Un élève très particulier [pv Shylee Tsumo]

Peu après son installation au cœur du bois de Seikusu, le jeune homme se dit qu'il devrait enfin aller faire un tour en ville. Il était venu rencontrer d'autres humains, et ce n'était pas en restant dans la forêt qu'il allait y arriver.
Sitôt dit, sitôt fait. Il parti en direction du centre, passant par le parc. La marche fut tranquille, mais il s'inquiétait au fur et à mesure qu'il approchait. Que pouvaient bien être ces lumières qui cachaient ses amies de toujours, les étoiles? Il n'avait jamais connu qu'une seule source lumineuse dans sa vie: sa mère. De même il était habitué au calme, hors il se dégageait de l'endroit un bruit phénoménal, mélange de plein de choses qui lui étaient encore inconnues.

Il était 23h30 lorsqu'il arriva. Il était complètement perdu. Les lampadaires, les enseignes, les voitures, et même les gens, tant de personnes au même endroit. Il n'avait pas vraiment peur, mais il restait perplexe quant à l'utilisation et au rôle de certaines choses. Sa mère lui avait dit que la plupart étaient diurnes et n'étaient donc pas, comme lui, habitués à voir dans le noir. Il comprit donc à quoi servaient tous ces éclairages. Les monstres colorés qui semblaient avoir avalé quelqu'un se déplaçaient vite, et personne n'était inquiété par eux. Une sorte de symbiose? Tant de questions auxquelles il devrait trouver une réponse.

Il marchait dans la rue, s'arrêtant à la moindre occasion de voir quoi que ce soit de nouveau. Il aurait aimé que quelqu'un vienne vers lui pour lui expliquer tout ça, mais, malgré son accoutrement inhabituel, un kimono bleu et argent frappé du sceau bien voyant de la lune, personne ne faisait attention à lui. Pas même un regard. Ces humains ont un comportement étrange. Hormis eux et une ou deux autres personnes, rien ne semblait compter. Jamais il n'aurait osé aborder quelqu'un, ce qui voulait dire que les contacts avec ses congénères allaient être plus difficiles que prévu.

Maudite réunion à la noix qui avait fini bien plus tard que prévu !

Shylee n'arrêtait pas de grommeler quelques mots depuis qu'elle avait quitté le bahut. Et encore, elle avait été obligée d'écourter la réunion, sinon, elle y serait probablement encore ! Que voulez-vous ? Certains parlaient trop ... beaucoup trop. Et ce n'était pas que les femmes. Non, on dit que les femmes sont souvent pipelettes. Et bien, c'est aussi valable pour les mecs qui, en certaines occasions, n'arrêtent pas de jacasser et de jacasser. Pire que des oies ! Et le pire, c'est souvent pour des trucs carrément stupides, ou sans importance. Mais bon ... Shylee ne les avait pas vraiment écoutés. Ou du moins, elle avait fait semblant de le faire. Rester concentrée des heures et des heures alors qu'elle serait, en temps normal, rentrée depuis un momlent, et bien, ça gonflait ... Et surtout, ça ne donnait pas envie que d'écouter.

Quoi qu'il en soit, c'était fini ... Fini parce qu'elle l'avait bien voulue. Sac sous le bras, la voilà donc marchant dans les rues. Ou du moins, au départ, elle avait traversé le parc, comme à son habitude, et ce malgré l'heure tardive. A plusieurs reprises, elle avait regardé par dessus son épaule, ou bien s'était arrêtée, histoire de voir si elle était suivie ou pas. C'était pas de sa faute. La nuit, passer par le parc, ça la faisait flipper ... Surtout parce qu'elle pouvait tomber sur n'importe qui, ou bien n'importe quoi. Mais bon, la jeune femme finit par sortir du parc. Pas trop d'ailleurs d'ailleurs. Elle était moins stressée, moins inquiète. Oui, oui, tout allait bien mieux maintenant qu'elle était éclairée par les lampadaires. Car oui, la plupart des lampadaires du parc étaient cassés.

Traversant la rue, elle finit par croiser un enfant. Ou du moins, ce qui lui semblait être un enfant. Il portait un drôle de kimono bleu. A bien y regarder de plus près, même, il était habillé tout de bleu. Sa première question, c'était ce que pouvait faire un enfant, dehors, à cette heure de la nuit. S'était-il perdu ? Avait-il fugué ? Difficile de dire. Mais Shylee ne pouvait pas le laisser là, en plein milieu de la rue. Qui sait ce qui pouvait lui arriver. Qui sait sur qui il pourrait tomber. Qui sait quels ennuis il pourrait rencontrer. Bien évidemment qu'elle aurait pu passer son chemin, sans rien dire, sans se retourner. Mais ce n'était pas son genre. Alors, elle s'approcha de lui.

"Hé, qu'est-ce que tu fais dehors à cette heure ?"

Elle s'était approchée un peu plus, et avait souri, cherchant à se montrer le plus amical possible, sans pour autant tenter de lui faire peur.

Alors qu'il passait devant un magasin de télévisions, appareil au combien étrange à ses yeux, il remarqua une femme qui se dirigeait droit sur lui. Elle était belle, très belle. Ses longs cheveux bleus s'accordaient parfaitement avec ses yeux, de la même couleur. Lors de son approche, il ne put décoller ses prunelles argent de celles de la demoiselle. Arrivée à sa hauteur, elle s'arrêta, et, tout sourire, lui demanda ce qu'il faisait ici. A la fois étonné de la question et ravi que quelqu'un vienne lui parler, il ne tarda pas à répondre.

Et bien, j'explore la ville, mademoiselle, et, vos beaux yeux bleus en soient témoins, je suis quelque peu dépassé par tant de nouveauté.
C'est la première fois que je me rends dans une ville, voyez-vous.
Je m'appelle Silarta, et vous, quel est votre nom?

Visiblement, elle ne s'était pas attendue à un tel langage de sa part. Son allure de petit garçon de 13/14 ans devait très certainement y être pour quelque-chose. Comme il n'avait pas l'habitude de parler avec d'autres humains, il ne pensait pas à indiquer son âge pour éviter tout malentendu. Il ne savait en fait tout simplement pas que sa croissance était ralentie par sa mère, et pensait son allure physique normale.
La fille avait l'air fort sympathique et prête à l'aider, aussi n'hésita-t-il pas à lui faire part de son souhait de profiter de cette nuit.

Je me demandai, si, par hasard, vous ne pourriez pas me servir de guide dans ce dédale de rues et de lumières. Il y a tant de chose que je ne sais pas et que j'aimerai qu'on m'explique.
Et je suis sûr que ça ferait plaisir à ma mère.

Il n'avait pas conscience que ce qu'il disait pouvait paraître étrange aux yeux des autres, mais ça faisait en quelque sorte partie de son charme. Tant d'innocence et d'ignorance dans ce jeune homme. Jamais il ne pourrait penser à mal ou s'énerver, mais tellement peu de gens seraient en mesure de le comprendre. S'ils allaient déjà lui parler.

Il semblait jeune ... Si jeune ... Shylee ne comprenait pas réellement ce qu'il faisait dehors à une heure si tardive. Etait-il perdu ? Avait-il fugué ? Etait-il sans logement ? Non ... Sur ce point là, il semblait que non. Pourquoi Parce que s'il était sans abri, il ne serait pas si bien vêtu. Ou du moins, il serait sale, aurait des taches de crasse ici ou là, et d'autres trucs de ce genre. Or, ce n'était pas le cas. Alors, pourquoi était-il dehors ? Pour quelle raison ? Shylee n'arrêtait pas de se poser la question.

L'enfant finit par lui répondre. Il visitait la ville, vraisemblablement. Enfin, une exploration, selon lui. Il n'hésita pas à la complimenter sur ses yeux, mais elle ne s'attarda pas vraiment sur ce point là. Visitant la ville pour la première fois, il était quelque peu perdu. Oui, ça se comprenait. Les premiers temps, Shylee n'arrêtait pas de se perdre, elle aussi. Et ça lui avait occasionné quelques mauvais aventures d'ailleurs. Mais elle ne s'en souvenait pas vraiment du fait qu'un ange était passé par là et lui avait effacé nombre de ses mauvais souvenirs.

"Je m'appelle Shylee. Mais il n'y a personne avec toi pour visiter cette ville ?"

Sans aucun doute que non, sinon, dans le cas contraire, Silarta serait accompagné. Et ce n'était pas le cas. Il en vint à lui demander si elle voulait bien lui servir de guide. Parce qu'il avait envie de visiter les alentours. Il parla brièvement de sa mère, lui disant que ça lui ferait plaisir. Mais de quoi ? Qu'il soit accompagné ? Qu'il visite la ville.

"Mais où est ta mère ? Elle devrait être avec toi. Tu l'as perdue ? Elle est dans le coin ?"

Elle ne comprenait pas. Non, elle ne comprenait pas pourquoi il était seul dans cette grande ville. Comment un adulte avait-il pu faire pour le laisser tout seul ?

Il ne comprenait pas bien pourquoi la femme lui parlait de sa mère. Pourquoi voulait-elle savoir tout cela? Elle avait l'air perplexe et inquiète à la fois. A croire que le trouver seul en train de découvrir la ville était un fait aussi inquiétant qu'extraordinaire. Mais puisqu'elle voulait le savoir, il lui dirait. Il ne voyait aucune raison de faire autrement.


Ma mère? Elle est toujours avec moi. Voyez, elle est juste là.


Il montra la lune du doigt, derrière la demoiselle. Il ne pouvait pas se rendre compte que ça pourrait être mal interprété ou juste paraître totalement incroyable. Comment pouvait-il comprendre la manière de penser des autres humains, lui qui a toujours vécu loin de ceux-ci, dans une nuit permanente? Il aurait de la chance si on ne l'emmenait pas à l'asile le plus proche, quoique l'on puisse tout de suite voir que c'est un bon garçon, honnête et franc, avec la tête sur les épaules.

Le jour était encore loin, et lui n'arrivait pas à expliquer tous ces mystères issus de la science qu'il n'avait jamais vu auparavant. Il voulait la suivre en ces lieux étranges, mais il commençait à se douter qu'elle n'y consentirait pas à moins qu'il ne lui raconte son histoire en détail. Après tout, lui aussi était curieux. Il savait ce que c'était que d'avoir une foule de questions en ébullition dans le cerveau et une seule envie: celle d'y répondre.

Prenant son courage à deux mains, il décida de passer outre sa timidité.


Si vous voulez tout savoir, allons dans un coin tranquille, je vous dirai plus en détail ce que je fais ici et comment je suis venu.
Vous êtes la seule qui soit venue me parler pendant ma pérégrination dans ce labyrinthe urbain, et, si je n'abuse pas trop de votre gentillesse, j'aimerai prendre un peu de votre temps


Il la prit par la manche, puis commença la tirer. Doucement, bien évidemment, il n'avait pas beaucoup de force de toute façon. Un peu comme un enfant tire sur la robe de sa mère.
Il l'emmena dans une ruelle déserte, non loin.


Avant de venir ici, je n'avais jamais rencontré d'autres humains. Ma mère, la lune, m'a élevé loin de tout.
Il y a peu de temps, alors que l'on célébrait mon vingtième anniversaire, elle décida qu'il était temps pour moi de rendre visite à mes congénères.
J'ai marché plusieurs semaines, droit dans une direction aléatoire, puis je suis arrivé ici. J'ai fait d'une grotte du bois bordant le parc mon domicile pour l'instant.
Ce soir, après m'être remit convenablement en forme pendant quelques jours, j'ai décidé d'enfin partir à la découverte de ce lieu.
Tout m'y est nouveau et étrange, et comme vous êtes la première personne avec qui j'ai un contact, je me suis dit que vous pourriez m'aider à étancher cette soif de découverte qui m'assaille.


Maintenant qu'il avait tout dit, il espérait qu'elle serait en mesure de le comprendre et de lui expliquer ce qui l'entoure.

Pauvre petit ...

Elle se demandait ce que ce pauvre Silarta faisait tout seul dans le coin. Bien évidemment, il pouvait l'envoyer balader et se taire, ne rien lui dire. Néanmoins, sa bonté d'âme prendrait le dessus, une nouvelle fois. Car elle ne pourrait pas consciemment le laisser tout seul dans la rue. Parce que oui, pour elle, c'était un gosse. Un gosse qui avait onze ou douze ans, pas plus. Elle était loin d'imaginer qu'il avait une histoire dingue, enfin, incroyable, et qu'il était plus âgé que cela ! D'ailleurs, elle n'était pas au bout de ses surprises !

A peine qu'elle lui avait demandé où était sa mère, l'enfant lui avait répondu que ... Que sa mère était toujours avec lui. Il lui indiqua une direction. Shylee se tourna donc, histoire de voir ce qu'il pointait du doigt. Le ciel ... Il pointait le ciel ! Enfin, pas la grande étendue aux teintes bleutées, mais la lune, l'astre lunaire qui était là, dans le ciel, leur faisant un peu de lumière, les éclairant.

"Pardon ? Ta mère ... est la lune ?"

C'était un truc fou ! A ne rien y comprendre. Comment ... comment la lune pouvait-elle être sa mère ? Shylee avait vu des choses bizarres dans sa vie mais ça ... Ca, c'était pas croyable ! Non, elle n'en croyait pas ses oreilles ! Pourtant, elle ne pensait pas que le garçon lui mentait. Pourquoi lui mentirait-il d'ailleurs ? Pour quelles raisons ne lui dirait-il pas la vérité ? Shylee était sur le cul, y'avait pas à dire. Elle se posait tout un tas de questions ... Questions auxquelles Silarta était prêt à répondre, mais pas ici, pas là. Après tout, y'avait peut-être des oreilles indiscrètes qui pouvaient les écouter. Et sans aucun doute qu'il ne voulait peut-être pas ébruiter tout cela. Alors, voilà pourquoi il avait levé la main et qu'il s'était saisi de la manche de Shylee, histoire de la tirer, de l'enjoindre à le suivre.

"J'arrive."

Shylee marchait donc à ses côtés. Un peu comme une mère le ferait. Sauf que c'était pas sa mère. Mais les gens qu'ils pourraient éventuellement croiser pourraient le penser. Silarta en vint à lui dire qu'il avait croisé d'autres gens durant son voyage. Mais aucun ... aucun n'avait pris le soin de s'arrêter pour lui parler et voir si tout allait bien pour lui. C'était un truc de dingue ! On n'ignore pas un enfant qui se balade tout seul sans vraiment savoir où aller ! Y'avait vraiment des irresponsables sur Terre !

"Personne ne s'est arrêté ? A croire que les gens se foutent de tout."

Shylee était quelque peu révoltée par cet état de fait. Ils s'arrêtèrent dans une ruelle déserte et Silarta commença donc à lui dévoiler sa vie. De ce qu'elle avait capté, il avait une vingtaine d'années -et sérieusement, il les faisait pas du tout-, quand sa mère se décida à l'envoyer sur Terre pour la lui faire découvrir. Il vivait dans une grotte, dans le bois mais il l'avait quitté pour visiter les alentours.

"Une grotte ? Mais il fait froid dans une grotte ! Tu ne peux pas rester dehors !"

Elle se stoppa momentanément.

"Au passage ... Vingt ans ? Tu as vingt ans ? Mais ... Tu as l'apparence ... d'un enfant ... Comment ça se fait ?"

Y'avait peut-être pas de raison précise. Peut-être qu'il était comme ça, et c'était tout.

"Je vais t'emmener chez moi. Et ... Tu pourras me poser toutes les questions que tu souhaites."