Ca fait du mal ... [ Pv ]

http://www.youtube.com/watch?v=lD4_Pu-czy4


" Que j'aime quand tu fais ça ... "

Une gorgée de cognac vint clore la phrase.

" Ça fait du mal ... Ça fait du bien. "

La musique française restait délicieuse. A ses yeux, en tout cas. Emmitouflée dans un épais manteau de fourrure blanche, les bras couverts de bijoux, le cou orné d'un collier qui lui couvrait le cou entièrement, une robe noire trop courte et trop grande à la fois, dévoilant des sous-vêtements en dentelle d'un noir profonds, contrastant avec la pâleur de sa peau d'occidentale, le maquillage parfait, des bas qui la gênaient et des talons de 12 cm aux pieds, Shin dansait. Elle se faisait belle pour elle . Sur une musique décadente. Un verre d'alcool à moitié vide, le regard dans le vide, elle chantait. Dans son manoir. Il faisait noir, tout autour d'elle, seul le feu dans la cheminée embrasait les murs d'une lueur rougeoyante.
Elle se sentait en sécurité.


Elle rejeta sa chevelure sur le côté. La lune, pleine et laiteuse, flottait dans un ciel noir d'encre. Elle n'aurait pas dû se sentir ainsi en sécurité, insouciante, immortelle. Elle virevolta vers la bouteille, l'admirant, se reversant quelques gouttes. Et elle but d'une traite, le sourire aux lèvres, les yeux brillants. Elle savait qu'elle ne serait pas saoule ...
Pas ce soir. Elle le regrettait, d'ailleurs. Elle inspira. Et expira bruyamment. Le feu, virulent, la rassurait énormément. Elle se posa sur son canapé. Sur le sol, un épais tapis en peau d'ours. Des canapés en cuir, noir, estimable. Personne n'approcherait du manoir, et cette nuit serait la sienne. Elle boirait. Elle fumerait. Et elle rigolerait, seule, face à une nuit beaucoup trop calme.

Comme pour la faire mentir, un vent vint faire claquer les volets de la demeure, la faisant sursauter. Un grondement se fit entendre, au loin. Un éclair arriverait, plus tard. Un sourire se dessina sur son visage. Elle adorait. Les grilles du manoir vibrèrent, angoissantes, à cause du vent. Elle s'allongea sur le tapis, fermant les yeux, un moment. Le feu chauffait toute la partie de son corps qui était de ce côté. Elle inspira violemment, faisant vibrer son corps tout entier, et ...

" Je suis immortelle."

Lança t'elle dans un souffle.

" Ça fait du mal, ça fait du bien ... "

Chanta t'elle à nouveau.

C'était un de ces merveilleux mardi soir! Pierre avait dépensé le reste de son salaire mensuel en dîners copieux et en dépenses exorbitantes dans des boutiques de renom, tout le week-end, et avec six demoiselles différentes. Et quand Pierre le tombeur se ruinait pour faire plaisir à ces demoiselles, il fallait que X-SMYLE prenne de l'activité pour récupérer du liquide.
Il s'était éloigné du centre-ville afin de trouver dans la banlieue des cibles plus aisées avec les poches bien remplies. C'est en errant dans les rues, sous la pleine lune, qu'il trouva la cible idéale: Un manoir, et un beau, avec une grille et un sacré jardin. Pas de doute, le ou les propriétaires devaient avoir de belles richesses sous la main. Il était temps de faire un petit repérage.
La grille d'acier était ouverte, c'était un peu trop facile. X-SMYLE regarda partout autour de lui, surveillant la présence d'un éventuel témoins, à chaque recoin de la rue, chaque fenêtre du voisinage. Personne, rien? Rien... Mais il ne fallait pas franchir bêtement la grille, quand on est connu pour avoir fait cramer la majorité de la ville, aucune précaution n'est superflue pour ne pas se faire choper. Aucun signe de capteurs, lasers ou autres caméras. Il baissa le revers de son chapeau au-dessus de ses yeux, et poussa en serrant les dents le portail grinçant, tout en surveillant qu'aucune lumière ne s'allume subitement dans la demeure. Les volets claquaient sur la façade, le vent se levait, et le tonnerre commençait à gronder. Ça ne semblait pas très important, direz-vous, mais les paramètres de vent et la probabilité de pluie étaient à prendre en compte, pour la propagation et la durée de vie de l'incendie, même s'il débutait à l'intérieur. C'était un vent Est-Ouest plutôt fort, il fallait donc commencer le travail vers la partie Est de bâtiment, pour que le vent pousse les flammes sur le reste du manoir. Il fallait aussi examiner le mobilier, et le déplacer sans que cela n'ait l'air suspect, pour faciliter la propagation et la combustion tout en ayant l'air naturel. Et donc, il devait entrer en douce. Il rasait les murs sans se faire voir, passait sous les fenêtres, vérifiant discrètement chaque pièce. Cuisine, salle de bain, et... oh, un salon? Avec un feu de cheminée allumé? Parfait, ainsi il serait plus aisé de brûler entièrement le manoir. Pas question de parler d'accident, il comptait de toute façon apposer sa signature quelque part où le feu ne prendrait pas. Il entendait quelque chose, de la musique? A cette heure? Et, il y avait...
Se cacher. Il baissait la tête sous l'encadrement de la fenêtre, comme un voyeur qui craignait de s'être fait avoir. Elle ne l'avait pas vu, heureusement pour lui, mais en tout cas, ça n'allait pas arranger les choses. A moins qu'au contraire, ça ne les pimente? Il continua d'avancer, dans les ombres, puis arriva face à une fenêtre, qui donnait sur le couloir. Il semblait désert. Mieux valait faire preuve de discrétion, il posa sa main sur le carreau de la fenêtre, lequel devint incandescent et se mit à fondre. C'est tellement bruyant, du verre qui se brise... Il se faufilait dans le manoir en faisant une roulade et regardait à droite et à gauche. Vu la hauteur et la taille de la fenêtre, il aurait suffit d'enjamber le rebord, mais bon, ça le faisait rire de faire comme dans les films. Et X-SMYLE aimait rire. Bon, la porte à droite donnait sur le salon, et il y avait quelqu'un dedans. Avant de commencer à tout faire cramer comme un simple pyromane, il fallait avant-tout repérer les meilleurs endroits, les autres habitants s'il y en avait, et surtout où ils planquaient leurs richesses. Il entrouvrit la porte à gauche, et, constatant qu'il n'y avait personne, pénétra dans la pièce en ouvrant grand la porte, pièce qui s'avérait être la cuisine. La clenche intérieure percuta quelque chose, et le Dieu forgeron n'eut que le temps de se retourner pour voir un vase tomber et se briser:

"Ah meeerde!"

Il avait murmuré pour lui-même, et espérait que personne ne l'eusse entendu. Mais non, tout allait bien, la femme était à l'autre bout du couloir, et elle avait de la musique, donc elle ne pouvait pas l'avoir entendu... Hein? Le couloir n'était pas bien long, et la musique n'était pas très forte. Le fracas du verre n'avait pas été très discret, X-SMYLE s'en mordait les lèvres. Le bon plan aurait été d'avoir un chat sous la main, il l'aurait mis dans la pièce, se serait planqué dans un placard et aurait juste attendu que l'animal ne porte le chapeau. Le problème, c'est que les chats ne font pas fondre les fenêtres pour entrer dans les maisons. Et forcément, il n'y avait aucune issue. Seconde option, éponger le sol, auquel cas s'il se faisait choper, il pourrait toujours dire qu'il n'était qu'un pauvre voleur crevant la dalle, qui ne voulait prendre qu'un peu de pain sans déranger. Mais là encore, les voleurs de bas étage ne savaient pas brûler le verre. Il fallait donc utiliser la stratégie habituelle: si le témoin s'amène, il faut le tuer avant qu'il n'ait le temps d'appeler au secours, ou de se montrer hostile. Il tira une chaise et s'accouda à la table de la cuisine, les yeux rivés sur la porte, prêt à rencontrer son "hôte".

Pour dire vrai, en entendant le vase se casser, elle s'était raidit. Comme une morte. Elle n'avait plus bougée, imaginant les pires situations. Un chat ? Impossible. Elle avait clouée les chatières, elle détestait ce genre de bestioles dégueulasses qui trainaient partout. Deux semaines à éradiquer les puces, la dernière fois que ces bestioles étaient entrées. Un chien ? Impossible. C'est pas discret. Un esprit ? Des conneries, elle ne croyait pas aux revenants. Des rats ? Non plus. La fin du monde ? ... Elle ne pensait pas, c'était bien plus bruyant.
Elle roula légèrement sur le côté, trouvant un point d'appui pour se relever. Elle posa son verre par terre, et lorgna autour d'elle. Elle releva son minois, inspectant les environs, et vit une forme, non loin d'elle. Une ombre. Un truc, humain. Elle se rabaissa. Que devait-elle faire ? ... Un éclair de réflexion. Elle glissa sa main sous un des coussins du canapés, extirpant un Beretta en trés bon état, comme seul moyen de se défendre. Elle savait s'en servir. Une fois, elle en avait usée, et avec un plaisir immense, elle s'en souvenait. Son ex-mari.

Cette pensée ravageuse réchauffa son coeur, et elle se leva, faisant face à l'inconnu. Elle remit correctement son manteau de fourrure, le dévisageant. Enfin, essayant. Il faisait noir. Un éclair la fit sursauter, brusquement, et elle reprit ses esprits. Ne pas paniquer, surtout. Elle chercha, à tâtons, l'interrupteur, et appuya dessus avec délicatesse. Rien ne vint. Évidemment. Elle fronça les sourcils, l'arme à la main, essayant de marcher de manière calme et posée malgré ses talons. La musique continuait, en boucle ...

" En totale soumission, en total don de toi même ...  "

- " Rooh, ta gueule "

Souffla t'elle en plissant les yeux, à l'intention de cette musique qui en devenait inquiétante. Elle arma son revolver, et se tint à presque 1 mètre de l'inconnu, cherchant à voir à quoi il pouvait ressembler. Il était là, assis, immobile. Elle fronça les sourcils.

- " Que voulez-vous ?"

Elle était agressive, pas franchement accueillante. Et pour cause ...

- " Sortez de chez moi, qui que vous soyez. "

Ajouta t'elle, le ton froid et agressif. Elle tenait toujours son revolver, le serrant avec force, malgré la moiteur de sa main. Et elle cherchait à deviner ce qu'il voulait, ainsi immobile. Peut-être était-ce un fou ? ...

Le terroriste souriait sous son chapeau, et levait lentement la tête, découvrant la femme de bas en haut. Plutôt séduisante, le problème, c'était son arme, et aussi le ton qu'elle employait. C'était un peu logique, vu qu'un inconnu était entré par effraction chez elle. Il haussa les sourcils, puis se leva lentement, ôtant son chapeau le temps d'une brève révérence. Alors qu'il remettait son couvre-chef à sa place, il répondait, confiant:

"Ce que je veux? Tes bijoux, ton argent, tes biens précieux, et ensuite, je veux te réduire au silence. Je suis un voleur."

La base du canon du Beretta se mit à briller un court instant. Le grand forgeron avait fait fondre la paroi de l'arme directement sur la balle engagée. Le flingue s'était bouché de lui-même:

"Ça sert à rien d'utiliser ça. Si tu appuies sur la détente, je mets ma main au feu que la poudre va faire éclater ton joujou."

Il attrapa l'arme par le canon, et la plaqua contre lui. Affichant un grand sourire, il lâcha simplement:

"T'as qu'à essayer, vas-y, explose-toi la main!"

Il lâcha l'arme, attendit quelques secondes, puis se détourna, sans rien tenter, pour ouvrir le réfrigérateur comme s'il était chez lui. Il regarda chaque étage et demanda simplement:

"Hé, t'as pas du saké?"

Il referma la porte du frigo, et s'assit en tailleur sur la table, invitant la demoiselle à prendre place sur la chaise où il était installé une minute plus tôt. Il s'efforça d'être courtois, il préférait s'amuser avec elle, avant de la tuer. Il réajusta son chapeau pour cacher son visage, et épousseta son bermuda. Il était temps des présentations:

"Je suis X-SMYLE. Tu as peut-être déjà entendu parler de moi à la télé, ou dans les journaux. Et si c'est le cas, tu devrais savoir que tes chances de survie sont proche de 0%. A qui ai-je l'honneur?"

Sur qui était-elle encore tombée ? Un malade, fou, qui ne songeait qu'à lui faire atrocement la peau ? Quand il s'était approchée d'elle, elle avait craint un viol. Son cœur avait cessé de battre, un instant. Puis il s'était éloigné. Elle se retint de pousser un soupir de soulagement. Elle lâcha l'arme, la posant sur un table prés d'elle. Il devait bien y avoir un couteau quelque part ... Elle ne s'installa pas immédiatement sur la chaise qu'il lui indiquait, préférant ouvrir un placard pour en sortir une bouteille de saké, et pour glisser une lame dans la manche de son épais manteau. Il n'avait sûrement rien vu ... Elle attrapa deux verre - pas de raison pour qu'elle se prive - et se mit, cette fois, sur la chaise.

" ... Fais monter l'excitation "

Elle croisa les jambes, et pria pour que cette musique cesse. Elle en devenait gênante.

- Je ne regarde jamais les informations, dit-elle simplement. Je ne sais absolument pas qui vous êtes.

Elle inspira violemment, et servit les deux verres de saké, priant pour que la lame ne glisse pas hors de sa manche. Par bonheur, elle resta en place.

- Je m'appelle Shin, continua t'elle doucement.

Elle s'éclaircit la gorge, un moment. Elle préférait ignorer la menace de mort. Elle se sentait un peu trop immortelle pour ça.

" Que j'aime quand tu fais ça ... "

- Je crée des parfums. Je peux éteindre la musique ?

Détail inutile. Elle soupira, et but une gorgée de saké, grimaçant. A ses yeux, l'alcool japonais était dégueulasse. Elle reposa son verre, lorgnant sur la bouteille de cognac, à quelques centimètres d'elle. Et elle roula des yeux ... Il fallait que ça tombe sur elle. Étrangement, elle n'avait pas très peur. Enfin, si, un peu. S'il s'approchait d'elle, elle flipperait. La présence de la lame contre son bras la rassura. Elle remonta son manteau de fourrure, trop grand, sur ses épaules, cachant un maximum le moindre centimètre de sa peau.

- Vous devriez partir ... Mon époux ne va pas tarder à rentrer, mentit-elle, se voulant aussi crédible que possible.

Le jeune homme se massait pensivement la tempe droite. La femme semblait gênée par la musique plus que par sa présence, il lui adressa donc un petit signe de la main pour accepter sa requête. Il finit enfin par s'expliquer:

"Je suis un criminel recherché. Je vole les gens, je les tue et ensuite je fais brûler le lieu du crime. Je ne laisse jamais aucun témoin me survivre, c'est la raison pour laquelle personne ne sait à quoi je ressemble. Je bute aussi deux trois criminels de temps à autres, pour soulager ma conscience et pour montrer que je suis pas totalement un con. J'aime le feu, et c'est tout."

Il passa la main au-dessus du verre de saké mais prit la bouteille, qu'il déboucha et but directement. Ce n'était pas par méfiance, mais pour lui, le saké se buvait soit à la coupelle, soit au goulot. L'alcool coulait aux commissures de ses lèvres, c'était fait exprès, ça faisait croire qu'il crevait la soif au point de ne pas faire attention à ses manières. Il reposa la bouteille et s'essuya avec le bras:

"Il est bon. Pour ton mari, ça me dérange pas. S'il s'amène, je le tuerai aussi. Oui, parce que je vais vous tuer, c'est au programme. Je vais pas le laisser seul pleurant ta mort..."

Un grand cœur n'est-ce pas? "Je vais te prendre toutes tes richesses, te tuer, toi et ta famille, et je ferais cramer tout ce qui reste". Et ça avait toujours été son mode opératoire. Mais il ne voulait pas précipiter les choses, surtout qu'il trouvait son hôte fort charmante, et qu'elle semblait plus posée que les victimes habituelles, terrorisées, mortes de trouilles, qui couraient partout en hurlant et en lui lançant des objets. Cette femme était posée, bienséante comme les dames, de l'époque où des Héros venaient lui demander de créer des armes exceptionnelles comme lui-seul savait en faire. Amusant.
Il descendit de la table, et tendit la main avec douceur:

"Hé bien Shin, je te laisse le choix: soit je te tue, là, maintenant, et je m'en vais fouiller toute la baraque, ta vie privée, ton tiroir à sous-vêtements dont j'ai déjà un bel aperçu, soit tu me fais visiter, tu me montres les endroits où tu planques ton blé et tes richesses, ensuite de quoi je te promets une mort rapide et indolore."

Et quelle différence avec Pierre Listan, vous imaginez, vous, le type sympa apprécié de toutes les lycéennes, ce bourreau des cœurs un peu geek sur les bords en train de donner un ultimatum pareil à une jolie jeune femme? Pierre en était incapable, Héphaïstos non plus. X-SMYLE oui, il n'était soumis à aucune règle, même l'éthique était mise de côté.

- Soit ... osa t'elle comme réponse.

Elle n'hésita même pas à saisir cette main tendue pour se relever. Une aide comme une autre. Même si le contact de la peau de ce criminel lui donna une brusque envie de sauter par la fenêtre. Elle dut admettre que cela était impossible. La lame, contre son avant-bras, était devenue aussi tiède que sa peau. Elle ne la sentait même plus, et n'y pensait qu'à moitié. Elle se précipita vers la musique, l'éteignant avec une fausse rigueur. Se présentant sous la forme de celle qui ne perd jamais ses moyens.
Froide, inatteignable, une forme qu'elle se plaisait à revêtir. Elle remit à nouveau, correctement, son manteau de fourrure blanche sur les épaules, poussant un soupir. Ses chaussures, si hautes, brusquement, lui faisaient un mal atroce. Elle sentait les muscles de ses jambes tendus au possible, et avait presque froid aux cuisses. Un coup de tonnerre la réveilla. Elle sursauta timidement, puis se retourna vers lui.

Avait-elle seulement un plan ? Le faire monter, là-haut, et le poignarder était une bonne initiative. Elle poussa un long soupir.

- Je vous en prie ...

Elle toussa, afin d'éclaircir sa voix.

- Les bijoux sont là-haut.

Sans pour autant répondre clairement, elle lui indiqua qu'elle optait pour la seconde initiative. Là-haut se trouvaient tous les objets de valeurs. Elle l'invita à monter l'escalier, se retrouvant sur un vaste palier. Elle ouvrit quatre portes, appuyant sur la poignée pour laisser à son "invité" le bonheur de découvrir ce qu'elles renfermaient. L'une ouvrit sur un ensemble de tableaux volés, une autre sur un dressing impressionnant, une autre sur un cabinet de curiosités dans lequel elle passait des heures, et une dernière sur sa chambre. Lit défait, murs pourpres, ici se trouvaient tout un ensemble de bijoux et de bouteilles de luxe. Elle se posa prestement sur le lit, cherchant à s'asseoir, la douleur attrapant ses jambes.

Il aurait vite fait le tour. Et puis il entrerait ici ... Elle releva le buste, digne, et fit glisser doucement la lame, de sorte que le bout de l'arme se retrouve dans la paume de sa main. Prête à frapper.

Il suivait la jeune femme dans les marches avec méfiance, au cas où elle aurait l'idée de se retourner et de lui décocher un coup de pied en gueulant "this is sparta", auquel cas il dévalerait l'escalier. Mais rien. Ils atteignaient le palier de l'étage, et quatre portes s'offraient, qu'elle ouvrit tour à tour. Il la suivait, jetant un œil dans chaque pièce. Des tableaux? Il préférait ne pas les emmener, trop peu discret. Mais vu leur disposition, on aurait plus pensé à une planque qu'à une salle d'exposition, l'idée qu'elle-même soit une criminelle était amusante, comme ça, ça ferait une voleuse, ou trafiquante de moins en ville. Même si son larcin allait disparaître avec elle, rongé par les flammes qui bientôt lècheraient les murs de la bâtisse. Deuxième pièce, le dressing: elle devait vouloir se montrer honnête, et ne pas se contenter de dire "il n'y a rien d'intéressant là-dedans", auquel cas il serait en proie au doute. Mais là, elle s'était trahie, cette pièce était intéressante si X-SMYLE avait voulu se travestir, car il n'y avait dans cette pièce aucune trace de vêtements masculins, mais alors quoi? Elle avait un mari par correspondance, elle avait le manoir et lui le motel? Ben non, c'était clair, elle avait menti, aucun autre homme ne viendrait au manoir ce soir. Ensuite, une autre salle, où elle entreposait divers objets, sur des socles ou des présentoirs. C'était plus intéressant, il faudrait y revenir plus tard pour rafler deux trois trucs.
Et enfin, la chambre. Si les autres pièces étaient fort bien décorées, cette pièce était à la fois sobre et impressionnante. Elle n'avait certes pas autant d'ornements que les autres, et de plus le lit était défait, mais la couleur des murs, et la disposition du mobilier rendait à la fois la pièce chaleureuse et accueillante. La jeune femme se posait sur le lit, et lui fit demi-tour, constatant qu'il n'y avait pas de téléphone sur la table de chevet, et donc aucun moyen d'appeler les secours. Et elle pourrait toujours essayer de fuir tandis que le voleur avait le dos tourné, ce serait étonnant qu'elle batte une bonne boule de feu à la course.
Il retournait au cabinet, choisissant de récupérer les bijoux en dernier. Il y avait là des sculptures plus ou moins grandes, des armes de collection, aussi tranchantes qu'une pomme, et d'autres objets fantaisistes. Il opta pour une petite dizaine de statuettes de bronze, et un vase en argent, qu'il posa près de l'escalier avant de retourner à la chambre: Shin n'avait pas bougé de place, elle se massait les mollets d'une main. Il fit le tour du propriétaire, des bijoux posés sur une petite table, près d'un miroir avec diverses brosses, pas de liquide dans les tiroirs, seulement quelques cosmétiques, et à côté sur une étagère, des bouteilles d'excellent cru. Il en attrapa une, du rouge, et examinait l'année: 1824! Avec cette seule bouteille, il avait dix ans de loyer vite réglés!
Il reposa la bouteille sur l'étagère en soupirant: pour un type lambda comme Pierre, impossible de revendre des bijoux aussi précieux ou une cuvée pareille sans éveiller les soupçons. X-SMYLE n'avait aucune relation au marché noir, puisque jamais personne ne l'avait vu, et si Pierre mouillait dans des affaires louches, il serait enfermé lui-même. On ferait ensuite le rapprochement entre son incarcération et le moment ou X-SMYLE arrêterait ses méfaits. Il serait alors accusé à raison d'être X-SMYLE, condamné, et exécuté. Finies les vacances en tant que Mortel, et adieu les chances de renouer avec sa chère et tendre femme. Il baissait la tête,se souvenant alors qu'il exposait son tatouage à Shin. Bah, pas grave, même si elle savait lire le grec et qu'elle faisait le rapprochement, il allait la tuer. Il posa donc la question avec flegme, tout en se retournant:

"Tu le mets où, ton liquide?"

Son cœur se pinça très violemment quand elle l'entendit fouiller et embarquer ses objets. Elle imaginait son cabinet de curiosités pillé, réduit à néant. Sa garde-robe éventrée et vides, ses chaussures disparues, son maquillage revendu. Ses chères bouteilles vides, vendues, elle qui avait passé tant de temps à les amasser, rien que pour les savourer en regardant des films, en lisant des livres, en couchant avec quelqu'un dont elle ignorait le nom - et cela était le cadet de ses soucis ... - , en écoutant de la musique ... Tout sa vie allait partir, et son manoir aussi.

Et elle, aussi. Étrangement, cette perspective ne lui glaça pas tant que ça le sang. Matérialiste et superficielle, elle estimait que sans ses objets, elle n'était rien. Elle accepta cette idée sans souffrir. Elle se foutait d'être vide. Elle se remplissait de fringues, d'or, d'alcool, et toutes autres choses chères, mais accessibles. Grâce à son boulot ... Elle soupira, ressentant l'envie trépidante de s'allumer une cigarette. Elle s'affala sur le sol, cherchant sous son lit un paquet de Black Devil, quand elle l'entendit parler. Arrêtée dans son élan, une cigarette dans une main et le briquet dans l'autre, elle repensa à l'arme. A l'être, là, face à elle.
En plein mélodrame, elle avait presque oublié qu'il était là. Elle reposa la cigarette sur le lit, et se leva.
Elle se sentait presque prête à le tuer. Elle ne connaissait fichtrement rien au grec ...

- Sous mon lit, dit-elle d'une voix froide.

Elle attendit qu'il entre à nouveau dans la pièce, s'approchant d'elle, et se jeta sur lui, pour le plaquer sur le lit et lui coller la lame sous la gorge. Elle n'était pas massive, mais sa transformation neko-humaine avait eue une répercussion sur son organisme : Elle avait acquise force et endurance développée, en tout cas davantage que celles des autres humains. Elle se maintint sur lui, la lame contre la peau du coup de son agresseur, le fixant, les sourcils froncés.

- Et voilà ... , dit-elle doucement ...

Elle eut un sourire, teinté de folie, et d'alcool. Une folie due à une improvisation, le cœur battant, face à quelque chose qu'elle ne contrôlait pas ...

La situation le dépassait, d'un coup. Finalement, il aurait peut-être du s'en tenir au plan, et l'asperger de magma dès qu'elle s'était approchée de lui. Mais non, forcément, il avait voulu s'amuser,et maintenant il avait un couteau sous la gorge. Décision de con!
A la vue du sourire de Shin, il se mit à rire à son tour. Elle était confiante, mais c'était bien parce qu'elle ne le connaissait pas...

"Et voilà quoi? C'est pas fini, regarde, je suis toujours vivant, ne vends pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué!"

Il essaya de baisser les yeux vers la lame, histoire de savoir avec quel type d'arme elle voulait l'égorger, mais son champ de vision s'arrêta au décolleté de son hôte. Bah, c'était toujours ça de gagné, de toute façon, le jour où un être humain pourra voir sa gorge autrement que dans un reflet... Bref, après quelques secondes de contemplation, son regard revint vers le visage fou de Shin. Il prit un air interloqué:

"Dis, pourquoi tu l'as pas fait? T'aurais pu fendre la chair, immédiatement après m'avoir plaqué, et là paf, je meurs, tout va bien, t'es tranquille!"

Oui, quelque chose clochait. Elle pouvait le tuer maintenant, à moins que comme le coup du mari, ce ne soit du bluff. Sous sa forme d'avatar, il avait besoin de voir ce qu'il brûlait, il n'avait d'influence que sur ce qui se trouvait dans son champ de vision. Impossible donc de faire fondre la lame qui touchait sa gorge, à moins d'enflammer sa propre gorge. Ce serait indolore, mais Shin prendrait feu, or, ce n'était pas parce que les choses se corsaient que le petit jeu devait s'arrêter. Sans compter qu'il se demandait toujours pourquoi il n'avait pas perdu une goutte de sang. Elle lui laissait une chance de négocier sa survie? A voir...

"Que les choses soient claires, pas un instant je ne vais chercher à parlementer. Soit tu me tues, soit je te tue. Je sais que tu ne peux pas avoir confiance en moi, donc même avec un 'arrangement à l’amiable', aucun de nous deux n'a la garantie que l'autre tiendra ses engagements. Je peux décider de te buter à n'importe quel moment, j'ai même sous la main deux belles manières qui te feraient crever dans d'atroces souffrances avant même que tu n'aies exécuté le simple mouvement à faire pour me saigner."

Un sourire confiant illuminait son visage, il eut même le cran de retirer son chapeau en bougeant lentement, parce qu'il le gênait. Il voulait savoir pourquoi elle ne l'avait toujours pas fait, ça lui torturait l'esprit, mais en même temps, il voulait pousser son petit jeu un peu plus loin.

"Tu me croirais si je te disais que j'ai déjà vu des Dieux?"

Il espérait que la raison pour laquelle il n'était pas déjà dans sa forge sur l'Olympe après la mort d'X-SMYLE était que la propriétaire du manoir se voyait intriguée par l'inconnu qu'il était, et qu'elle souhaitait en savoir plus. On ne trouve pas un type qui a croisé un Dieu dans tous les coins de rue de Seikusu, il voulait piquer la curiosité de Shin pour allonger un peu son espérance de vie. Peu importait qui tuait l'autre au final, dans les deux cas son esprit serait torturé par la question. Pourquoi n'avait-elle pas égorgé le terroriste qui la menaçait quand elle en avait eu l'occasion?

En tout vérité, elle avait peur. Elle n'aimait pas sa manière de parler, de faire. En tout cas, la petite bourgeoise couverte de richesses qu'elle était n'aimait pas cet homme, ses mots, ses yeux. Mais la partie d'elle totalement noyée dans un alcool profond et des drogues hallucinatoires le trouvait amusant. C'était pour ça qu'elle ne l'avait pas tuée. Pour le voir réagir. Pour regarder ses yeux, voir comment il réagirait si elle lui tenait tête.
En contemplation devant un homme en danger, elle écouta à moitié sa première phrase. Puis s'extirpa de ses pensées. Son cerveau la plongeait dans ses songes et des philosophies intérieures qui lui faisait bien souvent perdre pied ...

Elle cligna des yeux violemment, écoutant ce qu'il disait, sans réagir. Elle respirait de manière discrète, comme toujours, donnant même l'impression qu'elle ne respirait pas du tout. Ses yeux essayaient d'anticiper les actes de l'homme, ses mots.
Mais ces mots lui lancèrent un défi. Cet homme osait donc dire qu'il pouvait la tuer n'importe quand, sans que cela lui pose de soucis ? Elle s'apprêta, vexée, à lui taillader la gorge, quand il parla de Dieux. Elle ne bougea plus, brusquement, fixant à peine cet homme. En tout cas, pas son regard. Elle en serait décontenancée.

- Ne te fous pas de moi ...

Elle soupira longuement, le regardant d'un air blasé.

- Les Dieux sont une pure invention d'humains qui ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas. Seuls les esprits faibles s'attachent à de telles sottises.

Sa voix était froide, certes, et teintée de haine.

- Tu penses que je te maintiens en vie pour t'entendre dire ça ?

Elle soupira à nouveau.

- Je veux juste te regarder un instant soumis, dominé par une peur de crever. Tu as essayé de me piéger, de faire ce que tu voulais de moi. A mon tour. Je veux juste voir ce que tu es capable de faire pour te sauver.

Son instinct de survie était mort depuis bien longtemps, elle devait l'avouer. Noyé par l'alcool. Elle ne pensait qu'à jouer et étudier quiconque l'approchait.
Une folle, oui.

Le grand sourire d'X-SMYLE ne faillit pas une seconde. Ainsi, elle ne croyait pas au Dieux? M'oui, c'était possible sur Terre après tout. Il était totalement hilare, de la voir imaginer qu'elle contrôlait un tant soit peu la situation. Cependant, il l'écoutait sans intervenir, la regardant s'enfermer dans une bulle d'incrédulité.

"Ma première option pour te tuer, et d'entrer en combustion spontanée. Vu notre position actuelle, tu ne ferais pas long feu. La seconde consiste à..."

Il orienta son regard vers la petite table où étaient posés les bijoux. On entendait un bruit, "psccht", et du magma débordait du tiroir, brûlant le bois du meuble. La table bascula et tomba, alors que le liquide brûlant semblait se résorber de lui même et disparaître.

"Figure-toi que la magie, c'est comme les Dieux, ça existe. Je peux faire apparaître le feu et le magma à chaque endroit que je vois. Et si je regarde dans tes yeux..."

Sa démonstration avait été assez convaincante pour qu'il n'ait besoin de terminer sa phrase. En réalité, elle avait beau avoir le pouvoir de le tuer depuis qu'elle lui avait mis le couteau sous la carotide, lui en était capable depuis leur rencontre. Il n'y avait pas de "à mon tour" qui tienne, elle était autant dans la merde que lui. Il n'était pas un esprit faible, mais il était capable d'affaiblir celui de Shin. Cartes sur tables.

"Mon véritable nom est Héphaïstos, ou Vulcain, qu'importe. Je suis très bien placé pour savoir si les Dieux sont des inventions ou non. A moins qu'en réalité, tu ne sois seule dans cette pièce, et que je ne sois le fruit que de ton imagination. Crains-tu l'inconnu? Aurais-tu l'esprit faible?"

Il avait décidé de changer la donne, et de la torturer un peu. Il rit

"Allez Shin, dis-moi que je n'existe pas, dis-moi que tu as inventé tout ça, que personne n'a fait fondre la fenêtre du couloir en bas, que ta table à bijoux n'a pas brûlé quand mes yeux sont devenus oranges, que personne ne s'est servi dans tes affaires, et dis-moi que le contact de mon corps, allongé sous le tien, dis-moi que tu l'as imaginé, avoue que tu es folle!"

Bien sûr que non, elle ne pourrait jamais se l'avouer. C'était donc l'autre option, il avait raison sur les Dieux, et sur la magie. Et il était capable de faire ce dont il avait parlé. Ce fut son tour de soupirer.

"Je compte jusqu'à trois. Si tu me dégages pas ton arme de là, je fais tout cramer, ton manoir, et toi la première. Un..."

Elle regretta aussitôt amèrement ses propos. Et elle emmerda profondément Nietzsche et ses théories athéistes. En un seul instant, cet inconnu venait de faire tomber tous ses idéaux philosophiques. Ce qui la maintenait un tant soit peu en vie ... S'il osait embarquer toutes ses bouteilles, là, elle se suiciderait à coup sûr. D'un coup de lame dans le cœur. Le côté tragique de la chose l'amusait, d'ailleurs.
Elle était restée aussi froide que possible devant ce qu'il lui disait. Mais elle savait que son regard la trahissait ... Elle était comme une môme à qui on a mentie depuis des années et qui, brusquement, apprends la vérité de manière abrupte.

Elle était folle, certes, mais pas au point de tout imaginer ... " Putain, on se croirait dans Fight Club " songea t'elle. Elle n'était pas atteinte à ce point, elle le savait. Alors il avait raison.
Et elle, tort.

Elle l'entendit proférer sa menace ultime, et savait qu'elle n'avait que trois secondes pour hésiter. Le tuer, ou le lâcher. Ou se tuer. Au choix. Non, elle ne lui ferait pas ce plaisir ...

" Un ... "

Elle inspira un grand coup, le dévisageant.

" Deux ... "

Dans un ultime effort, roulant des yeux et grimaçant, elle retira l'arme, et se retira elle-même du lit. Les yeux mi-clos, bien décidée à se caler dans un mutisme total, elle se posa au pied du lit, l'arme dans une main, comme pour se rassurer un moment. De l'autre main, elle attrapa une bouteille de whisky écossais caché sous le lit, une bouteille même pas entamée. " Quitte à crever, autant la boire un jour ... ". Inconsciemment, elle voulait sacraliser le jour de sa mort.
Brûlée, comme une hérétique, par un dieu. Quelle ironie ...

Elle fit sauter le bouchon de la bouteille, s'installant en tailleur, et but une gorgée violemment, rejetant son visage en arrière. Elle détestait cette position de soumission, surtout après une illusion de domination éphémère.

" Je suis folle, claqua t'elle d'un ton rempli de colère. "

Elle releva les yeux vers lui, et but une autre gorgée d'alcool.

A peine Shin se retirait que lui-même se redressait. Assis au bord du lit, il observait la jeune femme en train de déprimer, une bouteille de whisky à la main. Déjà brisée? Elle avait l'air en colère contre elle-même. Elle se croyait folle, ça amusait Pierre.

"Et alors? Moi aussi je suis fou. Qui aurait imaginé un Dieu vénéré à travers les âges devenir un voleur, violeur et tueur? La liberté, c'est jamais rien d'autre qu'un joli mot si tu peux pas être aussi cinglé que tu ne veux l'être."

Il lui prit la bouteille des mains et en prit une gorgée. Au fond il n'y avait pas de mal à être fou, ça faisait peur aux autres et après? On s'en fout des autres! Il lui rendit la bouteille et continua:

"Un peu conne par contre. Que tu m'épargnes ou pas, ça ne changeait rien. Dans les deux cas, j'allais te tuer. La seule différence était la manière. Quitte à crever, j'aurais quand même essayé de tuer le type qui me menaçait, dans le doute."

Il descendit au bas du lit et s'assit à côté d'elle, la tête posée sur le bord du matelas. Elle avait certes encore son arme dans la main, mais elle devait avoir perdu la volonté de s'en servir. Et de toute façon, c'était maintenant inutile. Il soupira un moment, pour une raison qu'il ignorait, il ne voulait même plus la tuer. Partir avec son fric si, mais en la laissant en vie? C'était malheureusement trop dangereux. Tant pis, il fallait la tuer. Aucune autre alternative. C'était pourtant amusant, excitant, qu'il y ait quelqu'un dans cette ville qui sache qui il était, même derrière Pierre Listan.Finalement, il y avait peut-être quelque chose à faire. Avec des fous, on n'est jamais à cours d'idées. Il faut dire que la maisonnée était assez sympa, au fond. Ce fut direct:

"Loge-moi ici."

Et ce fut tout. Ses yeux noirs fixèrent ceux de la blonde, gros silence. Il reprit:

"J'y gagne au change, si j'ai pas de loyer à payer. T'habites toute seule dans une grande maison, et tu sais qui je suis. T'as qu'une option si tu veux pas crever, t'acceptes un autre fou chez toi, et tu ne dis rien sur X-SMYLE ou Héphaïstos. On aura qu'à dire que tu as pris un colocataire, je m'occuperais des corvées si tu veux. Je m’appelle Pierre."

Il se releva et s'étira. Il avait soudainement pris gout au danger, c'était amusant au fond, comme situation. Il lui tendait la main à la fois pour l'aider à se lever, mais aussi pour conclure leur soi-disant "arrangement".

"Marché conclu?"

Et il ajouta, comme pour montrer ses bonnes intentions:

"Par moments, tu me rappelles ma femme. Distante tout en restant là."

C'était pas comme si elle avait le choix finalement, soit elle acceptait, soit il la tuait, à moins qu'elle ne décide à son tour de changer la donne?

D'un geste violent, elle récupéra sa bouteille. Il fallait bien qu'elle boive une épaisse gorgée d'alcool. Non, deux. Une pour ce qu'il venait de proposer, et une autre pour tenter de définir une réponse à peu prés potable.
En reposant la bouteille, celle-ci heurta le briquet sorti plus tôt. Elle l'attrapa , et chercha du bout des doigts, sur le lit, sa cigarette. Perdue entre les draps ... Elle posa sa lame sur le sol, jugeant qu'elle n'avait plus à s'en servir. Et elle sortie une nouvelle cigarette du paquet, une roulée, l'allumant consciencieusement. L'épaisse fumée l'aveugla un moment, et l'odeur lui rappela qu'elle n'avait pas mis que du tabac dans cette roulée. Un sourire apparut sur son visage.

Elle le regarda, les yeux brillants. L'alcool, l'adrénaline, le tabac et le cannabis lui faisait tourner la tête.

" J'aime trop mon statut de louve solitaire pour vous permettre de rester ", souffla t'elle.

Elle tira une grande bouffée sur sa cigarette, et rejeta sa tête en arrière.

" Cependant ... Si vous occupez la chambre, en face, ancienne chambre de mon époux ... Si vous me rendez mes bouteilles, mes bijoux, et tout ce que vous m'avez pris ... Si vous ne rentrez jamais dans cette chambre, ou dans mon cabinet de curiosités ... "

L'alcool lui piquait les lèvres. Elle souffla sur le bout incandescent de sa cigarette, réflexe de jeune droguée - disait sa mère - et inspira l'air frais.

" J'accepterais ... "

Elle s'efforça de ne pas sourire, faisant tourner la cigarette entre ses doigts.

" Je suis assez conne pour accepter, et vous suffisamment con pour envisager de vivre avec moi. "

Elle n'avait pas ignorée sa dernière remarque.

" Tant que vous ne ramenez pas toute votre petite famille ... "

Sourire cynique, ironique. Elle chercha, à tâtons, la bouteille qu'elle avait posée sur le sol.