Il n'était pas facile de déceler ce qui se tramait dans l'esprit de la Sorcière, alors qu'elle l'écoutait parler, et qu'il partait dans une longue tirade. D'aucun aurait estimé qu'amener l'ensemble de son discours et de ses demandes, arguments qui plus est, soit une erreur dans ce jeu de négociation, mais le visage de Thiana ne révélait rien.
En l'écoutant, elle buvait du vin à petites gorgées, et le temps semblant long, elle vint même contourner son bureau pour s'y installer, croisant les jambes en l'observant. Pas une seule fois, elle ne le lâcha du regard, comme pour percevoir chaque mimique, chaque détail qui pourrait lui donner davantage d'informations. Peut-être sur ses réelles intentions ? Pour la Magicienne, c'était assuré, Yazill avait des filouteries en tête, mais elle se gardait de le dire, attendant patiemment qu'il ait fini de parler.
"Donc. Tu veux vivre avec ma servante et en user comme bon te semble, tout en gagnant quelque pécule grâce à tes moustaches et ta langue bien pendue ?"
Le verre fut déposé doucement, et elle s'accouda sur le bois dont le vernis avait subi, visiblement, plusieurs incidents alchimiques divers. Thiana ne paraissait pas mécontente, et si elle était surprise de sa demande, elle le cachait très bien. Tant qu'elle réfléchissait, Yazill put remarquer que ses yeux turquoises et vifs allaient de son regard à ses lèvres, comme si elle cherchait à déceler la moindre entourloupe.
"Tu dois être bien plus efficace sous cette forme, derrière un comptoir." Fit-elle, cette fois avec un petit sourire au coin des lèvres.
La Sorcière, si c'était positif, n'avait pas encore refusé tout en bloc... Mais clairement, elle ne sautait pas de joie.
"Alecto ne te refusera rien, évidemment, puisque tu es une pauvre chose errante qu'elle aura à cœur de sauver, et tu as déjà réussi à te glisser dans son lit en quelques heures, très facilement. Mais je crois que tu n'as pas bien compris... Elle m'appartient, comme je possède mes bottes. Je choisis comment je les entretiens, et si j'accepte qu'elles soient portées par quelqu'un d'autre. Alors, oui, excuse-moi, mais ce que vous faites la nuit, peu importe ton apparence, me regarde."
Elle eut un rictus, un peu dédaigneux, qu'elle chassa, avant de reprendre.
"Pour le moment, elle est effectivement très enthousiaste, ta présence la fait travailler avec plus d'ardeur et de joie. D'ici quelques temps, elle souffrira. Soit parce que tu te seras lassé de son caractère trop mollasson et gauche, soit parce que tu l'auras engrossée, soit parce que Milla ou n'importe quelle autre créature te semblera plus appétissante. Travaillera-t-elle toujours aussi dur ? Et quand tu auras décidé de reprendre la route... hein ? Dans quel état la retrouverai-je ?"
Étrangement, Thiana semblait véritablement se préoccuper de cette question. Peut-être même plus que les problématiques de collaborateur et d'employé, de salaire, de conditions. Ses sourcils étaient légèrement froncés, graves, lorsqu'elle parlait posément.
"Je m'assure qu'aucun mauvais songe ne la brise plus qu'elle ne l'est déjà, depuis qu'elle est sous ma protection. Alors si tu as l'intention de respecter ce marché que tu me proposes, j'émets cette condition. A ton départ, au moindre incident, à la moindre déconvenue ou déception. Alecto n'aura plus aucun souvenir de toi. Le cas échéant, elle n'aura pas non plus l'occasion de te donner d'héritier."
A cet instant, la Sorcière délaissa le visage de Yazill et ses yeux fixèrent la porte d'entrée, un petit moment, avant de reprendre, se servant du vin alors que sa coupe était vide. Elle reporta son attention sur le Terranide, détaillant finalement sa tenue, hochant légèrement la tête pour elle-seule.
"Je réclame trois soirs sous cette forme, en salle. Tu me laisseras choisir ta tenue. Ce corps devrait attirer des matrones, et ton autre petit corps poilu saura les attendrir."
Sans gêne, comme on analyse une marchandise, elle le regardait de haut en bas, semblant calculer les potentiels de cette forme nouvelle, et les effets sur son chiffre d'affaires, d'ici un mois.