Trinh "Coralie" « Merde ! Merde merde merde ! Ah ! Merde ! »Trinh avait encore abusé. La jeune succube pensait avoir trouvé la planque idéale pour démarrer sa vie de petite démone suceuse de vie sur les chapeaux de roue, tirant une belle quantité d’énergie vitale des nombreuses victimes venant assouvir leurs vices au club des Nyoras. Ces transformistes empaffées n’avaient pas repéré la croqueuse d’âmes derrière les traits doux de
Coralie quand elle avait débarqué chez elles.
Coralie avait un sacré succès, en vérité, avec sa beauté plutôt commune, mais son style chic, son physique qui criait avec peine vingt ans et le regard de braise avec lequel elle conduisait les hommes à leurs pires pensées avant même de leur parler. En peu de temps, elle avait vu et pris un paquet de queues et dégusté son lot d’abricots. Elle s’éclatait et se laissait vivre sans peine. Elle perdait de vue l’essentiel, ceci dit : sa couverture et sa sécurité.
Ce n’était pas la première fois qu’elle y allait trop fort, et, cette fois, elle sentait que les Nyoras ne pourraient plus détourner le regard. Elle avait tenté d’appeler un incube avec lequel elle avait eu l’habitude de s’envoyer en l’air pour le fun dans ses jeunes siècles, espérant qu’il pourrait rendre à la cliente un peu de couleurs, mais en vain. Les choses ne fonctionnaient pas comme ça et le Démon lui avait partagé son inquiétude avant de s’éclipser de nouveau –et il ne s’inquiétait pas que pour les Nyoras–.
Coralie avait hésité à sortir de la chambre, craignant l’accueil des matrones des lieux, réfléchissant à ses options. Trop jeune, elle ne pouvait pas se déplacer d’ici aux Enfers. Il lui fallait une conjuration ou un portail et, sans assurance de l’un, elle devait se mettre en quête de l’autre. Il fallait qu’elle parte d’ici.
Sa décision prise, elle était sortie et avait senti les regards braqués sur elle –Yor et Aya, les pires !–. Elle avait tracé jusqu’aux vestiaires et, rendue seule, avait essayé de se transformer pour brouiller les pistes. Mais elle était inexpérimentée et stressée. Elle n’arrivait pas à se changer et, avant même de pouvoir espérer duper les Nyoras en changeant de visage, elle avait été prise.
Rassemblant tout ce qu’elle pouvait de malice et de confiance, Coralie put afficher une expression surprise et confuse à la rude interpellation dont elle faisait l’objet. Elles avaient l’air très, très en colère. Elle marchait sur des œufs et elle en avait conscience, pourtant, la charge d’Aya se heurta à un froncement de sourcils contrarié et à un retroussement de nez fâché.
« Mais ça va pas ?! Vous dites que je porte quoi, au juste ? C’est dégueulasse de m’accuser de ça ! J’ai passé tous vos tests et je suis une de vos meilleures gagneuses ! »Elle opposait au ton renfrogné des Nyoras le sien, faisant barrage au mur d’accusations. Mais sa résolution était bien plus fragile qu’elle pouvait bien le laisser penser. Les Démons étaient doués pour paraître et faire croire des choses, mais le mensonge était une chose des plus difficiles pour eux, paradoxalement. Encore inexpérimentée, celle-ci ignorait si elle pouvait se sortir de cette galère, et elle esquissa des mimiques qui trahirent malgré elle sa culpabilité.
Son angoisse éclatait comme une balise de détresse –une balise dont on captait déjà le signal en Enfer–.
« Et puis, quoi, euh, hein ? » Elle croisa les bras et s’appuya sur une jambe avec l’air le plus digne qu’elle pouvait encore afficher.
« Si c’est comme ça, vous bilez pas, hein, je me barre ! Je vais pas supporter ça quand même ! »Elle aurait presque pu être convaincante. Si seulement elle n’avait pas été si dubitative de ses propres chances ! Aya et Yor pouvaient clairement voir que quelque chose était louche chez elle et elles avaient de bonnes raisons d’enquêter, ne serait-ce que pour s’assurer que leur cliente malade pouvait être guérie.