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Les tribulations d'Oldham ~ Winnirvi🎔

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Hirvieläin

Terranide

Les tribulations d'Oldham ~ Winnirvi🎔

vendredi 05 mai 2023, 03:29:39

Il y a quelques semaines de ça, la disparition de Winnie était devenue officielle. La petite communauté d’Oldham s’était mise en effervescence et les parents de la belle avaient laissé flotter le mystère, refusant de dire si elle avait été enlevée ou si elle avait fugué. Hirvi, lui, avait bien son idée : il se prenait souvent à la guetter de loin et, ce jour-là, ce jour caniculaire où il s’était reposé à l’abri des arbres, il l’avait vue avec un humain, grand, aux épaules larges, à l’allure de guerrier, entrer dans la salle des cérémonies.
Il les avait regardés disparaître à l’intérieur avec stupéfaction et s’était retenu d’aller les espionner. Sans doute avait-il préféré ne pas savoir, et il s’était même éloigné, rentrant chez lui pour ne rien entendre. Il ne l’avait pas vue les jours suivants et, quand son absence avait été confirmée, il n’avait pas été si surpris que ça. Il s’était juste senti las et vide, tout d’un coup, à l’idée que son amie Winnie soit partie avec un étranger. Ils avaient si souvent parlé de mettre les voiles et elle avait jeté son dévolu sur quelqu’un qu’elle ne connaissait même pas, et il avait eu du mal à l’encaisser. Il s’était enfermé dans le silence en lui souhaitant simplement de réussir.
Et puis, Winnie était réapparue. Les parents ne firent pas de commentaire et personne n’insista, les rumeurs se taisant vite, l’ignorance classique des petits villages imposant sa loi, omerta étouffante dans laquelle tout le monde était complice. Personne ne disait rien mais tout le monde était d’accord : cette dévergondée avait filé avec un galant et s’était faite abandonner sur le bord de la route. Elle était sûrement en cloque, c’est pour ça que ses parents ne disaient rien.
Hirvi n’avait pas participé aux radotages, et on ne l’y invitait pas. Ce n’était pas un secret que le grand benêt était le seul à apprécier la compagnie de cette catin en puissance. Il avait gardé ses distances, tant par dépit qu’à cause de la surveillance de ses parents.

Puis, les fiançailles avaient été annoncées et il n’avait pas réussi à rester de marbre.
La manœuvre était classique et très claire : on rachetait une vertu à Winnie en la mariant à un type prêt à prendre une jeune femme à la réputation ternie pour une dot de misère. On ne regardait pas trop le caractère ou les affaires, ni même l’âge ou la réputation. L’important était que Winnifred soit mariée, commence à pondre des marmots légitimes et devienne un bonne maman respectable. Il en était ainsi.
Et le cœur du cervidé, depuis longtemps acquis à la rouquine, ne l’avait pas supporté. Ce soir-là, il bravait le couvre-feu et le danger pour traverser Oldham, fondu dans les ombres. Vêtu d’habits et d’une cape d’un vert aussi sombre que possible, il avait évité les lumières et glissé des abords de la forêt jusqu’au commerce des lyras en bord de route. Il avait rassemblé toutes ses forces et sa délicatesse à la fois pour grimper la façade en silence, glissant le bout de ses sabots dans la moindre aspérité pour se hisser jusqu’aux colombages de l’étage et glisser sa tête prudemment à la fenêtre de son amie.
A l’intérieur, une petite lampe diffusait encore une lumière mourante. Il dessinait à peine les contours, mais il put juger que Winnie était seule dans son lit et que personne n’était avec elle. Alors, agrippé à la façade, avec assez de force pour faire un peu de bruit et assez de douceur pour ne pas risquer d’attirer l’attention, il tapota du bout d’un bois contre la vitre, cherchant à attirer celle de la lapine, pour qu’elle lui ouvre et vienne lui ouvrir.

Winnifred

Terranide

Re : Les tribulations d'Oldham ~ Winnirvi🎔

Réponse 1 mercredi 31 mai 2023, 11:41:24

Inconsciemment, elle rattachait Hirvi à Oldham, et par extension à sa prison… Ils s'étaient imaginés, plusieurs fois, quitter le village, tous les deux. Pourtant elle n'arrivait jamais à sauter le pas, repoussant sans cesse le départ, fuyant l'idée même d'une excuse bidon à lui donner. Pourtant, elle était toujours soulagée de le retrouver. Il lui procurait quelque chose d'inexplicable, d'assez paradoxal : sorte d'apaisement couplé à un trouble léger qui se manifestait par des papillons dans le ventre.

Ces émotions vinrent la frapper quand elle aperçut le doux visage de son ami d'enfance derrière le carreau sale de la fenêtre de sa petite chambre de fortune. Ses parents le lui avaient aménagée depuis sa toute récente escapade, pour l'y enfermer. Ca faisait maintenant quelques jours qu'elle dormait loin de ses frères et soeurs, et même si l'idée d'avoir son propre lit était plutôt agréable, Winnie commençait à se sentir trop seule. Elle avait eu le temps de finir un roman, de compter les stries sur les planches de vieux parquet de la pièce, de capturer les quelques insectes qui se baladaient dans la chambre pour les enfermer dans un verre. Tout avait été bon pour s'occuper un peu l'esprit, et ne pas penser à ce qui l'attendait très prochainement : son mariage.   

La Lyra accourt vers la petite fenêtre à guillotine. Le bois était tellement vieux et humide qu'elle eut du mal à soulever le premier pan. Elle se retrouve face à Hirvi, suspendu au-dessus du vide. Le regard humide, son corps parle pour elle. Elle l'enlace, comme s'il était son dernier espoir. Winnie prononce son nom dans un chuchotement, à moitié étranglé par un sanglot. Puis elle l'attire dans la petite pièce sombre, pour qu'ils n'attirent pas l'attention.

J'pensais que toi aussi tu m'avais tourné le dos. Qu'est-ce que t'as foutu pendant tout ce temps ?

Le reproche était quasiment noyé par le soulagement de le voir.

Oh Hirvi... Je suis dans la merde... chouine-t-elle.
« Modifié: jeudi 15 juin 2023, 09:30:13 par Winnifred »

Hirvieläin

Terranide

Re : Les tribulations d'Oldham ~ Winnirvi🎔

Réponse 2 mercredi 07 juin 2023, 04:38:41

Sa position précaire s’était améliorée dès que la Lyra avait ouvert sa fenêtre. Hirvi avait croisé le regard embué de Winnie avec une moue compatissante, accompagnée d’une humidité nouvelle voilant son propre regard. Il ne supportait pas de voir son amie triste. Il avait toujours été là pour elle, pour toutes ses peines, depuis qu’elle avait été petite. Déjà quand ils étaient enfants, il la consolait lorsqu’elle s’écorchait les genoux et courait à son aide quand quelqu’un chipait sa poupée ou un de ses jouets. Il avait toujours été attaché à elle, d’une façon différente à chaque âge. Ils avaient toujours été inséparables et, pourtant, jamais au clair quant à ce qu’ils cherchaient et trouvaient l’un en l’autre. Peut-être ce statu quo incertain et flou les aidait-il à ne pas prendre de décision irréversible ? Ce genre de décision les aurait pourtant aidé à ne jamais en arriver là, sans doute.
Elle n’avait pas une force énorme, Winnie, pourtant c’était comme si l’étreinte de ses bras le retenait sans effort. C’était bien lui qui s’y attachait sans même y penser, tenant toujours avec précarité mais avec une aisance bien plus grande maintenant qu’elle était là et qu’elle le touchait. Il aurait aimé lui rendre son étreinte –son sanglot lui arrachait le cœur–. A la place, il se dépêcha d’entrer par la petite lucarne, conscient d’être tout sauf discret ici. Il fit en sorte d’être aussi silencieux que possible, prenant garde à ne rien toucher de ses bois, et glissa presque comme un serpent à l’intérieur, se contorsionnant pour trouver appui sur un de ses sabots couverts, puis les deux.
Heureux d’y être arrivé, il se tourna vers la rousse avec un sourire mais fut accueilli par un reproche. Son sourire se fana et il exprima sa peine en silence par la tristesse de son propre visage. Que pouvait-il bien dire en retour ? Que sa famille la gardait comme un trésor maudit ? Il n’avait pas non plus essayé de réclamer de la voir. Il savait comment ça aurait fini, mais il aurait pu essayer. Elle aurait pu l’entendre. Avachi, il s’assit au sol en se grattant un bras distraitement.

« J’ai pas pu venir plus tôt, » finit-il par s’excuser, inexcusable mais sincère au moins. « Avec le mariage qui approche et sans histoires depuis ton retour, ils ont enfin baissé leur garde. »

C’était vrai que la famille de Winnie avait commencé à se relâcher, se contentant de la garder sous clé désormais sans trop se soucier des visiteurs et des quolibets. Bientôt, leurs problèmes seraient résolus, après tout.
Le cervidé releva ses yeux sombres sur la lapine et son cœur se pinça en la voyant si dévastée. Lui-même ne savait trop quoi penser de ce mariage à venir. En vérité, au fond de lui, il était désespéré. Il lui semblait que son amie allait lui être enlevée et allait devenir la femme d’un inconnu, la mère d’enfants braillards et une bonne maîtresse de maison lyra sans temps à accorder aux distractions. Mais, plus profondément, il détestait l’idée qu’on lui enlève cet espoir inavoué et jamais assumé d’être son homme à elle.

« C’est sûr que c’est pas jouasse. Les gens sont pas doux avec toi. Et personne ne parle de cet étranger... »

Cet aventurier mystérieux qu’elle avait suivi à Zon’Da, et qui l’y avait laissée sur les roses avant de disparaître –un vrai salopard !–, méritait bien les blâmes pour cette histoire. Winnie n’avait fait que suivre ses émotions et ses rêves d’aventure. Elle n’avait rien fait de mal. Hirvi se doutait bien de ce qu’ils avaient fait –il les avait entendus, un peu, dans la tente–, mais il ne pouvait pas lui en vouloir. Il avait eu envie de lui en vouloir, mais son affection avait chassé la rancœur rapidement, comme toujours.

« Tu sais, personne me voit vraiment bien ici non plus, alors… Je veux dire que si tu voulais t’enfuir, je pourrais peut-être trouver un truc… »

Trouver quoi ? Il n’en avait aucune idée. Il n’avait pas les connexions. Et était-il vraiment prêt à laisser Oldham derrière lui ? Il n’en était pas sûr, d’autant qu’avec une ère semblant se fermer, ses perspectives d’avenir devenaient incertaines dans son esprit. Et puis, il allait avoir ses propres changements.
Torturé par ces pensées, il se redressa sur les genoux pour se pencher sur Winnie et l’étreindre à son tour, posant son visage dans son cou.

« En tout cas, moi, je t’aime toujours, tu sais. »


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