Tandis que les esclavagistes détachaient l’esclave, le père d’Alice rejoignit le client mécontent, décidé à faire application immédiate de la savante justice sylvandienne.
« On m’a spolié un esclave qui me revenait de droit ! Les mineures ne devraient pas avoir à… s’égosillait l’homme, soit trop ignorant pour savoir à qui il avait affaire, soit trop stupide.
- Et moi, je dis que tu es un menteur, et que tu insultes ma fille, répliqua Tywill en étant proche de lui. L’esclave a été légalement acheté ! Elle est désormais la propriété des Sylvandell ! hurla-t-il à la cantonade.
- Ceci est une fumisterie grotesque, une… » répliqua l’homme, avant d’être brutalement coupé.
La tête de Tywill heurta en effet violemment celle du client, dans un petit craquement sonore qui envoya le client s’écraser sur le sol. Tywill le contempla brièvement avant de se retourner, des traces de sang le long du front.
« Affaire jugée », trancha-t-il avant de rejoindre sa fille.
Alice avait également détaché le collier autour du cou de la femme, refusant qu’elle porte encore quoi que ce soit. Quand elle vit la femme le regarder, un petit sourire, qu’elle voulait réconfortant, traversa les lèvres d’Alice. Elle interpréta le regard fuyant de l’esclave, non pas comme sa volonté de récupérer ses vêtements, mais comme son envie de fuir, ce qu’Alice comprenait plutôt bien. La pauvre avait dormi dans une cage crasseuse et exiguë, brinquebalée le long des sentiers montagneux. Elle était poussiéreuse et sale, mais cela n’empêcha pas la Princesse de l’embrasser sur la joue, tandis qu’elles se relevaient.
« Viens », lui dit-elle en se relevant, ses formes alléchantes apparaissant de manière bien plus explicite sans le manteau.
Elle tendit la main pour que l’esclave s’y appuie, mais Tywill monta alors sur l’estrade.
« Je crois qu’elle a été droguée, Père… » lui expliqua-t-elle.
Sans répondre, Tywill tendit l’une de ses lourdes mains, fermes comme de l’acier, sur le cou de l’esclave, non pas pour l’étrangler, mais pour jauger son regard. Un lourd silence s’abattit, et le cœur d’Alice battait faiblement dans sa poitrine, sa main se crispant sur celle de l’esclave.
« Hum… Oui, effectivement, elle est vaseuse… Bah, au moins, ces escrocs n’ont-ils pas essayé de nous refourguer une débile…
- Nous sommes d’honnêtes marchands ! protesta l’un des esclavagistes.
- Mouais… maugréa Tywill.
- Je désire la conduire dans mes appartements, Père…
- Une minute… Tu penses que je vais la laisser se balader les fesses à l’air dans mon château, ou porter tes vêtements ? Je veux cette toge, là…, fit-il en désignant le kimono de l’esclave.
- Ce… Cette tenue n’est pas à vendre, répondit l’esclavagiste en se grattant l’arrière de la nuque, regardant le sol. Elle… Elle est notre récompense pour l’avoir capturé…
- N’te fous pas de moi ! Une gosse comme ça, y lui suffit d’un coup de pouce pour tomber dans les vapes ! Et comment qu’elle s’appelle, d’ailleurs ? J’espère qu’elle a pas de saloperies, ou des pièges dans ce genre…
- Oh non ! corrigea l’esclavagiste, rien de tout ça, Monseigneur, rien de tout ça. Le voyage l’a un peu Sali, naturellement, et elle est fatiguée de cette longue route, mais elle n’a aucune maladie, aucune malédiction, rien de tout ça…
- Et son nom ? le coupa Tywill. Réponds à mes questions, marchand !
- Je… Euh… Je l’ignore, Monseigneur… avoua, confus, l’esclavagiste.
- Tu ignores son nom, mais tu sais qu’elle n’est pas maudite ? ironisa Tywill. Sais-tu quel sort nous réservons aux escrocs chez nous ? » le menaça-t-il.
Blêmissant, l’esclavagiste alla chercher la tenue de l’esclave, et la tendit.
« Te… Tenez, Monseigneur… ! »
Avec la main droite, Tywill récupéra le kimono, mais, avec la gauche, envoya son poing s’écraser violemment dans l’estomac du marchand, lui coupant le souffle, et le clouant au sol, la douleur défigurant son visage. Sans qu’elle ne puisse se l’expliquer, Alice y trouvait là une espèce de plaisir sadique.
« Tu as de la chance que je sois de bonne humeur… »
Se retournant, Tywill tendit le vêtement à Alice, qui s’en empara avec son autre main, puis le seigneur s’éloigna. Souriant, Alice se mit à marcher, coupant à travers la foule jusqu’à atteindre une petite calèche, à elle, et l’ouvrit.
« Monte à l’intérieur… Je vais te conduire au château… »
Alice avisa le cocher de les ramener au Château royal, puis alla dans la calèche, qui partit ensuite. Regardant brièvement le marché depuis la petite fenêtre dans le carrosse, Alice regarda son esclave, assise devant elle, et lui prit ses délicates mains, allant embrasser quelques-uns de ses doigts.
« Tu es en sécurité, maintenant, la rassura-t-elle. Tu es dans le royaume de Sylvandell, la Terre des Dragons, et je suis la Princesse Alice Korvegan, unique héritière du royaume. »
Le chariot atteignit l’immense pont qui surplombait un canyon abyssal, menant tout droit au Château royal, et on pouvait très facilement voir plusieurs dragons voler dans le ciel, filant sous le pont, descendant vers la plaine rocailleuse circulant sous le pont.
« Je vais te faire couler un bain, décida-t-elle quand la calèche s’arrêta dans la cour d’entrée. Ça ne pourra te faire que du bien ! »
Elle sortit de la calèche, tenant entre ses bras le kimono de l’esclave. Pour l’heure, elle ne cherchait pas à en savoir plus sur elle. Mieux valait qu’elle prenne un bain, afin d’aller mieux, et dissiper les effets des narcotiques qu’on lui avait inoculé.
« Tu viens ? » fit-elle en tendant sa main gantée vers elle, afin qu’elle s’appuie dessus pour descendre.
Alice, après tout, ignorait l’étendue de la drogue, et les effets qu’elle avait sur le corps de son esclave. Son esclave… A cette idée, elle se sentait à la fois nerveuse et excitée.