée. En fait, il avait hâte de terminer les négociations et pensait le faire dés aujourd’hui. L’hospitalité des Korvanders était irréprochable mais Terra commençait à lui peser. Il était donc grand temps d’accélérer les choses.

-J’arrive, j’arrive, grogna une voix avinée. Cessez de taper comme cela.

William eut alors une expression courroucée et frappa de plus belle sur le bois, et ne s’arrêta que lorsque son ivrogne de serviteur lui ouvrit la porte en se tenant la tête.

-Vous vous êtes saoulé tout seul ? Et en plein milieu de l’après-midi ? Demanda William.

L’intéressé acquiesça et haussement les épaules en grognant un « j’m’ennuyais » à peine audible. William le « pria » instamment de se préparer et accompagna sa demande de divers menaces destinées à le motiver. Cela semblait fonctionner puisqu’il sauta dans un pantalon et se mit à suivre William tel un zombie. Le noble Nexusien se présenta à une garde royale et énonça sa requête.

-Nous aimerions savoir si la princesse est prête à nous recevoir afin que nous puissions reprendre les négociations.

« Et les terminer » ajouta-t-il pour lui-même.

Princesse Alice Korvander

Humain(e)

Re : Rencontre officielle

Réponse 29 samedi 16 juin 2012, 19:00:36

« J’ignorais que vous montiez si bien à cheval, Maréchal !
 -  Je suis un Maréchal, répliqua celui-ci en haussant les épaules. Permettez-moi de vous retourner le compliment. On dit au Palais impérial que vous êtes bonne cavalière, et je vois qu’on ne s’est pas trompés... »

Un grand éclat de rire accueillit cette phrase. Alice tourna la tête vers le Maréchal, tenant par la bride Éclipse, son cheval. Un ancien cheval de guerre, qui était utilisé par les courtiers militaires pour rapidement transmettre des messages d’un camp à un autre. Par quelle obscure magie Éclipse s’était-il retrouvé à Sylvandell, c’était là l’un des mystères de la guerre et du partage du butin.

« Vous en doutiez, Maréchal ? »

Ce dernier haussa les épaules, la suivant. Coehoorn était sur un destrier noir, alors qu’Alice chevauchait un pur-sang. Tempête était le nom du destrier du Maréchal, et il devait probablement s’agir de l’un des meilleurs chevaux de l’Empire.

« Quand j’étais petite, mon père a tenté de voir dans quelle domaine militaire je pouvais présenter un tant soit peu de talents. Les Korvander sont une famille de guerriers. Autant vous dire que je n’ai excellé dans aucune des disciplines militaires, que ce soit l’art de manier le sabre, ou celui de tirer des flèches. En définitive, la seule chose qui m’a plu a été de monter à cheval. »

Le Maréchal hocha lentement la tête. Les deux cavaliers se trouvaient le long d’un magistral précipice, d’où on pouvait voir, au loin, une série de montagnes. Entre ces montagnes et la piste où ils se tenaient, le lac de Sylvandell s’étalait. Une grande étendue d’eau glaciale. Alice considéra silencieusement ce lac désert, ou presque. Il y avait quelques individus, qui formaient de petites tâches noires, et qui avançaient le long du lac. Ce dernier n’étant pas dans le Territoire des Dragons, on pouvait y aller sans problème. Il y avait toujours des gens qui essayaient de se baigner dedans. Il fallait aimer les bains d’eau froide...

Depuis l’intronisation, Alice, quand elle avait réalisé qu’il n’y aurait pas de doléances cet après-midi, avait bondi sur l’occasion pour faire du cheval. L’équitation était son petit plaisir secret. Elle adorait se rendre dans les plaines, et galoper à vive allure, sentir le vent fouetter ses cheveux, l’amenant à courber son dos, sentir les soubresauts du corps endurant d’Éclipse... Elle n’avait pas tenu compte de l’avertissement de l’Omniprêtre. Il était vieux et grincheux, ce qui en faisait justement un bon Omniprêtre, et, quand Coehoorn était venu lui proposer de galoper avec elle, elle n’avait pas refusé. Néanmoins, Coehoorn n’avait pas tenu à se rendre dans les plaines, mais à galoper le long de sentiers filant à travers la montagne, et qui contournaient le Sanctuaire des Dragons.

« Je vois ça... »

Ils traversèrent ce sentier escarpé longeant un ravin, et qui les conduisit à l’orée d’une solitaire forêt. Dans les cieux, on pouvait parfois voir des dragons voler. Profitant des rares parcelles d’herbe se trouvant dans le coin, Éclipse se mit à brouter, et Alice tourna une nouvelle fois sa tête vers Coehoorn.

« Alors, dites-moi... Qu’est-ce que vous recherchez réellement à Sylvandell ?
 -  Que voulez-vous dire ? »

Elle eut un léger sourire. Coehoorn feignait la surprise, mais il n’était pas un très bon menteur. Il était bien moins doué que son frère sur ce point. C’était d’ailleurs lui qui aurait du se trouver là, pas le Maréchal.

« Ce Dolan... Vous ne pouvez pas croire sérieusement qu’il agira en notre faveur, non ? C’est un menteur et un fourbe. Et la somme qu’il réclame... Elle est ridicule.
 -  C’est un fait, répondit prudemment Coehoorn. Ces négociations sont ridicules... Croyez-le ou non, mais je ne suis pas fait pour ça. Je préfère être sur un champ de bataille. Là, l’ennemi est identifié, il n’y a pas de... De manœuvres.
 -  Alors, pourquoi être ici ?
 -  Vous le savez très bien. J’obéis aux ordres, comme tout bon militaire. Mais c’est un fait : les ambitions personnelles de ce Nexusien ne sont pas ce qui intéresse l’Empire ici. »

Alice laissa planer un léger silence, regardant les arbres.

« L’Empire rêve toujours de s’approprier nos formules... » commenta-t-elle.

Coehoorn ne répondit pas immédiatement. Son destrier s’avança, et il se rapprocha de la Princesse. Les « formules de Sylvandell » désignaient un ensemble de potions et de rites magiques qui permettaient à des hommes de s’unir avec des dragons, et ainsi de constituer des dragonniers. Ces rites étaient secrets, et les dragonniers eux-mêmes ne savaient que peu de choses à ce sujet. L’Empire avait, à bien des reprises, tenté de s’approprier ces rites, donnant parfois lieu à de sévères incidents diplomatiques. Le dernier en date avait d’ailleurs convaincu le royaume de se mêler à une guerre civile pour destituer un Empereur fou, il y a de cela plusieurs décennies. Néanmoins, la guerre interne était encore fraîche dans les mémoires.

« Évidemment, mais ce n’est pas pour ça non plus que je suis là... »

Pour le coup, Alice fut surprise. Coehoorn avait minutieusement choisi ses mots. Elle le regarda donc, sans pouvoir dissimuler sa surprise. Le Maréchal en eut un léger sourire, et poursuivit :

« Vous n’êtes pas sans ignorer que ma famille a... Beaucoup souffert de vos dragons. Je mentirais en disant que nous ne vous en portons toujours pas rancœur, mais ceci ne concerne que les membres les plus âgés de notre famille, ceux qui sont incapables de se tourner vers l’avenir, et préfèrent s’enfermer dans les placards du passé. Pour moi, quand vos ancêtres ont décidé d’envoyer leurs dragons brûler nos terres et aider le siège de Kalthaïs, ils ont bien agi. »

Une époque qu’Alice connaissait bien, pour avoir lu beaucoup de livres à ce sujet. Coehoorn poursuivit :

« Nous nous sommes renseignés sur vous. Sur votre peuple, sur ces montagnes, sur vos dragons. Sur vos légendes. Sur la fondation de Sylvandell. Sur le pacte passé entre Erwan Korvander et les dragons. »

Alice retenait son souffle. Elle savait où Coehoorn voulait en venir, et finit par sourire. C’était désormais à son tour de feindre l’ignorance :

« Les légendes sont ce qu’elles sont. Un militaire ne devrait s’intéresser qu’aux faits.
 -  Un militaire sait aussi qu’une légende a toujours pour base des faits. Et, croyez-moi, le Conseil prend très au sérieux les menaces internes.
 -  Sylvandell n’est pas une menace ! Nous, pas plus que les dragons !
 -  Vous, c’est un fait établi. Vos dragons, c’est discutable. Et les autres habitants de cette chaîne de montagnes ?
 -  Des clans de barbares et de sauvages répondit Alice en haussant les épaules.
 -  Vos légendes font mention d’un fort abandonné. Un fort perdu au milieu des volcans et de la lave, dans les profondeurs les plus noires de la région, dont les murs ne craindraient pas le feu volcanique.
 -  Comme vous le dites si bien, ce sont précisément des légendes. Les services de renseignements impériaux doivent vraiment devenir médiocres, pour que vous couriez après des fantômes. »

Le ton d’Alice était assez sec. Elle ne tenait pas à en parler plus, et fit marche arrière, rebroussant chemin.

« La nuit tombe vite par ici. J’ai été ravie de cette promenade en votre compagnie, Maréchal. »

Coehoorn ne répondit pas, et resta sur place pendant un certain temps, tandis qu’Éclipse reprenait le sentier ramenant vers le Château. Un léger soupir finit par s’échapper des lèvres du Maréchal, qui rebroussa à son tour chemin.

Lorsque les deux cavaliers revinrent au Château royal, le soleil commençait effectivement à se coucher. Un vent frais se levait, et c’est devant le pont menant au château qu’Alice arrêta son cheval. Elle tapota sa tête avec ses gants noirs, arquant un léger sourire.

« Prêt à pulvériser ton record, Éclipse ? »

Au même moment ou presque, William parlait à un garde, demandant s’il était possible de s’entretenir avec la Princesse. Le garde moustachu répondit en haussant les épaules.

« La Princesse n’est pas là, se contenta-t-il de dire. Si j’étais vous, j’irais dans la cour, elle ne devrait plus...
 -  OUVREZ LES PORTES ! OUVREZ LES PORTES ! » rugit une voix venant du dehors.

Le garde, William, et le serviteur de William, étaient dans un couloir jouxtant une porte entrouverte donnant sur une chambre avec une terrasse. C’est depuis cette terrasse que les cris des gardes venaient. Le long du grand pont menant au Château, un cheval cavalait en effet à toute allure, forçant quelques badauds à s’écarter précipitamment. On pouvait voir une longue chevelure blonde voler, tandis que le cheval, au triple galop, remontait le long du pont. Il passa dans le corps de garde, et Alice tira alors sur la bride, comme pour lui faire signe de s’arrêter. Le cheval se redressa alors en s’appuyant sur ses pattes arrières, faisant voler de la poussière. Alice poussa un grand éclat de rire, se retrouvant à la verticale, et lâcha les rênes.

« Hiiiiii ! »

Tombant à la renverse, Alice tomba sur les fesses, roula en arrière, et se retrouva couchée sur le ventre, tandis qu’Éclipse soufflait lentement, remuant sa crinière. Un garde aida Alice à se relever. Cette dernière avait un grand sourire sur les lèvres, et s’épousseta. Elle portait une tenue de cavalière, soit un pantalon en cuir, des gants noirs, et une chemise blanche. Elle retira son casque, et tourna sa tête vers un homme :

« Alors ? Éclipse a-t-il battu son record de vitesse ?
 -  Une belle pointe, Votre Majesté, mais il a déjà galopé plus vite.
 -  Hum... Ce sera pour une prochaine fois, alors. Éclipse est paresseux... »

Des palefreniers s’occupaient de ramener Éclipse aux écuries, tandis qu’Alice rentra dans l’enceinte du château. Coehoorn arriva peu de temps après. La Princesse se rendit dans un confortable salon, et demanda à une servante un chocolat chaud. S’installant près du feu de cheminée, dans un confortable fauteuil, elle s’empara d’un livre dont elle avait commencé la lecture tantôt. « Un Chant d’Été » était un roman d’aventure nexusien sorti il y a plusieurs mois. Écrit par un duc nexusien, il évoquait intrigues et complots au cœur de la Cour tout en dressant un portrait de la société nexusienne, des bas-fonds gangrénés par la révolte aux palais où régnait l’hypocrisie et la sédition. Alice s’était changée, portant une habituelle robe blanche assez fine. Elle lisait tranquillement, lorsqu’on vitn lui déposer, sur une table basse, une tasse comprenant la chaude boisson. Elle remercia la servante d’un sourire, et un garde lui annonça alors que Sire William Dolan désirait s’entretenir avec elle. Refermant son livre, Alice le déposa, et hocha la tête.

« Faites-le entrer. »


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