Ca fait du mal ... [ Pv ]

En recouvrant ses esprits, Shin se rendit compte de sa connerie monumentale. Une inconnue, ici. Au beau milieu de magouilles tout ce qu'il y a de plus illégales. Elle monta quatre à quatre les escaliers, se battant contre la fatigue pour parvenir à trouver un équilibre à peu prés potable, et poussa la jeune femme jusque dans sa chambre, refermant la porte. Avant même que cette môme ait pû répondre à Pierre. La tête appuyée contre la porte, Shin reprit sa respiration, puis se retourna vers lui, l'implorant du regard. Le suppliant de ne rien faire à cette charmante enfant. Elle ouvrit la bouche, récupérant ce qu'elle avait de raisons.

- Pierre ... Ne lui fais rien, murmura t'elle. C'est un super bon coup ...

La petite artisto pourrie-gâtée était au sommet de sa poésie, en disant cela. Et elle savait que cet homme, quoi qu'elle pourrait dire, ferait ce que bon lui semble. Elle plongea une main dans une poche de son peignoir, et en sortit la carte d'identité de la jeune inconnue croisée dans le couloir de cette maison. Elle fit tournoyer la carte, et la lut un moment, avant de la ranger à nouveau ...

- Natacha Hanks. Je l'ai trouvée déchirée, hier. Peut-être autant que moi ... Je voulais rattraper sa nuit, et la mienne. Elle a dû comprendre la moitié de ce que tu lui as dit. Elle est inoffensive, et parle à peine japonais. Elle baragouine des conneries sans aucun sens.

C'était un plaidoyer véridique, mais pas très efficace. Le dieu n'aurait sûrement aucun scrupule à faire la peau à une immigrée camée jusqu'aux oreilles. Tant pis, j'aurais essayée. Elle se décida bien vite à changer de sujet de conversation, remettant en place sa coiffure fait de bric et de brocs. Elle était à peine réveillée, comprenez-la ... Alors qu'elle se préparait à sortir un paquet de cigarette de sa poche, elle se retint. Elle ne voulait pas donner une mauvaise image d'elle à Pierre, celle d'une femme qui fume alors qu'elle n'est qu'à peine levée, et même pas lavée. Elle se contenta d'arborer un sourire aussi chaleureux de possible.

- Installe-toi bien, dit-elle en souriant. Le temps que j’éjecte Natacha de cette demeure, et que je me lave. Et après ... On fêtera ça avec un whisky 33 ans d'âge.

Ce n'était même pas un jeu, de se montrer aussi sympathique. Elle n'avait pas envie de l'envoyer paître à coups de répliques assassines. Pas envie.

Il croisa les bras et marqua un temps. Son visage restait impassible. Il n'était pas furieux, ni même ne serait ce qu'un peu en colère. Il finit juste par se tourner vers l'escalier en lâchant ces quelques mots:

"J'vais chercher mes affaires."

Bien sûr, il la laissait douter un instant. Il commença à descendre les deux premières marches et lâcha par-dessus son épaule d'un ton parfaitement neutre:

"Si je suis arrêté et condamné par sa faute, je reviendrai spécialement sur Terre pour prendre ta vie. Si c'est le cas, ne t'attends pas à une mort brève et indolore. Si mes vacances s'interrompent à cause des supplications d'une jeune femme qui a la gueule de bois, tu en souffriras même après ta mort. Je ne plaisante pas."

Cela pouvait sembler exagéré comme réaction, mais accomplir le même labeur depuis des millénaires était fort lassant. Forger des objets magiques avait beau être une activité passionnante, faire ça éternellement était terriblement lassant. La vie d'Héphaïstos était tellement monotone qu'il ne saurait donner son âge exact. Il lui arrivait même parfois d'envier les damnés qu'on torturait aux enfers. Ces gens-là au moins n'avaient pas fini d'être surpris.
Il descendit donc au salon, se contorsionnant comme un dingue pour réussir à porter les trois sacs poubelle en même temps sans les faire tomber dans l'escalier. Il entra dans la chambre, s'assit sur le bord du lit et commença à déballer ses affaires. Le premier sac qu'il ouvrit fut celui de l'ordinateur et des consoles. Il commença à chercher des prises électriques bien placées dans la pièce, déplaçant tel ou tel meuble pour s'arranger. Mais vraiment, cette pièce était trop sombre, et la tapisserie n'arrangeait rien. Il était grand temps de refaire la déco, et d'ajouter une ou deux fenêtres, aussi. La pièce était relativement spacieuse, mais même avec les deux petites fenêtres et la porte ouverte, difficile d’aérer. Ça sentait toujours le renfermé.
Il ouvrit l'armoire, et vit de vieux vêtements rongés par les mites. Tissus comme insectes se consumèrent sous les yeux du jeune homme, qui se rendit compte ensuite qu'il n'avait de toute façon pas de quoi remplir le meuble pour le moment. Il le referma en soupirant. Le pc était posé sur le bureau, dans un coin, et opérationnel. Il s'en alla ouvrir le second sac, et en sortit des billes de polystyrène un petit téléviseur et deux consoles, qu'il installa en face du lit. Le troisième sac contenait son téléphone et quelques broutilles, il s'en occuperait plus tard. Il retira son t-shirt et s'affala à plat ventre sur le matelas dans l'idée de faire une petite sieste. La semaine avait été vraiment éprouvante.

Shin ne lui répondit même pas, restant immobile, sans oser parler, devant sa porte, les poings serrés. Elle savait qu'il ne déconnait pas. Quand il menaçait, il multipliait par 100 la chance que la Mort vienne, dés demain, toquer à votre porte. Cependant, elle ne lui offrit aucune réaction, et rentra dans sa chambre. La jeune femme était là, immobile, sur le lit. Shin hésita à agir, puis sortit de sa poche une dose de drogue assez conséquente, de celles qu'on s'injecte dans les veines, le sourire aux lèvres. Elle lui fit signe que celle-ci n'était pas chargée, voir très douce, et la fit sortir de chez elle, sans un mot. Pas chargée ... Mon cul, oui. Y'a suffisamment d'arsenic et de came dedans pour que tu clamses en trois secondes. Désolé ma belle, mais je préfère te voir mourir d'une overdose, les yeux brillants, plutôt que cramée entre les mains de ce malade.  Ne cherchez pas à savoir ce qu'elle faisait avec de la drogue coupée à l'arsenic, c'était une arme de défense et de vengeance comme une autre ... La jeune femme rentra dans ses appartement, sous sa douche, s'aspergeant de ce liquide salvateur qui lui donnait la sensation de changer de peau, et s'extirpa rapidement de cette pièce, se plantant devant son armoire. Ne plus sentir l'alcool lui apporta une vaine libération.

Elle serra les poings. Pour sa survie, elle n'hésiterait pas à claquer la vie d'une autre. Elle attrapa, les yeux fermés, une robe courte, noire. Des collants rouges. Des chaussures aux talons démesurés. Une multitude de bracelets. Elle se maquilla, presque outrageusement, et descendit les escaliers, pour aller chercher de quoi boire avec son nouveau colocataire ...

- Ah, ça va être drôle ... souffla t'elle.

Elle se décida de ne plus parler de Natacha à Pierre. Qu'il la prenne pour une idiote, soit. Mais elle ne lui avouerait jamais la manière qu'elle avait de se débarrasser des gens.

Elle remonta les escaliers bruyamment, et tocqua à la porte du jeune homme. Entra dans la permission, une bouteille de whisky 33 ans d'âge entre les doigts de la main droite, même pas entamée, et deux verres sculptés avec soin dans l'autre main. Arbora un sourire.

- Je te l'avais promis !

A présent, il lui faisait presque peur. Elle éjecta cette pensée de son esprit d'un coup de batte. Plutôt mourir que craindre.

Le visage écrasé dans le confort du matelas, il commençait à somnoler, et doucement, sombrer dans l'inconscience, se reposer dans les bras de Morphée. Quelle semaine harassante!
Quelqu'un montait les escaliers, sans doute Shin. Elle frappa à la porte, et il se retourna sur le dos en l'invitant à entrer. Elle brandissait deux verres et une bouteille de whisky, le visage rayonnant. Ah oui, elle l'avait dit. Elle semblait tout de même bien confiante, pour une femme qui est menacée de mort toutes les deux minutes. Elle s'habituait? Elle ne le croyait plus? Ce serait risqué...
Il se redressa, assis sur le lit, les jambes légèrement pliées pour qu'il puisse poser ses coudes sur ses genoux. Il lui rendait son sourire, par politesse. Il aimait bien les gens souriants. Et puis, il tapota la couverture, à côté de lui, pour l'inviter à s'installer. Il ne prit pas la peine de lui demander si elle aimait la déco, à vrai dire il s'en foutait comme de sa première enclume.

"Elle était mignonne ta copine là... Mais elle tombait mal!"

Pierre ricana: il ignorait ce que l'avenir réservait à cette Natacha, et jusqu'où sa nouvelle colocataire pouvait aller pour protéger son secret et sa propre survie. Quoiqu'il n'en serait pas surpris, elle avait bien tué son mari sur un coup de tête... Elle en aurait sûrement fait de même avec lui, s'il n'avait pas été un Dieu. Elle était presque aussi timbrée que lui au fond, cette cohabitation allait être amusante! L'avatar se sourit à lui-même, et son regard s'égara sur le sol. Un souvenir lui revint.

"Hé, la terranide sur la photo de l'autre fois, c'était vraiment toi?"

Il rougit et s'ébroua comme un animal trempé, puis s'éclaircit la gorge:

"Non... J'm'en fous en fait. C'que je veux savoir, c'est... Comment t'as eu ce manoir?"

Quitte à entamer une discussion, autant commencer par les combines pour se faire de l'argent facile! A vrai dire, il perdait de plus en plus l'habitude d'avoir des discussions normales avec les femmes, avec sa tendance à vouloir séduire, et se taper un maximum de filles tant que son physique le lui permettait. Il n'allait pas être le beau Pierre Listan éternellement, et Pierre n'allait pas demeurer jeune éternellement non plus.

Shin leva un sourcil, entendant sa question. Se souciait-il vraiment d'elle, de son passé ? Elle crut à de la politesse, un moment, même si elle ne croyait que très peu à cette hypothèse. Voyons ... Ils étaient suffisamment  dingues pour ne pas à avoir à faire l'effort de se soucier l'un de l'autre. Elle doutait réellement qu'il puisse vouloir mieux la connaître. Elle s'installa à côté de lui, faisant tenir les verres sur la couette sans qu'ils tombent. Une fois plein, elle en prit un et tendit l'autre à son hôte, les yeux dans le vague.

Ha, d'accord. Sa seconde question la fit redescendre sur Terre. Question d'argent, d'accéder facilement à certaines choses, ce genre de combines intéressantes. Elle passa sa main sur son front, prenant son temps avant de répondre. Elle ne se sentait pas fatiguée, et n'en avait pas marre de lui, non. Mais elle cherchait ses mots. Comment expliquer son passé, dont elle-même ne se souvenait pas ? Elle reprit sa respiration, et commença à parler doucement.

- Avant, j'étais Terranide. Oui. J'étais un "nez", dans les parfumeries.

Elle but une gorgée d'alcool.

- Crois-moi ou pas, tu gagnes bien ta vie. C'est comme ça que j'ai eu ce manoir. Entre autres ... J'ai dû me marier, aussi. Mais il est mort de vieillesse. Je l'aimais un peu. Suffisamment pour le combler sexuellement sans avoir à avoir la nausée.

On la traitait vaguement de gérontophile à cette époque ... Elle soupira à nouveau, se tournant vers lui.

- Je pense qu'il n'y a pas de petits profits. Chacune de mes histoires "d'amour" m'apportaient au moins quelque chose. Un manoir, de l'argent, des bijoux ...

Elle était surtout vénale, tout compte fait. Et cela lui plaisait plus qu'autre chose. D'un ton enjoué, elle assena un :

- Pas de scrupules, et la vie est plus belle !

Sur ce point, elle ne mentait pas. Elle vivait une vie extraordinaire, et dans une demeure délicieuse. Elle n'avait aucun problème d'argent, vivant même dans un luxe clinquant. Une gorgée la ranima, et elle le regarda. Elle aimait bien le regard de son colocataire, avec cette lueur de folie et de mystère qui étincelait. Il avait l'air d'un homme dangereux ... Et il en était effectivement un. Mais était-ce un mal ?

La réponse fut non. Elle leva son verre vers Pierre, comme pour porter un toast.

- A notre "vie" ensemble !

Un sourire pointa sur ses lèvres, et elle but une longue gorgée.

(HS: Bon, après presque un mois à chercher du clinquant, j'ai pas trouvé de clinquant. Mais il faut bien que je réponde, I guess^^)

Il n'avait pas touché à son verre, absorbé par ses étranges paroles. Ce qu'il avait retenu? Les mots "tu gagnes bien ta vie", "argent", "bijoux", et enfin, "Pas de scrupules". Un mince sourire étirait ses lèvres, un sourire partagé entre son côté joueur, et son côté "psychopathe sadique". X-SMYLE partageait le secret de son petit jeu avec Shin. Pourquoi tout simplement ne pas partager le jeu avec elle?

Alors il honora son toast, en descendant son verre cul-sec. Il grimaça un peu, parce qu'il n'était pas trop whisky. Il était habitué à limiter ses beuveries à saké et bière, ou nectar d'ambroisie quand il travaillait. Mais pas d'eau. Jamais d'eau. Puis il sourit:

"Si tu me files un coup de main, je veux bien partager les benef'! En bossant toute une soirée, X-SMYLE peut gagner environ 3 millions de yens en liquide."

Il contempla un instant sa gourmette, et rit nerveusement. Était-ce un rêve, ou bien avait-il réellement proposé à Shin d'assister X-SMYLE dans ses méfaits? C'était vraiment risqué, et surtout, c'était extrêmement dangereux!
Mais dans le fond si excitant... Il ne pouvait s'empêcher de sourire en imaginant la chose. Alors il se résigna:

"Tu m'aides juste au repérage et au rassemblement du butin, je me charge de tout le reste. Et on partage 65/35 à chaque fois, je t'oblige même pas à venir à chaque fois!"

Bon, il ne fallait pas oublier que ce cher Pierre était tout de même un bon négociateur, et qu'il ne perdait pas le nord pour ce qui était de l'argent. Et puis il n'avait pas vraiment besoin d'elle les soirs où il s'en allait violer des femmes qui ressemblaient physiquement à sa colocataire. C'est sûr que ce côté là d'X-SMYLE, il l'avait passé sous silence.

( C'dur, de trouver l'inspi ... Au pire, dis le moi, je ne t'en voudrais pas, si tu as du mal à trouver une suite )



La jeune femme manqua de se noyer dans une gorgée de ce très bon whisky - volé, comme souvent ... - et le regarda, les yeux grands ouverts. Elle en venait à oublier de cligner les paupières. Cette proposition l'étonnait. Elle croyait rêver, et n'osa pas y croire. Puis elle en vint à penser aux avantages et désagréments d'une telle union. Son seul réflexe fut un vague sourire, avant qu'elle ne se remette à boire une gorgée, à nouveau. L'alcool inonda son oesophage autant que ses pensées, et elle fit tinter ses doigts sur le verre vide (déjà?), fixant le vide avec la prestance d'une alcoolique.

- Il faudrait ... voir ...

Elle ferma les yeux, imaginant un instant la scéne. Non, si elle se faisait pincer, elle se retrouverait dans de sales draps ... Cette pensée pinça son cœur si fort qu'elle sursauta.

- Putain, murmura t'elle.

Quelle vulgarité. Mais il était clair que, pour la première fois depuis son opération pour devenir une humaine, son cœur s'était pincé. Elle inspira une gorgée, attrapa la bouteille pour se resservir un verre, machinalement. Puis elle le regarda, sans parler. Elle venait de ressentir quelque chose, là. Se sentir en danger, comme si elle marchait sur un fil avec 5 grammes d'alcool dans le sang - charmante comparaison - au dessus de la Mort elle-même. Elle venait de ressentir, à nouveau, rien qu'en s'imaginant faire quelque chose de dangereux pour sa peau.

- C'est d'accord. Oui, d'accord ... D'accord.

Une gorgée fut vite avalée, ensuite. Elle afficha un sourire, reprenant sa prestance habituelle.

Même en dealant des quantités astronomique de drogues ou d'armes, elle n'avait pas ressentie ce genre de sensations. Alors, au nom de ce qui la ferait sans doute vibrer un instant, elle venait d'accepter.

Elle venait d'accepter. C'était excitant, même s'il la trouvait encore un peu hésitante. C'était normal, tant qu'elle n'avait pas essayé. La poussée d'adrénaline qu'elle aurait en assistant X-SMYLE, elle ne la regretterait pas, et il le savait. C'était en partie pour ça que X-SMYLE était X-SMYLE, le danger omniprésent, un plan à échafauder et à exécuter avec la minutie d'un  maître artisan, toutes ces sensations fortes, c'était un pied pas possible. Il arborait un sourire complice:

"D'accord, on va s'y mettre dès ce soir, alors!"

Il se mit sur le côté du lit, posa son verre au sol et se dirigea vers la porte. Il lâcha en partant un:

"Je vais prendre ma douche. Ce soir, après le dîner, on part en chasse, et on fait main basse!"

Et c'est ce qu'il fit. Sous l'eau chaude et dans la vapeur, il réfléchissait au lieu et au plan d'action. Ne sachant pas ce que Shin valait en tant que que cambrioleuse, il cherchait une cible à la fois facile et rentable.
En sortant de la douche, il réalisa qu'il n'avait pas pris de vêtements. Il se sécha donc à la méthode des humains, comme il avait l'habitude de faire depuis qu'il était Pierre. En sortant de la salle de bain, il était vêtu uniquement de son bermuda, mais ne savait toujours pas quoi attaquer. Cette question le travailla toute l'après-midi, alors qu'il s'affairait à remettre la maison en état. Il faisait néanmoins attention à ne pas tout déplacer, et posait les objets qu'il ne savait pas où ranger en évidence, de sorte à ce que sa colocataire sache les retrouver. Toute l'après-midi, Shin avait le luxe de pouvoir voir Héphaïstos lui-même brandissant successivement plumeau, balai, serpillère, éponge et aspirateur pour retaper la maison avec zèle. Le soir, il lui avait préparé des nouilles japonaises accompagnées de beignets de calmars.

Ils étaient attablés alors qu'il lui dévoila le déroulement de la soirée. Sa gourmette tapait de temps en temps sur le bord de son assiette.

"On va attaquer le casino. J'ai jamais fait de casino, mais ça m'a l'air hyper simple. Il suffit de fouiller le coffre, et les étages. Ce soir, c'est son jour de fermeture, j'y ai déjà été avec une amie. Le gros avantage, on est sûrs qu'il n'y aura personne, à moins qu'un employé se tape la secrétaire du dirlo en douce. Mais il y a le gros inconvénient aussi. Avant de se mettre à fouiner et à tirer les richesses comme des amateurs, il faut détruire la pièce où la vidéosurveillance est enregistrée, et neutraliser les éventuels systèmes d'alarme. Ton boulot se résumera à trouver ces pièces et m'aider à porter les sacs, on gagnera un temps considérable. J'estime le pactole à environ 6 ou 7 millions, il y a autant de pognon là-dedans que dans une banque, avec tous les flambeurs."

Il versa un peu de vin dans son verre pour se rafraîchir le gosier, et sourit:

"Alors, qu'est ce que t'en penses? Facile, non?"

Shin le regarda s'affairer avec un sourire presque attendri, tout l'après-midi. Elle en vint même à rester à jeun durant toute cette période ... Elle le suivait des yeux, hésitant entre sourires moqueurs et regards doux, comme ceux d'une femme qui admire son époux, au début d'une relat ... Elle se gifla violemment, avant de regagner sa chambre, sourcils froncés. T'es conne ... Ce genre de sous-entendus lui rongeaient ses derniers neurones, et les minces parcelles de raison, le genre qui vous ordonne de ne pas boire ce verre, de tirer une croix sur ce rail de coke, parce que vous êtes déjà assez déglinguée. Un peu plus, et elle deviendrait sentimentale. Laisse-moi rire ! Quand elle se rendit compte qu'elle se parlait à elle-même, elle se gifla à nouveau, avant de squatter sa chambre en comatant toute la fin de journée, mettant fin à ce jeun impromptu.

Le repas fut une surprise agréable, et quand son colocataire annonça son plan, elle reste interdite. Il ne déconnait pas, alors ... Elle avait crut que, ce soir, il lui annoncerait que c'était une mauvaise idée de se mettre à faire des conneries ensemble, le soir. Mais non ... Il relançait le jeu. Elle accueillit sa proposition avec un grand sourire.

- Fa ... cile ?

Elle se laissa rire nerveusement pendant quelques secondes. Elle n'avait jamais fait ce genre de choses ... Mais elle ajouta, souriante :

- On verra ça. Mais je pense que ça risque d'être ... excellent.

Un sourire grandissant, tandis que ses yeux se remettaient à luire de manière presque malsaine. Elle sentit, à nouveau, son cœur bondir, poussé par l'adrénaline et le danger. Un vrai plaisir ... Elle se mordit la lèvre inférieure. Ce que c'était bon, de ressentir à nouveau ... Sa main, par réflexe, se posa sur son propre cœur, étonnée par la vitesse de ses battements. Elle n'avait même plus besoin de drogue quelconque pour ressentir quelque chose de puissant. L'adrénaline, à cet instant, lui suffisait.

- Je te fais confiance.

... Le ton n'était même pas ironique.

Ils terminèrent le dîner sur un sorbet à la menthe fait maison, et un petit café pour digérer. Vingt minutes plus tard, ils étaient sur le parking désert du casino. L'avantage, c'est que c'était pas un petit casino. Et donc, il y avait palissades et arbres pour limiter les témoins. Un homme vêtu d'un bermuda noir, d'un collier rouge et d'un chapeau orange s'approchait de la porte d'entrée, examinant la pièce à travers la pièce. Il avait pris soin de munir Shin d'un pied de biche, outil indispensable pour fracturer des portes, des fenêtres, des coffres et des crânes. Après avoir bien analysé la pièce principale, il prit un peu de recul, ferma les yeux et écouta le vent souffler. Il était assez léger, et soufflait vers l'Est. X-SMYLE s'adressa à sa comparse:

"Hé ben, c'est pas du petit bâtiment! Vidéosurveillance et capteurs de mouvements dans la salle d'accueil. Va falloir désactiver tout ça avant de rentrer par là. C'est dommage, on va avoir besoin de cette pièce pour vider les machines à sous et démarrer l'incendie..."

Il pencha la tête légèrement de côté, se grattant le menton en fronçant les sourcils, les yeux baissés. Il fit un signe de la main à Shin pour qu'elle l'accompagne, et ils contournèrent la bâtiment:

"Bon, pour ce coup, il va falloir que tu retiennes deux choses: tu dois impérativement surveiller les murs et le plafond, et ne jamais forcer une porte si tu n'es pas sûre que c'est sans risque. C'est un job dangereux, faut être méticuleux!"

Ce n'était jamais qu'un jeu pour lui, mais comme tout jeu il y avait des règles. D'autant plus que Shin risquait plus gros que lui, elle n'était pas éternelle. Ils arrivèrent devant la porte de service, contre laquelle il posa sa main. Il arborait un sourire confiant avec un regard amusé, en s'adressant à sa partenaire comme s'il allait commencer un donjon sur warcraft:

"Bon, si t'as tout compris on y va!"

La porte rougeoya et tomba en lambeaux de métal chauds sur le sol en damier. Le contact avec le sol froid les fit émettre un long pshiiiit, et Pierre s'esquiva sur le côté, ouvrant le passage à sa complice avec une révérence de gentleman:

"A toi l'honneur!"

(HS: Un peu courte celle-ci... Désolé pour le pshiiiit, je trouvais plus le terme exact^^)

Shin était étourdie par sa propre folie, et celle de X-Smyle. Enfin, elle était surtout étourdie par un bon paquet d'autres choses ... L'adrénaline qui courrait partout dans son corps, un cacheton de Xanax qu'elle digérait de façon aléatoire et qui lui offrait quelques hallucinations éphéméres sans grande importance, du type " Woah, tout tourne autour de moi !" , ce qui était en train de se passer et surtout ce qui allait arriver. Pour la première fois de sa vie, Shin risquait dignement sa vie. Et cela aurait pu la faire bondir de joie ... Mais elle se retint, se contentant d'entrer sagement, ses talons claquant sur le sol. Son regard se posa sur sols et plafonds, tandis quelle maintenait sa poigne sur le pied de biche qu'elle avait reçue comme un présent. Sur ce coup-là, elle ne devait pas faire l'idiote ...

Elle fit claquer sa langue contre son palais.

- Y'a rien, ici.

Elle ne vit aucune caméra ... Etait-ce parce que c'était une porte de service ? Putain, j'y connais rien.Elle se prit à avoir peur, et ce sentiment l'enchanta. Les multiples sensations que lui procuraient cette aventure l'amusaient follement. La peur de tout faire capoter, de se faire attraper ... C'était délicieux. L'adrénaline était, sans doute, une des meilleures peur qui soit.

- Que fait-on, ensuite ?

Demanda t'elle dans un sourire, hâtive de découvrir la suite des événements.

Ensuite? Il entra à son tour, et la dépassa sans dire un mot, la gratifiant d'un signe de main pour l'encourager. Le couloir bifurquait à gauche. Il se colla dos au mur à la manière d'un agent secret, et risqua un œil rapidement: quatre caméras dans le prochain couloir. Il y avait un tournant à droite, et un autre plus loin à gauche. Il mit sa main à hauteur de son abdomen, paume vers le plafond, et fit apparaître au-dessus d'elle quatre billes lumineuses et orangées. Elle tournoyaient lentement pendant qu'il s'adressait à Shin, en parlant bas:

"Je vais détruire les caméras qui sont juste là. Ensuite je prendrai la première à droite, et tu prendras la prochaine à gauche. Prends des précautions, ne reste pas dans le champ des caméras avant qu'on ait détruit le système de vidéosurveillance. Et si elles te gênent, tape dessus avec ton pied de biche."

Les petites sphères de feu se déplacèrent lentement pour se placer dans le couloir, puis fusèrent aussi vite que des balles de sniper pour détruire les caméras. Ça ne laissait pas de trace, c'était quand même moins chiant qu'un torrent de lave. Il commença à s'avancer, constatant qu'il avait encore une fois fait du bon travail. Puis il s'arrêta, joint ses deux mains et les écarta. Entre elles, une étrange boule de feu s'agitait et semblait vouloir changer de forme. Quelques secondes plus tard, il se tournait vers sa complice en lui tendant un chapeau identique au sien:

"Couvre ton visage avec ça, au cas où. Si jamais tu vois quelqu'un, détache une perle et lance-la lui. Elles sont en magma concentré, tu vois à quoi elles pourraient servir une fois éclatées..."

Il dépassa l'embranchement qu'il avait laissé à Shin et s'avançait. S'il ne se trompait pas, il devrait atteindre la porte du service près du comptoir de la réception. Elle, elle serait aux alentours des bureaux, et du coffre du grand patron. Actuellement, elle avait plus de chances que lui de tomber sur quelqu'un.