Le dos contre la porte, les iris de la comtesse commençaient faiblement à percevoir quelques objets plus près dans la pièce. Tapis, plafond, chaise, base du lit. En réalité, elle n’avait guère réellement l’envie de pouvoir tout voir ; certains diraient que son intuition féminine l’alarmait de ce qui se tenait devant elle. D’autres diront qu’elle n’était tout simplement pas idiote de penser que cet homme n’avait rien derrière la tête à une heure pareille et surtout, dans sa chambre. Ses lèvres se pincèrent lorsqu’enfin elle comprit. La nudité de l’homme devant, l’arrogance qu’elle décelait dans son ton de voix plus tôt rassurant, maintenant agaçant. Faire tomber les masques, allait-elle réellement le faire?
Les landes d’Ashnard sont reconnues pour toutes sortes de mauvaises rumeurs. Comment se pourrait-il qu’une famille de femme si pure, si douce puisse vivre sans avoir de visiteurs la nuit, de foudre du roi? Secret, tout ça n’était que des secrets…
Ses mains se relâchèrent tout en lenteur alors que Layne vint redresser son dos, gardant une distance moindre entre elle et la porte mais raisonnable entre elle et le Don. À sa première phrase, elle répondit.
« Mes domestiques sont au courant. » Siffla-t-elle du bout de ses lèvres d’un ton qui, si on y prêtait réellement attention semblait épris d’un brin d’arrogance. Elle devinait, en le voyant nue, en se remémorant ses demandes, sa dite gentillesse, ses servantes aux colliers… Son beau sauveteur n’était rien de plus qu’une ordure, comme celles dont sa mère la protégeait en l’isolant entre quatre murs, jadis.
Le bonheur d’un adieu simple en tout terme ne pouvait visiblement pas être tenu. Les sourcils de la comtesse se froncèrent un instant sous la demande de son hôte, plissant un peu ses traits en cachant dans l’ombre l’agacement qu’elle éprouvait, qu’elle laissait transparaître. Non. C’était le seul mot qu’elle pouvait et voulait dire. Le au revoir s’en suivrait suivit d’un claquement de porte et ainsi de suite. Mais derrière cette dite porte, qui lui garantissait qu’on ne l’attendait pas avec cordes, jouets, et cetera? Son titre pouvait lui être utile si alors le Don visait plus haut que de simples esclaves, de simples arnaques. Il était sur qu’en voyant les ficelles de son piège, Layne comprenait qu’il ne vivait que de ça. Si l’or lui manquait, elle pouvait lui en donner. Si le titre lui manquait… Elle pouvait… Le marier…
Cette simple pensée fit frissonner tout le corps de la belle, lui extirpant une fine moue de dégoût. Oui, elle savait bien que l’homme qui lui serait attitré ne lui plairait pas, mais delà à épouser un revendeur d’esclave ; il fallait vraiment qu’elle soit dans de beaux draps.
Oh, Ares… Pourquoi n’est-il là que pour lui briser le cœur?...
« Oh, je n’oserais prendre les quelques piécettes qui vous restes, Don. Déjà hier de vous en faire voler était pour vous une raison de vous mettre en colère ; je ne me permettrais pas d’en prendre. D’autant plus que, et vous en conviendrez, je ne manque aucunement d’or. » Les yeux plissés et le ton de voix se voulant tout aussi arrogant que le premier, la belle se décrispa en se tassant un peu de la porte, décalant son corps vers la gauche. Ses yeux maintenant habitués à l’ombre, elle laissait vaguer ses iris dans la pièce, cherchant une solution à ce qu’elle voyait inévitable. Elle, se donner à un homme comme lui? Déjà, le masque de sa personnalité avait commencé à tomber. Douce, aimable, serviable était passé d’arrogante, sarcastique et agacée. Tout en marchant d’un pas très léger, le dos droit et l’allure noble, Heilayne s’approcha de l’une des fenêtres, glissant le revers de sa main contre le tissu qui couvrait les carreaux pour laisser glisser son regard à l’extérieur. Sans jamais regarder son hôte.
« Il y a sans doute quelque chose qui vous satisferait, que vous désirez qui pourrait vous faire changer d’avis sur le sort que vous me réservez depuis… J’ose dire depuis que vous m’avez piégé, rencontré. » Elle marqua une pause, laissant le dessus de sa main venir caresser d’un geste tout naturel le satin du rideau avec lenteur, une très grande lenteur… « Terres, or, femmes, titre…? » Ses paroles, plutôt fortes avaient baissés d’un cran, passant du parler au susurrement, comme incertaine.