- Il y a un large rayon sur la littérature étrangère, européenne, asiatique, etc. Tu y trouveras surement ton bonheur...Oui, la littérature japonaise est un peu particulière. A part les classiques comme le Bushido ou le Hagakure...je n'en suis pas trop amateur.
Il s’y connaissait en termes de lectures classiques, et fort heureusement Andrea avait la chance d’avoir un frère extrêmement cultivé, qui lui avait appris non seulement la langue de ce nouveau pays qu’elle n’avait connu qu’à dix ans mais également sa culture, ses coutumes, son histoire. Aussi ne paraissait-elle pas complètement idiote dans un environnement comme une bibliothèque ou une simple conversation avec quelqu’un à propos des livres, véritables sanctuaires de connaissances et de découvertes. Et si elle avait nommé ce lieu parce que cela lui semblait le plus intéressant de revoir, Andrea ne le faisait pas non plus totalement au hasard. Car si elle avait bien profité de ses années lycée, cela avait été essentiellement dans la grande pièce aux étagères bien remplies. Son frère lui avait défendu d’approcher de trop près les garçons de son âge, et ses camarades féminines la détestaient, sans doute pour son attitude froide envers ses soupirants. De la même manière qu’elles l’aurait sans aucun doute mise à l’écart si elle y avait cédé. Dans tous les cas, l’étrangeté et la beauté étaient de très bonnes raisons à l’exclusion, sans avoir besoin de trop se justifier. Cela semblait alors normal de voir cette fille qui butait sur certains mots se perdre dans l’incompréhension d’un argot utilisé spécialement contre elle, ou de lui faire croire à des habitudes d’un établissement japonais simplement pour la piéger et la rendre ridicule. Alors oui, les livres étaient des amis.
Aussi Andy se sentait-elle impatiente à l’idée de revoir ses chers compagnons, les auteurs ayant marqué sa scolarité, des romans fantastiques venant d’Europe pour la plupart. Ou bien des livres plus historiques, lui permettant de faire la part des choses entre ce qu’elle entendait de la bouche de ses camarades et la réalité. Elle avait énormément appris sur son pays d’adoption dans les pages usées des manuels scolaires. Mais, coupée en plein élan de nostalgie, Aichiro rentra dans son jeu et laissa échapper un éclat de rire cristallin qui résonna dans le silence qui prenait place entre les murs de l’école. Elle aimait la légèreté qu’il conférait aux mots, alors qu’il restait non seulement fin mais également prévenant, en ne posant que des questions mesurées et en adaptant son comportement. Signe d’intelligence, cela lui octroyat un bon point même si Andrea se doutait bien que pour avoir gagné un tournoi de jeu de réflexion, Aichiro ne devait pas être stupide …
- Le club d'échec a était crée récemment, il y a moins d'un an je dirais... Et on est pas beaucoup. Deux ans...Les locaux ont bien changés, ils ont été rénovés surtout. Mais les élèves...Ce sont toujours les mêmes genres, les mêmes divisions, les bons, les forts, les pires, les intellectuels, les sportifs et tous ce genres de choses. Tiens, nous voilà arrivé ! Et en plus, cela semble encore ouvert !
- Il faut dire qu’ici bas, les rénovations devenaient indispensables … Je suis née un peu trop tôt, semblerait-il. Pour profiter des nouveaux locaux, bien sûr. Puisque les élèves sont les mêmes …
Sur ces mots, elle fit mine d’exagérer un regard inquisiteur qui détailla de haut en bas son guide qui, déjà, l’amenait à destination. Elle n’avait même pas mémorisé le chemin, et seule la porte de la salle accapara alors son attention. Moment de flottement, un peu particulier. Si bien qu’Andrea entendit à peine les mots de son interlocuteur, concentrée qu’elle était sur cette poignée encore branlante qui avait tant de fois épousée sa main pour l’emmener vers un monde meilleur, un univers d’évasion. En entrant, Andy laissa ses deux yeux azur s’ouvrir en grand, révélant toute la restriction que ses comparses japonaises subissaient chaque jour. Ses pupilles détaillèrent chaque détail, et la jeune femme fit un petit tour sur elle-même pour admirer les rangées de couvertures anciennes, remarquant l’apparition d’ordinateurs que le lycée devait avoir acquis récemment. S’avançant sans attendre qu’Aichiro ne l’y invite, Andrea promena sa paume sur les reliures connues ou nouvelles à ses yeux, savourant cet ambiance un peu lourde d’informations qui pesait toujours ici.
- Bien sur, cela a surement changé en deux ans. Cela ne devait pas être comme ça quand tu étais ici, non ? Si je me souviens bien, le rayon littérature étrangère est sur la gauche...Profitons en, tant qu'il y a personne. Tu cherches quoi exactement...si cela n'est pas trop indiscret ?
Prenant le temps de réfléchir, Andrea ne répondit pas tout de suite. Elle erra encore quelques instants sur l’ensemble de la pièce, son visage tournant de gauche à droite sans plus savoir où donner de la tête. Elle hésitait fortement, et la requête d’Aichiro lui pesait problème. Cette question ne faisait que créer un dilemme, tant elle voulait retrouver le bonheur des livres d’études mais aspirait également à autre chose, qui lui tenait particulièrement à cœur.
- Les rayons se sont agrandis, mais une bibliothèque ne change jamais radicalement. Trop d’histoire à faire bouger devient parfois difficile. Et pour te répondre …
Hésitation, petit sourire timide qui la faisait en cet instant ressembler à une petite fille perdue dans une chemise trop grande pour elle. Elle reprit, évitant le regard du jeune homme qui se ferait sans doute réprobateur.
- Tu vas te moquer, mais j’aimerai bien trouver un livre d’images sur mon pays. J’en avais feuilleté un voilà longtemps, et tant qu’à revenir ici …
C’était dit, elle se serait rendue ridicule.