Ce fut Sanguilia qui s’occupa de parler. La Nymphe noire avait l’air bouillonnante de haine, ce qui n’était pas spécialement pour rassurer l’Ombre. Vaincre Zaäzel était déjà difficile, mais, s’il fallait en plus affronter cette petite femme pleine de haine… Sanguilia parla donc. Visiblement, elle connaissait bien cette nymphe, l’appelant par son nom. Asalia… Elle lui expliqua qu’elle avait été créée par Hadès, à partir de l’essence divine de Sanguilia, et que cette créature immense était une création de Sanguilia. Elle parlait sur un ton autoritaire envers Asalia, mais cette dernière ne répondait pas, et ce même quand Sanguilia se téléporta sur le « trône » de la Nymphe, soit la langue du monstre. Sanguilia termina ensuite en demandant à la Nymphe de lui dire ce qui s’était passé. Cette dernière ne parla pas sur le coup, laissant plusieurs secondes passer, avant de répondre :
« Oui… Oui, tu es bien ma mère, je le sens… Ma génitrice, celle qui m’a créé, mais je ne te respecte pas ! Tu ne m’as jamais protégé ! Tu n’as jamais été là quand j’avais besoin de toi ! Hadès… Il m’a conçu pour que je sois son arme, pour que j’utilise les forces de la Nature à son avantage dans les guerres contre les autres, mais ça n’a pas été du goût des autres Dieux…. »
La Nymphe se mit soudain à pleurer, et les arbres en frémirent de tristesse, un sinistre vent s’abattant sur la plaine. Les sanglots d’une Nymphe, même noire, figuraient, disait-on, parmi les plus tristes sanglots de Terra. Seules les larmes des Anges avaient, affirmait-on, la capacité d’émouvoir encore plus l’âme des gens. Sha, pourtant, ne ressentait rien d’autre que de la lassitude, ayant l’impression d’être tombée dans une dispute entre une mère et sa fille.
« C’est moi qui ait créé Urbi ! C’est Urbi qui m’a protégé ! Et je n’ai pu le faire que parce que Zaäzel m’a protégé ! Il m’a aidé, il m’a défendu contre les tueurs des Dieux ! Je vous déteste ! Je devrais vous tuer ! Tu m’as créé, mais tu n’es pas ma mère ! Tu m’as abandonné, et tu ne mérites que la mort ! »
Elle parlait d’un ton fort, ayant visiblement un certain nombre de reproches à faire à Sanguilia. Pour autant, si le ton était véhément, la forêt n’était pas agressive. Sha ne disait, de son côté, absolument rien, mais sentit alors une force approcher. Elle tourna la tête, et grimaça en devinant l’origine de cette signature magique.
« Et bien, et bien, que se passe-t-il ici ? J’entends tes sanglots, ma petite… »
Apparaissant rapidement, Zaäzel porta son regard empreint de haine et de malice vers les deux femmes, puis la reporta sur Asalia, qui se dirigea vers elle.
« Allons donc, n’avez-vous pas honte d’importuner ainsi une si belle Nymphe ? Ne pensez-vous pas qu’elle a déjà suffisamment souffert ?
- Navrée, Zaäzel, mais j’ai du mal à vous imaginer dans la peau d’un brave mage blanc secourant la veuve et l’orphelin.
- C’est… C’est elle, c’est ma génitrice… expliqua Asalia.
- Je sais, je sais, ma belle… Tu sais bien que je vois tout et que je sais tout… Et je suis extrêmement déçu, Nokalia… lâcha Zaäzel sur un ton autoritaire. Cette femme n’a plus aucune autorité sur toi. Pourquoi ne l’as-tu pas tué ? Pourquoi l’as-tu invité ici ? Elle n’a pas sa place ici ! Aurais-tu oublié ce que les Dieux t’ont fait ? Est-ce ça ?!
- Non… Non, mais… Elle…
- Silence ! »
Zaäzel rugit sur un ton tranchant, et les feuilles en tremblèrent violemment. Des ronces jaillirent alors du sol, et s’enroulèrent fermement autour de Sanguilia et de Sha. Tournant la tête, Asalia, qui se faisait appeler Nosalia auprès de Zäzel, se rua vers elle.
« Non, ne faites pas ça ! piailla la Nymphe.
- Les Dieux t’ont trahi… Ta mère ne t’a pas sauvé quand Hadès s’est débarrassé de toi… Mais moi, je t’ai hébergé, je t’ai recueilli, je t’ai soigné, je t’ai nourri, je t’ai aidé à oublier tes origines en te conférant une nouvelle identité, en améliorant tes pouvoirs, et en t’offrant une forêt, après qu’Hadès eut détruit la tienne. »
Sha essaya de se libérer de cette emprise, mais les ronces s’enfonçaient solidement dans sa peau. Il n’y avait aucun doute à avoir ; Zäazel était derrière cet étau étouffant.
« Il… Il s’est servi de toi, pauvre conne ! tenta-t-elle d’expliquer à la Nymphe.
- Je t’ai offert de quoi te protéger contre n’importe qui, et c’est ainsi que tu me remercies, petite pute ? Tu ne vaux pas mieux que ta mère. Tu m’as bien servi, Nosalia…
- Lâchez-là ! Lâchez ma génitrice ! paniqua la Nymphe.
- Je t’ai étudié, j’ai étudié le lien magique qui unit une Nymphe à sa forêt… J’en ai compris l’essence, et je l’ai utilisé… Si tu m’étais resté fidèle, Nymphe, tu aurais encore ta forêt. Maintenant, c’est la mienne. Tu n’es rien. Tu n’as toujours rien été. Hadès t’a abandonné parce que tu n’es rien.
- Non ! Vous mentez ! Je… Je… Pourquoi ça ne marche pas ? »
Visiblement, la Nymphe n’arrivait pas à reprendre le contrôle sur les éléments, et tentait de lutter contre l’influence de Zäazel.
« Vous m’avez menti ! Depuis tout ce temps ! comprit la Nymphe.
- Bien sûr que non… Tu ne pensais tout de même pas que j’allais te laisser si proche de ma Tour en te laissant libre, sans aucun moyen de te contrôler ? Je ne t’ai jamais utilisé, Nosalia…
- Ne m’appelez pas ainsi !
- Oh, tu te rebelles ? Je devrais te supprimer, mais j’ai encore besoin de toi… Il suffit juste que je me débarrasse de cette Déesse, et tu retourneras sous mon contrôle, et tu continueras à tuer les armées qui viendront m’attaquer.
- Jamais ! Jamais vous ne me contrôlerez ! »
La Nymphe approcha de sa mère, et tenta de tirer sur les liens, mais se reçut un coup de tentacule émanant de l’un des arbres. Elle poussa un hurlement en s’écrasant sur le sol, et d’autres tentacules allèrent la saisir, jaillissant du sol. Un ricanement mauvais traversa les lèvres de Zäazel. La forêt se retournait contre la Nymphe. Sha n’avait pas tout compris, mais, du peu qu’elle avait enregistré, Zäazel avait protégé la Nymphe, après que cette dernière ait été abandonnée par Hadès. Une Nymphe avait besoin d’une forêt pour exister. Hadès avait du détruire celle de la Nymphe, causant ainsi sa mort. Zäazel avait alors du la sauver, en lui donnant cette forêt, ce qui, en soi, illustrait l’étendue de son pouvoir. Le lien entre une Nymphe et une forêt était un lien que seuls les Dieux pouvaient normalement faire, et encore… Seulement les Dieux les plus puissants. Zäazel avait pourtant réussi, et avait même été encore plus loin, en réussissant à créer un lien psychique entre une créature qui n’était pas une nymphe et une forêt.
« Je débarrasserai l’Univers des Dieux, et je les remplacerai… Je deviendrais l’être le plus puissant de l’Univers, le seul que les races faibles vénéreront, un pouvoir tel que je ne me contenterai pas de recréer une simple planète, mais je modifierai l’Univers tout entier ! C’est dommage… Tu aurais pu être ma Reine, ma petite Nymphe, mais tu vas mourir ici… Quant à ces deux Déesses… Leur essence divine est hors normes… Avec elle, j’aurais enfin le pouvoir de détruire l’Olympe !
- Ne… Ne rêve pas trop, Zäazel… Les Dieux sont invincibles !
- Tsss… Tu le sens dans tes veines, n’est-ce pas, Ombre ? Tes pouvoirs divins s’amenuisent… Ce dôme qui entoure ma forêt atténue le lien fondamental qui permet à une divinité d’exister : la puissance résultant de son culte. Ce flux énergétique est perturbé par ma machine. Avec votre essence, j’aurais de quoi étendre ce dôme et de l’amplifier à l’échelle de tout Terra. L’Olympe n’aura plus aucune puissance, et s’effondrera d’elle-même.
- Tu es fou… Si tu détruis les Dieux, tu détruis aussi Terra ! Toi, par la même occasion !
- Oh non… Je libère Terra… Mais peu importe… Inutile d’expliquer mes plans à des cadavres…
- Soit… Si tu ne veux plus parler, je n’ai plus aucune raison de faire semblant… »
Fermant les yeux, Sha concentra sa magie noire, et ouvrit ses doigts. Des flammes noires en jaillirent, mais, au lieu de partir à droite et à gauche, s’élevèrent, et s’abattirent sur les lianes retenant Sha, les brûlant.
« Impressionnant… Le ‘‘Feu Noir’’ n’est pas à la portée de n’importe qui. »
Zäazel se contenta de rire, et disparut à nouveau. L’Ombre aida Sanguilia à se libérer, mais l’énorme monstre, Urbi, s’approchait d’elles, tandis que d’autres ronces jaillissaient du sol. La Nymphe, quant à elle, était prisonnière.
« Mère ! Sauve-moi, je… Je vous suis indispensable !!
- A toi de voir si tu veux la sauver ou pas… C’est ta Nymphe, après tout… Mais ne traîne pas… Nous ne sommes pas en position de force ici. »