-Mais c’est l’intention qui compte, ma belle, répliqua Belgrif, plus glacial que jamais.
Le message était clair, sans équivoque, le chat n’était pas du genre à tolérer le moindre acte déplaisant à son égard et ce que ce soit réel ou imaginaire. On le sentait prêt à mettre en œuvre d’effroyables sanctions. Là, il n’avait pour ainsi dire rien fait ou si peu. Une baffe, venant de lui, c’était une broutille ! On pouvait même supposer que selon toutes logiques, il allait y avoir autre chose, il ne pouvait pas en rester là.
Seulement, en un clin d’œil, toute hostilité paru disparaitre de sa féline face. Il bondit hors du lit et, affable, reprit la parole. Il avait à présent le comportement qu’il avait eu au tout début du rêve. L’ennui c’était qu’il devenait évident qu’il cachait toujours son jeu. Maintenant que Malon ne pouvait plus lire en lui, elle ne povuait plus savoir à quoi s’attendre du fourbe personnage. Alors le doute, tant qu’elle serait en sa compagnie, allait persister.
-Voilà. Ceci étant fait, nous allons pouvoir repartir sur de bonnes bases. Allez, quittez donc ce lit. Si vous demeurer au manoir, vous aurez le votre, n’en doutez point.
Un bruit de pas rapide et un cliquetis de métal se fit entendre venant de l’extérieur. Tout d’un coup, quelqu’un ouvrit la porte de la chambre. Dans l’embrasure se dessina une silhouette en arme.
-Tout va bien, seigneur, j’ai entendu des bruits suspects et…
Le garde s’interrompit. Il venait d’apercevoir la demoiselle toujours sur le lit de son maitre. Belgrif se tourna vers son employé.
-Vous n’êtes pas du genre rapide. S’il y avait eu un danger ici, j’aurais eu mille fois le temps de trépacer avant que vous ne daignez vous montrer. J’ose espérer que cela changera à l’avenir.
Le ton était sec, sévère. Voilà Belgrif dans son rôle de saigneur. Il aimait tant être au-dessus des autres.
-Mes excuses, monsieur.
-Passons, pour cette fois uniquement. Voici Malon. Il désigna la jeune femme. C’est une… invité surprise.
-Mais comment est-elle…
-Peut importe. Elle est là, c’est ce qui compte. Et donc, c’est mon invité. Vous la traiterez avec gentillesse.
-Bien monsieur.
-Elle va prendre le petit déjeuné avec moi. Que tout soit prêt à notre arrivé.
-A vous ordres.
L’homme s’inclina et, en n’oubliant pas de refermer la porte, il s’en alla avertir les cuisines. Le maitre des lieux refit face à Malon.
-Allons, suivez-moi. Nous bavarderons plus agréablement autour de quoi manger, n’est-ce pas ?
Quelques instants plus tard, le chat et son invité était installés dans le petit salon situé au même étage. Malon, en parcourant quelque peu le manoir, put se rendre compte que ce dernier n’était qu’un étalage de richesse et d’excentricité. Les gardes et les serviteurs étaient nombreux. Si jamais l’idée de s’enfuir lui venait à l’esprit, elle n’irait pas loin. Il serait d’ailleurs judicieux d’éviter d’être confronté aux brutes qu’embauchaient Belgrif. Le petit déjeuné fut servit dans de la vaisselle en or. Au menu : que des bonnes choses. C’était assez copieux et les plats avaient de quoi éveiller la gourmandise de quiconque. Mais le chat y était tant habitué qu’il ne paraissait même plus apprécier. De toute façon, il ne faisait attention qu’à Malon. Tout en buvant une coupe de lait, il se mit à la questionner, toujours très aimablement.
-Alors, ainsi, vous avez le don d’influer sur les rêves ? Comment se fait-il que vous m’aillez suivi jusqu’ici ? Vous n’aviez pas l’air de vous y attendre. Et où se trouve votre maison ?