La chaleur et l'évaporation de l'humidité hors du sol, rendait floue l'image d'une silhouette sombre, d'un chevalier noir à l'horizon, on pouvait deviner la poussière s'élevant en étranges volutes, dissimulant chacun de ses pas, un peu hésitants, qui étaient il y a de celà encore plusieurs jours, une marche fière, millitaire et déterminée, rapide et lègère, mais là, ils étaient bien lourds du poids de la fatigue, et de jours de marche, parfois de course à travers la lande.
Et ce foutu soleil tappait, bon sang, Khaléo secouait l'outre en cuir qui autrefois fut remplie au dessus de sa tête, de ses lèvres et sa gorge sèche, quelques gouttes, résidus de la condensation sur les parois internes tombèrent miraculeusement sur sa langue, puis glissèrent jusqu'au fond de sa gorge, humidifiant enfin ses cordes vocales, ce qui le fit tousser, et s'agenouiller par terre, prenant une bonne bouffée de poussière soulevée par sa chute qui annula tout bénéfice qu'avait pu lui procurer ces quelques gouttes d'eau.
Il referma l'outre en jurant, resserrant les lanières de cuir à cet effet et la rattacha à sa ceinture, sa cape munie d'une capuche le protégeait bien sommairement de l'agression de l'astre céleste, en plus de servir de véritable serre retenant la chaleur dans son armure, il serra les dents tout en empoignant fermement ses genoux, et il se releva pour continuer sa route, plaçant sa main au dessus de sa ligne de vue, trouvant enfin les formes floues qui se déclaraient à ses yeux comme un mirage au loin, l'illusion d'une ville.
Les cliquetis métalliques des diverses pièces de son armure rythmaient sa marche, encore un peu et il pourrait prendre un repos bien mérité, quelque part dans cette grande cité, ça faisait longtemps qu'il n'avait plus marché aussi longtemps avec tout son bardas sur le dos, les petits contrats de mercenariats proposés par les villes et villages aux alentours de la capitale, c'était pas mal pour se remettre un peu dans le bain, mais ça ne payait jamais aussi bien que les petits soucis des noblions qui offraient des contrats parfois idiots pour des sommes alléchantes.
L'appat du gain ? Peut être, mais pour des bonnes raisons, la forêt n'offrait pas son pesant de ressources naturelles pendant l'hiver afin qu'il survive, ça le poussait en dehors de son habitat qu'il considérait "naturel", mais jamais sans une forme de conscience, il a déjà été soldat et quoi qu'on en dise il garde certains principes fondamentaux, il analyse toujours un contrat avant de s'engager, mais ça ne l'empêche pas de se faire avoir de temps en temps et d'être utilisé à des fins peu glorieuses, et de celà il s'en mord parfois les griffes.
S'il se retrouve à marcher, c'est également parce qu'on à réussi à lui voler la chariotte et les chevaux qu'il venait de troquer contre la tête de plusieurs bandits sévissant dans les champs et les fermes autour du Nexus, il avait juste cédé à une tentation bien commune aux félins, celle de se prélasser sous l'ombre de la bâche de la chariotte et de s'endormir en laissant le véhicule suivre la route, une bande de voleurs ont eu vite fait de l'attacher pendant son sommeil et de le jeter comme un vulgaire sac de pomme de terre sur la route.
Ca lui avait pris du temps, tout d'abord, beaucoup de temps pour entammer le baillon avec ses dents, faut dire qu'il n'avait pas beaucoup d'espace pour "mâcher" la bouche grande ouverte par ce dernier, mais avec la puissance écrasante de sa mâchoire, et un peu de salive, il eut réussi à ramollir la "chose" puis la déchirer avec ses dents, ensuite vint le temps de trancher le bout de cordage retenant ses chevilles avec ses dents, mais la chariotte avait déjà disparu de l'horizon.
Pour finir le tout il se déboita l'épaule pour se libérer des cordes attachant ses bras, trop serrée autour de son corps au point tel où il avait du mal à respirer.
Bref, après toutes ces péripéties, il n'en demandait pas tant vous vous en doutez bien, le soleil était en train de se coucher, il ferait bientôt nuit et il était enfin aux portes de de la ville mais n'avait pas fière allure, son armure poussièreuse reflettait encore quelque peu l'environnement par tâches noires, huilées de tallum, sinon il était recouvert de poussière grise, terreuse de la tête aux pieds.
A boire... c'était la première chose qui lui traversait l'esprit.
Celà faisait longtemps qu'il n'était plus venu dans cette ville, il avait déjà du mal à se rappeller comment était gouverné cet e,drpot il y a de celà plusieurs siècles, alors ne lui demandez pas s'il connait tel ou tel dirigeant ou homme politique il n'en sait foutre rien et c'est loin d'être dans l'ordre de ses priorités en ce moment...
Boire...
Son armure semblait encore fumer de la chaleur qui à légèrement dilaté son métal en cours de journée, si on écoutait bien on entendait les jointures et le métal de certaines plates articulées travailler de petits -tic-tic-tic-tic- répétitifs et courts, il cuisait la dedans, mais heureusement la fraîcheur de la nuit tombante était en train de le soulager.
Boire !
Et voilà, c'était une fois de trop, il s'approcha de l'abreuvoir à chevaux en face d'une grande bâtisse, et se pencha pour boire dedans, tant pis, jusqu'a y tomber à la renverse, l'eau se mit à s'évaporer doucement autour de lui, comme s'il était une pièce de métal forgée qu'on plongeait dans de l'eau pour la refroidir, il soupira d'aise en se laissant "baigner" quelques temps la dedans.
Bien sûr quelques regards courroucés se portèrent sur lui, c'était là aussi le cadet de ses soucis, il se releva quand il eut envie de se relever, secouant son corps nerveusement et rapidement pour s'essorer, ses pas étaient foutrement discrets maintenant, à chaque fois qu'il posait son pied à terre, le cuir et le tissus trempé s'écrasant exprimait son enthousiasme par quelques "-SPouitCH-" assez ridicules.
Il était temps de trouver un endroit où passer la nuit, et en se retournant sur lui même il se rendit compte qu'il n'était pas tombé dans les rues les plus rassurantes, ni mieux fâmée de cette cité, en fait ça ressemblait plutôt à un coupe-gorge, les maisons en vieux torchis et les ruelles mal entretenues, voir sales ainsi que la mine de ce boucher, là bas qui me fixait d'une mine peu rassurante en faisant sauter sa trancheuse entre ses mains, laissaient à penser que nous nous trouvions dans les sphères sociales les plus basses, et donc pas forcément l'endroit où Khaléo pourrait trouver un contrat qui rapporte plus que la moyenne.
Ayant un peu de mal à s'y retrouver, il s'engouffra dans les dédales de ruelles labyrinthiques de la basse ville, cherchant du regard si l'architecture des habitations évoluait au fil de sa progression, mais avec son sens de l'orientation et sa méconnaissance des lieux, il avait vite fait de perdre son temps et de tourner en rond, voir de carrément se perdre dans cet endroit.
Et Enfin, miracle, il déboucha sur une ruelle qui donnait sur l'auberge et avant qu'il ne fasse complétement noir, Cette auberge, elle avait l'air sympathique de l'extérieur, belle et épaisse charpente en bois, grosse pierre de taille, sur laquelle il pose sa main pour en sentir l'âge sous la paume, parfait...
La main de la créature saisit la poignée, la tournant légèrement avant de la pousser, et les clients présents peuvent maintenant apercevoir une grande silhouette, de plus d'un mètre nonante à vue d'œil, une capuche, noire, bordée de la crinière d'un lion blanc, cache un visage étrange, dont on ne peut pas voir grand chose, car enfoui dans les ténèbres épaisses formées par la capuche, seul, un regard, la lueur d'un regard, fauve, sauvage, dont la pupille est légèrement fendue, et arrondie en son centre, perce, prédateur et méfiant les ombres pour scruter la salle tandis qu'il s'avance lentement, ses épaules et une partie de son torse jusqu'à la taille est recouvert d'une cape,au dessus d'une cuirasse de métal bien abimée par le temps et les nombreux coups d'épée encaissés, la cape repasse au dessus de ses épaules.
Alors qu'il s'approchait du comptoir il entendit quelque chose qui sonnait comme le début d'une rixe :
-Eh nabot, bouge ton fion de là, mes copains et moi on veut s'installer ici et là, tu nous gênes. En plus, tu enfumes tout le monde avec ta saleté de pipe.
suivie d'une réplique cinglante provenant d'un petit être en armure, qui, grâce à une langue qu'il ne gardait pas dans sa poche, gagna instantanément toute sa sympathie dans sa façon de ne pas se laisser "marcher" dessus, malgré sa taille :
-Écoute petit, il y a de la place ailleurs alors ne vient pas me faire chier et puis, que je sache, c'est pas un établissement non fumeur ici alors je fume, si t'es pas content, va voir ailleurs. Ah encore une chose, excuse toi sur-le-champ si tu veux pas que je te botte les fesses et te foute la honte devant tout le monde, je ne suis pas un nabot, je suis un nain.
La suite, Khaléo ne la trouva pas drôle du tout, enfin, surtout les premières secondes où ce petit con avait osé porter la main sur un vieux nain à la barbe grisonnante, faisant preuve d'une certaine lâcheté, et la bourgeoisie ambiante s'en donnait à coeur joie pour rigoler de la scène, c'était honteux et lâche de s'en prendre a des personnes âgées, Khaléo avait déjà empoigné le manche de son énorme "poutre" de métal aiguisée, planquée dessous sa cape dans son dos, faisant un premier pas dans leur direction parce qu'il ne venait à personne, apparemment l'idée de lever le petit doigt pour aller l'aider, prêt à jouer de ses épaules pour bousculer ce ramassis de connards et leur donner une leçon.
Leçon, qui venait dors et déjà d'être donnée d'une façon remarquable par l'étonnante manière de se battre du petit bonhomme, c'était agréable de voir qu'il était plus qu'à la hauteur de la teneur de ses propos en retournant la situation, laissant les "spectateurs" sans voix pour quelques secondes, avant de se remettre à rire, mais plus personne n'oserait rire du nain, cette fois.
En mauvais perdants déloyaux que ces humains étaient, ils s'agglutinèrent autour du nain en se saisissant de chaises, de bouteilles cassées sur le comptoir ou des tables, certains sortaient leurs couteaux où même leurs armes, la haine était tenace ici, ils n'avaient pas compris la leçon de vie essentielle à laquelle ils venaient d'être confrontés, Khaléo n'allait pas laisser faire, et sa manière de faire n'avait rien de très subtile, juste efficace en attrapant le pantalon de l'un par derrière au niveau du postérieur, et de l'autre main, il se saisissait des cheveux pour aller assomer de toute sa force l'un d'entre eux contre une des poutres en chêne massive de l'établissement.
Ce qui déclencha une bagarre dans ce coin de la taverne, le prochain fut attrapé par la gorge dans son élan, alors qu'il courrait vers le nain avec sa bouteille brisée, tellement brutalement "stoppé" dans sa course que ses jambes s'élevèrent du sol pour qu'il effectues un "soleil" inversé avant de briser une table avec son dos, aidé de la force pistonnée du bras de la créature qui l'avait "plaqué" sur cette même table à la fin de sa pirouette.
Mais même s'il en choppait l'un, où l'autre à la volée, Khaléo n'était pas capable de tous les empêcher de s'en prendre au nain vu le nombre qu'ils étaient, lui même fut obligé d'esquiver une chaise volant très bas, avant d'assurer sa propre protection désormais, d'un coup de genouillère métallique dans les valseuses d'un type avant d'attraper sa tête pour la percuter deux fois contre la table et le laisser choir au sol.
Un coup de couteau qu'il n'avait pas vu venir, dans son dos, aurait sans doute pu mettre fin à son intervention s'il n'y avait pas, sous sa cape une lame d'une épaisseur qui prenait presque toute la largeur de son dos, la lame du couteau transperça la cape pour se briser contre le plat de son épée, dans la foulée, il n'avait pas eu le temps d'adresser la parole au nain, espérant qu'il ait compris, d'une façon où d'une autre, qu'il était de son coté dans cette histoire.
D'une main plongeant dans l'une de ses pochettes, et afin d'handicaper un peu la progression de leurs agresseurs dans la pièce, il dispersa une petite dizaine de chausses trappes triangulaires à pointes d'acier au sol, chose qui s'avéraient très douloureuses lorsqu'on posait, et écrasait sa semelle dessus, transperçant leurs godasses jusqu'à la plante des pieds.
Mais Khaléo n'était pas en très grande forme après tant de jours de marche, il avait même perdu du poids et la fatigue faisant, ce soir il n'était pas capable de réflexes d'une vivacité exemplaire, se prenant un premier pied de chaise en travers de la gueule, qui l'envoya valdinguer contre une paire d'individus, qui le relançérent aussitôt dans la bagarre en le poussant dans le dos.
Malgré tout ils opposaient une sérieuse résistance et les blessés au sol se retiraient peu à peu pour que le nombre d'intervenants diminue à vue d'oeil.
Alors qu'il était en plein millieur d'une rixe, il s'adressa au tenancier de l'auberge d'une voix haute et claire :
"-Taulier ! Ma gorge est sèche et mes pieds fourbus, et comme je n'suis pas encore dans la dèche sert moi donc un verre de ton cru !"
Tout celà annonçait dors et déjà une soirée haute en couleurs...