Sylvandell était un royaume qui ne se résumait pas qu’à proposer des armes ou des toits enflammés par les poussées hormonales des dragons. Il en fallait pour tous les goûts, et, dans l’une des plus influentes baronnies du royaume, l’un des barons avait eu la richissime idée de créer un musée. Ayant connu un certain succès, ce musée avait fini par s’appeler « Le musée de Sylvandell », sur autorisation du pouvoir royal, et proposait surtout des expositions en rapport avec les dragons. Griffes de dragons, écailles, tableaux sur ces derniers, le musée était assez grand, et attirait de plus en plus de gens, venant des différentes contrées de l’Empire. Il y avait notamment des académiciens, et le musée s’était progressivement élargi, proposant des tableaux de paysages, des tableaux de dragons, des artefacts magiques, et des visites guidées. Le baron qui avait un jour eu l’idée de ce musée pouvait donc être fier de lui, et reposait fièrement dans la crypte de la baronnie où il avait été enterré. Depuis ce moment, c’était une baronne qui était en charge de la baronnie, et donc du musée.
Devant l’entrée du musée, il y avait aujourd’hui foule, car le musée accueillait, outre le public habituel, les étudiants de l’académie d’Ashnard. Les projets d’extension du musée incluaient en effet une espèce de bibliothèque. Il s’agissait en fait de morceaux de livres très anciens, dont il ne restait plus que des parchemins dans des langues anciennes. D’anciennes maximes, des stratégies militaires, mais aussi des sorts magiques. Les étudiants qui venaient étaient donc, soit des archéologues, soit des apprentis mages. Parmi toute la foule, il y avait également quatre personnes qui peinaient à s’infiltrer dans le musée.
La première était la Princesse de ces lieux. Elle s’appelait Alice Korvander, était mariée depuis maintenant plusieurs semaines à une ancienne esclave, Sakura, et avait visité ce musée à un très jeune âge. Elle avait trouvé ça ennuyeux, et avait préféré lire son livre en douce, plutôt que de voir des statues.
La seconde était le garde du corps de la Princesse, qui ne la quittait jamais quand elle sortait du Palais. Il s’appelait Hodor, et était un demi-géant massif. Le genre d’hommes qu’on n’a pas envie d’embêter. Avec sa mine patibulaire et ses longs cheveux, on avait du mal à croire qu’il soit aussi doux et inoffensif qu’un agneau… Du moins, tant qu’on ne s’en prenait pas à Alice. Hodor se révélait alors digne de ces terribles géants des montagnes. Violent, puissant, il devenait un colosse hargneux. Simple d’esprit, la seule chose qu’il savait dire était «
hodor », et c’était d’ailleurs pour ça qu’on avait fini par l’appeler Hodor. Lui, il était là parce qu’Alice y était, mais voir les galeries du musée ne le passionnait guère. A la limite, il préférait observer les feuilles tomber des arbres.
La troisième personne était celle à cause de qui les quatre venaient ici, et était probablement la première à avoir envie de partir. Elle s’appelait
Ayano, et était la petite sœur de Sakura. Alice s’était chargée de son éducation, et c’est dans le cadre de cette éducation qu’elles se rendaient au musée. Or, Ayano n’avait pas l’air très enthousiasmée.
La quatrième et dernière personne était naturellement l’instructrice personnelle d’Ayano, une femme qui était belle, jeune, et patiente, au tempérament calme et doux :
Mala. C’était l’une des prêtres de la religion de Sylvandell, une mestre qui faisait preuve de grande patience, ce qui, avec Ayano était nécessaire.
«
Nous allons commencer… Quelle partie te tente le plus, Ayano ? -
Le jardin… Je peux aller jouer ? -
Non… répliqua Mala en souriant.
Et rappelle-toi de ne pas courir, et d’être silencieuse. -
Mais j’ai pas envie de voir un musée ! Je préfère aller me baigner, il fait si chaud… -
Allons, allons, ne sois pas ridicule ! Il y a plein de choses fascinantes dans ce musée ! »
Ayano vécut probablement le summum de l’ennui pendant l’après-midi. Alice se sépara un peu des deux femmes. Hodor, de son côté, avait rapidement été refusé à l’entrée, quand il avait manqué renverser un vase. La Princesse n’avait de toute façon rien à craindre, mais elle veillait fréquemment à repasser devant le champ de vision d’Hodor, qui s’inquiétait quand il ne voyait pas trop longtemps Alice. Mala, quant à elle, montra à Ayano les sculptures des Rois et des Reines de Sylvandell.
«
Et elle, c’est Nastrïa ! Elle a plutôt été bien représentée… -
Ah ouais, super… -
J’espère que tu as bien note, Ayano, car tu seras interrogée là-dessus demain ! -
Chouette ! -
Hum… fit Mala en croissant les bras, avant de sourire.
Si tu as une bonne note, je te dirais une anecdote sur Alice, au temps où elle apprenait les cours… »
L’idée sembla raviver quelque chose dans les yeux d’Ayano, qui était assise sur un fauteuil. Depuis quelques semaines, Ayano vouait un grand intérêt à trouver des choses pour rabaisser Alice. Cette dernière ne lui en voulait pas trop. Ayano était jeune, et avait beaucoup souffert. Quant à Mala, elle avait vite compris que parler à Ayano de son avenir, et du fait que le savoir permettait de garantir la liberté, n’étaient pas les arguments les plus judicieux. Elle fut tentée de lui parler de la glorieuse Nastrïa, qu’on avait appelé «
Cœur de Pierre », quand un étudiant alla la voir, afin de lui parler, requérant ses lumières.
«
Attends-moi là, Ayano, d’accord ? -
Je ne bougerais pas d’un poil ! »
Dès que Mala se fut éloignée, Ayano tenta de s’éclipser. Le musée était malheureusement assez grand, et elle marcha rapidement. Elle regarda derrière elle à un moment, et n’aperçut pas une femme qui se promenait ici, et lui rentra violemment dedans. Ayano s’écrasa sur les fesses.
«
Ouille ! Vous pourriez pas regarder où vous allez ?! » lâcha-t-elle à l’intention de la jeune femme, frottant son nez d’une main et ses fesses de l’autre en se redressant.